Interview de Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de l'engagement, à Europe 1 le 13 décembre 2022, sur la réforme des retraites et la coupe du monde de football.

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Média : Europe 1

Texte intégral

SONIA MABROUK
Bienvenue sur Europe 1 et bonjour Sarah El HAÏRY.

SARAH EL HAÏRY
Bonjour.

SONIA MABROUK
Nous parlerons, si vous le voulez bien, foot tout à l'heure, mais il y a d'abord un autre match, ô combien important, qui se joue sur la réforme des retraites, la présentation est donc repoussée au 10 janvier, a annoncé Emmanuel MACRON. Le Président se justifie en évoquant les élections chez LR et Europe Écologie-Les Verts. Sérieusement, pourquoi ne pas donner la vraie raison ?

SARAH EL HAÏRY
Très sérieusement, il se trouve que la réforme des retraites est absolument nécessaire, elle est nécessaire pour notre pays, pour l'équilibre de nos comptes, et pour dire les choses telles qu'elles sont, on ne peut pas envisager de baisser les pensions de retraite à nos retraités. Et donc il faut cette réforme, il faut une réforme d'âge, il faut une réforme plus juste, et pour ça, eh bien, il faut embarquer tout le pays. La réforme des retraites, ce n'est pas un affrontement, ce sont des coalitions.

SONIA MABROUK
Vous pensez que le 10 janvier, vous allez embarquer tout le pays ?

SARAH EL HAÏRY
Eh bien, écoutez, hier, j'étais avec le président de la République et la Première ministre à l'Élysée, dans le cadre du CNR, et même si ce n'est pas le lieu de la discussion autour de la réforme des retraites, les forces vives de notre pays doivent partir de la même ligne de départ, celle des chiffres, celle du constat, François BAYROU l'a encore rappelé ce week-end, avec une publication d'une note en particulier sur : quel est l'état de nos retraites, quel est l'état du financement, eh bien, aujourd'hui, il est nécessaire de discuter avec les partis politiques et les organisations syndicales, plus que jamais, pour que cette réforme réussisse, il faut qu'on soit d'accord sur la ligne de départ.

SONIA MABROUK
Alors, ça, c'est très important de ce que vous dites, Sarah El HAÏRY, c'est une nuance par rapport aux ministres, vous dites qu'on n'est pas tous d'accord sur la ligne de départ. Et vous insistez, si j'entends bien, sur ce qu'a dit François BAYROU, c'est le président de votre parti, c'est-à-dire l'alerte sur le déficit, 30 milliards d'euros pour une addition substantielle, est-ce que c'est une pierre dans le jardin de certains parlementaires et des syndicats ?

SARAH EL HAÏRY
Aujourd'hui, bien sûr, et c'est pour ça qu'il faut discuter de cette ligne de départ pour qu'on soit d'accord sur les réponses, et peut-être ne pas être d'accord sur les réponses, mais au moins, le constat est partagé. Je vais vous donner un exemple très clair, quand on discute ou quand on regarde les débats parlementaires, à l'Assemblée nationale ou au Sénat, et que vous avez des parlementaires qui disent : notre régime n'est pas déficitaire, pourquoi, alors, la question n'est pas quelles sont les réponses, c'est pourquoi faut-il une réforme, et donc la question, c'est : il ne faut pas de réforme, à l'inverse, si on est tous d'accord sur la réalité de l'équilibre, et donc du déséquilibre, on est tous d'accord pour dire : eh bien, il faut trouver comment garder ce régime par répartition. Et donc, la discussion se fait sur les mesures et non pas sur le fondement même de la réforme des retraites…

SONIA MABROUK
Mais alors, vous venez de me donner la raison pour laquelle ce projet a été décalé…

SARAH EL HAÏRY
Non, les discussions sont en cours…

SONIA MABROUK
Eh bien, écoutez, non, mais attendez, Sarah El HAÏRY, vous souriez…

SARAH EL HAÏRY
Les discussions sont en cours, et ça fait partie aujourd'hui, avec de nouvelles forces vives politiques et syndicales, compte tenu des élections aussi dans la Fonction publique, eh bien, quelques semaines supplémentaires apporteront les voies et moyens pour réussir cette réforme.

SONIA MABROUK
François BAYROU, c'est l'empêcheur de tourner en ronde, c'est le poil à gratter à chaque fois ?

SARAH EL HAÏRY
C'est une sorte d'intelligence et de garantie pour…

SONIA MABROUK
Oh, là, là, quel éloge !

SARAH EL HAÏRY
Eh bien, c'est celui en qui je crois, et dans le fond, il apporte quelque chose, une sorte d'âme, de sentiment de qu'est-ce que le pays, et je crois que, effectivement, objectiver, moi, je fais confiance aux Français, si on leur donne les moyens de voir notre système dans le détail, eh bien, il n'y a pas de raison que cette réforme ne…

SONIA MABROUK
Mais, on a du mal à comprendre votre position, c'est quand même particulier, vous êtes au gouvernement, donc solidaire de cette réforme, et de la méthode, et de la méthode, et en même temps, en tant que MoDem, le patron de votre parti ne cesse de critiquer le gouvernement, et dit qu'il y a un manque de pédagogie.

SARAH EL HAÏRY
Il challenge la méthode, il challenge la manière de le faire, et c'est son rôle…

SONIA MABROUK
Oh, comme c'est dit différemment, mais pour dire la même chose…

SARAH EL HAÏRY
C'est son rôle. Et aujourd'hui, ce qui est certain, c'est que nous portons cette réforme parce qu'elle est nécessaire, elle est nécessaire, vous savez, pour les jeunes, quand ceux que je croise me disent…

SONIA MABROUK
Pour les jeunes…

SARAH EL HAÏRY
Bien sûr !

SONIA MABROUK
Les jeunes, ils vous parlent de cette réforme des retraites aujourd'hui ?

SARAH EL HAÏRY
Mais parce qu'ils ne croient pas qu'ils auront une retraite, ils me disent : mais je n'aurai rien, donc dans le fond, ça ne me concerne pas. Et moi, mon job, c'est de dire : mais c'est si, l'acceptabilité de l'impôt, l'acceptabilité de notre modèle social passent pas la garantie d'avenir.

SONIA MABROUK
Et l'acceptabilité de l'âge, 64 ou 65 ans ?

SARAH EL HAÏRY
Écoutez, moi, je crois que…

SONIA MABROUK
Ne me dites pas que tout est ouvert…

SARAH EL HAÏRY
Non, non, non, mais écoutez, on a eu des débats pendant l'élection présidentielle, la question de l'âge a été posée plus d'une fois, moi, ce que je sais, c'est que 64 ou 65, ça dépendra des mesures aussi pour aller chercher de l'emploi seniors, aujourd'hui, on a 1 senior sur 2 qui est au chômage, et donc, plus on mettra les moyens pour le retour à l'emploi des personnes les plus âgées qui sont encore en pleine forme, en réalité, plus on réussira l'acceptabilité de cette réforme…

SONIA MABROUK
En pleine forme, ça dépend aussi du parcours, des catégories sociales, etc, à cet âge-là…

SARAH EL HAÏRY
Exactement, il y a des métiers qui abîment, il y a des métiers qui cassent, ce n'est pas la même chose pour tout le monde, et donc, ce regard très humain sur les fins de carrière est nécessaire, avec beaucoup d'humanité, mais surtout, garantir le pouvoir d'achat des personnes qui ont travaillé toute leur vie…

SONIA MABROUK
Donc ce n'est pas encore fixé, 64 ou 65 ans, c'est un débat ouvert à l'heure actuelle ?

SARAH EL HAÏRY
C'est toute la qualité du débat aujourd'hui, porté au sein du gouvernement, avec aussi surtout les organisations syndicales, et demain, les parlementaires, vous savez, je suis députée, plus que jamais je ne préempte pas ces débats.

SONIA MABROUK
Vous êtes députée, vous êtes aussi secrétaire d'État en charge de la Jeunesse et du service national universel. Vous êtes franco-marocaine, ça ne vous gêne pas qu'on le précise, c'est totalement assumé, totalement française avec un attachement réel pour le Maroc.

SARAH EL HAÏRY
Ah, mais vous savez, moi, aujourd'hui, c'est cette question qui est presque étonnante et que j'aimerais qu'elle n'existe pas…

SONIA MABROUK
Vous ne la comprenez pas cette question…

SARAH EL HAÏRY
Non, j'aimerais qu'elle n'existe pas, mais je la comprends...

SONIA MABROUK
Je ne l'ai pas encore posée d'ailleurs…

SARAH EL HAÏRY
Mais celle-là, je la comprends, parce que, vous savez pourquoi, je suis ministre du gouvernement français, je suis élue de la République, députée, élue locale de Nantes, ma journée est faite pour porter et améliorer le quotidien des Français, je défends nos valeurs, je défends nos principes, sans compromission, sans relativisme. Et avec tout ça, eh bien, il y a toujours parfois une suspicion, eh bien, d'allégeance, moi, j'ai envie de France, j'en ai même fait un livre, je l'ai écrit cet amour pour la France…

SONIA MABROUK
Suspicion d'allégeance, c'est-à-dire qu'on peut... même sur un plan sportif, on vous reproche peut-être d'être davantage du côté du Maroc avec cette affiche qui vient entre la France et le Maroc, c'est ça ?

SARAH EL HAÏRY
En tout cas, la question est posée, et si elle est posée, moi, la réponse a toujours été très simple et très claire, moi, j'ai envie qu'on aille chercher cette 3ème étoile sur notre maillot, parce que je crois que c'est un élan, et j'ai envie de ramener cette Coupe du monde, et ce serait la première fois qu'on a cette Coupe du monde avec deux victoires consécutives. Mais, pour autant, on a le droit, on a le droit de célébrer la victoire d'une autre nation, et heureusement, notre pays n'est pas la négation des célébrations, des joies, ou encore de son histoire, et c'est là où il faut faire extrêmement attention, je crois.

SONIA MABROUK
Alors, vous parlez de la joie, on aimerait que ce soit que de la joie et des scènes de joie, mais malheureusement, il y a les débordements, il y a des violences, vous n'êtes pas dans le déni généralement, Sarah El HAÏRY…

SARAH EL HAÏRY
C'est ça…

SONIA MABROUK
Eh bien, justement, de quoi ces images, qu'on a vues dans plusieurs villes de France, notamment à Paris, sur les Champs-Élysées, sont-elles le symptôme selon vous ?

SARAH EL HAÏRY
Moi, j'ai vu des images qui étaient différentes entre Paris et le reste de la France, principalement, j'ai vu des villes, comme Pau, où il y avait autant de drapeaux français que de drapeaux marocains ou d'autres drapeaux étrangers, et j'ai vu les Champs-Élysées comme vous, avec des espèces de voyous qui ont aussi cassé la fête, en cassant des vitrines, ou des kékés sur des scooters, ou des petits voyous, des petits délinquants. Ce qui est certain, c'est que ces petits délinquants et ces voyous, on doit avoir une tolérance zéro pour eux, mais je vais vous dire pourquoi il faut que ce soit une double tolérance zéro, je vais vous dire pourquoi, la première chose, c'est parce que, d'abord, ils cassent et ils gâchent la fête, ça, c'est le premier point, mais en plus, ils alimentent le vote de l'extrême-droite, parce que, résultat des courses, bien sûr, résultat des courses, on entend quoi, on entend…

SONIA MABROUK
Sarah El HAÏRY, pardon, allez-y…

SARAH EL HAÏRY
On entend typiquement les propos de monsieur ZEMMOUR dimanche dire que l'équipe du Sénégal n'a pas assez de blancs ou l'équipe de France a trop de noirs, depuis quand être français est une couleur de peau, jamais ça ne le sera, jamais.

SONIA MABROUK
Attendez, avant, on va en venir aux propos d'Éric ZEMMOUR, notamment dont vous parlez, mais quand on s'attaque à des policiers, c'est ça ce dont il est l'objet aujourd'hui, donc à l'autorité, à ce qu'incarne la République, est-ce qu'on s'attaque aussi à la France, à ce qu'elle représente, vous dites, ces petits voyous, à quoi s'attaquent-ils ? Est-ce que c'est juste brûler des motos ou des scooters ou est-ce que c'est aller plus loin, certains disent : sentiment de haine par rapport à la France, ce n'est pas arrivé par exemple au Maroc.

SARAH EL HAÏRY
Non, moi, j'ai une fermeté sans nom quand on s'attaque aux forces de l'ordre, aux enseignants, à toute forme d'autorité…

SONIA MABROUK
Eh bien, on a vu des images à Paris…

SARAH EL HAÏRY
On a vu ces images, et c'est pour ça qu'il faut être extrêmement, extrêmement dur, extrêmement ferme, engager la responsabilité de leurs parents, quand ce sont des mineurs, engager leur responsabilité, mais il faut aller chercher ça, parce que si on ne protège pas les figures d'autorité dans notre pays, et donc si…

SONIA MABROUK
Juridiquement, vous voulez dire ?

SARAH EL HAÏRY
Juridiquement…

SONIA MABROUK
Responsabilité pénale des parents…

SARAH EL HAÏRY
Et si les mesures ne sont pas exemplaires, alors, on n'envoie pas un message de responsabilité. Et donc, pour le coup, ces petits voyous, quand c'est des mineurs, finissent dans une sorte de toute puissance, il ne faut pas l'autoriser. Et donc attention, quand on porte un uniforme, on est aussi un symbole, ça, c'est le premier point. Le deuxième, et pour le coup, c'est malheureux chez nous, mais à chaque fois qu'on a un événement, qu'on a une manifestation, ça dégénère…

SONIA MABROUK
Mais pourquoi ?

SARAH EL HAÏRY
Ce qui pose la question de la violence, mais plus largement, au-delà de la question de la nationalité, parce que…

SONIA MABROUK
Parce qu'il y a un constat d'échec de l'intégration, de l'assimilation ?

SARAH EL HAÏRY
Aujourd'hui, ce qui est certain, c'est qu'il y a une partie de notre jeunesse, une partie d'entre elle dans notre pays qui n'a pas dans son cœur cet amour pour la France, et je crois que c'est toute la mission qui est la mienne, entre autres, celle par l'école, par l'engagement, par le service national universel, par le service civique…

SONIA MABROUK
Vous y croyez encore ? Vaste défi quand on n'a pas l'amour de la France, et parfois, quand on a la haine de la France, quand on préfère un pays qu'on n'a peut-être parfois pas connu, le Maroc ou autres ; comment on fait ?


Source : Service d'information du Gouvernement, le 14 décembre 2022