Interview de M. Clément Beaune, ministre chargé des transports, à France Info le 22 décembre 2022, sur la grève à la SNCF pendant le week-end de Noël et les problèmes à la RATP.

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Média : France Info

Texte intégral

CÉLINE ASSELOT
Bonjour à vous Clément BEAUNE.

CLÉMENT BEAUNE
Bonjour.

CÉLINE ASSELOT
Merci d'être à nos côtés ce matin, ministre délégué, chargé des Transports. 2 TGV supprimés, sur 5, ce sont les prévisions de la SNCF pour samedi et pour dimanche, en raison de la grève des contrôleurs qui doit commencer dès demain. Est-ce que vous avez encore l'espoir qu'un accord sera trouvé d'ici le week-end de Noël ?

CLÉMENT BEAUNE
Cette grève, elle aura un impact important ce week-end, il faut dire les choses clairement. Et nous avons maintenant, depuis hier soir, des prévisions qui sont stabilisées, et donc malheureusement les chiffres que vous donnez sont ceux-là, ceux qui auront lieu vendredi, samedi, dimanche. Donc vendredi, qui est le jour, le plus grand départ pour les congés de Noël en particulier, c'est 2 trains sur 3 qui circulent, 2 TGV sur 3, le reste du réseau est heureusement très peu affecté. Et puis ce week-end c'est 3 trains sur 5 qui circulent, samedi et dimanche, et le trafic reprend normalement lundi.

CÉLINE ASSELOT
C'est une fatalité alors, il n'y a pas d'espoir que ça change.

CLÉMENT BEAUNE
Écoutez, c'est une réalité. S'il y avait une amélioration, ce serait évidemment une bonne chose, mais je préfère dire les choses honnêtement, cette grève elle est maintenant annoncée, elle aura lieu ce week-end. En revanche il y a un combat qui doit être mené heure par heure, dans lequel je suis évidemment engagé avec la Direction de la SNCF, c'est d'éviter qu'on ait des difficultés, des grosses perturbations le week-end suivant, qui est un week-end évidemment très chargé aussi, souvent le retour de vacances, qui est le week-end du Nouvel An.

CÉLINE ASSELOT
Oui, il y a un préavis de grève également.

CLÉMENT BEAUNE
Il y a un préavis qui demeure, et nous travaillons, j'étais encore hier soir avec le président de la SNCF, monsieur FARANDOU, à ce que ce préavis puisse être levé pour qu'il n'y ait pas de grève ce week-end-là, qu'il n'y ait pas de perturbations, que les Français puissent rentrer de vacances. Mais concentrons-nous sur ce week-end pour organiser les choses au mieux, mais les perturbations, il faut le dire, il faut informer, sont celles-ci.

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Vous parlez du week-end suivant, en clair, s'il y a négociations, il y aura négociations par rapport à celui de la Saint-Sylvestre. "Il y aura forcément d'autres perturbations le week-end du Nouvel An", a déclaré Didier MATHIS, secrétaire général de l'UNSA Ferroviaire, qui n'appelle pas à la grève. C'est ce qu'il a dit sur France Info ce matin, ce sera perturbé également le week-end prochain, le suivant.

CLÉMENT BEAUNE
Alors, non, ça pour le coup, je ne veux pas qu'il y ait de fatalité ou de résignation…

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Vous êtes sûr ?

CLÉMENT BEAUNE
Mais je suis sûr de rien. Il y a un risque, et donc il y a un combat à mener pour renouer un dialogue social, pour éviter les préavis et pour éviter la grève. Moi ce que j'ai dit, pour refaire l'histoire, c'est que nous avons tout fait avec, par le dialogue social, la Direction de la SNCF et les syndicats, pour éviter le premier week-end de vacances, c'était le week-end dernier, qu'il y ait des perturbations, et ça a été très largement évité, parce qu'il y a eu un dialogue social et des accords, pour faire court, avec les syndicats.

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Ce qui pose problème, c'est Noël, vous le savez.

CLÉMENT BEAUNE
Bien sûr, enfin le week-end dernier, on ne parle évidemment pas des trains qui arrivent à l'heure, c'est normal, a été très chargé, donc ça aurait été évidemment un gros problème aussi. Bon, ce week-end c'est perturbé, très perturbé, nous avons dit les chiffres, les gens qui avaient un train, je suis moi-même l'exemple, ont reçu un SMS pour dire qu'il y avait parfois une annulation, donc maintenant on voit que les Français se réorganisent, et il y a le week-end prochain, et sauver le week-end prochain c'est évidemment le combat qu'on doit mener et il faut et on doit éviter évidemment le maximum de galères le week-end prochain.

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Clément BEAUNE, une question, nous allons poursuivre sur ce qui s'est passé SNCF, mais qu'est-ce que vous dites, vous, en tant que ministre des Transports, de cette grève ? Est-ce que vous la condamnez ? Olivia GRÉGOIRE, votre collègue aux PME, qui était assise ici même hier, s'est dite profondément choquée, elle trouve irresponsable de choisir ce moment-là, Noël. Et vous ?

CLÉMENT BEAUNE
Oui, c'est une grève dont le moment est incompréhensible et injustifiable. Et puis surtout, moi je pense aux Français, aux familles, qui sont parfois déchirés par cette grève.

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Vous la condamnez ?

CLÉMENT BEAUNE
Mais, … sur une condamnation au tribunal, mais oui, je pense que cette grève n'est pas justifiée, et cette grève ne peut pas être comprise par les Français.

CÉLINE ASSELOT
Il aurait fallu une trêve de Noël, une trêve des fêtes de fin d'année ?

CLÉMENT BEAUNE
Oui, enfin il aurait fallu, de manière générale il faut éviter les grèves, à Noël en particulier, parce qu'on le sait, les Français sont fatigués, il y a eu 2 ans de Covid, il y a eu des mouvements sociaux d'ailleurs parfois ces dernières années, y compris pendant les fêtes, cette accumulation est très douloureuse et on voit bien que l'impact, la colère même, pour beaucoup de familles, est très fort, et je le comprends.

CÉLINE ASSELOT
Et en même temps il y a eu des mots très durs de la part d'une partie du gouvernement à l'égard de cette grève. Est-ce que ça ne peut pas être vécu comme une forme de remise en cause du droit de grève ?

CLÉMENT BEAUNE
Non, certainement pas, mais il ne faut une responsabilité, et donc moi je suis ministre des Transports, je suis engagé pour que heure par heure on limite les galères et on les évite le week-end prochain. C'est ça mon boulot. Je regrette infiniment cette grève ce week-end. Elle est une catastrophe pour beaucoup de familles, il faut le dire, et ceux qui en ont la responsabilité c'est ceux qui font la grève. Il faut quand même que chacun assume ses responsabilités. Et je dis d'ailleurs que le dialogue social à la SNCF, il a en plus porté ses fruits, c'est ça qui est incompréhensible. Il y a eu une négociation début décembre avec les organisations syndicales, il y a eu des élections professionnelles, des dizaines de milliers de cheminots ont participé aux élections professionnelles, ils ont des syndicats qui les représentent, il y a eu une négociation début décembre avec l'entreprise, elle a permis des augmentations de plus de 6 %, 12 % en cumul sur 2022 et 2023. C'était légitime, et c'est important, et d'ailleurs les syndicats eux-mêmes le reconnaissent, puisqu'ils n'appellent pas à la grève. Et donc vous avez un collectif d'un certain nombre de cheminots, qui je crois font du mal à l'entreprise ferroviaire et aux cheminots eux-mêmes.

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Clément BEAUNE, pour bien comprendre, vous dites "responsabilité". Soyons clairs, qui est responsable dans cette histoire ? les syndicats n'appellent pas à la grève, nous sommes d'accord avec ça, il y a un président de la SNCF Jean-Pierre FARANDOU, est-ce que vous sentez qu'il tient cette société, elle est société anonyme depuis la réforme, mais l'État, c'est vous, est le seul actionnaire, est-ce que c'est vous qui êtes responsable, pardon de vous poser la question un peu cash, est-ce que vous êtes resté en retrait par rapport à ce qui se passait, on voyait, on sentait monter cette colère de certaines catégories, donc les contrôleurs, ça allait dans le mur. Qui n'a pas tenu son rôle à un certain moment dans la négociation ?

CLÉMENT BEAUNE
On est encore dans l'action, donc moi je ne suis pas en train de distribuer les bons et mauvais points, mais pardon, dans notre société…

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Vous dites "responsabilité".

CLÉMENT BEAUNE
Oui, je dis d'abord galère, c'est ça qui m'importe le plus pour les Français qui souffrent ce week-end, et qui stressent parce qu'ils cherchent encore une solution parfois. Responsabilité, pardon, il faut quand même être dans une société où chacun prend ses responsabilités, sinon c'est un peu facile, c'est ceux qui font la grève et qui bloquent, qui ont une responsabilité. Et je le dis…

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Mais il y a des partenaires sociaux, il y a une Direction.

CLÉMENT BEAUNE
Mais bien sûr. Mais je vais vous expliquer en deux mots pour, l'idée ce n'est pas de refaire le film, parce que ça n'apporte pas un train supplémentaire, mais il y a justement, je le dis, des organisations syndicales qui ont été responsables, au bon sens du terme, qui ont engagé un dialogue avec la Direction de la SNCF. Il y a une Direction de la SNCF qui a accepté de conduire ce dialogue social, et le 7 décembre, pour être très précis, il y a des discussions encore qui ont lieu, encore une fois, 6 % d'augmentation pour 2023, des mesures supplémentaires pour les contrôleurs, dont on parle aujourd'hui, je crois que c'était un effort nécessaire, parce que c'est de gens qui se sont beaucoup mobilisés pendant le Covid et cet été, donc c'était un effort légitime, mais il est important…

CÉLINE ASSELOT
Mais visiblement, ça ne suffit pas.

CLÉMENT BEAUNE
Oui, bien sûr.

CÉLINE ASSELOT
Ça ne suffit pas, et les syndicats sont désavoués par ce collectif qui semaine sur les réseaux sociaux, sur Facebook…

CLÉMENT BEAUNE
Oui, mais donc, ce que l'on fait aujourd'hui, c'est qu'il faut que la Direction de la SNCF reprenne une discussion avec les syndicats, que les syndicats exercent aussi toutes leurs responsabilités vis-à-vis des agents de la SNCF. Il y a heureusement des dizaines de milliers de cheminots qui n'ont pas envie de bloquer, qui voient bien que c'est un problème pour l'image de la SNCF, qui voient bien que c'est mauvais pour l'entreprise. Ça va coûter sans doute une centaine de millions d'euros à l'entreprise. On n'a pas besoin de ça en ce moment et donc il faut que chacun reprenne cette discussion. J'ai encore discuté avec le président FARANDOU de la SNCF hier soir…

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Et vous lui dites quoi à Jean-Pierre FARANDOU ? Vous reprenez la discussion ?

CLÉMENT BEAUNE
Bien sûr, cette discussion, elle ne s'est d'ailleurs jamais interrompue avec les syndicats. Maintenant on voit qu'il y a un problème qui malheureusement a pu arriver dans d'autres entreprises, dans d'autres secteurs, c'est que, hors syndicats, hors cadre, au dialogue social organisé, il y a des phénomènes qui peuvent être extrêmement bloquants, extrêmement pénalisants. Ça c'est inquiétant, et il faut essayer de comprendre ce malaise, pas non plus de donner, pardon, une prime à la surenchère, parce que le dialogue social ce n'est pas le désordre général, le dialogue social il a produit ses fruits.

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Oui, mais la SNCF ce n'est pas un poulet sans tête, Clément BEAUNE, il y a quelqu'un à un moment donné qu'il doit discuter avec quelqu'un, voyez.

CLÉMENT BEAUNE
Mais bien sûr.

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Pour les 200 000 voyageurs qui sont sur le carreau, certes il n'y aura pas de train additionnel si on répond à cette question-là ce matin, mais les gens ont besoin de comprendre, c'est comme quand les trains sont en panne sur les rails, qu'il n'y a pas de message, c'est pareil.

CLÉMENT BEAUNE
Mais, Jean-François ACHILLI, non, attendez, ne mélangeons pas tout. Mais bien sûr qu'il doit encore y avoir de l'action. Moi, ce n'est pas encore une fois refaire l'épisode précédent qui a intérêt, qui est important ou intéressant, c'est de l'action, parce que je veux qu'on évite pour le week-end prochain, il y a un risque mais il n'y a pas de fatalité, des galères, des grèves, des fortes perturbations. Et pour le faire, je le dis aussi aux grévistes qui sont dans ce collectif, le seul moyen de défendre les intérêts légitimes d'un travailleur, d'un agent de la SNCF, le seul moyen de ne pas pénaliser les Français, le seul moyen d'avoir un service public ferroviaire, dont je suis fier, et qui doit marcher, c'est le dialogue social. Ça n'est bon pour personne d'avoir des mouvements radicaux en dehors du dialogue social.

CÉLINE ASSELOT
On va les entendre, justement, les contrôleurs, au sein de ce collectif. Ce sera juste après le rappel de l'actualité.

CÉLINE ASSELOT
Clément BEAUNE, je voudrais vous faire écouter le porte-parole de ce collectif de contrôleurs, qui a donc appelé à la grève en ce week-end de Noël, il s'appelle Olivier, il ne souhaite pas donner son nom de famille. Et hier soir sur France Info, il vous lançait un appel.

OLIVIER, PORTE-PAROLE DU COLLECTIF DES CONTRÔLEURS À LA SNCF
Nous aimerions que le gouvernement dise à notre direction : faites un geste envers les contrôleurs, nous voulons avoir un déroulement de carrière qui soit décent, et malheureusement c'est le point d'achoppement le plus important avec notre entreprise.

CÉLINE ASSELOT
Clément BEAUNE, est-ce que vous avez la possibilité de faire pression, finalement, c'est quoi la marge de manœuvre de l'exécutif dans ce conflit ?

CLÉMENT BEAUNE
Mais bien sûr, c'est de favoriser à chaque étape le dialogue social. Moi, je ne vais pas vous raconter tous les contacts, mais j'ai eu ce week-end, encore en début de semaine, des contacts avec la direction de la SNCF, avec les organisations syndicales, c'est d'ailleurs ça qui a permis d'éviter que les syndicats se joignent à la grève, et que le week-end dernier, on ait un mouvement syndical. Le groupe des contrôleurs, ce collectif, je peux comprendre les questions sur les métiers, et j'encourage la direction de la SNCF à répondre à un certain nombre de points, sur les déroulements de carrières, sur la reconnaissance de ce métier, qui, au sein de l'entreprise, peut-être, effectivement, historiquement, n'a pas été assez valorisé…

CÉLINE ASSELOT
Oui, parce qu'on va le dire, les contrôleurs estiment qu'ils ont un métier qui évolue, ces dernières années, qu'ils sont en première ligne face à des voyageurs qui parfois sont mécontents, qu'il y a eu…

CLÉMENT BEAUNE
Oui, d'ailleurs, vous me donnez l'occasion de le dire, parce que…

CÉLINE ASSELOT
La crise du Covid aussi…

CLÉMENT BEAUNE
Bien sûr, mais je le sais, et je mesure qu'il y a eu des difficultés…

CÉLINE ASSELOT
A régler dans les trains…

CLÉMENT BEAUNE
D'ailleurs, on parle de contrôleurs, pour être d'ailleurs très précis, ce n'est pas seulement les personnes qui contrôlent les billets, ce sont ceux qui assurent la sécurité à bord du train, qui…

CÉLINE ASSELOT
Des chefs de bord…

CLÉMENT BEAUNE
C'est des chefs de bord, et c'est un métier qui est plu vaste que ça, qui – et d'ailleurs le mot de contrôleur en témoigne parfois – n'a pas été assez bien reconnu. Et donc, il faut effectivement – et ça a commencé, il y a eu des mesures salariales, mais aussi des mesures déjà sur les déroulements de carrières – qu'il y ait une discussion. En revanche, on ne peut pas être dans la surenchère, et on ne peut pas être dans le blocage. Et donc il faut aussi, quand on parle d'une société de responsabilité, que ceux qui bloquent aujourd'hui assument leurs responsabilités, et que les organisations syndicales…

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Vous diriez quoi, ça a un petit côté gilets jaunes, incontrôlable ?

CLÉMENT BEAUNE
Je n'espère pas incontrôlable, et en tout cas, sinon, ça voudrait dire qu'on se résigne et qu'on ne travaille plus. Donc il faut qu'il y ait une discussion entre la direction et les organisations syndicales et une réponse spécifique sur la question des chefs de bord et les contrôleurs, mais il faut qu'on respecte un dialogue social qui pour des milliers de cheminots et des millions de Français a porté ses fruits à la SNCF. Et on ne peut pas comprendre qu'il y ait une surenchère systématique.

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Clément BEAUNE, Christian ESTROSI, le maire de Nice, vous demande dans un communiqué de procéder à la réquisition des personnels de la SNCF pour que les Français puissent circuler normalement, qu'est-ce que vous lui répondez ?

CLÉMENT BEAUNE
Non, il ne faut pas vendre des illusions, la réquisition dans notre pays, elle est encadrée juridiquement et même constitutionnellement, parce que le droit de grève est constitutionnel, ça ne veut pas dire qu'on accepte et qu'on pense que toute grève est pertinente, celle-ci ne l'est à l'évidence pas, mais la réquisition, c'est très strict, c'est un dernier recours, c'est encadré juridiquement, il faut qu'il y ait un trouble grave à l'ordre public…

CÉLINE ASSELOT
Ce n'est pas le cas ?

CLÉMENT BEAUNE
On a bien vu dans la question des raffineries que c'était un dernier recours pour quelques personnes, quand il y avait une atteinte très grave au fonctionnement vital du pays, on n'est heureusement pas, même si c'est la grosse galère, dans cette situation, et donc, vous imaginez Jean-François ACHILLI, vous me lui reprocheriez à juste titre ou vous le reprocheriez au gouvernement, si on faisait une réquisition qui, dès demain, était annulée par le juge parce que ne respectant pas la loi, ce ne serait pas sérieux.

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
D'un point de vue presque philosophique, la Constitution, elle est de quel côté, Clément BEAUNE, elle est entre le droit de grève et le droit de circuler normalement, librement et de retrouver sa famille ?

CLÉMENT BEAUNE
Mais ce n'est pas le procès de la Constitution qu'on fait dans cette grève, il y a une responsabilité de ceux qui ont décidé pendant les fêtes de Noël de faire la grève, je pense que c'est très grave, néanmoins, nous avons des règles, nous avons des juges, nous avons une Constitution et des principes, et on ne va pas les jeter par-dessus bord aujourd'hui, je pense que ça ne serait pas sérieux, et encore une fois, la Constitution aujourd'hui protège le droit de grève, je pense que, d'ailleurs, c'est une bonne chose sur le fond, et la réquisition ne serait pas aujourd'hui possible légalement.

CÉLINE ASSELOT
Mais ça pourrait donner l'impression de deux poids deux mesures, il y a eu ces réquisitions pour soulager les automobilistes qui étaient en difficulté, là, ce n'est pas la même chose pour les usagers des transports.

CLÉMENT BEAUNE
Non, ce n'est pas la même situation, et vous avez d'ailleurs remarqué à l'époque, il y a quelques semaines, que la Première ministre avait procédé de manière très ciblée dans quelques cas, en ultime recours, à des réquisitions, que, d'ailleurs, dans cette crise, comme dans toutes les autres, moi, j'en suis absolument convaincu, ce ne sont pas des slogans, c'est la seule voie possible, c'est le dialogue social, dans la crise des carburants, comme dans la crise que nous vivons aujourd'hui, qui permet de protéger les travailleurs, et surtout, de protéger les Français, et c'est la seule voie de sortie…

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Sauf que, Clément BEAUNE, pour la crise des carburants, il s'agit de groupes pétroliers privés, là, en l'occurrence, la SNCF, certes, est une société anonyme, et vous êtes, quand je dis "vous", c'est l'État, l'unique actionnaire, à quoi aura servi la réforme si d'aventure, dès qu'il y a une grève, vous êtes impuissant face à ces mouvements-là ?

CLÉMENT BEAUNE
Mais c'était public avant la réforme et ça l'est resté après la réforme. Donc de ce point de vue-là, ce n'est pas un changement, le fait que ce soit un établissement public…

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Donc il n'y a pas eu réellement de réforme en réalité, vous êtes le seul actionnaire…

CLÉMENT BEAUNE
Mais si, non, pardon, je ne veux pas qu'un arbre aussi gros soit-il, celui de la grève et de la douleur qu'on vit tous pour ces fêtes de Noël, cache la forêt, il y a eu une amélioration des choses à la SNCF, il y a – je le redis, ça a été le cas cet été, on a réussi à lever les grèves – un dialogue social qui a porté ses fruits pour protéger les cheminots et pour protéger les Français, et donc, oui, cette grève, dans ce contexte-là où le dialogue social peut marcher, elle est d'autant plus incompréhensible. Et donc, il ne faut pas jeter la réforme par-dessus bord, cette réforme, elle a permis quoi, elle a permis de sauver financièrement un service public ferroviaire qui serait sans doute incapable de fonctionner sinon. Donc l'État, actionnaire unique…

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Oui, en sanctuarisant une partie de la dette, mais…

CLÉMENT BEAUNE
Et je rappelle d'ailleurs que l'État a fait un effort à l'époque de 35 milliards d'euros, donc tous les contribuables français, ça doit être aussi pris en compte par ceux qui bloquent, a aidé la SNCF, a sauvé la SNCF, moi, je suis fier encore une fois du service public ferroviaire, je respecte infiniment les cheminotes et les cheminots, mais il faut qu'une minorité ne donne pas cette mauvaise image d'un service public qui est en train de changer, qui est en train de se réformer, qui est en train d'investir.

CÉLINE ASSELOT
Que pensez-vous de la réponse apportée par la SNCF aux clients, le dédommagement assez important qui a été annoncé hier d'ailleurs par Christophe FANICHET, le PDG de SNCF-Voyageurs, sur notre antenne, c'est-à-dire le remboursement intégral, plus un bon d'achat de 200 %, ce qui va évidemment coûter très cher à l'entreprise, puisqu'il y a 200.000 voyageurs concernés. Est-ce qu'il fallait un geste fort ou est-ce qu'on va, là aussi, peut-être grever encore un peu la situation financière ?

CLÉMENT BEAUNE
Non, je crois que justement, quand on a des usagers et des clients, c'est la moindre des choses, le moindre des respects vis-à-vis des Français, ça ne leur rend pas leur train malheureusement, mais ça peut leur permettre, d'abord, d'être considérés, parce qu'ils ont l'impression qu'on ne les respecte pas dans cette grève aussi, qu'on ne respecte pas leur famille, leurs contraintes, et puis, ça permet parfois de pouvoir acheter plus facilement, quand on a un problème de pouvoir d'achat, et c'est le cas de beaucoup de Français en cette période, de pouvoir acheter un billet, même si ça met un peu de temps. Donc c'est un geste exceptionnel, que j'ai demandé à la SNCF, ça n'avait jamais été fait, c'est le minimum nécessaire, ça ne rend pas encore une fois les transports du week-end pour ceux qui galèrent, mais c'était un geste indispensable, exceptionnel, mais indispensable, et je pense que c'est la preuve qu'une entreprise publique vous respecter ses clients.

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Vous parlez de service public des transports, Clément BEAUNE, est-ce qu'il va y avoir, dans les mois qui viennent, les années qui viennent, une remise à plat de l'ensemble du réseau SNCF, parce qu'il y a, au fond, beaucoup de problèmes en réalité ?

CLÉMENT BEAUNE
Oui, vous avez raison, il y a aussi, je ne veux pas qu'on l'oublie quand même au milieu de cette période de crise, des choses qui fonctionnent, un service public ferroviaire qui, sur la grande vitesse, sur des nouvelles lignes sur lesquelles on investit, qui fonctionne…

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Il y a beaucoup de remontées de mécontentements sur les trains de la vie quotidienne…

CLÉMENT BEAUNE
Mais je le sais, Jean-François ACHILLI, c'est vrai. Et c'est pour ça qu'on a fait une priorité, parce que, historiquement, on avait beaucoup investi dans le TGV et pas beaucoup investi dans les trains du quotidien, les TER ou ce qu'on appelle les Intercités, Paris-Limoges, Paris-Clermont, etc. Il y a un effort d'investissement qui est énorme sur Paris-Clermont, sur Paris-Limoges par exemple, qui sont des lignes entretenues par l'État, qui avaient été négligées pendant 40 ans, ça mettra encore 4 ou 5 ans pour que les trains, les rames de trains et le réseau, qui permet le meilleur fonctionnement, moins de retards, s'améliorent significativement. Et puis, moi, j'ai demandé à la SNCF, ça fait aussi partie de cela, le geste commercial que vous évoquez, qu'on prenne en considération davantage le client, il y a encore énormément de progrès à faire, je l'ai dit à la direction de la SNCF, sur l'information voyageurs, sur les mesures commerciales, sur les abonnements, sur la qualité de service, même s'il y a un effort qui a été fait ces dernières années. Donc on doit en faire une belle, une vraie entreprise de service public. Et les efforts, qui ont été faits ces dernières années par les cheminots sont malheureusement gâchés par l'image que donne cette grève aujourd'hui. Et on continuera à se battre, parce que les gens ont besoin de transport écologique, ont besoin de transport ferroviaire, ont envie de prendre le train, il faut qu'il y en ait, qui soient confortable sûrs et plus réguliers. C'est notre combat.

CÉLINE ASSELOT
Clément BEAUNE, on évoque évidemment ce conflit social à la SNCF en cette veille de Noël qui vient s'ajouter à un autre mécontentement, c'est celui des usagers de la RATP, est-ce qu'il y a un problème global de qualité de service pour reprendre le terme que vous utilisiez tout à l'heure ?

CLÉMENT BEAUNE
Non il y a les problèmes graves et spécifique et vous savez une fois qu'on a défini et regardé en face les problèmes, il faut apporter des solutions qui sont spécifiques à chaque fois. Il y a une grève, j'espère qu'on en sort le plus vite possible et qu'on l''évite le week-end prochain, ça c'est une chose. Il y a les transports du quotidien, on en parlait, notamment en Ile-de-France, je n'oublie pas parce qu'on parle parfois plus de l'Ile-de-France que du reste parce qu'il y a notamment une autre région de France où il y a des galères en ce moment particulièrement depuis septembre, c'est la région des Hauts-de-France où il y a un manque de TER. Pourquoi, dans ces deux cas, c'est le même problème fondamental, c'est une pénurie de conducteurs, de chauffeurs de bus ou de métro et il y a eu un effet Covid effectivement, moins de transport public, moins de recrutement, peut-être c'est le cas dans la région Ile-de-France pas assez d'anticipation par la région de la remontée de la fréquentation des transports publics et donc on se retrouve aujourd'hui avec des manques, c'est pour ça que vous voyez…

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Vous voulez dire la balle est dans le camp de la présidente, Valérie PÉCRESSE ?

CLÉMENT BEAUNE
Non ce n'est pas le sujet, moi je ne suis pas dans ce jeu parce que je pense qu'il ne faut pas se refiler…

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Vous dites que c'est la région qui…

CLÉMENT BEAUNE
Pardon mais il faut là aussi expliquer à chaque fois qui est en charge de quoi parce qu'on est dans un pays où on aime bien dire que c'est toujours l'État. Moi j'assume parfaitement, je viens chez vous pour expliquer ce qui se passe, pour prendre ma part de responsabilité sur chaque sujet et pour les transports franciliens, je l'ai défendu mordicus, je crois qu'il était légitime d'avoir une aide exceptionnelle de l'État face à une situation très difficile pour la région, 200 millions d'euros, aucune région n'est autant aidée, c'était nécessaire pour les Franciliens cet hiver.

CÉLINE ASSELOT
Mais comment vous l'expliquez cette pénurie et qu'est-ce qu'on peut faire justement pour attirer davantage de…

CLÉMENT BEAUNE
Pour vous donner un ordre de grandeur la RATP est en train aujourd'hui de former un peu près deux fois et demie plus de personnes qu'une année normale avant Covid. Mais un conducteur de bus, un conducteur de métro, c'est entre 3 et 6 mois de formation, jusqu'à 12 mois pour les conducteurs de certains trains et donc il y a un retard à rattraper.

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Donc ça veut dire que ça va durer encore plusieurs mois ?

CLÉMENT BEAUNE
Et donc ça va durer encore au moins, ça va se rétablir progressivement, ça va s'améliorer progressivement, mais je l'ai dit pour la RATP, les transports en Ile-de-France en particulier, c'est sans doute jusqu'au printemps, bon, donc la région est responsable, la RATP est celui, l'entreprise qui organise les choses et l'État doit soutenir, ça je l'assume parfaitement. et on a proposé d'ailleurs qu'au-delà de l'aide exceptionnelle de 200 millions d'euros pour recruter plus pour faire court, recruter plus et recruter plus vite on se retrouve avec Valérie PÉCRESSE, avec la Maire de Paris si elle en est d'accord, avec tous les services de l'État, les fédérations d'usagers pour l'Ile-de-France et pour toutes les autres régions d'ailleurs, en début d'année pour dire quels sont les besoins financiers, comment on peut aider plus, comment peut financer mieux et rétablir nos transports publics.

CÉLINE ASSELOT
Mais est-ce qu'on n'aurait pas pu temporiser la hausse de l'abonnement mensuel Navigo qui va augmenter au 1er janvier de 12 % puisque les perturbations, vous le disiez, vont durer encore plusieurs mois ?

CLÉMENT BEAUNE
je pense qu'on aurait pu faire effectivement moins cher pour le passe Navigo, moindre augmentation mais si je me suis battu pour que l'Etat donne une compétence qui n'est pas la sienne, mais aide la région Ile-de-France, Madame PÉCRESSE à hauteur de 200 millions d'euros, c'est pour éviter une hausse qui aurait pu être faramineuse et encore plus importante, la région a mis 84 euros le prix du Navigo, je trouve ça très élevé mais c'est sa responsabilité, son choix. Mais on a aidé et je continuerai à discuter que Valérie PÉCRESSE pour qu'on n'ait pas des augmentations qui se poursuivent. Je le dis aussi parce que chacun le sait, c'est la vie quotidienne, quand on a un abonnement de transports publics en Ile-de-France ou ailleurs l'employeur en prend en charge 50 %, donc aussi…

CÉLINE ASSELOT
Lorsqu'on a un employeur.

CLÉMENT BEAUNE
Lorsqu'on a un employeur, c'est le cas pour beaucoup de salariés qui vont au boulot le matin, c'est déjà des millions de personnes et je le dis on a défiscalisé les choses pour qu'un employeur puisse prendre en charge sans cotisations jusqu'à 75 % des abonnements, c'est important parce que je fais un appel aussi à ce que les employeurs prennent leur part et financent mieux les passes Navigo et autres transports publics.

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Clément BEAUNE, vous dites qu'il faut des années pour remettre à niveau l'ensemble des réseaux…

CLÉMENT BEAUNE
Non ça dépend des sujets. Sur la RATP, les conducteurs, attention ne faisons pas peur excessivement, on peut recruter vite et améliorer les choses pas dans des années, dans quelques semaines.

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Ça c'est pour les recrutements, mais pour l'état du réseau, il y a ce matin en conseil des ministres un projet de loi sur les jeux olympiques, c'est 2024 à Paris, vus les retards, les rames bondées, les conditions de circulation des Franciliens dans la RATP, les usagers du RER B pour ne citer que cette ligne là, vous serez au rendez-vous pour 2024 ?

CLÉMENT BEAUNE
Oui mais je vais vous dire il faut qu'on soit au rendez-vous avant 2024. Non mais je le dis c'est très important. Les gens qui attendent 12 minutes un métro le dimanche, ils ne veulent pas qu'on dise qu'en juillet 2024 ce sera mieux, ils veulent qu'on leur dise le plus vite possible dans les semaines qui viennent, ce sera mieux.

JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Et donc ?

CLÉMENT BEAUNE
Et donc c'est ça le recrutement que Jean CASTEX notamment la RATP est en train de mettre en œuvre, former plus, recruter plus. Il faut aussi un peu d'argent, c'est pour ça que les 200 millions de l'État était indispensable pour attirer, ce sont des métiers parfois difficiles, il y a moins de chômage donc il y a plus d'exigences aussi, c'est normal et donc il faut repenser ces métiers et attirer, rémunérer. Donc ça c'est l'urgence. Et puis pour les Jeux olympiques on développe et ça serait une bonne nouvelle au-delà des JO des infrastructures supplémentaires, il y en a qui sont en cours, la ligne 14 pour ceux qui nous écoutent certains en Ile-de-France, c'est une ligne très importante de métro automatique, elle traversera Ile-de-France du nord au sud, de Saint-Denis à l'aéroport d'Orly, ça, ça sera concret, ce sera du service public amélioré dès le début de l'année 2024. Mais moi ma concentration et je serai prêt à soutenir évidemment Valérie PÉCRESSE pour le faire, c'est d'avoir une amélioration des transports publics franciliens en début d'année 2023.

CÉLINE ASSELOT
Élisabeth BORNE va présenter le 10 janvier la réforme des retraites qui est très contestée par les syndicats, est-ce qu'il faut s'attendre à des mouvements sociaux dans les transports et si oui qu'est-ce que vous prévoyez pour faciliter la circulation des Français ?

CLÉMENT BEAUNE
Écoutez, chaque chose en son temps, il y aura encore des décisions à prendre, des arbitrages à faire sur la réforme des retraites, elle sera présentée par la Première ministre, il y aura des discussions sans doute tous les grandes entreprises publiques de transport SNCF, RATP et j'espère qu'on trouvera là aussi un dialogue social. Mais je ne suis pas dupe, je sais que cette réforme beaucoup de syndicats la critiquent et donc qu'il y aura sans doute des contestations et peut-être des mouvements. Mais essayons déjà de faire passer les meilleurs retours possible de vacances aux Français, c'est mon engagement à 100 % aujourd'hui et début janvier on pourra s'en reparler, il faut faire cette réforme des retraites, il faut l'accompagner et j'espère qu'on trouvera cette voie.

CÉLINE ASSELOT
Merci Clément BEAUNE, ministre délégué chargé des Transports d'avoir été dans notre studio ce matin.

CLÉMENT BEAUNE
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 22 décembre 2022