Texte intégral
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Bonjour Amélie OUDÉA-CASTÉRA.
AMÉLIE OUDÉA-CASTÉRA
Bonjour.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Malgré la défaite de justesse en finale, eh bien les Bleus ont donc fait rêver des millions de Français, ils ont été accueillis triomphalement à Paris hier soir. On va y revenir. D'abord, peut-être un mot de ce parcours. Blessures, doutes, frayeurs, et de belles victoires. Qu'est-ce que vous retenez au final de ce parcours ?
AMÉLIE OUDÉA-CASTÉRA
Je crois que, beaucoup de fierté du parcours de ces Bleus. Ils ont été en effet confrontés à ces difficultés avant le démarrage de la compétition, un sélectionneur qui était face à la nécessité de trouver des solutions, qui a réussi à composer un collectif qui a très bien fonctionné. C'était une finale d'anthologie…
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Ça fait partie aussi de passer par ces moments-là.
AMÉLIE OUDÉA-CASTÉRA
Oui, c'est une finale d'anthologie, ils se sont battus jusqu'au bout. On a vu une très belle équipe de France, ce passage aussi un petit peu de témoin…
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Entre les générations.
AMÉLIE OUDÉA-CASTÉRA
… entre les générations, ceux qui étaient là en 2018, les GRIEZMANN, les GIROUD, les VARANE, les LLORIS, ces piliers-là, et puis l'arrivée de cette nouvelle génération maintenant, c'est KOLO MUANI, c'est THURAM, qui étaient là et qui ont mis du jus dans cette finale. C'est vraiment je pense un très très beau moment de sport et un très beau moment de fierté qu'ils nous ont procuré.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Vous étiez dans l'avion, hier, du retour de Doha à Paris. Quelle était l'ambiance ? Est-ce que la tristesse était toujours d'actualité ?
AMÉLIE OUDÉA-CASTÉRA
Oui, il y avait encore de la tristesse, il y avait encore de la déception. En même temps l'ambiance était très apaisée, elle était fraternelle, elle était… Leurs familles, leurs enfants étaient avec eux. Un sentiment d'être allé au bout du devoir, du devoir accompli jusqu'à la dernière minute, d'y avoir cru jusqu'au bout. Je crois qu'ils ont pris progressivement conscience de l'effort magnifique qu'ils avaient livré…
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
De l'exploit qu'ils avaient réalisé.
AMÉLIE OUDÉA-CASTÉRA
… et de ce qu'ils avaient réussi à transmettre aux Français. Et donc petit-à-petit la fierté a commencé à l'emporter un petit peu plus sur la déception.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Didier DESCHAMPS. Didier DESCHAMPS également, c'est la question qu'on se pose là, vous l'avez senti comment ? Vous avez pu lui parler peut-être ces dernières heures, est-ce que vous le sentez prêt à poursuivre sa mission de sélectionneur chez les Bleus ? Grande question.
AMÉLIE OUDÉA-CASTÉRA
Ah, ça c'est la réflexion maintenant qui lui appartient. Je crois que quand on a une personnalité aussi exceptionnelle, il ne faut jamais oublier que c'est un privilège. Il a apporté à cette équipe énormément. Il a gagné cette Coupe du monde comme joueur et capitaine, il a gagné cette Coupe du monde comme sélectionneur aujourd'hui. Voilà, il est vraiment dans le top top top mondial du football.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Donc il faut tout faire pour le garder.
AMÉLIE OUDÉA-CASTÉRA
C'est une immense chance et un immense atout, j'ai envie de dire d'ailleurs pour l'ensemble du sport français, parce que, ce qu'il peut livrer d'expérience, y compris à moins de 600 jours des Jeux olympiques et paralympiques, c'est intéressant. Il peut aider les équipes, leur parler, en lien avec l'Agence nationale du sport et le travail mené par Claude ONESTA. Je pense qu'il y a des choses qu'il peut apporter, au-delà même du football aujourd'hui.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Donc là, même si son contrat s'arrête le 31 décembre, vous lui dites : "Didier, restez, reste".
AMÉLIE OUDÉA-CASTÉRA
En tout cas on lui dit tous : "Didier, merci, Didier bravo". Clairement.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Et : "Reste un petit peu plus longtemps". On verra.
AMÉLIE OUDÉA-CASTÉRA
Ce sera sa décision.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Ce sera sa décision. Avant d'en venir juste à l'arrivée des Bleus à Paris, Karim BENZEMA qui a annoncé hier de manière un peu surprenante sur les réseaux sociaux, avec un message un peu surprenant, encore avec plein de points d'interrogation, qu'il mettait fin à sa carrière internationale. Est-ce que vous le regrettez, est-ce que ça vous a surpris ?
AMÉLIE OUDÉA-CASTÉRA
Ah… on regrette forcément, c'est un immense champion Karim BENZEMA. Ce Ballon d'or là, qu'il a gagné en octobre, il le dédie au peuple, ce Ballon d'or du peuple c'est voilà, le meilleur buteur de la Ligue des champions, il a fait des choses exceptionnelles, c'est un talent hors norme, clairement.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Quand il dit : "J'ai fait des erreurs…
AMÉLIE OUDÉA-CASTÉRA
Donc on a forcément des regrets…
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
…les doutes et les erreurs qu'il fallait aujourd'hui.
AMÉLIE OUDÉA-CASTÉRA
Oui, je pense qu'il…
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Ça veut dire quoi ?
AMÉLIE OUDÉA-CASTÉRA
… voilà, il y a eu cette période de 5 ans et demi où il est tenu à distance de cette équipe. Il revient avec l'euro 21, avec des belles choses. Là on a tous cette grande frustration de sa blessure à la cuisse qui l'empêche d'être sur le terrain. Je pense que tous on s'est dit : qu'est-ce que ça aurait donné s'il avait en plus, lui, avec son talent hors normes, été là ? Voilà, maintenant je crois que le timing lui appartient, de cette décision. Il avait 35 ans hier, MBAPPÉ en a 24 aujourd'hui. C'était le lendemain de cette compétition, voilà. Je crois qu'il faut respecter tout ça, et simplement se dire que, c'est vrai que, je pense que, à titre personnel, on aurait bien aimé, moi en tout cas, le voir sur le terrain pour l'Euro 24, mais voilà…
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Karim BENZEMA.
AMÉLIE OUDÉA-CASTÉRA
… on va continuer à l'admirer sur les terrains de football.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
On avance, beaucoup de questions à vous poser Madame la Ministre. D'abord, est-ce que c'était une bonne chose hier que les supporters (sic) viennent saluer leur public, comme ça, à la Concorde, 50 000 personnes, on estime ?
AMÉLIE OUDÉA-CASTÉRA
C'était une magnifique chose.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
C'était indispensable qu'ils le fassent, il fallait boucler cette histoire.
AMÉLIE OUDÉA-CASTÉRA
Oui. Et je pense que tout ça a cheminé, parce que les Bleus, au début, au Qatar, étaient sous le coup de la déception, et puis petit-à-petit, et d'ailleurs Didier DESCHAMPS le premier, s'est quand même rendu compte qu'on venait de vivre un moment d'anthologie, que le parcours de ces Bleus avait été magique, qu'ils avaient donné énormément de fierté, et qu'il fallait quelque part communique et être dans ce moment de communion, avec ces presque 30 millions de Français qui les ont admirés pendant ce match. C'est un truc…
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Parce qu'effectivement, au départ, dans la journée hier, la Fédération a dit : non, ils vont rentrer chez eux directement.
AMÉLIE OUDÉA-CASTÉRA
En fait, je pense qu'il y a eu un cheminement. Vous savez, dans ces grands moments, pour nos grands sportifs, au début il y a forcément la déception, c'est ça qui prime, et puis petit-à-petit ils se rendent compte des choses, ils se rendent compte de la situation. Je pense que le premier à s'en être rendu compte c'était Didier DESCHAMPS, parce qu'il avait un petit peu plus de recul que ses joueurs…
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Et il leur a dit : il faut aller voir les supporters.
AMÉLIE OUDÉA-CASTÉRA
…ils ont eu envie d'aller à la rencontre de leurs supporters. Voilà. Après, il n'y a pas eu de contrordre, d'ordre ou de contrordre, c'est le cheminement de la décision qui s'est fait, et je pense que ce qu'il faut vraiment retenir, c'est ce moment de liesse, ce moment de communion, très bon enfant, c'est 50 000 personnes sur la Place de la Concorde, c'était vraiment à la hauteur de ce qu'ils nous avaient donné.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Un mot de la Fédération de football. Noël LE GRAËT bientôt 81 ans. On peut dire que vous n'êtes pas d'accord sur certains points, en tout cas, qu'il y a beaucoup de problèmes et de polémiques. On rappelle que le président de la fédération est accusé de harcèlement sexuel et de propos déplacés par plusieurs femmes, ce qu'il conteste. Est-ce qu'il peut rester encore à la tête de la Fédération ?
AMÉLIE OUDÉA-CASTÉRA
Écoutez, je ne vais pas changer de réponse par rapport à cette question-là. On est aujourd'hui en train de mener un audit qui va s'achever pour le 15 février, dont les conclusions seront partagées avec lui. Il y aura vraiment cette phase de contradictoires qui est importante au début du mois de février. Ensuite ce sera aussi aux instances fédérales de regarder la situation, d'analyser comment régler les dysfonctionnements qui ressortiront de cet audit, qui a deux volets, un volet sur pilotage et management et un volet aussi sur le traitement par cette Fédération, des violences à caractère sexiste et sexuel.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Et cet audit il sera déterminant pour la suite.
AMÉLIE OUDÉA-CASTÉRA
Ce travail, il doit aller au bout, voilà, en toute impartialité, en toute indépendance. Je l'ai dit, cet audit n'aurait pas été plus sévère si les Bleus avaient perdu en phase de groupes, il n'aurait pas été moins sévère si les Bleus avaient gagné cette Coupe du monde. Il y a un travail cohérent qui est mené et qui doit aller à son terme maintenant pour régler les difficultés…
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Mais d'un mot, cet audit sera déterminant pour la suite de la décision ?
AMÉLIE OUDÉA-CASTÉRA
Ecoutez, en tout cas il va apporter un certain nombre de conclusions, il faudra que chacun des acteurs concernés puissent s'en emparer pour que les bonnes décisions soient prises pour la suite.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Il n'y a pas que le foot dans la vie, 2023 sera une année rugby en France, puisque nous allons accueillir la Coupe du monde…
AMÉLIE OUDÉA-CASTÉRA
Absolument.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
… en septembre et en octobre prochains.
AMÉLIE OUDÉA-CASTÉRA
Avec un XV de France en grande forme.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Voilà ! C'est ça qui est paradoxal, c'est que le XV de France enchaîne les succès assez impressionnants ces derniers mois, mais la Fédération de rugby traverse une crise importante, son président Bernard LAPORTE a été condamné en première instance à 2 ans de prison avec sursis pour corruption, il a fait appel. Dans le JDD dimanche il assurait ne pas vouloir démissionner. Et puis hier, changement de pied, nouvelle version, selon la Fédération il devrait vous proposer jeudi, puisque vous allez le rencontrer jeudi, une mise en retrait de ses fonctions à titre provisoire, le temps de la décision pénale définitive. Est-ce que c'est suffisant cette mise en retrait ?
AMÉLIE OUDÉA-CASTÉRA
Ecoutez, on va dire que c'est une première prise de conscience de la gravité des manquements qui ont été retenus dans ce jugement de première instance. Maintenant, la mise en retrait, il faut qu'on comprenne exactement ce que ça veut dire, ce n'est pas une notion qui est prévue par les textes et par les statuts, donc il faut qu'on comprenne de quelles garanties elle s'accompagne.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Il dit : mettre un président provisoire.
AMÉLIE OUDÉA-CASTÉRA
Et puis maintenant, alors, voilà, président délégué, qui soulève là aussi un certain nombre de questions, de durée, de légitimité, de périmètre, de validité juridique, et tout ça doit être regardé. Moi j'aurai l'occasion de m'entretenir de tout cela avec le président du Comité d'éthique cet après-midi, et je verrai en effet Bernard LAPORTE jeudi. Ce qui est absolument capital dans cette affaire, c'est qu'on ait vraiment le plus haut niveau d'exigence morale, parce qu'il s'agit de l'image de la France, à 8 mois de cette Coupe du monde, qui doit être un immense moment, là aussi, de fierté pour notre pays.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Et on ne peut pas aller à la Coupe du monde dans cette situation actuelle.
AMÉLIE OUDÉA-CASTÉRA
En l'état, non. La situation fait obstacle à ce qu'il soit le président en exercice de cette fédération, je pense que c'est devenu tout à fait clair pour chacun.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Juste, d'un mot, pour finir. Le sport et politique, non, avait dit Emmanuel MACRON, et puis on a vu effectivement la place qu'il avait prise au sein de l'équipe de France, quand il est allé sur le terrain également saluer les joueurs. C'était sa place ? Beaucoup ont dit : non, il en fait trop, face à Kylian MBAPPÉ par exemple, cette photo.
AMÉLIE OUDÉA-CASTÉRA
Je pense qu'il a vécu ce match avec l'intensité avec laquelle tous les Français dans leur salon, dans les cafés, dans les bars, l'ont vécu. C'est un grand passionné de football, c'est un grand passionné de sport au sens large. Après voilà, il y a cette immense déception, il est aux côtés des joueurs, avec Didier DESCHAMPS, pour les consoler. Qu'est-ce qu'on aurait dit s'il était resté dans les salons, en haut, avec d'autres chefs d'État, déconnecté de l'équipe ? Je pense que voilà…
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Quitte à en faire un peu trop peut-être.
AMÉLIE OUDÉA-CASTÉRA
Et après, avec Kylian MBAPPÉ, vous savez, il a une certaine proximité, il en connaît bien la psychologie, il sait à quel point Kylian est inconsolable, mais ce n'est pas parce que quelqu'un est inconsolable qu'il ne faut pas essayer tout de même de le consoler. Et pour en avoir parlé un petit peu avec Kylian MBAPPÉ hier dans l'avion, il était content de se sentir soutenu. Donc voilà, je pense qu'il faut vraiment laisser à l'écart ces mauvaises polémiques. On a la chance d'avoir un chef de l'État qui a vécu l'événement avec, voilà, avec toute cette équipe. C'est une équipe nationale, dans équipe de France il y a France, et je pense que dans ce vestiaire il a exprimé exactement ce qu'on a tous ressenti, c'est-à-dire ce merci, cette gratitude, ce sentiment de fierté de leur dire : maintenant on a besoin que vous continuiez, et allez-y et faites-nous rêver encore.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Merci à vous Amélie OUDÉA-CASTÉRA, ministre des Sports, invitée des "4 V" ce matin. Bonne journée.
AMÉLIE OUDÉA-CASTÉRA
Merci.
MAUD DESCAMPS
Merci à tous les deux, la ministre des Sports donc qui a exprimé sa fierté face au parcours des Bleus dans ce Mondial, et qui salue également les qualités du sélectionneur Didier DESCHAMPS.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 21 décembre 2022