Texte intégral
APOLLINE DE MALHERBE
Roland LESCURE. Bonjour.
ROLAND LESCURE
Bonjour.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci d'être dans ce studio ce matin. Vous êtes le ministre de l'Industrie, et je voudrais que l'on commence par le dossier CARELIDE. Le dossier CARELIDE, c'est cette entreprise dans le Nord, seule entreprise qui produit des poches comme celle-ci, j'en ai dans ce studio, des poches à perfusion, notamment pour le paracétamol, et une entreprise qui pourrait disparaître, sauf si, sauf si un repreneur se manifeste aujourd'hui. Qu'est-ce que vous répondez aux 450 salariés ? Est-ce qu'il y a un repreneur, Monsieur le Ministre ?
ROLAND LESCURE
Eh bien on le saura à midi. Mais en tout cas, ce que je peux vous annoncer aujourd'hui, c'est que je l'espère, et que si repreneur il y a, il n'est pas tombé du ciel, on est allé le chercher. Mes services travaillent sans relâche. Moi j'ai reçu les salariés de CARELIDE il y a un peu plus d'un mois. Je leur ai dit que ça allait être extrêmement difficile et qu'on allait, pour reprendre l'expression d'un salarié qu'on a entendu tout à l'heure, "se bouger", pour essayer de trouver un repreneur. Je veux juste faire quelques précisions sur cette entreprise. Vous l'avez dit, c'est une entreprise française, qui produit des poches, qui est aujourd'hui en concurrence, non pas avec des entreprises chinoises, indiennes ou taïwanaise, des entreprises américaines et allemandes, dont une produit en France et l'autre produit en Espagne à 40 km de la frontière. CARELIDE, on a investi, et quand je dis "on", c'est à la fois l'actionnaire actuel et l'Etat qui l'a accompagné, 25 millions d'euros. Et malgré ça, l'entreprise est aujourd'hui au milieu du gué. Pour la rendre compétitive, il faut encore mettre beaucoup d'argent.
APOLLINE DE MALHERBE
Et vous mettrez beaucoup d'argent, je veux dire, l'État ? Alors, j'ai bien compris et j'imagine que dans ces moments-là, chaque minute, chaque mot compte, puisque c'est jusqu'à midi aujourd'hui qu'il peut y avoir un repreneur. J'imagine que vous ne diriez pas "j'espère avoir un repreneur", si vous n'en aviez pas un quand même dans la manche, même si voilà, jusqu'à ce que ce soit signé à midi…
ROLAND LESCURE
Ce que je peux vous dire, c'est que depuis des semaines, on a discuté avec plus de 30 repreneurs français…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous dites en tout cas aux 450 salariés : "ce n'est pas fichu".
ROLAND LESCURE
Ce que je peux vous dire aussi…
APOLLINE DE MALHERBE
Ce matin, à 07h43, ce n'est pas fichu.
ROLAND LESCURE
Ce que je peux vous dire aussi, c'est que, hier soir, au téléphone, j'étais avec un repreneur potentiel. Mais des gens qui sont prêts à reprendre des entreprises, avec votre argent, avec le mien, il y en a beaucoup. Des gens qui sont prêts à investir dans l'entreprise avec, oui l'aide de l'Etat, mais avec de leur argent, il y en a moins. Des gens qui connaissent les opérations…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais ça veut dire, Roland LESCURE, que vous qui avez déjà, enfin, vous l'État, qui a déjà mis 10 millions d'euros, pourrait en remettre, c'est-à-dire que, qu'est-ce que vous lui avez dit au téléphone hier au potentiel repreneur ? Vous lui avez dit : écoutez, si vous y allez, on vous accompagne ?
ROLAND LESCURE
Moi, ce que je fais, sur chaque dossier, je l'ai fait sur DURALEX, par exemple, c'est : je souhaite un alignement entre un actionnaire qui comprend, qui sait de quoi il parle, qui comprend les opérations industrielles. Moi j'ai entendu monsieur RUFFIN, sur votre plateau, me donner une leçon sur CARELIDE. S'il veut reprendre l'entreprise et fabriquer des poches, qu'il le fasse. Moi je veux quelqu'un qui connaisse le métier. Le tourisme de la misère, j'en ai jusque-là. Les gens qui nous donnent des leçons, les Youtubers de la défaite, réindustrialiser la France c'est ma volonté, mais ce n'est pas facile. Effectivement, pour ça on a besoin d'argent, l'État est prêt à en mettre, mais moi je veux être aligné avec des investisseurs privés qui eux aussi sont prêts à en mettre. On a besoin d'expertise et ne veut ou ne veut pas, ce n'est pas l'État qui va nationaliser une entreprise qui fait des poches médicales, j'ai besoin d'un industriel de la pharmacie. Aujourd'hui, j'en ai un, j'espère, qui est aujourd'hui en train de regarder le dossier de très près.
APOLLINE DE MALHERBE
Il a jusqu'à midi, quoi.
ROLAND LESCURE
Je lui ai dit… et moi jusqu'à 11h59 j'aurais de l'espoir, parce que la défaite, le pessimisme, la colère, j'en ai jusque-là. C'est le volontarisme qui va payer.
APOLLINE DE MALHERBE
Oui, mais Roland LESCURE, où est-ce qu'on en est au-delà de CARELIDE, de la question de la réindustrialisation et du retour en France d'une forme de souveraineté sur le médical ? On se souvient qu'au moment de la crise du Covid, soudain on a eu l'air de se rendre compte que toutes nos usines, de Paracétamol notamment, étaient parties, qu'il n'y en avait plus en France, et vous aviez promis, Emmanuel MACRON avait promis qu'on allait revenir, qu'on allait remettre toute cette industrie sur le sol français. Est-ce qu'au-delà des mots c'est la réalité ? Quand on voit qu'il n'y a plus de Paracétamol enfants dans un grand nombre de pharmacies aujourd'hui, qu'il n'y a plus d'Amoxicilline enfants dans un grand nombre de pharmacies, que les médecins sont obligés de faire des ordonnances à rallonge, c'est-à-dire avec des "si" : "S'il n'y a pas de ça, alors je prescris ça. Et puis s'il n'y a pas de ça, alors je prescrirais ça". Ce n'est pas possible ça.
ROLAND LESCURE
Non, et ça je le regrette. Que les laboratoires aient mal anticipé partout dans le monde, parce que la situation que vous décrivez, elle est aussi présente au Royaume-Uni, en Espagne, etc.
APOLLINE DE MALHERBE
Tout à fait, et l'Allemagne présente à peu près les mêmes difficultés, et les États-Unis également.
ROLAND LESCURE
Moi, jeudi dernier, j'étais à Agen chez UPSA. Ils travaillent 24 heures par jour, 7 jours sur 7, pour produire du Paracétamol. J'ai rencontré la PDG d'UPSA France, qui exporte du Paracétamol en Europe, qui m'a dit : "Moi, parce que l'État est prêt à nous soutenir, parce que l'État souhaite réindustrialiser, je vais rediriger un million de doses de Paracétamol pour les enfants, celui qui manque en fait aujourd'hui, vers la France".
APOLLINE DE MALHERBE
Celui qui manque le plus.
ROLAND LESCURE
Donc on peut le faire, à condition de ne pas antagoniser les industriels. À conditions de les accompagner. Je peux vous raconter ma semaine : lundi, FERROPEM a annoncé que le site de Savoie, qu'ils avaient fermé, va être repris par un industriel français, avec un actionnariat suisse. Hier j'étais dans l'Oise. J'ai accueilli CHEMOURS, un grand industriel de la chimie américain, qui va mettre 200 millions d'euros, qui va recruter 80 personnes, pour construire une usine flambant neuve de membranes à hydrogène, ce qui est évidemment l'industrie de l'avenir. Et aujourd'hui j'espère, on verra, avoir trouvé un repreneur pour CARELIDE. Ça marche à condition de s'y mettre, à condition d'éviter de nous donner des leçons, et à condition de travailler, d'accompagner, mais…
APOLLINE DE MALHERBE
Ce message on l'entend, et c'est important pour tous ceux, pour tous les salariés qu'on a rencontrés hier avec RMC.
ROLAND LESCURE
Non mais c'est important, si je peux dire une chose… Oui, et ceux que j'ai rencontrés hier. Monsieur RUFFIN il nous dit : "profiteurs de crise, je confisque les profits"…
APOLLINE DE MALHERBE
François RUFFIN.
ROLAND LESCURE
Vous pensez que CHEMOURS serait venu dans l'Oise hier, si monsieur RUFFIN était au pouvoir, avec ses leçons de profiteur de guerre, et je confisque les profits ? Vous pensez que le repreneur aujourd'hui, qui j'espère va faire une offre, ferait une offre si Marine LE PEN est au pouvoir, quand à veut fermer les frontières et sortir du marché de l'énergie ? Notre politique industrielle, elle marche, elle n'est pas facile, ça ne marchera pas à tous les coups, mais on met le paquet pour attirer du capital, attirer les industriels.
APOLLINE DE MALHERBE
Et rendez-vous à midi, donc, pour la réponse sur CARELIDE. Roland LESCURE, un mot encore sur… qui aura quand même des conséquences aussi sur le fonctionnement de l'industrie, c'est ces éventuels blocages et notamment dans les raffineries : est-ce que les stocks stratégiques de carburant sont remplis ? Est-ce que si des grèves reprenaient dans les différentes raffineries de France, on aurait la même crise qu'il y a 3 mois ou est-ce qu'on aurait les moyens de traverser tout ça ?
ROLAND LESCURE
Crise d'il y a 3 mois, j'aimerais le rappeler quand même, qui s'est terminée par une hausse des salaires significative dans cette industrie Je pense qu'il faut un peu de décence. On va débattre des retraites au Parlement, un certain nombre de gens vont manifester dans la rue, et c'est leur droit…
APOLLINE DE MALHERBE
Oui mais dans un sens, vous leur donnez raison, parce qu'ils ont obtenu gain de cause en faisant grève.
ROLAND LESCURE
On est dans un processus démocratique, à partir d'un projet de loi qui va être présenté par le gouvernement et discuté à l'Assemblée. Que les gens descendent dans la rue pour protester contre ce projet de loi, j'allais dire c'est une habitude et c'est normal. Il y a un moment, le processus démocratique il est en cours. On parlait de négociations entre un entrepreneur et ses salariés il y a quelques mois, on parle ici d'un projet de loi qui va être discuté à l'Assemblée, qui va pouvoir être amendé…
APOLLINE DE MALHERBE
Donc vous espérez qu'il n'y aura pas de blocage, mais je vous repose quand même la question : est-ce que les stocks stratégiques de carburants, sont bien remplis ? Est-ce qu'on a les moyens de faire face ?
ROLAND LESCURE
Aujourd'hui, on a les moyens de faire face, mais je ne veux pas me mettre dans cette situation-là, je dirais de blocage généralisé, prévu et annoncé. Moi le vocabulaire guerrier, sur un processus démocratique, ce n'est pas celui je préfère. J'entends beaucoup parler de veillées d'armes, de combats, etc. On est dans un débat démocratique, et moi j'espère qu'il va se passer de manière démocratique, à la fois l'Assemblée et dans la rue.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci beaucoup Roland LESCURE d'être venu dans ce studio ce matin.
ROLAND LESCURE
Merci à vous.
APOLLINE DE MALHERBE
Je rappelle que vous êtes le ministre de l'Industrie et vous nous dites ce matin que vous avez donc eu un potentiel repreneur hier soir au téléphone, un potentiel repreneur de l'entreprise CARLIDE le Nord, qui produit ces poches médicales. Jusqu'à midi vous espérerez, mais vous avez, on le sent, bon espoir.
ROLAND LESCURE
On y travaille.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 16 janvier 2023