Interview de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, à France Inter le 4 janvier 2023, sur les aides de l'État apportées aux artisans et aux entreprises confrontés à l'augmentation de la facture énergétique, le manque de neige dans les stations de sport d'hiver et le projet de loi relatif à l'industrie verte.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : France Inter

Texte intégral

NICOLAS DEMORAND
Bruno LE MAIRE bonjour et bonne année.

BRUNO LE MAIRE
Bonjour Nicolas DEMORAND, meilleurs vœux à vous et à toutes vos équipes…

LÉA SALAMÉ
Bonjour.

BRUNO LE MAIRE
Bonjour Léa SALAMÉ.

NICOLAS DEMORAND
Commençons tout de suite par le sujet qui percuté l'actualité de cette rentrée, les boulangers, ils sont pris, vous le savez, à la gorge face à l'explosion de leur facture d'électricité, un exemple, mais il y en a des dizaines, tel boulanger à Paris qui voit sa facture passer de 3 200 à 16.000 euros, multipliée par cinq, tel autre dans l'Oise, facture qui passe de 1 800 à 12.800, multipliée par sept, on pourrait là aussi multiplier précisément les exemples. Qu'est-ce que vous leur dites ce matin ?

BRUNO LE MAIRE
Moi je leur dis qu'on ne laissera pas tomber les boulangers, je leur ai dit hier, je les ai reçus, nous serons à leurs côtés, avec des mesures très concrètes, un amortisseur qui va permettre de réduire la facture de 20 %, et toutes les factures que recevront les boulangers, toutes les PME, dans le courant du mois de février, pour les factures de janvier, verront les 20 % de réduction qui sont pris en charge par l'Etat sur leur facture d'électricité. Ça ils ne le voient pas aujourd'hui, ils le verront dans le courant du mois de février.

LÉA SALAMÉ
Vous avez l'assurance des énergéticiens ?

BRUNO LE MAIRE
Oui, ça n'a pas été facile à obtenir, mais nous avons l'assurance des énergéticiens…

LÉA SALAMÉ
Vous avez menacé.

BRUNO LE MAIRE
Je n'ai pas menacé, j'ai simplement fait comprendre…

LÉA SALAMÉ
Si vous avez menacé.

BRUNO LE MAIRE
Que, à un moment donné il fallait que l'effort soit équitablement réparti. L'État prend toute sa part, les boulangers répercutent, ils n'ont pas d'autre choix, sur le consommateur en augmentant le prix de la baguette ou le prix des viennoiseries, il faut que les énergéticiens, eux aussi, portent leur part du fardeau, c'est ce que je leur ai dit, sinon on peut toujours augmenter le prélèvement sur la rente inframarginale qui permet de remplir les caisses de l'État et de redistribuer l'argent ensuite, mais c'est plus compliqué que si on le fait directement, c'est ce qu'ils ont accepté et je les en remercie. Le deuxième dispositif c'est le guichet, qui est ouvert dès maintenant, beaucoup de boulangers ne savent pas qu'ils peuvent dès maintenant aller sur le site impots.gouv.fr demander une aide pour payer leurs factures du mois de novembre et de décembre, c'est déjà ouvert et aujourd'hui vous avez à peine quelques dizaines de PME qui s'inscrivent chaque jour sur ce site, allez…

LÉA SALAMÉ
Comment vous l'expliquez…

BRUNO LE MAIRE
Parce que les dispositifs…

LÉA SALAMÉ
Vous n'arrivez pas à donner suffisamment bien l'information…

BRUNO LE MAIRE
Nos dispositifs ne sont probablement pas suffisamment connus…

LÉA SALAMÉ
Ça ne ruisselle pas assez ?

BRUNO LE MAIRE
Il est évident que nos dispositifs ne sont pas suffisamment connus, raison pour laquelle je vais écrire, avec Olivia GRÉGOIRE, aux 33.000 boulangers de France pour leur dire "vous avez droit à ce guichet unique, vous avez droit à un amortisseur de 20 %, au total ça pourra réduire votre facture jusqu'à 40 %, jusqu'à 40 %, cela pourra réduire votre facture." Et pour tous ceux qui ont signé au mauvais moment, ça peut arriver, vous avez signé à la fin du mois d'août, début du mois de septembre, lorsque les prix étaient les plus hauts, c'est ceux-là qui ont une facture qui a été augmentée, X7, X8, X10, j'ai obtenu des énergéticiens qu'ils puissent renégocier leur contrat sans pénalités, et j'insiste sur le sans pénalités parce que lorsqu'un énergéticien dit à un boulanger "vous pouvez renégocier votre contrat, mais ça va vous coûter 7000, 8000 ou 10.000 euros", ça c'est inacceptable.

NICOLAS DEMORAND
Le président du Rassemblement national, Jordan BARDELLA, a envoyé une lettre ouverte aux boulangers de France, il fustige le fait que les prix de l'électricité soient indexés sur le prix du gaz, il dit que c'est cette règle européenne-là qui est le problème et qu'il faut en sortir, que le Portugal et l'Espagne en sont sortis, pourquoi la France n'en sort-elle pas ?

BRUNO LE MAIRE
Si on était sortie aujourd'hui du marché européen de l'énergie, comme le réclame le Rassemblement national, nous n'aurions pas eu l'électricité allemande dont nous avons eu besoin pour faire tourner les fours des boulangers, ça montre une nouvelle fois à quel point les solutions du Rassemblement national sont des impasses.

LÉA SALAMÉ
Non mais, pardon de revenir à cette question-là parce que, on peut fustiger le Rassemblement national, mais ce qu'il pose comme question…

BRUNO LE MAIRE
Mais je ne le fustige pas.

LÉA SALAMÉ
Ce que je veux dire c'est que, l'Espagne et le Portugal sont sortis de manière temporaire d'un an de ce marché européen de l'électricité, qui nous plante là, parce que si aujourd'hui les prix de l'électricité sont ses forts c'est parce qu'ils sont indexés sur les prix du gaz, c'est une règle européenne que veulent les Allemands, ça a permis…

BRUNO LE MAIRE
Mais je n'ai jamais contesté, Léa SALAMÉ je ne conteste absolument pas…

LÉA SALAMÉ
Bruno LE MAIRE, ça a permis de faire baisser les factures d'électricité de tous les Espagnols et tous les Portugais de 10 à 20 %, pourquoi on ne le fait pas ?

BRUNO LE MAIRE
Mais ceux qui ont aujourd'hui les factures d'électricité parmi les moins chères de tous les pays européens, ou les factures de gaz, je rappelle que c'est les Français, grâce au bouclier énergétique que nous avons mis en place et que nous avons maintenu, que ont décidé de maintenir pour 2023. Deuxième chose, refuser aujourd'hui le marché européen de l'énergie, avec les interconnexions dont dispose la France, parce que ce qu'oublie aussi le Rassemblement national c'est que la France n'est ni l'Espagne, ni le Portugal, ce n'est pas une péninsule, elle est connectée à d'autres nations, qui lui fournissent de l'énergie, quand par malheur, ce qui est arrivé, nos centrales nucléaires ne fonctionnent pas. Nos centrales nucléaires, 12 d'entre elles, ont dû être fermées pour des accidents, qui d'ailleurs ont été corrigés grâce à EDF, ça nous a obligés à importer de l'électricité d'Allemagne…

LÉA SALAMÉ
Donc on est tenu par les règles allemandes.

BRUNO LE MAIRE
Mais ce n'est pas les règles allemandes, c'est l'électricité…

LÉA SALAMÉ
C'est l'Allemagne qui veut indexer le prix du gaz sur l'électricité.

BRUNO LE MAIRE
Mais, Léa SALAMÉ, c'est la solidarité qui nous a permis d'avoir l'électricité, moi je suis très pragmatique. Un boulanger, qu'est-ce qu'il veut ? De l'électricité dans son four pour chauffer son pain, chauffer ses viennoiseries, et pouvoir les présenter à ses clients. Je dis simplement que si nous étions sortis du marché européen de l'énergie aujourd'hui, la solidarité européenne n'aurait pas joué, et il n'y aurait pas eu d'électricité dans les fours des boulangers, on serait bien avancé, on serait "Gros-Jean comme devant." En revanche, j'insiste là-dessus, le plus vite possible nous pourrons obtenir, et nous nous battons pour cela avec le président de la République depuis des mois, un découplage total du prix du gaz et du prix de l'électricité pour que le prix de l'électricité décarbonée ne dépende pas du prix du gaz, ça c'est…

LÉA SALAMÉ
Oui, vous vous battez, mais on n'y arrive pas.

BRUNO LE MAIRE
Mais, c'est une bataille plus difficile à livrer que de foutre le camp du marché européen de l'énergie, comme les Britanniques ont foutu le camp du marché européen tout court, et de l'Union européenne tout court, on a vu le résultat.

NICOLAS DEMORAND
Encore un mot sur le droit de résilier le contrat d'électricité sans frais dont les boulangers ont obtenu le droit, vous venez de le dire, les restaurateurs en sont jaloux, ils veulent la même chose, ils vous demandent rendez-vous à Bercy, est-ce que vous allez les recevoir et si oui quand ?

BRUNO LE MAIRE
Je vais les recevoir dans la semaine, Olivia GRÉGOIRE, la ministre chargée des PME les recevra également, je pense qu'on a toujours été là pour protéger les restaurateurs.

NICOLAS DEMORAND
Ils vont obtenir la même chose ?

BRUNO LE MAIRE
Non, parce que la situation est très différente, et je viens rappeler un principe clé de l'année 2023, les aides désormais seront ciblées sur ceux qui en ont le plus besoin. Les boulangers, ils ont l'augmentation des prix du beurre, de la farine, de toutes les matières premières…

LÉA SALAMÉ
Et de l'électricité.

BRUNO LE MAIRE
Qui ont pris 20, 30, 40 %, et de l'électricité, mais c'est les seuls qui sont dans ce cas, il y a quelques autres professions, je pense aux bouchers par exemple, qui sont aussi en vraie difficulté, mais les restaurateurs, pardon, ce n'est pas la même situation, on va évidemment les recevoir, comme on l'a fait chaque fois, mais chacun n'aura pas les mêmes dispositifs.

LÉA SALAMÉ
Il y a combien de boulangers qui menacent de fermer là ? Il y en a 33.000 je crois en France.

BRUNO LE MAIRE
Il y en a 33.000, il y en a la moitié qui renouvellent leur contrat, il y a peut-être quelques centaines de boulangers qui sont en réelles difficultés et qui ont donc besoin de cet accompagnement, et je dis aussi à tous nos amis boulangers que dans chaque département nous allons mettre en place un point d'accueil pour les boulangers, pour expliquer comment ça marche, faire les démarches, les accompagner et les aider.

LÉA SALAMÉ
Donc vous dites peut-être quelques centaines de boulangeries risquent de fermer cette année.

BRUNO LE MAIRE
Peut-être quelques centaines, mais pardon de dire les choses de manière un peu crue, il y a chaque année des boulangeries qui ferment et des boulangeries qui ouvrent. Nous accompagnerons, nous serons là, je ne peux pas être plus clair, et nous ferons un effort particulier pour les boulangers qui le méritent parce qu'ils subissent la double peine et que par ailleurs ils font partie du patrimoine culturel, du patrimoine gastronomique de notre pays, nous les accompagnerons, nous serons là, mais je veux être très clair, nous ne rouvrirons pas un "quoi qu'il en coûte" pour toutes les professions de France et de Navarre parce que ça ne serait pas la bonne solution.

NICOLAS DEMORAND
Il n'y a pas que les boulangeries et les boulangers qui souffrent, l'entreprise COFIGEO qui fabrique des plats cuisinés a mis 800 salariés au chômage partiel lundi parce qu'elle ne parvient plus à faire face à la hausse des factures de gaz et d'électricité, passées de 4 à 44 millions d'euros en un an, la verrerie DURALEX a mis son four en veille pendant quatre mois pour les mêmes raisons, 250 salariés au chômage partiel. Vous comprenez ces grandes entreprises, Bruno LE MAIRE, qui mettent leurs salariés au chômage partiel, ou c'est abusif à vos yeux ?

BRUNO LE MAIRE
Quand elles n'ont pas le choix, bien entendu que je peux le comprendre, mais enfin là aussi je veux remettre les choses en perspective et rappeler la réalité des chiffres. Les dispositifs d'activité partielle il y en a 30 fois moins à la fin de l'année 2022 qu'au début de l'année 2022, donc ça veut dire que vous pouvez donner l'exemple de DURALEX, qui connaît effectivement des difficultés, l'exemple de William SAURIN, que nous accompagnons, qui connaît effectivement des difficultés, mais vous ne pourrez pas trouver des centaines d'exemples, pour une raison qui est simple, c'est que contrairement à ce que j'entends partout, il y a peu d'entreprises qui sont véritablement en grande difficulté face à l'explosion des prix de l'électricité, qui du coup fermeraient leur activité ou ralentiraient leur activité. C'est dur pour leur trésorerie, bien entendu, en particulier pour les plus petits, et nous les accompagnons, c'est dur pour les électro-intensifs, c'est-à-dire ceux qui ont des notes d'électricité ou de gaz qui sont absolument vertigineuses, et nous les accompagnons, mais les dispositifs que nous avons mis en place, de soutien, par des aides publiques, permettent à ces entreprises…

LÉA SALAMÉ
Donc vous dites il n'y a pas de mur de faillites, comme on l'entend ?

BRUNO LE MAIRE
Non, il n'y a pas de mur de faillites. Il y a une difficulté, il y a une explosion des prix de l'électricité et du gaz qui est dure à vivre pour des milliers d'entrepreneurs, mais ils font face, c'est difficile, nous les accompagnons, mais je ne laisserais pas dire que ça va s'accompagner d'une vague de fermetures, de faillites, de réduction de production, parce que ce n'est pas le cas. Moi je prends les chiffres de l'INSEE, qui disent aujourd'hui, quand vous interrogez les entrepreneurs, qu'il y a moins de 1 % d'entre eux qui envisagent de fermer leur production ou de ralentir leur production.

LÉA SALAMÉ
La Confédération des petites et moyennes entreprises parle de 9 % des TPE et des PME, tous secteurs confondus, qui risquent de mettre la clé sous la porte, vous dites ceci est excessif ?

BRUNO LE MAIRE
Non, moi j'en ai parlé avec François ASSELIN, je conteste ce chiffre, mais vous savez, c'est la sérénité aussi des vieilles troupes. Il y a trois ans, quand le Covid frappait, on m'annonçait une vague de faillites comme la France n'en n'avait pas connue depuis des décennies, elle ne s'est pas produite. Je ne suis pas là pour préparer le pire, je ne suis pas là pour annoncer des catastrophes, je suis ici pour protéger des entreprises qui en ont besoin, garantir le bon fonctionnement de l'économie française et aider les plus fragiles…

LÉA SALAMÉ
Donc vous dites, pas de catastrophisme.

BRUNO LE MAIRE
Non, pas de catastrophisme, du volontarisme.

NICOLAS DEMORAND
Et puis autre augmentation, c'est celle de l'eau, de nombreuses villes ont voté des hausses, de parfois plusieurs dizaines d'euros, c'est ce que rapporte "Le Parisien", augmentation de 6,2 % pour l'agglomération du Cotentin dans la Manche, 11 % à Thouars dans les Deux-Sèvres, 9,5 à Roubaix dans le Nord, 10 % en moyenne à Clermont-Ferrand, envol des prix qui s'explique par la hausse des prix de l'électricité, est-ce que vous trouvez ça normal que le prix de l'eau augmente, et là encore est-ce qu'il faut des aides de l'Etat spécifiques ?

BRUNO LE MAIRE
Non, mais je pense être suffisamment clair sur la stratégie que nous employons. Nous envisageons une baisse de l'inflation dans le courant de l'année 2023…

LÉA SALAMÉ
Quand ?

BRUNO LE MAIRE
Rétablir un "quoi qu'il en coûte", parce que si je vous écoute depuis le début de cette émission il faudrait aider toutes les professions, toutes les entreprises, tous les ménages, refaire une nouvelle aide spécifique ou un chèque spécifique pour l'eau, on ne ferait que jeter de l'huile sur l'incendie inflationniste, or moi ma responsabilité de ministre des Finances c'est de faire baisser l'inflation, et donc de ne pas prendre…

LÉA SALAMÉ
Elle va baisser quand ?

BRUNO LE MAIRE
Dans le courant de l'année 2023, je maintiens ma prévision, nous devrions avoir une inflation qui commence à ralentir. Notre stratégie pour aider les ménages c'est de tout miser sur le bouclier énergétique, c'est-à-dire de protéger les ménages contre la flambée des prix de l'énergie qui représente 8 à 10 % du budget des ménages, et là-dessus, contrairement à tous les autres pays européens, tous les ménages français ont été protégés d'une augmentation qui aurait représenté, par mois, 180 à 200 euros en moyenne de plus sur la facture de gaz ou sur la facture d'électricité, c'est ça notre stratégie. L'eau…

LÉA SALAMÉ
Vous allez nous dire le carnet de chèques n'est pas ouvert…

BRUNO LE MAIRE
Non mais l'eau, juste pour vous donner des chiffres, l'eau c'est 1 %, un peu moins de 1 % du budget des ménages, donc je pense qu'il est plus protecteur de s'attaquer ce qui représente 8 à 10 % du budget des ménages, l'énergie.

LÉA SALAMÉ
Vous allez nous dire que le carnet de chèques n'est pas ouvert et qu'il faut faire attention au "quoi qu'il en coûte"

BRUNO LE MAIRE
Oui, je le dis avec beaucoup de fermeté.

LÉA SALAMÉ
Oui, vous le dites, mais pour l'instant vous ne le faites pas forcément puisque le carnet de chèques reste ouvert, vous le voyez encore sur les boulangers là hier.

BRUNO LE MAIRE
Non, sur les boulangers nous n'ouvrons pas le carnet de chèques, ce n'est pas la solution que nous avons apportée, nous répartissons l'effort en demandant aux énergéticiens, aux fournisseurs d'énergie, de faire un effort, c'est très différent. Le carnet de chèques de l'État c'est le carnet de chèques des contribuables, c'est vos impôts, et c'est pour ça que je ne l'ouvre pas si facilement.

LÉA SALAMÉ
Bruno LE MAIRE, cet hiver est marqué par le réchauffement climatique et des records de chaleur qui entraînent des difficultés pour les stations de ski qui risquent d'être contraintes de fermer cet hiver faute de neige, que dit le ministre de l'Économie aux stations de ski…

BRUNO LE MAIRE
Je ne vais pas faire tomber la neige à la place des stations de ski.

LÉA SALAMÉ
C'est ce que j'allais vous dire, vous n'allez pas faire tomber la neige, mais est-ce que vous allez les aider, ou est-ce que vous dites eh bien voilà, c'est comme ça, pas autrement ?

BRUNO LE MAIRE
Je n'ai pas de pouvoirs magiques Léa SALAMÉ, et je ne commande pas au ciel ou à la météo. Je vois beaucoup de stations de ski qui se sont adaptées, qui ont diversifié leur offre, qui développent le tourisme d'été qui marche remarquablement bien, d'autres pratiques sportives lorsqu'il n'y a pas de neige, c'est dans cette direction-là qu'il faut avancer.

NICOLAS DEMORAND
Donc réinventez-vous, c'est ça ?

BRUNO LE MAIRE
Mais tous, nous les premiers nous devons nous réinventer.

LÉA SALAMÉ
Acceptons qu'il n'y a pas de ski quoi !

BRUNO LE MAIRE
Acceptons qu'il peut y avoir du ski…

LÉA SALAMÉ
C'est ce que vous leur dites.

BRUNO LE MAIRE
Dans les stations de haute montagne, que les autres vont s'adapter, qu'il y a d'autres pratiques sportives, et la montagne est belle en toutes circonstances, neige ou pas neige.

NICOLAS DEMORAND
En tout cas c'est dans ce contexte qu'Emmanuel MACRON a prononcé lors de ses vœux une phrase qui ne passe pas, "qui aurait pu prédire la crise climatique" a dit le président, les climatologues, les experts du GIEC, sont en colère, ils rappellent que leurs rapports, ceux du GIEC, alertent depuis 30 ans sur le sujet. Vous avez compris cette phrase du président ?

BRUNO LE MAIRE
Oui je l'ai compris parce que… est honnête, tous collectivement. Il y a effectivement des experts, des scientifiques, à qui je rends hommage, qui nous alertent, j'ai reçu hier Jean Marc JANCOVICI, ça fait des années qu'il alerte, mais c'est vrai que nous avons du mal à réaliser ce qu'est le changement climatique, à le réaliser dans nos vies quotidiennes, dans nos pratiques, dans nos comportements, et je pense que dans cette année, avec l'hiver très doux que nous passons, avec ce que nous avons connu comme catastrophes cet été, la prise de conscience collective, sociétale, est en train de se faire, et tant mieux, et il faut en tirer toutes les conséquences. Une des priorités absolues de mon année 2023, et qui vaut pour les décennies à venir, c'est l'industrie verte, c'est profiter de ce changement climatique qui doit amener des changements dans le comportement, dans les choix industriels, pour relocaliser l'industrie en France, nous le faisons…

LÉA SALAMÉ
Oui, mais ça vous le répétez depuis, pardon, depuis la crise du Covid.

BRUNO LE MAIRE
Oui, mais avec…

LÉA SALAMÉ
Alors qu'est-ce qui change là ce matin, c'est quoi votre annonce ce matin ?

BRUNO LE MAIRE
Qu'est-ce qui va changer ? un, nous allons, au niveau européen, avec mon homologue allemand Robert HABECK, porter l'idée d'une IRA européenne, c'est-à-dire une "Inflation Reduction Act", qui est mise en place par Monsieur BIDEN aux États-Unis pour relocaliser des industries vertes aux États-Unis, nous allons porter la même chose avec le ministre de l'Économie allemand au niveau européen, avec notamment des aides d'État plus importantes, plus rapides, plus simplifiées, pour tous ceux qui veulent localiser de l'industrie verte sur le territoire européen.

LÉA SALAMÉ
Concrètement, qu'est-ce que ça va changer ? Prenez le Doliprane par exemple, parce qu'on va parler des médicaments, parce que pas de catastrophisme, mais tout de même, la question des médicaments se pose.

BRUNO LE MAIRE
Alors là c'est au niveau national, c'est la deuxième décision que je veux porter cette année, en 2023, un projet de loi sur l'industrie verte, que je présenterai à la Première ministre et au président de la République dans les jours prochains, qui comportera des dispositions fiscales, des dispositions réglementaires, des dispositions législatives, pour accélérer la réalisation de sites industriels sur le territoire français, pour inciter à la décarbonation de l'industrie, pour mieux former, pour mieux qualifier, tout cela sur la base évidemment d'un dialogue, comme je l'avais fait pour la loi PACTE, de façon à avoir les meilleures pratiques et les meilleures propositions, et faire en sorte que le changement climatique se traduise par la réindustrialisation verte de la France.

LÉA SALAMÉ
Donc vous nous annoncez ce matin un projet de loi qui arrive dans les prochains jours pour accélérer la relocalisation verte, c'est ça ?

BRUNO LE MAIRE
Le projet de loi je vais le proposer à la Première ministre et au président de la République, il aura vocation à créer une industrie verte puissante sur le territoire national, avec de la production d'hydrogène, de l'électrolyse, des batteries électriques, du nucléaire bien entendu, qui fait l'électricité décarbonée, des énergies renouvelables, profitons de ce moment où tout le monde veut décarboner son industrie pour être la grande nation de la décarbonation industrielle en Europe.

LÉA SALAMÉ
Ça, pardon, ce sont des mots Bruno LE MAIRE…

BRUNO LE MAIRE
Mais ça va être très concret.

LÉA SALAMÉ
C'est ce que j'allais vous dire.

BRUNO LE MAIRE
Quand vous prenez une procédure d'installation…

LÉA SALAMÉ
Prenez le Doliprane…

BRUNO LE MAIRE
Prenez le Doliprane, c'est un excellent exemple.

LÉA SALAMÉ
Pardon, le Doliprane, ça fait trois ans qu'on attend l'industrie, quand est-ce qu'on va avoir la première boîte de Doliprane produite en France ?

BRUNO LE MAIRE
C'est un excellent exemple. Nous ne faisons pas… nous assemblons les produits de Doliprane avec SANOFI, mais nous ne faisons pas la molécule, le président de la République a décidé que nous devions être indépendants et autonomes sur la production de la molécule du Doliprane, ce sera fait par l'entreprise SEQENS dans quelques mois. Combien de temps faut-il…

LÉA SALAMÉ
Fin 2025.

BRUNO LE MAIRE
Vous le dites vous-même, combien de temps faut-il…

LÉA SALAMÉ
C'est loin.

BRUNO LE MAIRE
Plus de deux ans, ce n'est pas acceptable, et donc l'un des objets de ce projet de loi sur l'industrie verte c'est de raccourcir les délais, simplifier les procédures, pouvoir en quelques mois créer de nouveaux sites industriels qui vont permettre à la fois la réindustrialisation du pays et sa décarbonation. Nous pouvons, et c'est là que je reste tout aussi volontariste, nous pouvons être la grande nation décarbonée en Europe, c'est ça l'enjeu stratégique, c'est un enjeu stratégique pour la nation française, c'est un enjeu stratégique pour le continent européen.

LÉA SALAMÉ
En attendant comment c'est possible qu'on manque de médicaments aujourd'hui en France ?

BRUNO LE MAIRE
Mais parce que depuis des années nous avons abandonné ce principe d'indépendance et nous devons bien comprendre le moment où nous sommes Léa SALAMÉ, nous vivons la fin de 80 ans de mondialisation libérale, et nous voyons arriver aujourd'hui…

LÉA SALAMÉ
Auquel vous avez cru, comme d'autres !

BRUNO LE MAIRE
Mais bien sûr, mais je sus aussi capable de faire preuve de lucidité, de regarder aussi nos erreurs, et comprendre que dans le fond ce qui a toujours été au cœur de l'esprit français, c'est-à-dire l'indépendance, c'est-à-dire la souveraineté, c'est-à-dire le rôle de l'État dans l'économie pour planifier les grands investissements, comme l'industrie verte, comme les réacteurs nucléaires, comme l'électrolyse, eh bien ça fait de ce moment précis où nous sommes, celui de la fin de la mondialisation libérale, une chance pour la nation française.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 5 janvier 2023