Texte intégral
Je voulais dire quelques mots pour lancer cette Conférence des parties prenantes sur notre service public. Très simplement, d'abord, pour vous souhaiter la bienvenue à Ségur et pour vous remercier d'être ici, rassemblés. Je connais la charge liée à vos fonctions, je connais les contraintes de vos agendas, et donc je voulais vous dire ma très forte reconnaissance d'avoir pris du temps pour participer à un moment de réflexion collectif sur nos services publics. Je crois qu'il est extrêmement nécessaire. J'ai rencontré ces derniers mois la plupart d'entre vous. Mais ça a beaucoup de valeur de vous voir réunis ici tous ensemble, sans esprit de hiérarchie, dans la diversité de vos parcours, de vos profils, de vos expériences, pour pouvoir apporter au fond votre pierre à cette réflexion collective.
Monsieur le gouverneur de la Banque de France, monsieur le Président de la Cour des comptes, mesdames messieurs les parlementaires, madame la sénatrice, madame la préfète de région, opérateurs de l'État, climatologues, hydrologue éminente, maires de grandes villes, monsieur le maire de Châteauroux, monsieur le maire de Sceaux, représentantes et représentants des organisations syndicales que je remercie d'être présents, de collectifs d'agents, de collectifs d'usagers ; bref vous êtes toutes et tous parties prenantes de nos services publics. Et je le sais, pour chacun d'entre vous, vous êtes attachés à notre service public, et c'est à ce titre-là, de celles et ceux qui réfléchissent, qui font vivre et parfois interagissent avec notre service public, avec notre fonction publique, que j'étais heureux de pouvoir vous rassembler et vous inviter, et je crois que ça a beaucoup de valeur déjà de vous avoir tous ensemble.
Je voulais vous dire en quelques mots pourquoi j'organise cette journée, et quels sont les objectifs collectifs que je nous donne. Pour vous dire pourquoi, d'abord je voudrais vous dire pourquoi ici. Nous sommes à Ségur, et nous sommes ici dans la salle où au coeur de la crise sanitaire se tenaient les conférences de presse qui informaient nos concitoyens sur la situation sanitaire. Ici c'est la salle où un Premier ministre, avec je crois une clarté inédite, a dit aux Français ce qu'il savait, mais aussi ce qu'il ne savait pas. Je suis certain que vous avez tous en tête cette expression-là. Et je crois que c'est très symbolique, ça avait beaucoup de sens pour moi d'organiser cette journée de réflexion dans ce lieu où on voit bien à quel point notre action publique est percutée par les crises, et dans un moment de perte de repères, je pense qu'on peut a minima en parler comme ça, un Premier ministre du pays a fait cet acte d'humilité, de dire ce qu'on savait et ce qu'on savait pas.
Je crois que c'est essentiel dans ce moment où on réfléchit sur le sens de notre action publique de réembarquer ça, parce que cette humilité-là, je pense qu'elle ne nous a pas empêchés d'avancer, au contraire, peut-être qu'elle a permis dans ces moment-là de responsabiliser et d'avancer collectivement en bloc, et de montrer au fond que l'humilité, pour l'action publique, pour la puissance publique, ce n'était pas antinomique avec une forme d'efficacité, une recherche d'efficacité et une ambition pour nos services publics. C'est un peu de ça aussi, dans ce moment où on va réfléchir ensemble, qu'on voulait absolument réembarquer.
Pourquoi cette journée ? En vous rencontrant toutes et tous, en échangeant avec vous, j'en ai tiré quelques constats. Dans cette salle, il n'y a pas que des gens qui sont d'accord sur tout, et je pense même au contraire qu'on n'a pas la même appréciation des contraintes budgétaires, financières, y compris de la finalité des réformes que nous devons porter, mais ce qui me frappe, c'est qu'il y a une grande convergence, et dans chaque échange que j'ai pu avoir avec vous, tous avez exprimé ce besoin de prendre un moment pour redonner du sens pour retrouver une grammaire, une doctrine en commun. Dans des moments de grande bascule, c'est l'expression du président de la République, de grands chamboulements, on a besoin de mener ce travail, et j'irai même plus loin en disant que mon intuition, c'est que nous ne parlons pas des langues étrangères, que dans les moments que nous vivons, il y a, et je le perçois comme ça en débutant cette journée, des formes de convergence sur un sens d'action en commun pour notre puissance publique, pour nos services publics, et au fond, je voulais voir si, dans cette journée-là, on pouvait à la fois identifier des zones de désaccord mais aussi voir s'il y avait une part de convergence et si on pouvait la cristalliser sur une doctrine d'action, une raison d'être pour nos services publics, et ça sera un des objectifs de la journée.
C'est vrai, je dirais, quand on va sur le terrain voir des agents de guichet, au contact des usagers, jusqu'à la plus haute fonction publique, tout le monde identifie bien ce besoin de redonner du sens à notre action. Ça sera un objectif de la matinée, débattre, porter nos points de vue, nos convictions et voir si nous parvenons à faire émerger une vision commune et une raison d'être pour nos services publics. Et deuxième objectif, c'est de poursuivre ce travail cet après-midi autour d'axes d'action, d'objets, identifier des démonstrateurs de réussite, des choses qui, si on les fait avancer, nous feront dire qu'on a avancé dans la bonne direction. Pour, de façon très concrète, pouvoir essayer de voir comment éclairer une feuille de route, des priorités politiques que je porte et assume, et l'enrichir sur un travail extrêmement opérationnel et concret. Je voulais tout simplement vous dire qu'on essaye d'inventer quelque chose en marchant ensemble.
J'ai voulu m'écarter d'un format où je serais venu vous faire un grand discours trop long ce matin et une table ronde classique où chacun aurait préparé son intervention. J'ai voulu cette matinée la plus interactive possible avec celles et ceux qui m'entourent sur scène, que je remercie de leur présence, avec vous tous qui participez avec nous. On va le faire sous un format d'entretiens, d'échanges.
Je veux à ce moment-là remercier l'AEF, Isabelle Moreau, Clarisse Jay qui animeront, qui nous questionneront collectivement, moi, celles et ceux qui sont sur scène, vous qui êtes là, vous êtes invités à questionner, prendre la parole, remonter, donner vos convictions et participer. On aura aussi l'occasion de regarder en vidéo des témoignages d'agents, d'usagers, et c'est très important pour mener ce travail de réflexion collective. Je suis venu ce matin avec des convictions, du papier, un crayon pour vous écouter, échanger et essayer d'avancer tous ensemble. Je vais lancer nos échanges, remercier encore Isabelle Moreau et Clarisse Jay de nous questionner, de nous soumettre à cette question qui, je l'espère, nous fera avancer collectivement.
Merci à tous. Au travail !
Séquence 1 : diagnostic et conséquences pour la puissance publique
Quelles pistes d'évolutions du service public au regard des grands enjeux sociétaux ?
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Je vais peut-être essayer de le faire en rebondissant sur les propos, et vraiment, je vous en remercie, que vous avez eus tous les trois. Vous avez d'abord parlé du fait d'investir dans l'humain. Ce sont deux mots que vous avez utilisés. Investir et l'humain. Et le moment de la crise sanitaire, c'est un moment où je crois que les Français ont vu à quel point les agents publics permettaient au pays de tenir. Il y a eu un moment de fierté retrouvée. C'est absolument essentiel. Je partage avec François Villeroy de Galhau le ras-le-bol du fonctionnaire-bashing. Je vous propose que, aujourd'hui, toutes et tous rassemblés, impliqués parties prenantes des services publics, on lance la contre-offensive des services publics, qu'on redonne cette fierté, qui a été totalement perçue à l'occasion de la crise sanitaire, il y a eu beaucoup de fierté partagée, et je pense que cet investissement dans l'humain, on parlera de l'attractivité de la fonction publique dont j'ai fait ma première priorité, Pierre Moscovici l'a citée tout à l'heure, je crois que c'est essentiel.
Deuxième enseignement, c'est de redonner du sens. Quand on écoute à l'instant Emma Haziza, au fond, arrimer notre action publique sur les grands objectifs, les grands enjeux, c'est essentiel. C'est un peu ce qui s'est passé quand même pendant la crise sanitaire. C'est un moment assez particulier où on a retrouvé le goût du risque, on a fait preuve d'humilité, je le disais dans mes propos introductifs, on a décloisonné notre action publique, on a fonctionné non pas comme un conglomérat d'acteurs mais comme un tout, on a piloté par le terrain en inversant la complexité administrative, on a révélé des talents, raccourci des chaînes hiérarchiques. Il y a là à mon sens un condensé de ce que vous avez exprimé qu'on doit embarquer absolument pour inventer une doctrine d'action publique et les services publics tels qu'on veut les construire aujourd'hui. On a eu pendant cette crise sanitaire un moment où le pourquoi est passé devant le comment. Et ça, ça a été totalement fondamental je crois. J'en tire cet enseignement-là.
C'est au fond un peu le sens de cette journée aussi d'essayer de se redire à quelles priorités on doit arrimer nos feuilles de route les plus quotidiennes, qu'elles soient des menus dans les cantines jusqu'à la feuille de route du ministre de la Transformation et de la Fonction publique. Et si je veux être complet pour bien vous répondre sur la crise, il faut prolonger en prenant conscience que cette crise ou ces crises que nous vivons, avons vécues dans le dernier quinquennat, elles sont profondément liées aux grandes transitions que nous vivons. La crise Covid, ça a été documenté, est aussi liée à la diminution de la biodiversité sur Terre. Cette multiplication de transitions qui sont parfois des opportunités incroyables, on aura l'occasion de reparler de numérisation, de la transition numérique, etc., mais ce sont aussi quand même des changements, des transformations qui sont une grande violence pour nos sociétés, et j'utilise ce terme à dessein. La transition démographique, numérique, écologique, géopolitique, sociétale, ce sont aussi des choses qui viennent percuter profondément nos sociétés et nos services publics en première ligne.
Vous avez cité les crises climatiques, les agents de la fonction publique qui étaient en première ligne pour gérer les feux de forêt, ils sont évidemment impactés. La transition numérique, c'est aussi le risque cyber. Je pense à l'hôpital de Corbeil-Essonnes, qui, il y a quelques semaines, était attaqué sur des risques cyber. Donc, ça montre le besoin d'investissement, et je pense que ce mot que Pierre Moscovici le premier a prononcé sur cette scène, est fondamental, et on doit donc conjuguer cette fierté, le sens et le besoin d'investissement. Voilà, pour qualifier un petit peu le moment qu'on veut, qui est le prolongement des crises que nous connaissons.
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Séquence 2 : doctrine d'action et conséquences concrètes pour l'organisation de la fonction publique
Quelles évolutions de doctrine pour répondre aux attentes des agents, des Français et des territoires ?
D'abord, j'espère vous avoir convaincus que je veux un État qui ne se désinvestisse pas, une puissance publique qui assume ses responsabilités d'investissement, de présence territoriale, et là, je crois qu'il y a une forme de consensus aujourd'hui pour dire ça. Ça veut dire aussi avoir l'humilité, j'ai utilisé ce mot pour introduire notre journée, de reconnaître que, nous-mêmes, majorité présidentielle, nous avons bougé. Le programme du premier quinquennat n'est pas le même qu'aujourd'hui, il y avait à l'époque un programme de suppression de postes, et la feuille de route sur laquelle repose ma mission aujourd'hui ne repose pas sur des suppressions de postes dans ce quinquennat. Je disais tout à l'heure que certains débats me semblaient dépasser. Le pilotage par le plus ou le moins en nombre de fonctionnaires me semble un débat dépassé, quand dans les collectivités territoriales, on n'arrive plus à pourvoir les postes. J'ai échangé avec le président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis, il disait que, sur les métiers de la petite enfance et du lien, huit postes ouverts, un poste pourvu. Donc, ce débat, il est derrière nous d'une certaine façon, et pour ceux, et c'est un peu le cas vers notre gauche, qui diraient que la seule solution, c'est absolument dans tous les services publics de remettre plus de fonctionnaires, de ne répondre que par le nombre, et un peu plus vers notre droite, à ceux qui portaient des programmes de suppression à la hache de façon un petit peu aveugle, je crois qu'il faut répondre que nous avons changé. Et pour nous, c'est ça aussi le changement, plutôt porter une vision de déconcentration. On a besoin d'efficience et peut-être d'un peu moins de fonctionnaires dans les administrations centrales et peut-être plus de fonctionnaires de façon déconcentrée dans un partenariat efficient avec les collectivités territoriales.
(…)
Un mot rapide parce que vous avez dit des choses importantes. Je démarre par la question du pilotage ou pas par les moyens, pour rassurer j'espère Mylène Jacquot. Pour le coup, je crois qu'il y a une forme de convergence sur une certaine forme de limite au seul pilotage par les moyens, quand on regarde les enjeux qui sont devant nous. Vous avez mentionné la question du recours à des prestataires extérieurs, etc. Un exemple très concret. Il y a ici le directeur interministériel de la transformation publique. Aujourd'hui, quand on réinternalise des moyens pour faire du conseil à la DITP, on économise à peu près 100 000 euros par poste. Ça montre donc qu'il y a quand même certaines limites d'une certaine façon, à une forme de raisonnement en plafond d'emploi. Ça montre que ça ne peut pas être le seul pilotage possible. On doit réinvestir, et peut-être, d'ailleurs, le débat est mal situé, parce qu'on dit qu'il faut réarmer l'État stratège mais je pense qu'il y a plein de gens qui sont capables de faire la stratégie dans l'État, qu'on utilise parfois mal, mais on doit réarmer notre capacité de maîtrise d'ouvrage. Sur les sujets numériques et informatiques, c'est très vrai. Et sur l'immobilier, c'est très vrai aussi là-dessus. On a donc besoin peut-être un peu plus de rameurs, un peu moins de barreurs, mais des barreurs mieux formés, pilotés et managés, et c'est intimement lié à la réforme de la haute fonction publique que l'on porte aujourd'hui.
Monsieur le maire, vous avez dit : est-ce qu'on partage cette ambition que la puissance publique soit l'ossature de la Nation ? Moi, je vous propose d'en faire un point de consensus aujourd'hui, je crois que c'est quand même ce qui se dégage beaucoup de nos échanges à une condition, qui nous rendra peut-être à l'aise aussi avec le privé, avoir une puissance publique porteuse de nos communs, investir dans les infrastructures, la fibre demain, la gestion de nos données personnelles… Je pense que les transformations numériques sont un bon exemple de ça. Je le dis d'un mot. En numérique en matière de santé, on était extrêmement bloqué il y a quelques années. C'est un sujet qui a fait un grand bond en avant. On fait de la télémédecine aujourd'hui, un million de personnes par semaine contre 40 000 avant la crise sanitaire, on a débloqué des sujets comme Mon espace santé, par exemple, et ça, ça a pu être fait ces deux dernières années parce qu'il y a eu deux conditions : d'abord, mieux définir les règles du jeu sur les datas, qu'est-ce que l'État fixe comme règles du jeu en termes de sécurité, d'éthique et d'interopérabilité, et que l'État soit très clair sur l'investissement qu'il faisait, lui, dans les infrastructures en matière numérique de santé, et à partir de là, on peut interagir avec des acteurs privés, des Doctolib ou autres et créer, d'une certaine façon, de la valeur parce qu'on a mieux défini les règles.
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Séquence 3 : le visage des services publics de demain
Comment rendre les services plus attractifs, accessibles et en phase avec les grandes transitions que nous connaissons ?
Vaste question ! Je vais essayer d'être très bref. D'abord, je veux dire un truc presque un peu provoc ou paradoxal, c'est : la vie des gens est complexe. On le voit bien dans les témoignages qui sont faits là. Moi, je ne crois pas qu'on va tout pouvoir simplifier d'un coup de baguette magique. Ce n'est pas vrai. C'est normal que l'administration recueille une part de cette complexité-là. Ce qu'il faut arriver à faire, c'est inverser les choses et repartir de l'usager. Cette complexité, on doit la réinternaliser chez nous. Trop souvent, on fait subir à l'usager la complexité de l'organisation de nos administrations, et au fond, France Services est un bon exemple de ça, de se dire : on repart du besoin du terrain, de l'usager, de sa demande, et il n'en a rien à faire de se dire si c'est la collectivité, l'État, etc. Il a besoin d'un visage, d'une voix, d'un interlocuteur unique qui réinternalise ensuite la complexité. On inverse la donne et c'est ce qu'on essaye de faire.
La deuxième chose, c'est de clarifier les compétences et je suis très heureux d'être entouré d'élus, d'élus territoriaux, d'une sénatrice qui travaille sur ces questions-là. On doit clarifier les compétences, et je ne sais plus qui parlait de subsidiarité tout à l'heure, tout ce qu'on peut faire à l'échelle locale, il faut le faire à l'échelle locale avec un principe de remontée. J'ai été rapporteur d'une loi sur le droit à l'erreur, c'est une formidable initiative. Est-ce que ça s'applique partout de façon homogène ? Non. Il faut l'amener dans un changement de culture et mettre aussi de la confiance en interne pour les agents, d'une certaine façon faire le droit à l'erreur pour les agents publics, parce que ça a été beaucoup dit, je n'ai pas prononcé le mot management jusqu'à présent mais il a été prononcé, il faut qu'on redonne des marges de manœuvre, et le président de la République devant les préfets et cadres de l'État avait dit : prenez des initiatives, prenez des risques, et il est important qu'on se redonne cette capacité à faire pour rapprocher nos services publics et administrations des usagers.
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Je vais dire deux ou trois mots avant d'arriver au sujet de l'attractivité. D'abord, un mot presque un peu provoc pour essayer de rompre un peu le consensus trop parfait de cette matinée. Il ne faut surtout pas arrêter la numérisation. On est en retard sur l'utilisation de l'intelligence artificielle, sur la meilleure connexion des bases de données entre les différents services administratifs, si on veut faire l'administration proactive, si on veut que le "dites-le-nous une fois par toutes" soit une réalité, il faut qu'on aille à fond, mais si on veut réussir ça, il ne faut surtout pas opposer la numérisation avec le besoin de réhumanisation de nos services publics, et donc, c'est pour ça que c'est aussi vrai de dire qu'il y a trois quarts des gens qui interagissent avec les services publics via le numérique, il y a 500 millions de visites annuelles sur servicepublic.fr, donc on leur dit quoi à ces gens-là ? On arrête ? Pas du tout. On a tous envie de continuer à faire de façon numérique. Mais c'est vrai aussi ce que dit la Défenseur des Droits, et merci à son représentant d'être là avec nous aujourd'hui, ce que dit la Mednum, tous les gens qui s'intéressent à ce sujet de médiation numérique, il y a de nombreux Français éloignés durablement du numérique, c'est nous tous aussi qui avons besoin à un moment dans notre parcours administratif d'avoir un visage, quelqu'un au téléphone, donc, c'est pour ça qu'on investit, il y a les maisons France Services, on est en train d'inventer un nouveau service public, celui de la médiation numérique avec les conseillers numériques France Services, 4000 personnes, on veut doubler leur nombre sur le quinquennat, qui vont former les Français au numérique, aider parfois à ouvrir une boîte mail, à faire ses premiers pas. Je pense que c'est totalement essentiel.
Il faut aussi que notre numérique soit responsable, éco responsable, évidemment, accessible… On n'a pas parlé de handicap ce matin, mais des services publics qui sont accessibles à tous, ce sont aussi des services publics numériques accessibles aux personnes en situation de handicap. Il y a aujourd'hui, je le dis humblement ou honteusement, il n'y a que 40% des services numériques qui sont à 100% accessibles aux personnes en situation de handicap. Ça, c'est évidemment une grande priorité. Voilà comment il faut essayer de marcher sur ses deux jambes, si je puis dire, sur ces aspects-là.
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Bien sûr. D'abord, ce n'est pas du tout antinomique avec le besoin d'efficience, je ne veux pas qu'on donne l'impression ce matin qu'on a lâché la bride de la dépense publique. Il n'y a pas de contradiction à parler d'investissement dans l'humain et dans les territoires et une grande efficacité de la dépense publique, il faut qu'on soit clair là-dessus et qu'il n'y ait pas d'ambiguïté par rapport à ce qui sort de notre matinée de travail. D'abord, pour répondre à la question que vous avez posée, il faut être très lucide. Vous avez évoqué la baisse du nombre de candidats aux concours, c'est vrai. C'est vrai pour des métiers qu'on voit de façon très apparente, l'hôpital, les professeurs, etc., mais à tous les étages des fonctions publiques, c'est vrai pour les métiers de la territoriale, c'est vrai pour les secrétaires de mairie, pour bâtir une filière du numérique de l'État, c'est vrai aussi parfois pour la haute fonction publique pour recruter, attirer les meilleurs et les conserver évidemment.
Donc, déjà, un, soyons très lucides sur le constat. Il y a plusieurs sujets. Il y a un sujet feuille de paye, si je ne veux pas être trop long, il faut aller droit au but, il y a un sujet de niveau de rémunération dans la fonction publique. Mes premiers dossiers sur le bureau en étant nommé ministre, c'était la question du point d'indice. On a pris des décisions d'augmentation du point d'indice comme jamais depuis le début du quinquennat de Françoise Mitterrand. Ce n'est pas seulement une question de niveau et de curseur mais une question de structuration, de capacité à proposer des carrières attractives. Je suis très frappé par ça. Il y a 50% des agents qui disent que le système de rémunération est incompréhensible, 50% disent ne pas penser que leur rémunération correspond bien à leur poste. C'est très important. Et il y a plus de trois quarts d'entre eux qui seraient assez favorables à ce qu'on ait un dispositif pour mieux récompenser l'engagement pour celles et ceux qui s'engagent de façon particulière, qui remplissent des objectifs collectifs, par exemple sur la transition écologique, qu'on pourrait se fixer. Il y a donc ce grand chantier feuille de paye qu'on va évidemment piloter avec les organisations syndicales dans le cadre du dialogue social. Il y a certains de nos sujets où on aura besoin d'avoir des tours de table extrêmement créatifs et il y a certains sujets où il faut que ça se passe dans le cadre du dialogue social. Ce chantier-là, on va donc le mener sur le premier semestre 2023, mettre à plat au fond la façon de proposer des carrières attractives, donc aussi pouvoir bouger dans la fonction publique entre ses différents versants et proposer des parcours de carrière et valoriser les filières professionnelles.
Il y a un sujet qui est à côté de la feuille de paye, c'est sur les conditions de travail, c'est ressorti des vidéos, de ce qu'on a dit ce matin. Il y a la question du logement qui a été évoquée rapidement et je pense qu'elle est totalement fondamentale, je la mets au cœur de la feuille de route. C'est un chantier sur lequel il faut qu'on puisse avancer rapidement. Il y a eu des grands virages idéologiques sur le logement des fonctionnaires. Il faut qu'on puisse mieux loger nos fonctionnaires. Ce serait une manière, et vous évoquiez tout à l'heure l'aide, l'accompagnement, la reconnaissance des métiers de première ligne, je pense que, quand on a des gens qui sont à l'autre bout de la ligne de RER et qui viennent ramasser les ordures de ceux qui habitent au centre-ville ou soigner ceux qui habitent au centre-ville, il y a un truc qui ne fonctionne pas en matière de transition écologique, de qualité de vie au travail, de santé et de prévention au travail. Enfin, il y a cette question du sens, de l'engagement. Je crois que ce qu'on est en train d'essayer de faire aujourd'hui en arrimant nos priorités très opérationnelles à la réaffirmation d'un sens, d'un intérêt général dans la fonction publique, ça me semble essentiel.
On a un grand boulot très collectif, et moi, je suis heureux de nous voir tous ici ensemble réunis parce que je pense que, derrière, c'est une force d'entraînement qui est évidemment très, très importante, et je vais vous dire, je suis assez optimiste. Quand je vais voir les Cordées de la réussite, qui accompagnent des jeunes de milieux très divers pour les emmener vers la fonction publique, quand je vois les gens dans nos prépas Talents, quand je vais à la rentrer de nos Écoles du service public, quand je vois qu'on est en train d'exploser tous les records en matière d'apprentissage dans les collectivités territoriales, dans la fonction publique d'État, je veux en faire une vraie voie d'accès, faciliter la fonction publique pour les jeunes en apprentissage, donc, je me dis qu'il n'y a aucune fatalité à la perte d'attractivité dans la fonction publique et qu'on va relever ce défi ensemble.
Clôture de la matinée par le ministre
D'abord pour vous remercier, vous remercier toutes les deux d'avoir tenu ce rôle difficile de nous poser des questions collectivement et de tenir aussi le temps, vous remercier de votre participation à cette matinée. Je ne pourrai pas faire tous les points de rebond. Oui, on va faire la réforme des corps techniques et je suis content de voir qu'il y a l'envie de faire et de continuer, et on a besoin de techniciens, de science, de professionnalisation, la plus pointue aujourd'hui pour relever les défis, notamment climatiques et scientifiques qu'on a évoqués.
Vos interventions sur le handicap, les différences entre les paroles et les actes, ça montre bien le besoin de faire cet aller-retour et ça donne du sens à notre journée. J'avais la crainte qu'on soit trop théoriques ce matin et qu'on tombe dans ces grands discours-là un petit peu. Je pense en même temps que vos interventions montrent le besoin de réaffirmation du besoin de fonction publique, du besoin qu'on a de nos agents publics, de donner des réponses claires à la question, au fond : est-ce que vous avez envie de fermer l'hôpital public oui ou non ? Je crois que ce matin, on a essayé d'apporter des réponses claires à ces questions-là, d'un État présent, qui réinvestisse, mot beaucoup employé ce matin, dans l'humain. Au fond, dans ce qui a été dit, je crois que cette notion d'être garant de solidarités, d'investissements dans l'humain, c'est une des dimensions absolument essentielles qui, pour moi, transparaît des différentes interventions. La condition aussi de retrouver du commun. Je crois beaucoup à ça, de savoir faire le distinguo entre la part qui doit être faite par le privé, celle qui doit être faite par le public, et je continue à parler de réinvestissement, porteur de communs. C'est très important.
Et puisque vous nous avez interrogé là-dessus en disant : sur la transition écologique, est-ce qu'on passe à autre chose, je crois que s'inscrire dans ces grandes transitions, c'est essentiel et c'est une opportunité de redonner du sens de façon historique pour les agents de la fonction publique en disant : il y a une volonté d'y aller et de le faire, de le faire de façon très concrète. J'essaye d'avancer sur des objets extrêmement concrets. Quand on lance le plan de formation, et Emma Haziza y participe, pour former les 25 000 cadres de la fonction publique, je pense qu'on se donne des moyens et qu'on vient crédibiliser aussi nos objectifs pour à court terme faire la sobriété et à moyen terme planifier la transition écologique, ça, c'est un chemin autour de ces grandes notions-là de solidarité, d'investissement dans nos communs et d'inscription, de facilitation des grandes transitions, mais on doit l'inscrire et, au fond, je dis que ça donne du sens à la journée, vos interpellations, dans des projets extrêmement concrets. L'arrimer à une feuille de route.
Ce sera l'objectif cet après-midi de travailler ensemble à partir de grandes questions, je crois qu'elles ne vous choqueront pas, ce sont les trois grands objectifs, les grands défis qui, à mon sens, sont devant nous : un, comment on relève le défi de l'attractivité de la fonction publique ? Là, il n'y a pas de débat, vous avez tous placé cette priorité en premier. Qu'est-ce qui fait on va avancer, sur quels objets, à court, moyen et long termes ? Comment renforcer l'accessibilité de nos services publics ? J'inclus toutes les notions derrière le mot d'accessibilité, ce sera aussi un des axes sur lesquels on planchera cet après-midi. Et on a choisi la transition écologique parmi les différentes transitions : comment on utilise le levier de la fonction publique ? J'ai la chance d'être à la tête d'un ministère qui est très transversal, un vrai ministère de leviers d'action où on peut entraîner beaucoup de changements parce qu'on parle aux cadres, aux préfets, aux agents de la fonction publique, donc, comment on utilise ces leviers-là pour permettre à ceux qui, dans la fonction publique ou à l'extérieur de la fonction publique, ont envie de faire et de réussir ? Voilà les trois questions à ce stade de la journée que je vous soumets, en ayant conscience d'être le dernier obstacle avant le déjeuner. Je ne suis pas plus long, et je vous remercie très sincèrement de vos participations de très haut niveau ce matin dans la diversité des parcours et des profils. Merci à tous.
Source https://www.transformation.gouv.fr, le 21 décembre 2022