Déclaration de Mme Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, et MM. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et de l'outre-mer, Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, ministre de la justice, sur la politique de l'immigration, à l'Assemblée nationale le 6 décembre 2022.

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Circonstance : Déclaration du Gouvernement relative à la politique de l'immigration

Texte intégral

Mme la présidente.
L’ordre du jour appelle la déclaration du Gouvernement relative à la politique de l’immigration, suivie d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution.

(…)

Mme la présidente.
La parole est à Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

Mme Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Mme la Première ministre a rappelé la situation actuelle en des termes très clairs. Le phénomène migratoire est aussi un enjeu international, et donc un enjeu de politique étrangère. Notre action diplomatique repose sur trois principes : organisation des mobilités légales dans une logique d’attraction des talents ; solidarité avec les plus vulnérables ; fermeté face aux flux irréguliers et à ceux qui les exploitent.

Les visas sont un outil clé au service de notre politique d’influence et d’attractivité. Ainsi, le nombre d’étudiants étrangers inscrits dans le système d’enseignement supérieur français vient d’enregistrer un record en passant le cap des 400 000 inscrits pour l’année scolaire 2021-2022. C’est bon pour notre économie puisqu’ils apportent plus qu’ils ne coûtent. C’est également bon pour l’image de notre pays, et bon pour notre influence.

Nous devons aussi pouvoir attirer les talents dont nous avons besoin par le biais de la mobilité des chercheurs, des artistes, des entrepreneurs, des scientifiques, et de tous les étrangers qui font rayonner notre pays dans le monde. Nous les encourageons grâce au « passeport talent ». En 2022, nous avons déjà délivré 12 000 visas par ce biais.

M. Benjamin Haddad.
Cela marche très bien !

M. Matthias Tavel.
Cela marche surtout bien pour les joueurs de basket !

Mme Catherine Colonna, ministre.
Plus généralement, nos efforts d’attractivité doivent servir les secteurs où les besoins de main-d’œuvre sont les plus importants – et il y en a.

Notre deuxième principe, c’est la solidarité : c’est une question d’humanité, de fidélité à nos valeurs, de respect du droit international consacré par les conventions de Genève. La France coparrainera ainsi l’an prochain le Forum mondial sur les réfugiés avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Ce sont plus de 4 millions et demi d’Ukrainiens qui ont obtenu la protection temporaire sur le sol européen ; nous en accueillons plus de 100 000 en France, dont 20 000 enfants scolarisés. Nous pouvons être fiers de l’accueil que nous leur réservons, ainsi que de celui réservé à ceux qui sont menacés dans leur pays, par exemple les citoyens russes ou afghans. Notre politique des visas nous permet d’accueillir les personnes persécutées pour leurs activités en faveur de la liberté, pour leurs opinions ou simplement pour ce qu’elles sont. C’est l’honneur de la France, comme l’a rappelé Mme la Première ministre.

La solidarité et l’attractivité vont de pair avec la fermeté face aux migrations illégales – c’est notre troisième principe. Nous devons tout d’abord agir au niveau européen et prolonger les impulsions de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, qui a débloqué les discussions autour du pacte sur la migration et l’asile, en réaffirmant deux règles : la responsabilité renforcée des pays de première entrée et la solidarité des autres États membres.

Nous devons également mobiliser les pays partenaires. À notre initiative, la Commission européenne allouera désormais près de 10 % de ses moyens d’intervention pour l’action extérieure à des projets liés aux migrations. En outre, elle prévoit que des mesures pourront être prises à l’égard des pays qui ne coopèrent pas suffisamment en matière de réadmission.

Mme la Première ministre l’a dit, la France s’appuie aussi sur son aide publique au développement (APD) pour agir sur les causes profondes des migrations. Sa trajectoire ambitieuse renforce encore nos leviers, tout comme l’adoption d’une nouvelle stratégie en matière de migrations et de développement, qui permettra notamment à nos partenaires du Sud de mieux se doter des capacités dont ils ont besoin pour maîtriser les flux et développer une meilleure gouvernance des migrations. Mais elle nous permettra aussi de prendre en compte les effets du changement climatique, que nous les aidons par ailleurs à traiter dans le cadre de la finance climat qui a progressé lors de la COP27 qui s’est tenue en Égypte.

Notre aide publique au développement permettra aussi de renforcer la protection des migrants et de lutter contre les filières d’immigration clandestine. Le trafic et la traite d’êtres humains sont des activités abjectes autant que rémunératrices. Mais elle facilitera également l’immigration légale et dissuadera de partir ceux qui se jettent sur les routes de la misère pour tenter de rejoindre l’Europe, parfois au prix de leur vie. Nous sommes déterminés à faire preuve de la fermeté nécessaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)

Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer.
" Le peuple français est un composé. C’est mieux qu’une race. C’est une nation. Unique en Europe, la conformation de la France se prêtait à tous les échanges de courants, ceux du sang, ceux des idées. La France est un isthme, une voie de grande communication entre le Nord et le Midi. " On trouve ces mots au début de l’ Histoire de France de Jacques Bainville.

M. Julien Odoul.
Habile !

M. Andy Kerbrat.
Un historien d’extrême droite, donc !

M. Gérald Darmanin, ministre.
Comme lui, nous pensons que l’immigration fait partie de la France et des Français, depuis toujours. L’immigration est un fait qui fait aussi la France – qui a fait son passé et qui fera sans doute son avenir. Il ne sert à rien d’être contre. Que veut dire être contre le mouvement des hommes sur la terre ? Une partie d’entre eux fuit à cause de la misère, de la persécution ou des événements climatiques. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.) À quoi cela sert-il d’être contre lorsque, depuis le 1er janvier 2022, les demandes d’asile ont bondi de 68 % en Europe, que les gouvernements soient d’extrême droite ou de gauche ? Quand la France manque cruellement de vocations, que signifie être contre l’arrivée de médecins, d’infirmiers, de maçons, d’ouvriers agricoles, qui travaillent dans les vignes par exemple (Sourires) , ou de prêtres ?

M. Jocelyn Dessigny.
La liste n’est pas exhaustive !

M. Gérald Darmanin, ministre.
Cela ne signifie rien d’autre que la peur de l’altérité ou, pire encore, le mensonge démagogique de ceux qui jouent sur les peurs. Non, l’immigration n’est pas ce que les démagogues en disent. (Mme Marine Le Pen s’exclame.)

Disons plutôt que c’est un contrat librement consenti entre celui qui souhaite venir en France et le pays qui l’accueille. Et puisque la France, notre grand pays, attire grâce à ses valeurs, grâce à son économie, grâce à sa promesse d’avenir…

Mme Sophia Chikirou.
Grâce à la misère, aussi !

M. Gérald Darmanin, ministre.
…définissons ensemble les exigences de notre nation envers les étrangers qu’elle accueille. C’est l’ambition du projet de loi que nous ont demandé d’écrire la Première ministre et le Président de la République, et que nous vous présenterons avec Olivier Dussopt.

Mme Sophia Chikirou.
Je croyais que c’était le Rassemblement national qui avait demandé !

M. Gérald Darmanin, ministre.
La première exigence de la France, c’est de faire respecter ses règles, ses valeurs et son droit. Nul ne peut prétendre rester durablement sur notre sol s’il ne respecte pas les valeurs de la République.

M. Sylvain Maillard.
Eh oui !

M. Gérald Darmanin, ministre.
Comme tous les pays, notre nation demande à être respectée. Ici, les femmes ont des droits équivalents aux hommes ; la liberté sexuelle est totale, la liberté religieuse aussi. Ceux qui commettent des crimes et des délits doivent prendre conscience qu’ils ne peuvent pas rester sur le territoire national car ils ne commettent pas un simple crime, mais aussi un crime contre notre accueil. Depuis cinq ans, 80 000 titres de séjour ont été retirés pour cause d’ordre public ou de radicalisation.

Un député RN.
Mais ils restent !

M. Gérald Darmanin, ministre.
Nous avons expulsé 3 100 criminels ou terroristes. Mais trop de règles spécifiquement françaises empêchent d’expulser les criminels. Tout en respectant rigoureusement l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, nous vous proposerons dans ce projet de loi de ne plus nous censurer et de laisser au juge le soin de mesurer si la vie privée et familiale et le droit au séjour sont compatibles avec les actes de grave délinquance commis sur des femmes et des enfants, avec les violences sur les policiers, les gendarmes ou les pompiers, avec les crimes ou le trafic de stupéfiants. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.) Nos propositions seront bien entendu coordonnées avec celles du garde des sceaux s’agissant du volet judiciaire.

La fin de la fin de la double peine n’est pas réclamée seulement par les Français, elle l’est aussi et surtout par l’immense majorité des étrangers qui vivent en France, lesquels ne veulent plus jamais être confondus avec ceux qui ruinent leur réputation et leurs efforts. Parce que quelques-uns se comportent mal, ce serait eux qui devraient en payer le prix ? Le racisme et la xénophobie augmentent quand l’État se montre peu à même de châtier les délinquants, et laisse s’installer l’amalgame entre tous les étrangers. Il faut avoir vécu loin des quartiers populaires pour ne pas voir que l’absence de réponse judiciaire fait malheureusement monter les extrêmes.

Mme Nadia Hai.
Eh oui !

Un député du groupe RN.
Et la délinquance !

M. Gérald Darmanin, ministre.
Deuxième exigence : être étranger sur notre sol implique de faire des efforts d’intégration et de parler la langue du pays. Or 25 % des étrangers en situation régulière parlent ou écrivent très mal le français.

Mme Sophia Chikirou.
Beaucoup de Français aussi !

M. Gérald Darmanin, ministre.
Vous devriez plutôt vous réjouir des propositions d’intégration du Gouvernement… (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

M. Sylvain Maillard.
Eh oui !

M. Gérald Darmanin, ministre.
Mesdames et messieurs les parlementaires de la NUPES, attendez la fin de la phrase pour comprendre qu’il s’agit d’annoncer une belle proposition ! (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

Mme Mathilde Panot.
Vous avez commencé votre discours par une citation d’un ami de Maurras !

M. Gérald Darmanin, ministre.
Je reprends mon constat : 25% des étrangers en situation régulière parlent ou écrivent très mal le français. Comment voulez-vous bâtir un parcours de vie, professionnel, personnel, et peut-être citoyen, avec un tel handicap ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)

M. Bruno Millienne.
Bravo !

M. Gérald Darmanin, ministre.
L’État dégagera donc des moyens sans précédent pour améliorer l’intégration par la langue, en augmentant le nombre d’heures d’enseignement obligatoire du français. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

M. Jean-Paul Mattei.
C’est une mesure qui devrait vous plaire !

Mme Andrée Taurinya.
Il va falloir embaucher des profs !

M. Gérald Darmanin, ministre.
Nous augmenterons de 25% les crédits alloués à cette dimension de l’intégration, soit plus de 100 millions d’euros, dès les trois prochaines années, nous rapprochant ainsi de nos voisins allemands et italiens, qui exigent désormais la validation d’un examen linguistique pour obtenir un titre de séjour long. Actuellement existe un test, dont la réussite n’est pas indispensable pour obtenir un titre de séjour. Désormais, tout étranger qui voudra obtenir un titre de séjour long devra réussir un examen de français.

Le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion l’évoquera sans doute : nous demanderons évidemment au patronat de contribuer à cette révolution linguistique, pour que chacune et chacun se sente profondément bien dans notre pays.

M. Erwan Balanant.
Bravo !

M. Gérald Darmanin, ministre.
Chaque année, 70 000 étrangers seront concernés, auxquels s’ajouteront 200 000 étrangers qui demandent le renouvellement de leur titre de séjour.

Après la langue viennent les principes. La loi, si vous l’adoptez, permettra demain de retirer un titre de séjour aux étrangers qui ne respectent pas les principes de la République, tels que les définit la loi du 24 août 2021 dite loi « séparatisme ».

M. Éric Coquerel.
Oh là là ! La définition du non-respect va être très, très large !

M. Gérald Darmanin, ministre.
Il s’agit notamment de la dignité de la personne humaine, de la laïcité, de l’hymne national, du drapeau et de l’emblème. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

La troisième exigence concerne l’intégration par le travail. Le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion y reviendra en détail. Ce principe essentiel sous-tend une grande partie du projet de loi.

En même temps qu’elle impose des exigences, la République doit améliorer l’accueil qu’elle offre aux étrangers, augmenter ses efforts et se montrer plus humaine. À la demande de la Première ministre, nous mènerons une réforme approfondie des préfectures et de l’accueil des étrangers, en même temps que nous appliquerons la loi que le Parlement aura adoptée.

M. Matthias Tavel.
C’est vrai qu’il n’y a pas de quoi être fier de l’accueil actuel !

M. Gérald Darmanin, ministre.
Les titres de séjour des étrangers déjà présents sur le sol national seront automatiquement renouvelés : ils n’attendront plus un énième rendez-vous, ne subiront plus les files d’attente numériques. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.) Ils connaissent parfois de grandes difficultés pour faire reconnaître leurs droits ; certains se retrouvent en situation irrégulière par incurie de l’État. En revanche, davantage de personnes contrôleront les primo-arrivants et ceux qui doivent quitter le territoire national. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

Parallèlement, nous simplifierons le droit, comme l’a déjà expliqué Mme la Première ministre. Concernant la réforme du droit d’asile, il ne s’agit pas de revoir la liste des pays sûrs ou les critères pour l’obtenir. En moyenne, la France accorde deux fois moins souvent l’asile que l’Allemagne, et aussi souvent que l’Espagne et l’Autriche, alors que notre pays est plus grand – vous l’avouerez. Nous ne sommes donc pas laxistes, mais nous offrons l’asile sur le territoire de la République à ceux qui le méritent. (Protestations sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Boris Vallaud proteste également.)

M. Matthias Tavel.
L’asile ne se mérite pas ! C’est un droit !

M. Gérald Darmanin, ministre.
Cependant, après la réforme de l’Ofpra, celle de la CNDA est nécessaire. Le garde des sceaux et moi-même proposerons d’instituer un juge unique, tout en préservant la collégialité pour les arrêts de principe, à la demande du Conseil d’État. Nous défendrons également la territorialisation de la CNDA et la création d’espaces France asile.

Notre droit doit être plus clair et les décisions doivent être rendues plus rapidement. Nous devons accueillir plus vite ceux qui méritent l’asile, et refuser plus vite ceux qui ne peuvent en bénéficier. C’est en prenant trop de temps que nous créons des situations administratives inextricables, avec des personnes qui ne peuvent être ni régularisées, ni expulsées, et qui vont malheureusement allonger la cohorte des travailleurs au noir, parfois des délinquants, que nous ne faisons ici que regretter.

Mme Farida Amrani.
C’est vous qui organisez le travail au noir !

M. Gérald Darmanin, ministre.
Le refus d’accorder le droit d’asile vaudra OQTF – obligation de quitter le territoire français. Cela implique une réforme approfondie des voies de recours, qui passeront de douze à quatre, afin d’éviter d’alimenter mécaniquement le flux de personnes en situation irrégulière sur le territoire national.

Enfin, après le drame de Calais, lors duquel vingt-sept migrants ont trouvé la mort dans la Manche, le garde des sceaux propose d’alourdir les dispositions du code pénal, afin de qualifier de crime, et non plus de délit, les activités des passeurs, et de porter à vingt ans d’emprisonnement les peines qu’ils encourent. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Mme Estelle Youssouffa applaudit également.) Merci, monsieur le garde des sceaux.

Mme Danielle Simonnet.
Et la non-assistance à personne en danger ? Et les enregistrements ?

M. Matthias Tavel.
On les a laissés mourir !

M. Gérald Darmanin, ministre.
Je crois que personne ici ne veut être complice des passeurs. Malheureusement, je crains que vos cris ne fassent qu’encourager ceux qui utilisent les êtres humains comme de la marchandise ou du bétail, et sont responsables de toutes ces disparitions et de toutes ces morts.

M. Éric Coquerel.
Et les appels à l’aide ? Vous les avez laissés sans réponse !

M. Gérald Darmanin, ministre.
Il faut améliorer les reconduites aux frontières, même si depuis le 1er janvier elles ont déjà augmenté de 21 %, grâce à la simplification du droit et à l’amélioration de nos relations diplomatiques – merci, madame la ministre des affaires étrangères.

Le projet de loi tend également à spécialiser les centres de rétention administrative. J’y œuvre depuis mon arrivée au ministère de l’intérieur, à la demande du Gouvernement : 91% des personnes centralisées dans les CRA ont commis des délits ou des crimes. En revanche, nous assignons à résidence les étrangers en situation irrégulière qui ne troublent pas l’ordre public.

M. Matthias Tavel.
Régularisez-les donc !

M. Gérald Darmanin, ministre.
Le texte visera également à interdire le placement en CRA des mineurs de moins de 16 ans.

M. Sacha Houlié, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
C’est très bien !

M. Gérald Darmanin, ministre.
Amélioration de la reconduite ; humanisation de l’accueil des étrangers ; fermeté envers les délinquants ; intégration de ceux qui veulent vivre dans notre belle France : le projet de loi que le ministre du travail et moi-même présenterons, à la demande de la Première ministre, améliorera significativement le service public rendu à tous nos concitoyens. Il ne considérera pas les étrangers comme des criminels en puissance, mais ne fera pas non plus preuve de naïveté envers ceux qui veulent atteindre la République. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Mme Estelle Youssouffa applaudit également.)

Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.
Le Gouvernement défend une conviction forte : pour évident qu’il soit, il faut réaffirmer le lien entre travail et intégration. Parce qu’il est la seule manière d’assurer sa subsistance et parce qu’il est un formidable moyen d’apprendre la langue et la culture d’un peuple, nous devons réhabiliter le travail comme vecteur d’intégration. C’est d’autant plus juste que l’immigration a toujours permis à la France de répondre aux besoins de son économie. Sans occulter la nécessité de former et d’accompagner nos compatriotes, qui reste la priorité de notre politique de l’emploi, nous avons également besoin des talents étrangers. La marche vers le plein emploi doit s’accompagner d’un recours subsidiaire au recrutement d’étrangers non communautaires, pour faire face à nos besoins en compétences et en qualifications.

Cependant, nous devons considérer notre système avec lucidité. En matière d’immigration pour et par le travail, il est inefficace par plusieurs aspects, injuste par d’autres.

D’abord il est inefficace, car il ne permet pas à de nombreux primo-arrivants, arrivés régulièrement sur le territoire, de se former ni d’être accompagnés pour exercer un emploi. Le taux de chômage des immigrés, nettement supérieur à celui des personnes nées en France, le montre : au premier trimestre 2022, il était d’un peu plus de 13 %, contre 7,5% pour l’ensemble de la population. Cet écart est constant, quelle que soit la conjoncture, que l’on vive une période de crise ou de croissance.

Ensuite, notre système est inefficace, car il enferme dans l’illégalité des étrangers présents depuis longtemps sur le territoire et employés dans des secteurs en tension. Ces personnes, qui sont malheureusement parfois pointées du doigt dans le cadre du débat que nous avons ouvert, contribuent à l’économie française.

Mme Farida Amrani.
Oui, ils paient des impôts !

M. Olivier Dussopt, ministre.
Leur utilité est remarquée et remarquable. Elles sont déclarées ; elles paient des impôts. Leur situation relève parfois de la traite des êtres humains. En effet, l’absence de droit au séjour les rend vulnérables et précaires. Des employeurs peu scrupuleux les obligent parfois à travailler plusieurs semaines sans repos ou à être hébergées dans des conditions indignes. Plusieurs décisions de justice l’ont souligné, même si cela ne vaut évidemment pas généralisation. Avec le présent débat et le projet de loi qui suivra, nous voulons pouvoir condamner plus sévèrement celles et ceux qui se livrent à la traite d’être humains. (MM. Sylvain Maillard, Ludovic Mendes et Erwan Balanant applaudissent.)

Progresser sur ce sujet, c’est progresser sur l’ensemble des conditions de travail, en supprimant ces situations du pire et en revenant à un socle commun à l’ensemble des salariés. Dans le cadre de l’immigration légale et des cartes de séjour pluriannuelles, nous devons simplifier l’accès au travail, en réexaminant la question des autorisations préalables exigées pour la conclusion de chaque contrat.

M. Didier Le Gac.
Bravo !

M. Olivier Dussopt, ministre.
Dans les secteurs qui ont largement recours aux contrats courts, l’obligation de demander une autorisation avant chaque contrat de travail peut agir comme une trappe à travail dissimulé. Il nous faut donc sortir de l’absurde jeu perdant-perdant concernant la situation des étrangers en situation irrégulière dans des métiers qui manquent de main-d’œuvre. Des étrangers présents depuis plusieurs années sur le territoire et employés depuis plusieurs mois en France dans un métier en tension sont parfois en situation irrégulière, sans porte de sortie. Ils travaillent, s’intègrent, ou sont intégrés. Ils demeurent pourtant sans droit au séjour ni au travail.

La procédure d’admission exceptionnelle au séjour, inscrite dans la circulaire Valls du 28 novembre 2012, est appliquée de façon hétérogène ; de surcroît, elle laisse un grand pouvoir à l’employeur, puisque celui-ci doit soutenir la démarche, ce que ne font pas les plus indélicats. C’est pourquoi il nous paraît souhaitable que ces étrangers puissent obtenir un titre de séjour temporaire pour une année, renouvelable. Il s’agit de leur permettre de travailler dans un métier qui connaît des difficultés de recrutement. Ils pourront ensuite s’insérer dans un parcours plus classique, toujours par le travail et par la langue. Cela s’appelle tout simplement l’intégration, et c’est ce que nous voulons promouvoir, comme M. le ministre de l’intérieur et moi-même l’avons indiqué.

Nous y travaillons ; les concertations sont en cours. D’ores et déjà, nous pouvons affirmer qu’il faudra résider en France depuis plusieurs années et y travailler depuis plusieurs mois pour bénéficier de ce titre. Il ne s’agit pas d’un plan de régularisation massive, mais d’une solution offerte à celles et ceux qui sont déjà là, qui travaillent depuis longtemps et qui sont parfois devenus irréguliers en raison de la complexité des formalités ou à la suite d’un accident de parcours.

Certains feignent de penser que nous allons favoriser le travail étranger au détriment des Français. Là encore, c’est un mensonge, ou un moyen de faire peur. Ce titre de séjour sera accessible à ceux qui travaillent déjà dans des secteurs en tension, où les témoignages d’entreprises qui rencontrent des difficultés de recrutement sont nombreux. Cette mesure répond à une demande forte des entreprises, en particulier dans les secteurs de l’hôtellerie et de la restauration. Dans le même état d’esprit, nous avons déjà commencé à réviser la liste des métiers en tension, les textes prévoyant qu’elle le soit à intervalle régulier pour être aussi adaptée que possible. Cette liste sera utile pour déterminer l’accès aux titres de séjour que je viens d’évoquer ; elle est déjà utile pour permettre à des employeurs qui souhaitent recruter des étrangers non communautaires de le faire sans autorisation préalable. Tel est l’état du doit, comme la Première ministre l’a expliqué.

Or cette liste n’est plus adaptée : les métiers de la restauration y sont très peu présents, comme ceux de la propreté. Elle devra donc demain être plus en adéquation avec la réalité. Dans ces deux secteurs, nous savons tous quelles sont les tensions de recrutement, comme nous savons que le recours à des travailleurs étrangers y est nettement plus important que la moyenne.

Si nous devons regarder la réalité en face s’agissant de la part des emplois en tension occupés par des étrangers, en situation régulière ou irrégulière, nous devons aussi constater la faiblesse ou plutôt la lenteur des sanctions infligées lorsque le travail illégal est constaté et délibéré. Or, c’est une certitude, la lutte contre le travail illégal passera par des sanctions plus facilement applicables. Il existe des sanctions pénales, que nous ne prévoyons pas de modifier : elles sont nécessaires dans les cas les plus graves, dès lors que l’intentionnalité et la dégradation des conditions de travail sont manifestes.

Il existe aussi des sanctions administratives, comme la possibilité pour le préfet de fermer un établissement pour une durée maximale de trois mois. Il est certainement opportun de les faciliter. Il nous faut également une sanction administrative calibrée pour être plus systématique, par exemple une amende. Elle n’aurait pas un caractère automatique, mais serait prononcée en fonction de l’appréciation d’un certain nombre de critères, tels que les ressources et les charges, l’intentionnalité, le contexte et la gravité. C’est ce à quoi nous travaillons avec le ministre de l’intérieur, pour apporter une réponse rapide, proportionnée et efficace à ceux qui ont délibérément recours à des travailleurs en situation irrégulière.

Enfin, l’intégration, au travail comme ailleurs, se fait aussi par la langue – c’est une évidence. En cohérence avec l’exigence de sa maîtrise, nous considérons que les employeurs doivent aussi faciliter l’intégration par la langue de leurs salariés étrangers. Ils sont nombreux à compter sur la main-d’œuvre étrangère pour faire tourner leur entreprise ; il n’est donc pas anormal que les employeurs contribuent à la réussite de l’intégration de leurs salariés par la formation continue, par des abonnements à des comptes personnels de formation ou par le simple fait de libérer du temps pour qu’ils participent aux formations à l’apprentissage du français.

M. Sylvain Maillard.
Eh oui !

M. Olivier Dussopt, ministre.
Nous abordons le sujet de l’immigration par le travail sans naïveté, mais surtout en refusant d’être les complices passifs des injustices existantes quant au travail des étrangers : ni naïveté, ni idéalisme, mais du réalisme et la volonté de protéger les travailleurs comme les chefs d’entreprise n’ayant pas d’autre solution. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)

(…)

Mme la présidente.
La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice.
Avant-hier, pendant que nous travaillions sur ce texte, un polémiste dont les Français n’ont pas voulu a affirmé qu’un des facteurs d’explication de la délinquance était « l’hétérogénéité ethnique » de notre société. (M. le ministre se tourne vers les bancs du groupe RN.) C’est l’un de vos anciens amis.

Mme Caroline Parmentier.
Non !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.
Vous vous êtes séparés il y a quelques semaines. Ses séides, tels que M. Bay ou M. Collard, l’ont applaudi. Ce sont vos anciens amis.

Mme Caroline Parmentier.
Ils ne sont plus chez nous !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.
Cela fait peu de temps qu’ils vous ont quittés – vous les avez supportés longtemps. Était également présente dans la salle une nièce qui vous est familière. De ce côté, les applaudissements furent nourris – pour reprendre une expression qu’on trouve parfois dans le compte rendu.

À l’évidence, il y a d’un côté la France des Lumières et de l’autre celle de l’obscurité, pour ne pas dire celle de l’obscurantisme.

Mme Edwige Diaz.
Mais bien sûr !

Mme Caroline Parmentier.
Et la France du laxisme ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.
Nous devons être fiers du projet que nous allons défendre.
Le discours tenu tout à l’heure par Mme Le Pen, vous l’avez entendu, était d’une certaine manière raté, parce qu’elle n’a rien proposé. Certes, Papa sera très content ce soir. Pour le reste, disons-le, il n’est pas question pour elle de travailler sur ces questions, parce que cela reviendrait à réduire à néant le théorème qu’elle défend depuis bien trop longtemps et qui est le suivant : les étrangers sont la cause de tous nos maux.

M. Sylvain Maillard.
Eh oui ! Le bouc émissaire !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.
Le choix de traiter ce sujet avec lucidité et sérieux, comme nous souhaitons le faire, serait évidemment désastreux pour elle…

Mme Caroline Parmentier.
Plus personne ne vous croit !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.
…parce qu’elle perdrait au fond son ADN.

Mme Caroline Parmentier.
Plus personne ne vous fait confiance !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.
Madame Diaz, vous évoquez le Parlement européen et Mme Ursula von der Leyen, mais je tiens à vous dire que vous et vos amis y avez surtout brillé par votre absence. Reconnaissez-le tout même.

M. Rémy Rebeyrotte.
C’est vrai !

Mme Caroline Parmentier.
C’est faux !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.
Je pense que d’aucuns vous le reprochent, au demeurant. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Souffrez, madame, que je vous réponde. Ensuite, vous nous assénez comme d’habitude des contrevérités. (Mêmes mouvements.)

Mme la présidente.
Seul M. le ministre a la parole.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.
Vous dites que les logements sociaux sont donnés aux étrangers. Mais ils ne le sont certainement pas à ceux qui sont en situation irrégulière, puisque c’est impossible ! Ce que vous dites n’est pas vrai.

Et vous évoquez la délinquance des étrangers. C’est votre fantasme, bien sûr.

Mme Caroline Parmentier.
C’est la réalité !

Mme Nadia Hai.
Écoutez donc la réponse du ministre !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.
Laissez-moi terminer. Elle existe, il faut la voir en face lucidement, mais je rappelle que dans les autres pays européens, elle existe aussi. Je vais à cet égard vous apporter une précision qui peut vous amener à réfléchir – l’emploi du mode impératif m’est interdit lorsque je m’adresse à vous : les juges exigent souvent des garanties de représentation, notamment lorsqu’il s’agit de décider d’une détention provisoire, et comme par définition les étrangers en situation irrégulière n’en ont pas, c’est une des raisons qui expliquent la proportion importante d’étrangers en détention provisoire.

J’en viens maintenant à vous, madame Genevard. Vous savez que je vous respecte infiniment, madame la députée,…

Mme Annie Genevard.
Ça commence très mal ! (Sourires.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.
…mais je vous ai connue mieux inspirée. Vous nous donnez aujourd’hui des leçons : je me dois de vous rappeler que c’est M. le président Sarkozy qui a partiellement mis en cause la double peine.

Mme Annie Genevard.
Je crois qu’il le regrette.

Mme Caroline Parmentier.
Il est bien temps ! Sarko d’opérette !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.
Ces interruptions permanentes sont pénibles…

Mme la présidente.
Madame Parmentier, il ne s’agit pas d’ouvrir un débat entre vous et le ministre.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.
Nous reviendrons avec courage et lucidité sur les questions que vous avez évoquées, madame Genevard, parce qu’elles le méritent.

Je confesse que c’est à fleur de peau que je m’exprime dans cet hémicycle, car je pense évidemment au général Oufkir qui a participé à la libération de la Sicile : un Marocain ; je pense au groupe Manoukian et à cette formule que j’adore, " Français de préférence " ; je pense à Joséphine Baker et à tant d’autres. Et, plus proche de nous, je pense à ceux qui travaillent dans notre pays ou qui veulent travailler et qui méritent qu’on les regarde avec considération, attention et humanité.

Au passage, je veux dire à M. Pierre-Henri Dumont – je regrette qu’il soit parti – que les étrangers ne sont pas une charge. Voilà un propos d’une infinie violence.

Mme Nadia Hai.
Eh oui !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.
Ma mère, qui a 86 ans, a quitté son pays d’origine où elle crevait de faim, et a travaillé toute sa vie. Je pense que si elle rencontrait M. Pierre-Henri Dumont, elle lui courrait après avec le balai dont elle s’est servi toute sa vie – car elle était technicienne de surface –, en dépit de la forme que lui accorde son grand âge… Naturellement, je la retiendrais. Dire que les étrangers qui travaillent sont une charge est un scandale absolu, c’est d’une violence insupportable. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.) Je tiens à remercier Mme la Première ministre, mon ami Gérald Darmanin, Olivier Dussopt et Catherine Colonna – et pour leur dire quoi ?

M. Jean-Louis Bourlanges, président de la commission des affaires étrangères.
Et Franck Riester, qui est là aussi ? (Sourires.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.
Pas sur ce texte en particulier, mais je le remercie aussi parce que je l’aime beaucoup. (Sourires.)
Je veux leur dire qu’ils vont enfin nous permettre de nous rappeler collectivement que le mot « étranger » n’est pas le synonyme du mot « délinquance ». Et pour cela, merci. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)

Quant aux étrangers délinquants, ils seront traités avec la fermeté qui convient. Gérald Darmanin a dit tout à l’heure que nous allions criminaliser ce que font les passeurs. Nous allons également simplifier les procédures qui sont trop complexes. Il s’agit d’être efficace et sans aucune complaisance à l’encontre des étrangers délinquants. Je reprends à mon compte la formule : " la France, on l’aime ou on la quitte. "

Mme Nadia Hai.
Eh oui !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.
Et je l’assume.

Mais il y a les autres, les travailleurs. Il faut que M. Pierre-Henri Dumont mette ses actes en conformité avec ses paroles. Quand il monte dans un VTC, une voiture de transport avec chauffeur, qu’il demande qui conduit, et qu’il saute tout de suite du véhicule si c’est un étranger ! Quand il va dîner dans un restaurant, qu’il demande qui a fait la cuisine ! Et quand il mange un fruit, qu’il demande qui l’a cueilli !

Mme Annie Genevard.
Ce n’est pas sérieux ! Pas vous, pas ça !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.
C’est une réalité incontestable.

Ce projet de loi a du sens. C’est du " en même temps " : on s’occupe des délinquants et, en même temps, on s’occupe de ceux qui bossent et dont on a envie dans notre pays parce qu’ils en font la richesse.

Je n’ai plus rien à dire,…

Mme Caroline Parmentier.
Alors arrêtez !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.
…mais je ne résiste pas au plaisir de vous lire un tout petit texte : " Logez confortablement des émigrés italiens et ils sauront donner à leur village ce débraillé, cette turbulence, cette malpropreté qui les caractérisent. " Ce n’est pas un papier de Valeurs actuelles . C’est paru le 18 mai 1935 dans le journal La Lumière … On parle des " Ritals ", des " sales Macaronis ". J’en ai un autre : " Il y a 50% de travailleurs italiens [sur tel chantier] qui font le jeu des patrons en acceptant et en sollicitant même du travail supplémentaire. " Voulez-vous, s’il vous plaît, être le messager de ces propos auprès de M. Jacobelli et de M. Bardella… Vous me feriez plaisir. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)

Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Quelques mots de réponse à mon tour aux orateurs, à commencer par M. Vallaud – de là où il est, il doit nous entendre. (Sourires.)

M. Sylvain Maillard.
M. Lucas transmettra !

M. Benjamin Lucas.
Sans faute ! (Sourires.)

M. Gérald Darmanin, ministre.
Je voudrais répondre à ses propos un peu durs sur les raisons pour lesquelles cela ne marche pas dans les préfectures : j’aurais aimé qu’il en profite pour faire son propre mea culpa , parce que c’est bien sous la présidence de François Hollande qu’on a supprimé une très grande partie des postes d’agent de préfecture, ce que relève d’ailleurs la Cour de comptes.

M. Sylvain Maillard.
Eh oui !

M. Fabrice Brun.
On n’a pas vu grand-chose sous Macron !

M. Gérald Darmanin, ministre.
Et c’est nous qui réparons désormais ce drame en recréant des postes, afin de bien accueillir les étrangers. Quand on chante la vérité, on ne la chante pas à moitié, camarade ! En incipit de son intervention, il avait d’ailleurs dit qu’il fallait tenir, sur la question de la politique de l’immigration, un discours simple, honnête et empli de vérité.

M. Sylvain Maillard.
Vous lui transmettrez, chers collègues !

M. Gérald Darmanin, ministre.
À part cela, on pouvait être d’accord sur une partie de ses propositions.

Plusieurs orateurs, du groupe Rassemblement national bien sûr mais aussi du groupe Les Républicains, ont abordé la question des immigrés clandestins. Je voudrais seulement apporter quelques précisions à Mme Genevard et à M. Dumont. En 2004, il y avait 151 000 étrangers en situation irrégulière – en tout cas, c’était le nombre d’inscrits à l’AME, sans doute le meilleur moyen sans doute de s’approcher de la réalité, selon Patrick Stefanini. En 2017, deux quinquennats plus tard, il y en avait 315 000. La progression a été plutôt linéaire, un peu plus rapide sous le président Hollande, mais déjà bien réelle pendant le quinquennat du président Sarkozy. Il y a de nombreuses raisons à cela ; nous comprenons les difficultés du monde, le dérèglement climatique et ses réfugiés, parfois la démographie, mais aussi la déstabilisation dans de nombreux pays, en premier lieu la Libye bien évidemment. Et puis, sous le président Macron, on est passé de 315 000 à 360 000. Il est vrai que les chiffres continuent à augmenter, mais à un rythme huit fois moindre que sous les deux quinquennats précédents.

Vous nous reprochez, madame Genevard, de vouloir régulariser – ce terme est faux, mais nous aurons le débat législatif pour y revenir – des personnes qui sont depuis cinq ans sur le territoire national et qui travaillent. Vous semblez oublier qu’il s’agira de ce fait de personnes entrées en France sous les quinquennats précédents. La circulaire Valls exige déjà cinq ans d’ancienneté sur le territoire national. Nous opérons 30 000 régularisations par an. Oui, on régularise, c’est vrai, mais on le fait pour des gens qui sont entrés voilà déjà plus de dix ans sur le territoire national, vous le savez très bien.

Si nous voulons un débat sincère et serein, il faut donner la vérité des prix, en l’occurrence reconnaître que sous le quinquennat du président Macron, la situation au Soudan, en Afghanistan, en Syrie a été à l’origine de nombreuses demandes d’asile. Je ne crois pas très honnête la façon dont vous avez présenté les choses, madame Genevard.

Mme Annie Genevard.
Les chiffres sont là !

M. Gérald Darmanin, ministre.
Nous y reviendrons lors du débat législatif, et nous sommes prêts à établir toutes les comparaisons possibles, mais elles ne me semblent pas très favorables aux thèses que vous défendez.

S’agissant des OQTF, l’évolution des chiffres va dans le même sens : entre 2007 et 2012, leur nombre était de 60 000, dont 12 000 exécutées, soit 19% sous le quinquennat du président Sarkozy ; nous en sommes à 15% d’OQTF exécutées pour la période 2017-2022, sachant qu’il y a eu deux années sans transport aérien en raison du covid. Il n’était alors pas facile d’expulser.

Mme Caroline Parmentier.
L’argumentation ne va pas loin !

M. Gérald Darmanin, ministre.
La différence entre 19% et 15% est si minime qu’elle ne permet pas de donner des leçons de morale. Regardons la vérité en face ! On n’a, pour de très nombreuses raisons, pas plus expulsé à l’époque que maintenant. On pourrait certainement améliorer ce taux, mais ce serait mentir aux électeurs, à tous les habitants, que de dire qu’il y a cinq ou dix ans, on savait expulser et que l’on ne sait plus le faire depuis que le président Macron est là.

Il y avait même à l’époque des départs aidés, vous le savez très bien : les gens étaient payés pour partir et revenaient trois mois après, leur pécule épuisé.

Mme Annie Genevard.
Le Président de la République a annoncé un taux de 100 % !

M. Gérald Darmanin, ministre.
Comparons, voyons ce qui doit changer fondamentalement : c’est ce que nous proposerons dans le texte de loi que nous vous présenterons. Vous dites que vous attendez d’en savoir plus, mais les débats à l’initiative de la Première ministre, ici et au Sénat, ne sont pas pour rien ! L’avant-projet de loi n’a pas encore été transmis au Conseil d’État ; il le sera après la fin des débats parlementaires et des consultations – je recevrai d’ailleurs, avec le ministre du travail, votre groupe politique à Beauvau la semaine prochaine, et nous écouterons évidemment toutes les propositions.

Je redis, après Mme la Première ministre, que l’essentiel de nos propositions relatives à la lutte contre l’immigration irrégulière, à la non-régularisation des personnes sans titre de séjour, à leur retour dans le pays d’origine proviennent du rapport Buffet. Je plaide coupable – mais il n’y a pas de droits d’auteur : nous avons fait un copier-coller de ce rapport pour une très grande des dispositions qui seront proposées.

Mme Annie Genevard.
Il le conteste !

M. Gérald Darmanin, ministre.
Non, ce n’est pas vrai. Il en est d’accord. J’écouterai avec intérêt ce qu’il dira, puisque nous arrivons toujours à travailler en bonne intelligence avec le Sénat sur ces questions. Encore une fois, je pense que la comparaison avec les quinquennats précédents ne tourne pas à votre avantage.

Enfin, je n’ai pas compris le chiffre de 400 000 étrangers entrés légalement dans le pays chaque année, chiffre que vous-même et M. Dumont citez.

Mme Annie Genevard.
Il y a 270 000 titres de séjours délivrés chaque année !

M. Gérald Darmanin, ministre.
Tout d’abord, c’est faire un drôle de calcul : vous partez du principe que 400 000 personnes, " l’équivalent de la population de Montpellier ", s’ajouteraient chaque année aux personnes arrivées précédemment. Je rappelle que ces 400 000 personnes sont composées notamment de 270 000 détenteurs d’un titre de séjour, dont 200 000 renouvelés. La moitié des 400 000, ce sont donc les 200 000 titres de séjour long renouvelés. En fait, votre proposition revient à refuser de les renouveler : je pense aux 20% des médecins qui exercent dans nos hôpitaux…

Mme Annie Genevard.
Je n’ai pas dit ça !

M. Gérald Darmanin, ministre.
Madame Genevard, vous comparez cette population à l’équivalent d’une grande ville comme Montpellier, comme si le grand remplacement allait survenir.

Mme Annie Genevard.
Ai-je parlé de grand remplacement ?

M. Gérald Darmanin, ministre.
Vous avez dit que c’était comme si l’équivalent de la population de Montpellier débarquait chaque année, on a donc l’impression que quelque chose de terrible va nous arriver ! Je redis, pour que tout le monde comprenne bien, que sur les 400 000 titres de séjour, 200 000 sont des renouvellements. Il serait intéressant de savoir non seulement quels sont les gens que vous ne voulez pas accueillir, mais aussi quels sont ceux dont vous ne voulez pas renouveler le permis de séjour. Au vu du nombre de lettres de parlementaires que je reçois, notamment de LR, pour solliciter de tels renouvellements, vous n’êtes manifestement pas tous d’accord sur ce premier point.

Quant au second point, ce sont les 70 000 nouveaux entrants, et vous avez tout à fait raison de vous interroger : la question est en effet de savoir qui ils sont. Plus de la moitié d’entre eux, vous le savez, proviennent de l’immigration familiale. Je dis au Rassemblement national, notamment à Mme Le Pen, qui a dit à ce sujet quelques âneries à la tribune de l’Assemblée,…

Mme Caroline Parmentier.
Un peu de respect !

M. Gérald Darmanin, ministre.
…que le regroupement familial, c’est seulement 13% de l’immigration familiale. C’est infinitésimal.

L’immigration familiale est composée principalement de conjoints de Français. Pour une partie d’entre eux, ce sont des Européens. Doit-on leur interdire de venir ? Et qui ici demande d’interdire à un Français de pouvoir faire venir sa femme originaire d’Asie, du Maghreb ou des États-Unis ? Personne. Plus de la moitié de l’immigration étant familiale, doit-on restreindre celle-ci ? C’est une question importante dont traitera le projet de loi. Pour notre part, nous souhaitons beaucoup plus d’immigration économique que d’immigration familiale, sur le modèle allemand – même si tout n’est pas bon à prendre chez eux puisqu’ils ont deux fois plus de demandes d’asile que nous… Et nous allons proposer le passage d’un examen de français, sur lequel vous ne vous êtes pas exprimée, au résultat duquel sera conditionnée l’obtention du titre de séjour.

Ensuite, pour parvenir au chiffre de 400 000, vous comptez les titres de séjour étudiant. Excusez-moi, madame Genevard, mais il y a une sorte de double compte ! En fait, 90% des étrangers qui viennent étudier en France – ils sont 50 000 par an au total – repartent à la fin de leurs études. Certes, 10% d’entre eux restent dans notre pays, soit qu’ils soient passés en situation irrégulière, ce qu’il faut combattre, soit parce qu’ils ont trouvé un travail en France, ce qui est à la fois intelligent et compréhensible. Mais, je le redis, 90% des 50 000 étudiants auxquels on délivre un titre spécifique rentrent après leurs années d’études.

Dans ce chiffre de 400 000, nous avions déjà 200 000 titres renouvelés dont vous ne nous dites pas sur quel fondement on devrait ne pas les renouveler, et 50 000 titres étudiants. Vous ajoutez ensuite les demandeurs d’asile – franchement, ce doit vraiment être pour parvenir à ce chiffre rond de 400 000 et continuer à parler de Montpellier. Non seulement vous tenez compte des 120 000 demandes d’asile, mais vous ajoutez les 30 000 demandes satisfaites – vous les comptabilisez donc une seconde fois.

Les 120 000 demandeurs d’asile ont le droit à l’asile…

Mme Annie Genevard.
Ils n’y ont pas tous droit, vous le savez bien !

M. Gérald Darmanin, ministre.
Ils ont le droit de demander l’asile et les dossiers doivent être étudiés. Je ne pense pas que le groupe Les Républicains s’y oppose. Notre texte proposera que les dossiers soient étudiés rapidement, ce qu’aucun gouvernement n’avait fait auparavant, vous le savez très bien. Il faut dire que cela peut être compliqué, notamment en raison de conventions européennes : nous regarderons ce sujet avec attention. Nous sommes par exemple prêts à étudier l’amélioration de la délivrance des visas accordés dans les pays d’origine pour demande d’asile. Nous l’avons fait pour les Afghans – par exemple, lorsque ceux qui se trouvent en Turquie formulent une demande d’asile auprès de la France, nous ne les acceptons pas tous sur le territoire national.

Décidément, votre chiffre de 400 000 n’est pas très sérieux. On peut toujours discuter pour savoir si l’on doit supprimer certains types de titres de séjour, comme l’a suggéré M. Marcangeli au cours du débat, ou s’il faut mettre en place des quotas – j’ai entendu ce qu’a dit à ce sujet le président de la commission des lois. Il n’en reste pas moins que, si l’on veut traiter de ce sujet extrêmement difficile, il est préférable de ne pas avancer de chiffres qui ne correspondent pas à la réalité. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)


Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 8 décembre 2022