Interview de M. Olivier Véran, ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement, à LCI le 13 janvier 2023, sur les principales dispositions du projet de réforme des retraites, allongement de la durée de cotisations, report de l'âge légal de la retraite, dispositif carrières longues et la contestation suscitée à ce projet.

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Texte intégral

ADRIEN GINDRE
Bonjour Olivier VERAN.

OLIVIER VERAN
Bonjour Adrien GINDRE.

ADRIEN GINDRE
Merci beaucoup d’être là ce matin. On l’a entendu encore à l’instant, des annonces de manifestations, de grèves, peut-être même de blocages. C’est la CGT Pétrole qui ne l’excluait pas hier. Ça va concerner tous les secteurs, l’éducation, les transports, la santé, même dès aujourd’hui. Elisabeth BORNE hier en appelait à la responsabilité des organisations syndicales. Qu’est-ce que ça veut dire ? Vous souhaitez qu’elles renoncent à leur mouvement ?

OLIVIER VERAN
Non. L’idée n’est pas d’empêcher du tout, et c'est prévu par la Constitution, je rassure tout le monde, ce n’est pas du tout la volonté du gouvernement d’empêcher les gens de manifester ou de contester un projet de réforme. Ce qui est important, c’est que nous comme gouvernement on veut profiter de cette période pour aller expliquer aux Français la réforme qu’on veut mener. Maintenant je pense qu’il y a un consensus très large qui se dégage sur la nécessité absolue qu'il y a de porter une réforme du système des retraites pour éviter la faillite du système des retraites, donc il nous faut expliquer les différentes alternatives.

ADRIEN GINDRE
Sauf qu’Elisabeth BORNE hier a dit : il ne faut pas pénaliser nos concitoyens.

OLIVIER VERAN
C'est sûr qu'on peut manifester sans bloquer un pays et on a vu pendant le mois de décembre que les Français ont été très pénalisés par des grèves dans des raffineries etc etc La question est de savoir comment porter une contestation sans être obligé d'empêcher les gens d’emmener les enfants à l'école ou d'aller travailler. Ce n’est pas quelque chose de nouveau dans notre pays.

ADRIEN GINDRE
Ils ont une chance d'être entendus s'ils ne font pas justement le blocage du pays ? Vous allez leur dire : vous n’êtes pas d'accord donc on retire le projet, pas de souci ?

OLIVIER VERAN
Nous on est dans le dialogue, Adrien GINDRE, on est dans le dialogue avec les Français, on est dans l'explication.

ADRIEN GINDRE
Je note que ça fait fois que vous dites avec les Français, c’est-à-dire que les syndicats c'est fini, vous ne parlez plus.

OLIVIER VERAN
Bien sûr que si, on discute avec les syndicats mais il y a une grande phase de concertation qui a duré plusieurs mois, et qui a permis d'ailleurs de modifier, d'améliorer, de renforcer le projet de réforme. Beaucoup des articles du futur projet de loi seraient adoubés en réalité par les syndicats, mais il y a l'article dur aux yeux des syndicats qui est le fait de travailler un petit peu plus longtemps pour financer tout le reste. Mais tout le reste, c'est-à-dire les carrières longues, les carrières des femmes, le congé parental, la place des aidants, la suppression des régimes spéciaux, tout cela et ce sont des sujets, des points fondamentaux de la réforme qui sont plus consensuels.

ADRIEN GINDRE
Il y a la question de l'amélioration aussi. Quand il a fait ses voeux aux Français, les Français, Emmanuel MACRON le 31 décembre dit à plusieurs reprises « unité, unité, il faut rester unis etc » Aujourd'hui vu ce qui se passe, vu ce qui s'annonce, est-ce que vous craignez pour l'unité du pays ?

OLIVIER VERAN
D'abord la peur est mauvaise conseillère…

ADRIEN GINDRE
Visiblement ça a un peu animé Emmanuel MACRON parce que pour répéter quatre fois « unité » dans un seul discours…

OLIVIER VERAN
L'unité ça veut dire encore une fois, quand on est aux responsabilités, c'est pour réformer le pays. Quand on le réforme, c'est avec l'esprit de l'intérêt général et c'est faire en sorte que notre pays, la France, soit plus forte demain qu'elle ne l’est aujourd'hui.

ADRIEN GINDRE
Mais les syndicats n’ont pas l'idée de l'intérêt général ?

OLIVIER VERAN
Mais si les syndicats ont l’idée de l'intérêt général, mais les syndicats peuvent porter d'autres projets de réforme. Et ce que nous faisons, c'est expliquer aux Français pourquoi nous faisons le choix de demander aux Français qui le peuvent de travailler un petit peu plus longtemps. Parce que les autres alternatives, c'est de dire aux Français : vous allez perdre du pouvoir d'achat parce qu'on augmenterait vos cotisations et c’est 450 euros par an par Français en moyenne, c’est beaucoup. Sinon, c'est de dire aux retraités : on va devoir baisser vos pensions et c’est 700 euros par an de moins pour les retraités. Ou alors c'est de dire aux entreprises : vous allez payer pour tout le reste ce sont des centaines de milliers d’emplois supprimés sur du court terme. Donc nous, c’est pas d'impôts, pas de dettes supplémentaires.

ADRIEN GINDRE
Mais une division du pays, c'est ce que disent les syndicats. Par cette proposition d'augmenter l'âge, vous êtes en train de diviser et de fracturer le pays.

OLIVIER VERAN
Par cette proposition d'augmenter l'âge, on est en train de consolider notre modèle social pour les décennies à venir. Parce que ce modèle social, il nous a permis de mettre en place le quoi qu'il en coûte, le chômage partiel pendant la crise du Covid. Ce modèle social, il doit permettre à des gens de votre génération ou de la mienne, lorsque le moment sera venu, de bénéficier d'une retraite qui sera payée alors par les actifs de l'époque. Cette réforme, elle garantit à tous les retraités de notre pays que leur pouvoir d'achat va augmenter avec les années. Et il garantit à 2 millions de retraités qui ont des petites retraites qu’ils vont pouvoir gagner enfin une retraite décente.

ADRIEN GINDRE
On voit bien et je le comprends que vous ne souhaitez pas attaquer, cibler les syndicats.

OLIVIER VERAN
Il n’y a aucune raison de le faire.

ADRIEN GINDRE
Est-ce que c’est la mise en oeuvre de la mise en garde du chef de l'Etat qui dit « attention, on doit être dans l'humilité » ? Vous appliquez la consigne du président ?

OLIVIER VERAN
Mais il n’y a aucune raison d'attaquer qui que ce soit. Nous avons acté avec les syndicats un certain nombre d'accords sur des points fondamentaux de la retraite, la justice, le progrès à l'équilibre, et nous avons acté avec les syndicats un désaccord sur une des mesures de la réforme de la retraite qui est de demander aux gens de travailler un peu plus longtemps. Et c'est cet esprit qui nous anime, c'est de favoriser les classes moyennes, de favoriser les gens qui travaillent et de garantir à tout le monde une retraite. Et là-dessus on peut être d'accord. Ensuite c'est le chemin d'atteindre l'objectif qui fait division et nous le redisons : nous ne voulons pas augmenter les impôts, nous ne voulons pas augmenter la dette, donc il n’y a pas d’alternative.

ADRIEN GINDRE
Vous l’avez déjà dit.

OLIVIER VERAN
Oui, mais vous allez m’interroger sur la forme et la réaction. Notre rôle, c’est d’expliquer pourquoi on fait cette réforme.

ADRIEN GINDRE
Et vous le faites. Vous disiez cette semaine ne pas être dans l'idée d'une mobilisation massive, ça a suscité le commentaire de Laurent BERGER de la CFDT suivant : « Olivier VERAN n'a pas les bons capteurs dans le monde du travail » ; est-ce que vous rediriez aujourd'hui que vous n'êtes pas dans l'idée d'une mobilisation massive ?

OLIVIER VERAN
Ce que j'ai expliqué à Laurent BERGER hier et on a été en contact et je crois que le malentendu est éteint, c’est que je me suis dit : nous ne nous mettons pas dans une situation d'une mobilisation massive dans notre façon de raisonner, c'est-à-dire que je n'ai pas à commenter et encore moins par anticipation – je n’ai pas de boule de cristal - la mobilisation à venir et je la respecte profondément. Mais la question, c'est est-ce que nous avançons avec la boule au ventre etc avec l'idée de reculer, ce n'est pas aujourd'hui notre logique. Notre logique c'est, encore une fois, d'aller expliquer notre réforme.

ADRIEN GINDRE
Dans votre réforme vous nous expliquez, vous l'avez fait depuis le début, que vous devez la faire parce que, de votre point de vue, le régime de retraite sinon est en danger, en péril à l'avenir. Pourquoi à l'inverse ne pas assumer que c'est un choix politique ? C'est ce que vous disent les syndicats, ils vous disent eux : il y a d'autres solutions. Vous les avez citées, vous les écarter sur les cotisations, sur les pensions, il y a plein d'autres leviers possibles. En quoi ce serait difficile pour vous de dire : oui c'est un choix politique, nous l’assumons ?

OLIVIER VERAN
Pardon. D’abord vous avez commencé par dire : vous, vous considérez que le système n'est pas en équilibre et d'autres considèrent autre chose, et les autres considèrent qu'il y a d'autres réformes possibles. S'ils considèrent qu'il y a d'autres réformes possibles, c'est bien qu'ils considèrent qu'il faut une réforme, et donc que notre système serait en déséquilibre.

ADRIEN GINDRE
Vous avez raison, ça dépend des syndicats. Je réexplique pour nos téléspectateurs. Il y a ceux qui disent : il n’y a pas de nécessité de réforme et il y a ceux qui disent : il faut une réforme mais il y a d'autres manières de faire.

OLIVIER VERAN
Je crois qu’on peut tous s'entendre et les prochains jours vont le permettre aussi, de faire en sorte que tout le monde s'entende sur la nécessité de porter une réforme du système des retraites. Et quand on regarde ailleurs dans les enquêtes d'opinion, il y a une majorité large de Français qui considère qu'une réforme est importante à mener. Et donc c'est la nature de la réforme qui est aujourd'hui en discussion et pas la nécessité de la réforme. Pourquoi ? Parce que c'est 150 milliards de dette à accumuler en 10 ans si nous ne portons pas une réforme, mais ça veut dire que c'est le risque de faillite pour notre système de retraite. Et c'est là que je redis bien volontiers les choses. Ou vous baissez les cotisations, ou vous augmentez les cotisations des Français qui travaillent et donc vous baissez leur pouvoir d'achat et de manière massive, ou vous baissez les pensions des retraités et on ne veut pas le faire. On veut au contraire maintenir les revenus des retraités, ou vous travaillez un peu plus longtemps.

ADRIEN GINDRE
Mais dans les leviers, vous dites les cotisations. François BAYROU était à votre place il y a deux jours. Il est venu défendre l'idée qu'il fallait augmenter les cotisations patronales, pas pour financer l'intégralité de la réforme mais aussi pour envoyer des signaux de justice et d'équilibre, et dire que la contribution est partagée. Est-ce que ça vous paraît toujours exclu ? Le gouvernement l'a exclu. Est-ce que ce sera exclu jusqu'au bout que de toucher aux cotisations patronales, de les augmenter ? Pas simplement de faire un transfert, de les augmenter.

OLIVIER VERAN
D’abord je vais vous dire que la justice et l'équilibre, très concrètement, c'est par exemple l’index seniors. C'est obliger les entreprises à embaucher…

ADRIEN GINDRE
On parle des seniors dans un instant.

OLIVIER VERAN
C'est aussi une façon de vous répondre sur le fond que de vous dire que des éléments de justice et d'équilibre, on en a plein dans la réforme. Je crois que les Français commencent à le percevoir. Ensuite si vous augmentez les cotisations des entreprises pour financer et ça ne permettrait pas, d'ailleurs vous l'avez dit vous-même dans votre question, de mettre à l'équilibre le système de retraite. Par contre on sait que l'impact immédiat, c'est la suppression de 100 à 200 000 emplois, 150 000 emplois en moyenne. C'est-à-dire que si nous faisions cela, nous casserions la dynamique dans laquelle nous sommes inscrits qui fait que désormais, la France est le pays dans lequel on investit le plus en Europe et qui fait que le chômage recule mois après mois.

ADRIEN GINDRE
Même si ça permettait in fine de trouver un accord, d'apaiser le pays, de donner des gages…

OLIVIER VERAN
Apaiser le pays en créant du chômage ? Je n'y crois pas. Le chômage reste une priorité. Nous visons le plein emploi. Et les réformes que nous portons aujourd'hui : la réforme du lycée professionnel, la réforme de l'assurance chômage, la réforme des retraites, visent à permettre à tous les Français de pouvoir avoir un travail, le conserver et d'en vivre correctement pendant leur vie active et une fois qu'ils seront à la retraite. Donc si vous voulez, prendre une décision qui aujourd'hui pourrait donner le sentiment d'un apaisement mais qui augmenterait le chômage demain, et donc augmenterait les dépenses sociales donc augmenterait la dette donc déstabiliserait, déséquilibrerait tout le système social et donc nous contraindrait à repenser une réforme des retraites…

ADRIEN GINDRE
C’est non.

OLIVIER VERAN
Ne me semble pas le plus adapté.

ADRIEN GINDRE
Vous disiez : il y a des mesures de justice dans le texte, alors François BAYROU il disait aussi : elles sont améliorables. Si on prend l'exemple de l'index pour les seniors, vous parliez de l'emploi des seniors, est-ce qu'un index ça suffit ? Est-ce que le gouvernement peut se contenter de ça ben ?

OLIVIER VERAN
Un index, d'abord il sera obligatoire. Ça veut dire que si les entreprises ne le font pas quand elles ont plus de 300 salariés, elles sont pénalisées.

ADRIEN GINDRE
Mais il n’y aura pas de sanction financière si on n'a pas un bon taux d'emploi des seniors.

OLIVIER VERAN
Je pense que c'est un point qui sera soumis à la concertation.

ADRIEN GINDRE
Et vous êtes favorable à une évolution.

OLIVIER VERAN
Moi je suis favorable à tout ce qui permettra de garantir à des personnes qui ont bossé toute leur vie dans l'entreprise qu’ils ne vont pas perdre leur boulot un an ou deux ans trop tôt par rapport à l’âge de la retraite. On a besoin des seniors dans l'entreprise et tout le monde est d'accord pour le dire. Le taux de chômage des seniors, des 60-64 ans, il est plus bas que le reste de la moyenne ; ça paraît contre-intuitif mais c'est le cas parce que des seniors dans l'entreprise, ils apportent énormément de compétences, de connaissances, de transmission. On en a besoin donc on va garantir - beaucoup d'entreprises jouent le jeu, certaines ne le font pas et donc on va les contraindre à le faire.

ADRIEN GINDRE
J'entends contraindre. Sur les carrières longues, est-ce que là aussi il y a un bougé qui est possible. Il se trouve que dans votre dispositif, certains vont se retrouver à travailler 44 ans, 44 années de cotisations, soit plus qu'un cadre qui aurait commencé à travailler tard. Est-ce que ça c'est de la justice ?

OLIVIER VERAN
D'abord, beaucoup des personnes qui sont amenées à travailler 44 ans travaillent aujourd'hui dans les faits déjà 43, 44 ans. Parce que beaucoup de Français, et ceux qui sont dans cette situation me comprendront en particulier, une fois qu'ils ont atteint l'âge légal continuent de cotiser pendant un an ou deux pour avoir une surcote, c'est-à-dire un meilleur niveau de pension. Donc pour beaucoup de gens qui sont en carrière longues, en réalité l'objectif de l'âge légal va rejoindre l'objectif constaté de l'âge réel de départ à la retraite. Il faut savoir que si l'âge aujourd'hui est de 62 ans de départ à la retraite, en moyenne les Français partent à près de 63 ans et demi.

ADRIEN GINDRE
Dans ce que vous allez faire, est-ce que vous pouvez encore bouger ou est-ce que ça restera 44 ans pour ceux qui sont à 44 ans dans votre texte ?

OLIVIER VERAN
Je redis que les Français qui seraient amenés à travailler jusqu'à 44 ans aujourd'hui du fait de l'application de la réforme Touraine, seraient amenés à travailler 43 ans. D'accord ? Vous par exemple ou moi, parce qu'on est dans une génération où la réforme Touraine s'applique. Sans réforme, on serait amené à travailler 43 ans. Donc dire qu'on peut aller jusqu'à 44 ans, ça veut dire qu'on augmente d'un an. Le concept de cette réforme, c'est d'être capable de financer, d'équilibrer le système des retraites et de financer les droits sociaux nouveaux et de maintenir le niveau de pension des retraités, via une augmentation de la durée du temps de travail.

ADRIEN GINDRE
Quand on dit carrière longue, ce serai vraiment carrière longue, ce sera 44 ans au lieu de 43 ans.

OLIVIER VERAN
Avec tous les aménagements et même pour les gens qui ont commencé très tôt, les situations particulières de jeunes qui ont commencé vraiment très tôt, ils auront après la réforme à travailler un petit peu moins longtemps que ce qu’ils avaient à travailler avant la réforme.

ADRIEN GINDRE
Oui. Mais il y en a quand même qui ont des carrières longues, qui travailleront 44 ans…

OLIVIER VERAN
Je vous confirme Adrien GINDRE, si c'est votre question, est-ce que les Français vont être amenés à travailler un peu plus longtemps après la réforme : c'est le concept du recul de l'âge de départ à la retraite.

ADRIEN GINDRE
Mais je cherche aussi avec vous, parce que vous disiez : oui, il y a des éléments de justice dans le texte et la réforme, on peut regarder, je cherchais avec vous si ça c'était un point qui pouvait bouger. Je comprends plutôt non.

OLIVIER VERAN
Mais en fait si vous me dites, parce qu'on peut prendre tous les Français seraient amenés à travailler 6 mois ou 12 mois de plus après la réforme, si à chaque fois qu'on voit qu'il y a des Français qui travaillent un peu plus longtemps après la réforme, on dit : en fait on va l'enlever, ça veut dire qu'il n’y a plus de réforme.

ADRIEN GINDRE
Je posais la question parce que vous dites souvent les carrières longues, c'est un dispositif de justice. Donc qu’on soit clair, c'est de la justice mais effectivement ils travailleront plus qu’un cadre.

OLIVIER VERAN
C'est un dispositif de justice parce que c'est un système qui permet aux Français qui sont dans ces carrières longues de pouvoir partir plus jeune à la retraite. Plus jeune à la retraite. Quand vous partez à 58 ou 60 ans ou 62 ans en fonction de l'âge auquel vous avez commencé, de fait vous n'êtes pas impacté par les 64 ans. Donc peut-être qu'il y a une augmentation du nombre d'années de cotisation, mais en réalité quelqu'un qui a commencé tôt il pourra partir entre 58 et 62 ans et non pas à 64 ans, comme tout le reste des Français. Et c'est là l'élément de justice : c'est qu'on considère que parce que vous avez commencé tôt, vous pouvez partir plus tôt.

ADRIEN GINDRE
A défaut d'accord avec les syndicats, vous avez cherché un accord politique avec Les Républicains. Hier les représentants des Républicains étaient reçus par la Première ministre à Matignon. Eric CIOTTI, le patron du parti, est ressorti satisfait, il parle d'un succès pour Les Républicains. Ça veut dire qu'il y a accord, l'affaire est entendue, Les Républicains seront avec vous au moment du vote ?

OLIVIER VERAN
Ça veut dire que nous cherchons les conditions qui nous permettront de dire aux Français que nous disposons à l'Assemblée nationale et au Sénat d'une majorité absolue. Ça veut dire que si certains groupes d'extrême gauche décidaient de procéder, de transformer l'Assemblée en ZAD comme ils le disent, et d'empêcher les parlementaires d'examiner et de voter les articles du projet de loi, les Français pourraient néanmoins considérer que si nous avions pu aller au bout de l'examen du texte dans des conditions normales, démocratiques, empêchées par l'extrême gauche a priori, nous disposerions d'une majorité absolue. Ça veut dire que sur en théorie l'usage, et je l'espère en pratique, l'usage du 49.3 n'est pas n'est pas une option nécessaire.

ADRIEN GINDRE
Pas nécessaire ou déjà totalement exclu ?

OLIVIER VERAN
On verra. Je ne peux pas anticiper…. Vous savez, aujourd'hui, vous avez des députés de La France insoumise qui s'enorgueillissent de déposer chacun 1.000 amendements, ils savent très bien d'ailleurs que les 1.000 amendements par député ne traiteront pas du fond de la réforme ; je m'attends à ce qu’il y ait une centaine d'amendements par député pour modifier le titre par exemple…

ADRIEN GINDRE
Si c'est ça, vous aurez besoin du 49.3.

OLIVIER VERAN
Pas forcément, il y a d'autres possibilités qui permettraient d'éviter le 49. 3 mais encore une fois, pardon pour l'expression, mais il y a le bon 49.3 et le mauvais 49. 3. Le mauvais 49.3, c'est quand vous n'avez pas de majorité absolue et que vous êtes obligé d'actionner le dispositif constitutionnel pour faire adopter un texte ; le bon 49.3, c'est quand vous avez une obstruction au Parlement, manifeste alors que vous disposez d’une majorité absolue et ce qui permet d'adopter le texte et de faire avancer le pays.

ADRIEN GINDRE
Alors vous dites justement qu’il y a d'autres dispositions, c'est un peu technique, mais on va faire une réponse très simple : en combien de temps sera examiné ce texte ?

OLIVIER VERAN
En 35 jours.

ADRIEN GINDRE
Au total pour tout le Parlement ou pour la première lecture à l'Assemblée ?

OLIVIER VERAN
C’est 20 jours à l'Assemblée nationale et ensuite 15 jours au Sénat ; pour mémoire, la réforme 2010 de François FILLON, ça a été 28 jours de débats parlementaires.

ADRIEN GINDRE
Donc vous dites que ça suffira….

OLIVIER VERAN
Je ne sais pas si c’était l'Assemblée ou le Sénat mais il y avait eu 28 jours ; donc vous voyez… c’est-à-dire qu'on se donne beaucoup de temps de débats pour examiner cette réforme. Après, 20 jours, si vous avez 75.000 amendements, que les Français fassent le calcul, habituellement dans l'hémicycle, on avance à raison de 10 à 20 amendements à l'heure ; donc 75.000 amendements, ça veut dire que les députés LFI voudraient que pour examiner la totalité de leurs amendements, on soit encore focalisé dessus en 2026, ce qui évidemment est impossible.

ADRIEN GINDRE
Vous considérez malgré tout avoir une légitimité démocratique sur cette réforme parce qu’on n'entend aussi certains de vos opposants dire : moi j'ai voté MACRON au deuxième tour de la présidentielle mais c'était pour faire barrage à LE PEN, pas parce que je soutenais la réforme des retraites. Et la prochaine fois, je ne ferai pas barrage dans ce cas-là !!

OLIVIER VERAN
Je ne considère pas que les Français aient voté… en tout cas une partie des Français qui ont voté pour Emmanuel MACRON au second tour, n'ont pas voté pour lui parce qu'il y avait la réforme des retraites, on est parfaitement d'accord là-dessus. En revanche, on a avancé cette réforme et ça a été le courage d'ailleurs du président de la République pendant la campagne, il avait même parlé de 65 ans. Donc ça veut dire qu’on ne prend personne au dépourvu. Et ensuite, la réforme des retraites est une réforme qui par définition et dans l'histoire de la 5e République, ça a toujours été le cas, c’est une réforme qui n'emballe pas l'opinion générale parce que ce n'est pas forcément agréable et je peux parfaitement le comprendre.

ADRIEN GINDRE
Mais ça ne vous inquiète pas pour la suite… pour 2027 ?

OLIVIER VERAN
Tout l'enjeu du moment, c'est d'expliquer pourquoi on le fait ; ce n'est pas pour le plaisir de travailler plus longtemps ; ce n'est pas décision politique pour avoir un accord avec la droite, tout ce que je peux lire des fois quand j'entends les gens de gauche parler ; c'est parce que si on ne le fait pas, dans cinq ou dix ans, vous m'inviterez sur votre plateau si je suis encore en politique et vous me direz : vous avez laissé le système des retraites partir en banqueroute ; qu'est-ce que vous expliquez à Madame qui aujourd'hui voit sa pension sous-indexée ou baissée ?! Si vous aviez fait cette réforme, on n’en serait pas là.

ADRIEN GINDRE
Vous parlez de vos opposants de gauche ; il y a un scrutin qui est en cours au PS pour renouveler la direction. Vous le suivez ? Vous êtes un ancien du parti socialiste ; ça vous intéresse encore ?

OLIVIER VERAN
Oui bien sûr, j'ai vu ça… Alors pour moi, le grand enseignement, c'est qu'on est passé de quelque 40000 votants en 2018, à 14.000 en 2022 ; il y a déjà deux tiers des votants qui se sont barrés… enfin qui sont partis, depuis le début de la NUPES. Et parmi le tiers de votants au PS qui restent, près de la moitié ont décidé - on verra si c'est plus ou moins de la moitié - mais à peu près la moitié de ce tiers de militants restant, a décidé de voter pour un candidat qui n'est pas fana de la NUPES, c'est-à-dire que la NUPES n'est pas l'option retenue par ceux qui se revendiquent encore du socialisme en France. Et je peux les comprendre.

ADRIEN GINDRE
Et donc quelles conclusions vous en tirez ? Que la direction actuelle… qu’Olivier FAURE est illégitime à continuer la NUPES ?

OLIVIER VERAN
Je dis qu’en toute logique, si Olivier FAURE réélu, il doit considérer que dans la mesure où les deux tiers de ses militants n’ont pas participé au scrutin, il y a sans doute une raison et que si la moitié de ceux qui ont participé, ont choisi de ne pas lui accorder leur confiance, c'est probablement qu'il y a une raison. Et donc en conscience, il devrait réinterroger l'appartenance du Parti socialiste à la NUPES. Et je peux le comprendre, encore une fois, parce que les socialistes sont des socio-démocrates, beaucoup d'entre eux, des socio-démocrates, c’est un parti de gouvernement ; c'est un parti qui a toujours su prendre des décisions difficiles quand il le fallait pour faire avancer le pays. C'est le Parti socialiste de Marisol TOURAINE… et je l'ai votée, qui a mis en place la dernière réforme des retraites : les 43 années de cotisations, c'est les socialistes qui l'ont adoptée et ils l'ont fait parce qu'il fallait le faire et c'était courageux. Donc le Parti socialiste d'Olivier FAURE dans l'opposition, nous explique aujourd'hui qu'en fait, non seulement il faudrait casser ce que le PS avait fait lui-même mais qu'il faudrait même avancer l'âge de départ à la retraite, quitte à ce qu'on frôle la banqueroute ! Ce n'est pas responsable.

ADRIEN GINDRE
Après, il y a des parties très bien, Olivier VERAN… Au parti Renaissance, il y a combien de militants ?

OLIVIER VERAN
Le parti Renaissance est un parti tout nouveau, je crois qu'on a déjà dépassé les 30.000… J’ai pris ma carte il y a quelques jours, j'ai envoyé ma cotisation il y a quelques jours, donc on va monter à plusieurs dizaines de milliers de militants. Ça veut dire qu’en à peine quelques semaines, en une poignée de semaines, on a déjà plus de militants à jour que le Parti socialiste…

ADRIEN GINDRE
En quelques semaines…. ou en 6 ans …. mais bon, on ne va pas faire de ce débat éternellement. Juste, le patron du parti, Stéphane SEJOURNE, s'exprime pour dire : au fait - d'ailleurs vous êtes, vous, en charge du renouveau démocratique - après la réforme des retraites, très bien, il ne la conteste pas ; il dit qu’il faudra aussi s'occuper des institutions. Je reviens aux voeux d'Emmanuel MACRON, encore pour cette année, il nous a dit : il faudra faire des aménagements nécessaires à nos institutions. Il parle de cette année. Concrètement, qu'est-ce qui sera fait cette année ? Au 31 décembre, quel bilan on pourra faire sur les institutions ?

OLIVIER VERAN
D'abord je rejoins totalement le président Stéphane SEJOURNE, quand il dit qu'il faut promouvoir une rénovation démocratique ; une partie de cette rénovation passera par une rénovation des institutions et il y aura - le président de la République avait parlé pendant la campagne de l'idée d'une commission transpartisane…

ADRIEN GINDRE
Elle en est où ?

OLIVIER VERAN
Là, on est en pleine période des retraites si vous voulez, donc il faut qu'on ait aussi un petit peu de temps disponible pour pouvoir mettre en place cette commission mais c'est au Président de le décider et je pense que ce serait fait assez prochainement. Et l'autre volet du renouveau démocratique, c'est comment on rapproche les politiques des citoyens.

ADRIEN GINDRE
Mais il y a des choses concrètes qui seront faites avant la fin de l'année ou c'est un chantier de long terme ? On en parle depuis 6 ans…

OLIVIER VERAN
Une réforme institutionnelle, c'est toujours un chantier a minima de moyen terme…

ADRIEN GINDRE
Mais il ne s'est rien passé en six ans…

OLIVIER VERAN
Vous dites qu'il ne s'est rien passé, je ne suis pas d'accord avec vous parce qu'on a rénové la vie démocratique dès 2017, avec les députés En Marche, avec la Haute autorité pour la transparence de la vie publique…

ADRIEN GINDRE
Mais vous êtes satisfait de la manière dont la démocratie vit aujourd’hui en France…

OLIVIER VERAN
Non, non pas dont elle vit… mais dont elle est perçue ; et pas qu'en France, et on aurait tort de considérer qu'il y aurait un sujet franco-français démocratique : regardez ce qui se passe au Brésil, aux Etats-Unis, regardez ce qui s'est passé en Italie, regardez ce qui se passe dans certains pays de l’est de l’Europe ; les démocraties les plus solides et les plus robustes sont aujourd'hui attaquées par des partis politiques populistes, par des complotistes etc qui en veulent à son essence et à son fonctionnement. La réponse, c'est davantage être à l'écoute des Français, c'est-à-dire dire à tous les Français « vous êtes utiles, vous avez votre rôle et on a besoin de vous » et les aider à participer. La convention citoyenne sur la fin de vie par exemple est un bel emblème.

ADRIEN GINDRE
On verra ce que vous en retenez en effet. Un dernier mot sur l'uniforme à l'école : il y a une proposition de loi qui a été déposée par le Rassemblement national, qui a été rejetée hier alors même que la première dame, Brigitte MACRON, disait y être favorable. Quelle est la ligne du gouvernement sur l'uniforme à l'école ?

OLIVIER VERAN
D'abord c'était une proposition du Rassemblement national. Moi je revendique totalement le fait que la France ne soit pas un pays dans lequel l'extrême-droite puisse faire la loi, je l'assume pleinement…. Avant même la question du fond, tout le monde peut ne pas être de mon avis, moi je suis là- dessus…

ADRIEN GINDRE
Et sur le fond ?

OLIVIER VERAN
Sur le fond, la question de l'uniforme se traite aujourd'hui davantage à l'échelle des établissements ; il y a des établissements en métropole et en outre-mer qui ont mis en place un uniforme pour répondre à des demandes de la communauté éducative…

ADRIEN GINDRE
Donc le gouvernement ne soutiendra pas le travail des députés Renaissance qui veulent proposer cet uniforme également.

OLIVIER VERAN
Un, le travail est en cours ; donc on le regardera ; deux, il faut avoir l'esprit ouvert, toujours ; trois, il n’y a pas à fond pour ou à fond contre ; ce n'est pas un gros sujet de clivage…. c'est un sujet qui est complexe. Et donc si des établissements aujourd'hui décident de le faire, dans le cadre des conseils nationaux de la refondation par exemple, ils peuvent déjà le faire. Et c'est le cas dans pas mal d'endroits. Je n’aurais pas été choqué à l'idée de porter un uniforme et j'ai des enfants qui vont au collège ou à l'école, je leur ai posé la question : ça ne les choquerait pas d'avoir une tenue, en plus si elle est comme le dit Brigitte MACRON, si c'est une tenue pas tristoune…. Voilà. Après, est-ce qu'il faut l'imposer au niveau national ? Ce n'est pas ma ligne ; plutôt dans l'expérimentation et la mise en place locale.

ADRIEN GINDRE
Vous êtes plutôt sur la ligne de Pap NDIAYE que sur la ligne de Brigitte MACRON.

OLIVIER VERAN
Non ! N’opposez pas les gens ! Etre ouvert d’esprit et considéré que c’est un bon sujet de débat… c'est plutôt être ouvert… tout court.

ADRIEN GINDRE
Et une fois qu’on a débattu, il faut prendre la décision. Merci beaucoup Olivier VERAN d’avoir été avec nous ce matin


source : Service d’information du Gouvernement, le 16 janvier 2023