Interview de M. Gabriel Attal, ministre chargé des comptes publics, à BFMTV le 5 décembre 2022, sur la crise énergétique, l'inflation, le Covid, la lutte contre les fraudes et les cyberattaques.

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Média : BFM TV

Texte intégral

APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour Gabriel ATTAL.

GABRIEL ATTAL
Bonjour Apolline de MALHERBE.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous êtes le ministre délégué chargé des Comptes publics, autrement dit ministre du Budget. On va évidemment parler sous avec vous, notamment de ce "quoi qu'il en coûte" qui était terminé. Et puis, comme le Covid revient, je vais vous demander si le "quoi qu'il en coûte" pourrait revenir aussi ? Mais d'abord, pas de panique, on va tenir l'hiver, voilà ce que nous dit Emmanuel MACRON. Moi, j'ai hyper envie de me dire : pas de panique, on va passer l'hiver. Mais en vrai, est-ce que vous êtes rassuré ?

GABRIEL ATTAL
Si on est capable tous de faire les efforts nécessaires, que ce soit les entreprises, l'État, les collectivités locales, et chacune et chacun d'entre nous, il n'y a pas de raison qu'on ne traverse pas l'hiver dans les meilleures conditions possibles. Maintenant, il faut se préparer à tous les scénarios, c'est ce qu'on a fait, ça a été abondamment commenté, mes collègues du Gouvernement se sont exprimés sur le sujet. Et oui, il y a une responsabilité collective. Vous savez qu'on a donné des outils aux entreprises ; que par ailleurs, nous, l'État, on a mis en place aussi un plan de sobriété pour agir et limiter, réduire au maximum notre consommation. On travaille aussi évidemment avec EDF pour que nos réacteurs nucléaires puissent repartir le plus rapidement possible, ceux qui sont encore en attente.

APOLLINE DE MALHERBE
Il y a encore vingt réacteurs sur les 56 réacteurs nucléaires qui sont à l'arrêt.

GABRIEL ATTAL
Je crois que c'est douze de moins qu'en août dernier, donc on a qu'il y a eu progrès.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais c'est aussi des réacteurs en moins par rapport à ce que vous aviez prévu.

GABRIEL ATTAL
Absolument.

APOLLINE DE MALHERBE
On est en retard sur la feuille de route.

GABRIEL ATTAL
C'est pour ça que la feuille de route du nouveau Président-directeur général d'EDF, Luc REMONT, c'est évidemment faire en sorte et de tout faire pour qu'on puisse redémarrer aussi rapidement que possible ces réacteurs.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais ce qui me frappe quand même, Gabriel ATTAL, c'est que quand je vous demande : "Est-ce qu'on va passer l'hiver ? Oui, pas de panique", vous dites tout de suite : "Oui si on est capable tous de faire des efforts". Je trouve que c'est presque une forme de chantage, c'est-à-dire qu'il y a un côté : "Faites des efforts, sinon on vous coupe le courant".

GABRIEL ATTAL
Non, ce n'est pas ça, Apolline de MALHERBE, c'est qu'on a une réalité qui est que l'hiver, il y a une demande très forte d'électricité, que plus la température est froide, plus il y a une demande qui est forte, qu'il y a des tensions qui sont - pour partie - liées au contexte géopolitique et à la guerre en Ukraine ; pour d'autres, liés à des réacteurs qui sont en maintenance, et que ça implique effectivement qu'on fasse tous une part d'effort.

APOLLINE DE MALHERBE
Il y aura donc après "Tous Anti-Covid", "Ecowatt", c'est la nouvelle application qu'il faut télécharger pour avoir la météo de l'énergie, c'est-à-dire savoir si on va manquer ou pas, si on est en tension ou pas. Vous l'avez téléchargée, vous ?

GABRIEL ATTAL
Je l'ai téléchargée. J'appelle ceux qui nous regardent à le faire. Je crois qu'hier soir, on était à 700 000 téléchargements. Donc il faut que ça continue. Effectivement, ça permet de savoir, sur les deux ou trois prochains jours, comment on prévoit la consommation d'électricité et la disponibilité d'électricité. Ça donne aussi des idées de gestes pour réduire sa consommation. C'est important de la télécharger.

APOLLINE DE MALHERBE
Il y a un embargo sur le pétrole russe, qui entre en vigueur officiellement du point de vue de l'Union européenne, tous ensemble se sont mis d'accord. Alors, oui, on ne va plus acheter du pétrole russe mais on continue à acheter de l'uranium russe. C'est-ce qu'on a découvert ; c'est Greenpeace qui l'a révélé. La France qui a reçu ce mardi une livraison d'uranium en provenance de la Russie. Ça, ça ne nous dérange pas par contre ?

GABRIEL ATTAL
On fait tout pour diversifier nos approvisionnements, surtout les sujets énergétiques. Et c'est vrai qu'il y a eu encore en Europe certaines importations énergétiques russes. Ça a été le cas sur le gaz ; c'est encore pour un temps court le cas sur le pétrole ; c'est peut-être le cas sur d'autres. Mais ce qu'on cherche justement, c'est à diversifier nos sources d'énergie. Regardez sur le gaz, la part de gaz russe dans les importations européennes a sensiblement diminué ces derniers mois, précisément parce qu'on cherche des alternatives. Ça met un peu de temps parfois mais c'est ça la direction qu'on prend.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais ça va dans le bon sens ? Pour vous, c'est clair ?

GABRIEL ATTAL
Oui, bien sûr. L'objectif, c'est de dépendre moins et de ne plus dépendre de la Russie pour nous approvisionner en matière d'énergie. Et c'est aussi pour ça, Apolline de MALHERBE, que chez nous, on relance massivement le nucléaire, qu'on veut développer massivement les énergies renouvelables. Il y a un texte qui démarre aujourd'hui au Parlement.

APOLLINE DE MALHERBE
A l'Assemblée nationale sur les énergies renouvelables.

GABRIEL ATTAL
On veut moins dépendre des autres et plus dépendre de nous-mêmes, pour nous déplacer, pour nous chauffer, pour travailler, pour se défendre, pour s'informer. Le projet du Président de la République, c'est un projet de souveraineté d'indépendance en France et en Europe. Ça veut dire qu'on investit pour dépendre moins des autres.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais justement, il y a un point que je trouve quand même très paradoxal, c'est que vous qui tenez les cordons de la bourse, vous avez mis en place des boucliers tarifaires, donc ça veut dire que c'est de l'argent de l'État qui va compenser pour tenter de faire baisser la facture des Français, même si vous allez un tout petit peu alléger ce bouclier et on va payer un peu plus concrètement à partir de janvier, mais c'est notamment dû au fait que les prix de l'électricité en France sont, un, indexés - comme on dit - sur les prix du gaz. Et ça, c'est un phénomène européen, et ça fait six mois que vous demandez à l'Europe de découpler le prix de l'électricité et du gaz. Pour que tous ceux qui nous écoutent et qui nous regardent comprennent bien, ça veut dire qu'on paye plus cher l'électricité en France qu'on ne la produit, parce qu'il y a ce phénomène où notre prix de l'électricité - c'est un mécanisme européen - est indexé sur les prix du gaz. Le 30 août dernier, Bruno LE MAIRE, le ministre de l'Économie a dit : "Il y a une urgence absolue à découpler le prix de l'électricité et du prix du gaz". L'espagnol et le Portugal ont été autorisés à le faire. Il y a eu une réunion des ministres de l'Énergie dès le 9 septembre ; il y en a eu une autre le 30 septembre ; il y en a une autre le 21 octobre, et on n'a toujours pas découplé les prix de l'électricité et du gaz.

GABRIEL ATTAL
Celle qui est importante c'est celle du 21 octobre parce qu'il y a une forme d'accord de principe pour y travailler, mais c'est vrai Apolline de MALHERBE qu'au niveau européen, vous le savez, on doit prendre des décisions à 27 et que parfois sur certains sujets ça prend plus de temps que sur d'autres parce que quand vous avez un, deux, trois pays qui bloquent, eh bien vous ne pouvez pas avancer. C'est vrai que les Espagnols et les Portugais ont eu une forme de dérogation parce qu'ils ne sont pas dans la même situation que nous, ils ne sont pas interconnectés comme on l'est, c'est une péninsule ibérique, mais ça fait partie des sujets sur lesquels on continu à travailler. Dans l'attente qu'est-ce qu'on fait, d'abord on fait baisser, on fait tout pour faire baisser le prix du gaz parce que vous avez raison, une partie du prix de l'électricité est calculée sur le prix du gaz. Donc plus vous faites baisser le prix du gaz au niveau européen…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous êtes d'accord que c'est absurde. Enfin je veux dire quand on regarde, moi j'ai refait hier tout ce déroulé et je me dis quand en août on a notre ministre de l'Économie qui dit c'est une urgence absolue et on est donc 3, 4 mois après et on a toujours rien.

GABRIEL ATTAL
Un : Le constat sur le fait qu'il faut réformer le marché européen de l'énergie, on l'a fait et c'est ce qu'on pousse. Deux : Oui sur ce sujet-là ça ne va pas assez vite à notre sens, mais on a vu…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais est-ce qu'à un moment il ne faut pas aller vers la désobéissance, c'est-à-dire que, est-ce qu'il ne faut pas à un moment dire, attendez on ne va pas attendre l'été, le problème il est pendant l'hiver, on est déjà en décembre ?

GABRIEL ATTAL
Non mais attendez, vous avez certains qui disent à ce moment-là sortons du marché européen de l'énergie, comme ça on sort des règles qui effectivement parfois peuvent paraître absurdes, mais si on fait ça qu'est-ce qui se passe ? Ça veut dire qu'on ne peut plus importer d'énergie de nos voisins européens. On a bien vu tout à l'heure dans la discussion qu'on a, qu'on n'en produit pas suffisamment aujourd'hui et donc ça voudrait dire qu'on se retrouverait avec un black-out si on faisait ça, donc nous on doit rester dans le marché européen de l'énergie, il faut le faire…

APOLLINE DE MALHERBE
Quitte à payer plus notre électricité.

GABRIEL ATTAL
Il faut le faire évoluer, il faut le faire évoluer c'est ce à quoi on travaille. On a vu sur d'autres sujets au niveau européen que ça semblait au départ impossible et qu'on avait réussi à avancer rapidement sur la question du Covid et des vaccins, sur la question du plan de relance, on a obtenu un accord au niveau européen.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais là on est en décembre, le problème il est en janvier, en février.

GABRIEL ATTAL
Je suis totalement d'accord avec vous Apolline de MALHERBE et encore une fois la réunion du conseil des ministres européens de l'énergie qui s'est tenue le 21 octobre, va constituer une forme d'avancer en la matière, on va évidemment. Continuer à se battre sur le sujet.

APOLLINE DE MALHERBE
La France qui bosse, c'est votre nouvelle priorité Gabriel ATTAL, on est passé d'ailleurs du quoi qu'il en coûte au combien ça coûte aussi parce que vous voulez que les aides soient mieux ciblées notamment pour ceux qui travaillent et qui ne s'en sortent pas. Je voudrais qu'on revienne sur la question du dispositif gros rouleur parce que sur les prix du carburant la ristourne elle a déjà été allégée, elle va disparaître au 1er janvier au profit d'un dispositif qu'on appelle gros rouleur. Alors ça va marcher comment ?

GABRIEL ATTAL
D'abord vous avez raison, on doit soutenir davantage les Français qui travaillent et notamment quand on parle de carburant, les Français qui travaillent qui utilisent leur voiture pour aller travailler. On doit cibler davantage nos aides, la ristourne carburant ça a coûté 8 milliards d'euros sur l'année 2022 c'est l'équivalent du budget du ministère de la justice sur une année. On ne peut pas se payer une ristourne à vie et donc on doit cibler davantage nos dispositifs. Le choix qu'on fait, c'est de les cibler sur ceux qui travaillent et donc le premier critère pour bénéficier de l'indemnité gros rouleur, je l'appelle gros bosseur parce que ce sera de travailler, vous devrez déclarer des revenus d'activité pour bénéficier de cette indemnité de carburant.

APOLLINE DE MALHERBE
Ça veut dire que vous pouvez nous affirmer ce matin que si je prends ma voiture tous les jours pour aller travailler, je bénéficierais du dispositif gros rouleur.

GABRIEL ATTAL
Il y aura ensuite des conditions de revenus, Apolline de MALHERBE, et notamment notre objectif c'est de toucher les travailleurs modestes, c'est-à-dire ceux qui travaillent et qui ont les moins gros salaires et la classe moyenne.

APOLLINE DE MALHERBE
Donc il va y avoir à nouveau un effet de seuil et il va y avoir à nouveau ce sentiment de frustration chez ceux qui gagnent un peu plus que le SMIC mais qui vont être exclus du système.

GABRIEL ATTAL
C'est toujours le risque quand vous avez des seuils de revenus en l'occurrence on cherche, c'est les paramètres qu'on est en train de définir à couvrir le plus possible la classe moyenne notamment qui travaillent.

APOLLINE DE MALHERBE
Ce sera quoi le dispositif ? Ce sera quoi le plafond ?

GABRIEL ATTAL
Je pense que dans les prochains jours en tout cas d'ici les fêtes on aura l'occasion d'avancer.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous voulez quoi vous Gabriel ATTAL ?

GABRIEL ATTAL
Moi ce que je vous dis, c'est que je souhaite que les Français qui travaillent en bénéficient et deux que les classes moyennes en bénéficient.

APOLLINE DE MALHERBE
Donc les classes moyennes ça veut dire quand même assez nettement au-dessus du SMIC, vous n'allez pas bloquer le SMIC.

GABRIEL ATTAL
Oui c'est au-dessus du SMIC les classes moyennes, aujourd'hui je crois que le revenu médian est autour de 2000 euros, donc il faut qu'on arrive à aller aussi loin possible pour accompagner les classes moyennes, c'est notre objectif.

APOLLINE DE MALHERBE
Le seuil, ça pourrait être 2000 euros ?

GABRIEL ATTAL
Je ne suis pas là en train de vous faire une annonce encore une fois il y a des arbitrages qui seront rendus par la Première ministre et le président de la République, mais moi mon souhait c'est qu'on accompagne davantage les classes moyennes qui travaillent et qui ont du mal à boucler leurs fins de mois. Et qui parfois je le dis ont le sentiment de travailler pour les autres, de travailler pour des gens qui ne travaillent pas, de produire de la richesse en travaillant, ce qui permet de protéger les Français face à l'augmentation des prix par exemple, mais d'être moins accompagnés que d'autres.

APOLLINE DE MALHERBE
Il y a deux France, vous avez l'impression qu'il y a deux France ?

GABRIEL ATTAL
Je ne dirais pas ça comme ça, parfois on peut se dire qu'il y a 2 rapports au travail, il y a des Français qui se lèvent tous les matins.

APOLLINE DE MALHERBE
C'est quoi c'est la France qui bosse, c'est la France des allocs, enfin pour caricaturer évidement.

GABRIEL ATTAL
Non justement moi je ne suis pas dans la caricature, je ne suis pas dans le mépris, la stigmatisation. Ce que je sais, c'est qu'il y a des millions de Français qui se lève tous les matins, qui vont travailler, qui prennent leur voiture, qui voient l'augmentation des prix, qui voient qu'il y ait des aides qui sont mises en place parfois elles ne les concernent pas et qui ont parfois le sentiment d'être un peu oubliés et qui se disent parfois finalement ça va finir par coûter plus cher d'aller bosser que de rester chez soi.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous les comprenez, on voit que vous les comprenez.

GABRIEL ATTAL
Évidement je les entends et c'est pour ça qu'on met en place des dispositifs dans le budget pour les accompagner spécifiquement en neutralisant l'effet de l'inflation sur l'impôt sur le revenu. Ce qui va permettre à ceux qui travaillent de ne pas voir leur impôt sur le revenu augmenter. En augmentant la valeur du ticket restaurant…

APOLLINE DE MALHERBE
Alors ça Gabriel ATTAL, c'est marrant parce que régulièrement vous nous dites, oui j'ai fait un truc pour le revenu.

GABRIEL ATTAL
Ce n'est pas un truc, c'est 6 milliards d'euros Apolline de MALHERBE.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais c'est automatique.

GABRIEL ATTAL
Non ce n'est pas automatique. Chaque année, vous décidez, vous votez si oui ou non.

APOLLINE DE MALHERBE
Il y a eu une année où ça n'a pas été fait.

GABRIEL ATTAL
Plusieurs années, non il y a eu plusieurs années et quand vous avez un tel niveau d'inflation légitimement vous vous posez la question de savoir si vous le faites, ça coûte 6 milliards d'euros, si on ne prenait pas cette mesure…

APOLLINE DE MALHERBE
Enfin ça coûte 6 milliards d'euros, c'est-à-dire qu'en fait à partir du moment où il y a l'inflation en effet si vous n'indexez pas, ce n'est pas à vous qu'on prend 6 milliards d'euros, c'est aux Français qui paieront 6 milliards de plus d'impôt, donc…

GABRIEL ATTAL
Exactement si on ne prenait pas cette mesure les Français paieraient 6 milliards d'euros d'impôts de plus. On a supprimé la contribution à l''audiovisuelle publique, la redevance télé, ça c'est les classes moyennes, 138 euros qu'elles auraient dû payer. On prend une mesure importante par ailleurs dans le budget pour 2023…

APOLLINE DE MALHERBE
Oui mais on a l'impression à chaque fois que c'est des vases communicants. Il y a eu l'histoire de la taxe d'habitation et de la taxe foncière, on s'est rendu compte que tout ça c'était des tours de passe-passe quand même.

GABRIEL ATTAL
Attendez, je termine avec la dernière meure on augmente le plafond pour le crédit d'impôt sur la gare d'enfant. Vous avez beaucoup de Français, de classe moyenne qui travaillent, qui doivent faire garder leurs enfants, ça coûte de l'argent une crèche, une assistante maternelle, aujourd'hui le crédit d'impôt il est plafonné à 2300 euros de dépenses pour la garde d'enfant. On l'augmente de 50%, ça veut dire que ça va être 3500 euros le plafond en 2023, ça c'est une mesure pour les classes moyennes qui travaillent. Vous voyez on cherche systématiquement des mesures qui permettent d'accompagner nos concitoyens qui bossent, qui se lèvent tôt le matin, qui créent de la richesse et qui nous permettent ensuite grâce à la richesse qui est créée de prendre des mesures pour protéger les Français.

APOLLINE DE MALHERBE
Alors certains prennent leur voiture, d'autres prennent les transports pour se déplacer, la RATP, il manque 450 millions d'euros à Valérie PECRESSE pour boucler le budget d'Ile-de-France Mobilités, est-ce que vous allez lui donner ces sous ?

GABRIEL ATTAL
Il y a effectivement un besoin de financement pour Ile-de-France Mobilités, moi, je rappelle que les transports, c'est une compétence régionale, et pas une compétence de l'État. Moi, ce que je dis à Valérie PÉCRESSE, c'est que les Franciliens ne sont pas un tiroir-caisse, sur lesquels on peut pomper en augmentant indéfiniment le Passe Navigo, et l'État, non plus, n'est pas un tiroir-caisse, et parfois, je trouve qu'il y a une forme de paradoxe, quand on a passé toute une campagne présidentielle à expliquer que l'État dépense trop, que l'État crame la caisse, et systématiquement, aller demander à l'Etat d'être garant quand on a des difficultés, il y a une forme de paradoxe. Donc, moi ce que je dis…

APOLLINE DE MALHERBE
Le problème, c'est que, soit, c'est vous qui payez, soit, c'est les usagers, c'est-à-dire que, soit, vous mettez les 450 millions, soit, elle va augmenter le prix du Passe Navigo.

GABRIEL ATTAL
Ce que je dis, c'est qu'on va continuer à travailler avec elle, c'est un dossier qui est suivi à très haut niveau par la Première ministre, par les ministres concernés, on va continuer avec elle pour trouver des solutions, pour l'aider, mais il faut qu'elle nous aide à l'aider, en regardant les autres possibilités qui existent pour le financement.

APOLLINE DE MALHERBE
La SNCF, donc là, il y avait la RATP, il y a la SNCF qui craint un mouvement hors de contrôle, qui pourrait gâcher les fêtes de Noël, c'est aussi sur des questions de salaires, et les salaires, c'est vous.

GABRIEL ATTAL
Il y a eu des revalorisations salariales à la SNCF. Il y a toujours des discussions qui ont lieu. Moi, simplement, ce que je dis c'est que dans le contexte qu'on a connu dans notre pays depuis maintenant 2 ou 3 ans, vu les inquiétudes qui sont celles des Français, je pense que les Français, ils ont besoin de se retrouver en famille pour passer les fêtes, et donc j'espère sincèrement qu'il y aura une responsabilité de la part des organisations syndicales, pour permettre aux Français de se retrouver en famille pour les fêtes.

APOLLINE DE MALHERBE
On a un peu l'impression quand même que les transports, ça coûte plus cher, et ça marche moins bien, que l'électricité, ça coûte plus cher, et ça marche moins bien, c'est compliqué quand même.

GABRIEL ATTAL
Il y a un moment de crise, évidemment, il y a eu plusieurs crises d'ailleurs, et vous avez des opérateurs qui ont des difficultés, notamment parce qu'ils ont été mis à l'arrêt pendant la crise sanitaire, je pense notamment à Ile-de-France Mobilités et aux transports franciliens. Et pendant la crise sanitaire, qu'est-ce qu'il a fait l'État ? 2 milliards d'euros d'accompagnement pour les transports en commun en Ile-de-France. Donc vous voyez qu'on est au rendez-vous, on cherche à aider les Français le mieux possible, et on le fait, et ça, c'est mon rôle de le dire en tant que ministre du Budget, dans un environnement budgétaire qui est contraint, on ne peut pas tout se permettre. Parce que la réalité, c'est qu'il y a eu une parenthèse qui était celle de l'emprunt gratuit…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais on n'a plus… je reprends par exemple cette exemple de la RATP, vous nous l'avez dit vous-même, vous avez mis 8 milliards d'euros pour les aides aux carburants. Et vous n'allez pas mettre les 450 millions pour la RATP ?

GABRIEL ATTAL
Ce que je vous ai dit, c'est qu'on continue à travailler avec Ile de France Mobilités. Et par ailleurs, c'est des sujets qui sont différents, encore une fois, les transports, c'est une compétence des régions, ce n'est pas une compétence de l'État, il y a eu un moment de crise pendant la crise Covid, la crise sanitaire, l'État était au rendez-vous pour les accompagner, 2 milliards d'euros d'accompagnement…

APOLLINE DE MALHERBE
Et le Covid est de retour, est-ce que vous vous dites, si le Covid est de retour, s'il y a cette crise de l'énergie, est-ce que vous allez rouvrir le quoi qu'il en coûte ?

GABRIEL ATTAL
Non, on ne repartira pas dans le quoi qu'il en coûte, mais par ailleurs, je vais vous dire, sur le Covid, on peut quand même espérer qu'on ne se retrouvera pas dans des situations telles que celles qu'on a connues au plus fort de la crise, quand vous aviez des hôpitaux submergés, d'abord, parce que les Français aujourd'hui savent beaucoup mieux comment se protéger vis-à-vis de ce virus, ensuite, parce qu'on a la chance d'avoir la vaccination, évidemment, moi, j'appelle les Français qui sont éligibles, qui sont les plus fragiles, à faire leur rappel vaccinal, mon collègue François BRAUN était sur votre antenne hier, et il a rappelé, solennellement, que c'était important d'aller se faire vacciner et de faire son rappel.

APOLLINE DE MALHERBE
Et le masque ?

GABRIEL ATTAL
Et le masque, on voit bien les situations dans lesquelles il faut le porter, notamment quand vous êtes dans les transports…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais pas d'obligation ?

GABRIEL ATTAL
Ça fait près de 3 ans qu'on vit avec cette épidémie, moi, ma conviction, c'est que les Français, ils savent à peu près maintenant quelles sont les situations dans lesquelles il faut porter le masque, on nous a beaucoup dit à une époque, vous vous souvenez, on mettait des obligations, vous infantilisez les Français, on est assez grand pour savoir quand est-ce qu'il faut mettre le masque.

APOLLINE DE MALHERBE
Donc, les Français sont assez grands pour savoir aujourd'hui, et ils ne l''étaient pas, il y a 2 ans, mais parce que…pourquoi, parce que le contexte a changé…

GABRIEL ATTAL
Je pense que ça fait 3 ans qu'on vit avec cette épidémie, que les Français, ils savent les moments qui sont les plus à risque, effectivement, quand on est dans un métro où il y a beaucoup de monde, quand est dans un train où il y a beaucoup de monde, eh bien, c'est bien de mettre le masque.

APOLLINE DE MALHERBE
Et où il y a d'autant plus de monde qu'effectivement, il y a moins de métros et moins de trains.

GABRIEL ATTAL
Oui, bien sûr.

APOLLINE DE MALHERBE
On y revient. Un mot aussi sur la lutte contre les fraudes, parce que ça aussi, c'est dans votre portefeuille, vous êtes aussi le ministre des douanes, et vous allez lancer aujourd'hui un grand plan de lutte contre les fraudes au tabac. Ça va marcher comment ?

GABRIEL ATTAL
On fait un constat, c'est que la vente et le trafic de tabac de contrebande explosent dans notre pays, si je vous donne quelques chiffres, il y a 5 ans, il y avait un peu plus de 200 tonnes de tabac qui étaient saisies en France, l'an dernier, on était à 400, et cette année, on sera probablement au double, c'est-à-dire à 800 tonnes, on est déjà à 600 tonnes en dix mois. Parce que la réalité c'est qu'un certain nombre de réseaux mafieux se sont reportés sur le trafic de tabac plutôt que sur le trafic de stupéfiants, il y a une explosion, c'est très mauvais pour notre pays, d'abord c'est mauvais parce que ça finance de la criminalité, c'est mauvais ensuite, Apolline de MALHERBE, parce que c'est une perte fiscale pour l'État, 3 milliards d'euros, et c'est mauvais parce que ça déstabilise le réseau des buralistes, et on a besoin de nos buralistes dans notre pays, pour la cohésion des territoires, pour le lien social dans les territoires…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais est-ce que ça veut dire aussi, Gabriel ATTAL, que vous considérez désormais qu'il faut lutter contre le trafic de tabac avec la même énergie, la même vigueur, que contre le trafic de drogue ?

GABRIEL ATTAL
Oui, parce que le trafic de tabac n'a plus rien à envier, en termes de méthode et de volume, au trafic de stupéfiants. Vous savez ce qui s'est passé cette année ? Pour la première fois dans notre histoire on a démantelé sur le sol français des usines clandestines de tabac, trois usines clandestines de tabac, en région Ile-de-France et dans le Nord, qui produisaient entre un et deux millions de cigarettes de contrefaçon chaque jour, on les a démantelées. On a parfois des conteneurs qui arrivent avec 10 tonnes de tabac de contrebande, donc ça suffit…

APOLLINE DE MALHERBE
Et il y aura des sanctions qui seront similaires pour le trafic de tabac, que pour le trafic de drogue ?

GABRIEL ATTAL
Je prends plusieurs mesures. D'abord on investit massivement dans les moyens de contrôle, on va tripler le nombre de scanners mobiles pour scanner les conteneurs qui arrivent dans nos ports, dans nos aéroports, on met en place des scanners dans les centres de tri postaux, parce qu'on a aujourd'hui du trafic qui se fait en petite quantité dans des colis, mais en grand nombre, donc on va pouvoir scanner tous les colis pour identifier ceux qui contiennent du tabac, donc renforcement des moyens techniques. Ensuite, effectivement, renforcement des sanctions, il faut alourdir les sanctions pour ceux qui sont à la tête de réseaux qui organisent de l'importation et de la contrebande de tabac, par exemple aujourd'hui, pour ces faits-là, vous avez une peine de prison qui est d'un an de prison, on va la passer à trois ans de prison, et à dix ans en cas de bande organisée. On veut aussi lutter contre un phénomène qui empoisonne la vie de beaucoup de quartiers dans notre pays, c'est la vente à la sauvette, vous avez des Français…

APOLLINE DE MALHERBE
On a des quartiers, le quartier de La Duchère à Lyon, qui sont carrément gangrenés par ce trafic.

GABRIEL ATTAL
Absolument, et vous avez des Français qui sortent du métro, dans certains endroits à Paris ou ailleurs, et qui sont complètement harcelés par des vendeurs à la sauvette, ça a un impact aussi sur les commerçants de ces quartiers, donc on veut travailler davantage avec la gendarmerie et la police, on l'a testé à Lyon, ça marche très bien, et faire des opérations coup de poing, des descentes douanières, pour aller harceler ces vendeurs à la sauvette. Je veux également que les vendeurs à la sauvette, quand il s'agit d'étrangers, qui sont condamnés pour ça, se voient recevoir la peine d'interdiction du territoire français, une peine complémentaire d'interdiction du territoire français.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais ça va marcher ça, parce qu'en fait on a l'impression qu'on donne des peines d'interdiction du territoire, ou d'obligation de quitter le territoire, or cette peine elle…

GABRIEL ATTAL
Aujourd'hui cette peine elle existe quand vous avez du trafic de stupéfiants, eh bien je veux que ce soit aussi le cas pour le trafic de tabac.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais ce n'est pas juste théorique ?

GABRIEL ATTAL
Non, je ne crois pas. Vous savez qu'on a une loi qui va arriver sur l'immigration, on a par ailleurs une loi, qui est en train d'être discutée au Parlement, sur le ministère de l'Intérieur, qui permet de renforcer nos sanctions et d'être plus efficace.

APOLLINE DE MALHERBE
Un mot sur l'hôpital de Versailles qui est visé par une cyberattaque, c'est-à-dire qu'au moment où on se parle ils ont plusieurs malades qui ont dû être transportés dans d'autres hôpitaux, dont des nourrissons, il n'y aura vraisemblablement pas d'urgences à Noël, est-ce que vous avez un peu des nouvelles de cette manière dont les hôpitaux, dont les services publics, sont aujourd'hui la cible de hackers et notamment probablement comme une nouvelle forme de guerre ?

GABRIEL ATTAL
Oui, on voit que c'est une menace qui pèse sur des institutions publiques, c'est le cas des hôpitaux, ça a été le cas, je crois, d'un Conseil départemental il n'y a pas si longtemps, c'est aussi le cas d'entreprises françaises, des PME, des entreprises de taille intermédiaire, souvent c'est crapuleux, c'est-à-dire que c'est des demandes de rançon contre la restitution des données, mais vous avez raison, il peut y avoir…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais là visiblement, à l'hôpital de Versailles, ce n'est même pas vraiment crapuleux…

GABRIEL ATTAL
Vous avez raison il peut y avoir aussi des ingérences étrangères, il y a des enquêtes pour ça, pour le mesurer. On a considérablement renforcé, je le vois en tant que ministre du Budget, les moyens de l'ANSSI, qui est l'Agence nationale des systèmes de la sécurité des systèmes d'information, pour mieux équiper en cyberdéfense nos institutions publiques qui sont des institutions vitales. Mon collègue ministre du numérique, Jean-Noël BARROT, était sur place hier, et évidemment on va accompagner…

APOLLINE DE MALHERBE
Avec le ministre de la Santé.

GABRIEL ATTAL
Avec le ministre de la Santé ; évidemment on va accompagner très fortement l'hôpital de Versailles et continuer à agir pour renforcer la cybersécurité de toutes nos institutions publiques, parce qu'on voit que les risques ont évolué, et c'est vrai qu'on voit que, quand on parle de guerre par exemple, à distance il y a la possibilité de neutraliser des institutions publiques qui sont cruciales pour la protection des Français, c'est pour ça qu'on doit continuer à renforcer notre protection.

APOLLINE DE MALHERBE
Gabriel ATTAL, le ministre délégué des Comptes publics, merci d'avoir répondu à mes questions ce matin, et vous nous annoncez donc qu'il y aura bien un dispositif "gros rouleurs", que vous appelez les "gros bosseurs."


source : Service d'information du Gouvernement, le 6 décembre 2022