Déclaration de Mme Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, sur les défis et priorités de la politique étrangère de la France, à Paris le 16 janvier 2023.

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Circonstance : Discours prononcé à l'occasion des vœux au corps diplomatique

Texte intégral

Madame la secrétaire d'État, chère Chrysoula,
Monseigneur,
Madame la secrétaire générale,
Mesdames les ambassadrices,
Messieurs les ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,

Je vous remercie de vos bons vœux, Monseigneur. Mais avant de vous présenter les miens, je dois vous présenter mes excuses pour le retard qui est le mien. Je vous ai fait attendre et j'en suis désolée. Une réunion se tenait autour du Président de la République et donc, pardon de ce retard. Mais je crois que vous l'avez occupé agréablement, donc c'est le cœur un peu plus léger que je vous présente mes excuses. Néanmoins, je préfère être à l'heure qu'en retard, donc désolée de cela.

C'est un grand jour et même un jour particulier. Un honneur pour moi, puisque c'est la première fois que je présente mes vœux au corps diplomatique. Mais un grand jour pour nous tous, parce que cela fait trois ans qu'en raison de la pandémie, les traditionnels vœux au corps diplomatique n'avaient pas pu avoir lieu. Les derniers remontent à 2020. Donc nous sommes tous heureux d'être réunis. Chacun, de plus, sait bien que la diplomatie s'accommode mal de l'absence de contacts et que ce que nous a imposé cette période si particulière qu'a été la pandémie - se voir moins ou pas du tout, avoir des rapports plus distants - n'a pu qu'accroître les incompréhensions et les tensions, alors même que le métier de diplomate s'exerce à hauteur de femme et d'homme, dans l'échange, le dialogue et les rencontres. Les rencontres que rien ne remplace.

Je me réjouis donc tout particulièrement que nous puissions nous retrouver ce soir.

Et en ce début d'année 2023, je voulais avant tout vous présenter mes vœux de santé et de bonheur, pour vous-même et pour ceux qui vous sont chers. Je vous adresse aussi mes vœux chaleureux à l'attention de vos équipes, sans lesquelles nous ne serions rien, et à l'attention de vos pays. Et je souhaite comme vous, Monseigneur, que cette année nous permette de mieux assurer le respect du droit et de progresser sur le chemin de la paix, de la justice et de la fraternité.

Car nous sortons d'une année 2022 marquée par trop de crises et de tragédies. Le champ de la confrontation s'est élargi. Et derrière ce constat évident se cache une multitude de drames humains, de souffrances, de vies brisées et d'injustices.

Nous le constatons dans le monde entier, mais aussi sur ce continent parce que, fait inédit depuis 1945, sur le continent européen, la guerre est revenue. La Russie a fait le choix de ramener la guerre sur notre continent, le 24 février dernier. Mais nous le constatons aussi à la résurgence des tensions ailleurs, entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Nous le constatons en Afrique. Nous le constatons au Moyen-Orient, mais aussi en Iran, en Amérique latine. Nous le constatons en Asie. J'oublie le cinquième continent, mais jusqu'ici, il est plus calme.

L'ordre international partout dans le monde, l'ordre international basé sur le droit, ce qui nous permet de vivre ensemble, est contesté. La voix des peuples n'est pas toujours écoutée. Les crises s'additionnent et le risque d'une fracturation du monde est bel et bien réel. Et ceci est d'autant plus grave, d'autant plus regrettable, que nous sommes confrontés à des défis globaux toujours plus importants, de plus en plus, qui engagent notre avenir à tous, et nous le savons. Et ces défis appellent une coopération accrue entre tous. Et donc, au moment où il faudrait être ensemble, agir ensemble, voilà que nous nous éloignons.

L'urgence climatique ne nous a pas attendus. L'insécurité alimentaire s'est aggravée, du fait notamment de l'agression russe en Ukraine. La pression croissante sur les ressources naturelles augmente le risque de voir apparaître partout de nouvelles tensions. La pandémie elle-même, qui nous a empêchés de faire ces cérémonies de vœux depuis 2020, n'a pas totalement disparu. Le virus met à nouveau à l'épreuve certains pays. Et tous ces sujet - et je pourrais en citer d'autres - tous ces sujets exigent davantage de coopération et non davantage de rivalités ou de chacun pour soi.

Je forme donc le souhait et un souhait sans ingénuité : que l'année 2023 soit l'année où la diplomatie marque son retour, que nous travaillions tous ensemble, encore plus efficacement, pour maintenir et développer les espaces de dialogue et de coopération qui seuls permettront le retour à la paix et à la stabilité. Parfois, cela fonctionne. Je l'ai vu en Éthiopie il y a quelques jours, où je me suis rendue avec mon homologue allemande, Annalena Baerbock, et où j'ai pu constater avec elle des progrès encourageants dans la mise en œuvre de l'accord de paix qui a été signé en novembre dernier entre les belligérants, après deux ans d'une guerre qui fut, on le sait, une guerre horrible. Donc, il faut agir ensemble. Il faut agir ensemble.

Je souhaite aussi que cette année nous permette de nouer des partenariats nouveaux au service de nos biens communs, de forger de nouvelles coopérations qui nous enrichiront mutuellement dans tous les domaines : la culture, l'éducation, la recherche scientifique ; de développer encore les relations économiques et commerciales qui contribuent à notre prospérité. Plusieurs échéances majeures y contribueront au cours des prochaines années, notamment en 2024, les Jeux olympiques et paralympiques de Paris, que la ministre des Sports et la secrétaire générale du Quai d'Orsay - je les en remercie - vous ont présenté, il y a quelques jours à peine. Ou le Sommet de la Francophonie à Villers-Cotterêts, 2024 toujours. Mais aussi cette année, en plus des sommets habituels, les Sommets sur les forêts, en mars, à Libreville, ou celui sur la finance climat, en juin, à Paris.

Alors ce souhait que l'année 2023 soit l'année où la diplomatie fasse son grand retour, c'est un souhait exigeant, qui suppose d'en revenir, si je puis dire, aux fondamentaux.

La première exigence, c'est la vérité. Le dialogue n'est possible que s'il s'appuie sur une vision partagée de la vérité, des réalités et des faits. Or, nous en sommes tous conscients, notre capacité à faire émerger cette vision commune est aujourd'hui la cible d'assauts concertés. Les actions de propagande fondées sur le mensonge et la désinformation se sont multipliées.

Et certains pourraient être tentés de penser que lorsqu'on nie les faits constitutifs de crimes de guerre, perpétrés en Ukraine ou ailleurs, lorsque des campagnes de désinformation massives cherchent à déstabiliser les processus électoraux du pays voisin - je cite quelques exemples. Certains pourraient être tentés de penser que ce n'est pas leur affaire, d'autres pourraient être tentés de considérer ne pas être concernés lorsqu'ils sont témoins d'une attaque informationnelle contre les intérêts d'un compétiteur, ou même d'un partenaire. Et d'autres, enfin, pourraient se dire que lorsque l'action de la France est caricaturée, ou falsifiée même, en Afrique par exemple, cela ne regarderait que la France.

Ce serait pourtant une grave erreur. Une grave erreur d'abord parce que tout ce qui est permis quelque part le sera un jour ailleurs. Nul n'est à l'abri de ces pratiques déloyales. Et ensuite parce qu'au-delà des cibles particulières de ces attaques, c'est avant tout la confiance, la confiance mutuelle nécessaire à l'échange de bonne foi qui est la première victime. Chaque action de désinformation tend à faire advenir un relativisme généralisé, un monde où tout se vaut, où tout est possible, tout est égal, tout est permis. Et sans cela, pas de dialogue, pas de paix. Pour cette raison notamment, mais essentiellement, la France a fait de la lutte contre la désinformation une priorité de son action diplomatique et elle confirmera cet effort en 2023.

L'information est un bien commun. Elle est indispensable au bon fonctionnement de la démocratie, au progrès et à la stabilité, tant nationale qu'internationale. Et nous devons être animés de la volonté de défendre et de promouvoir l'accès du plus grand nombre à une information de qualité. Cette action, nous ne la concevons pas seuls, mais comme l'un de ces domaines d'indispensable coopération entre les États, les professionnels de l'information et les grandes plateformes du numérique.

Vous savez que l'on a commencé d'avancer. C'est l'objectif du Partenariat pour l'information et la démocratie que la France a lancé avec Reporters sans frontières et que 50 États ont d'ores et déjà rejoint. C'est également le sens de notre appui au Fonds international pour les médias d'intérêt public, l'IFPIM, qui sera localisé à Paris et qui travaillera à doter les médias de pays en développement d'un modèle économique durable. Et c'est enfin le sens des États généraux pour le droit à l'information que le Président de la République va lancer prochainement. Et c'est un engagement que nous portons aussi, que nous avons porté et continuons de porter au niveau européen, comme l'atteste l'entrée en vigueur du Digital Service Act et les travaux autour du futur Media Freedom Act - on verra ça en français pour 2024. Ces textes, l'un d'entre eux est adopté, l'autre est bien avancé.

Première exigence, donc, la vérité. Voilà pourquoi je vous disais quelques mots de l'importance de l'information libre et de qualité.

Deuxième exigence, et là aussi, je reviens aux fondamentaux : respecter la parole donnée. La parole donnée doit être respectée, les engagements pris doivent être honorés. Cela vaut au premier chef pour les principes consacrés par la Charte des Nations unies, Charte des Nations unies qui engage tous les membres de l'organisation et qui oblige au premier chef les États membres permanents du Conseil de sécurité, à qui revient la responsabilité de les faire respecter, en tout temps et en tout lieu.

Et à ce titre, je dois reparler de l'agression de la Russie contre l'Ukraine, parce qu'elle est particulièrement grave. Elle a été condamnée à plusieurs reprises et à de très larges majorités par l'Assemblée générale des Nations unies parce qu'elle constitue une mise en cause brutale de l'ordre international fondé sur la règle de droit. Le Kremlin n'a pas hésité à fouler aux pieds les normes auxquelles lui-même avait souscrit et qu'il avait lui-même contribué à forger au moment où nous avons fondé cet ordre International, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Et ces principes, ce sont le respect de la souveraineté des États, cela vous concerne tous ; le respect de leur intégrité territoriale, cela vous concerne tous ; la non-agression, cela vous concerne tous ; le règlement pacifique des différends, cela vous concerne tous.

Et en cela, la guerre en Ukraine ne concerne pas seulement ces pays, ou ne concerne pas seulement le continent européen. C'est bien l'affaire de tous, parce que ce sont les principes mêmes qui régissent les relations entre les nations qui sont en jeu. Et comme l'a dit le Président de la République à la tribune de l'Assemblée générale des Nations unies, personne ne peut être neutre. Personne ne peut être indifférent. Car si tout est permis en Ukraine, tout le sera davantage ailleurs. Si nous tolérons qu'un État s'en prenne illégalement à un autre État dans le but d'annexer une partie de son territoire ou de régler les différends qu'ils peuvent avoir, d'autres l'imiteront. C'est une certitude. Voilà ce qui est en jeu. Et voilà pourquoi nous ne devons pas faiblir face à de tels agissements. Par ailleurs, il ne saurait y avoir d'impunité pour les fauteurs de guerre.

Nous sommes aux côtés de l'Ukraine pour l'aider à se défendre et pour aider les Ukrainiennes et les Ukrainiens qui subissent depuis bientôt un an et sans relâche des attaques insupportables, des bombardements, des exactions, des viols, des déportations. Nous sommes là pour les aider et nous devons tous les aider. Vous avez été nombreux à le faire lors de la conférence qui s'est réunie à Paris, le 13 décembre dernier. Cette conférence de solidarité avec le peuple ukrainien, organisée conjointement par le Président de la République et par le président Zelensky, conférence qui a permis de mobiliser plus d'un milliard d'euros de dons, d'aide en nature, pour aider la population ukrainienne à tenir cet hiver face à la destruction systématique des installations civiles par la Russie, dans le but de faire souffrir cette population de la faim et du froid. Nous nous assurerons que l'aide soit acheminée le plus rapidement possible dans le cadre du mécanisme européen de coordination de l'aide d'urgence. Et puis, par ailleurs, nous nommerons prochainement un ambassadeur ou un envoyé spécial chargé de la reconstruction de l'Ukraine afin d'assurer l'efficacité maximale de notre effort national.

Mais nous devons aussi dire qu'en faisant cela, en procédant systématiquement à des attaques contre les civils et contre les installations civiles, la Russie ne fait pas la guerre, elle fait des crimes de guerre. Ce n'est pas moi qui le dis, ce sont les conventions internationales. Vous le savez, nous devons le lui dire plus clairement.

L'agression russe a des implications bien au-delà de l'Europe. C'est une attaque contre les principes fondamentaux qui permettent aux Nations de vivre ensemble. Et c'est l'une des raisons pour lesquelles nous devons mieux travailler, plus, ensemble ; pour lesquelles nous sommes plus déterminés que jamais à consolider les partenariats, à trouver les voies du dialogue, à multiplier les ponts dans divers formats avec les États qui partagent un même attachement à l'ordre international fondé sur le droit et sur ce que le Président de la République appelle souvent la liberté de la souveraineté, pouvoir choisir sa souveraineté. C'est le cas ailleurs qu'en Europe. C'est le cas en particulier dans la zone Indopacifique, où notre partenariat stratégique avec l'Inde, qui fête cette année ses 25 ans, est dynamique et où nos horizons ne cessent de s'élargir, dans le Pacifique comme avec l'ASEAN.

Consolider des partenariats, cela vaut également pour les engagements que nous avons pris collectivement au service de nos biens communs. Vous avez évoqué quelques-uns de ces enjeux, Monseigneur. Je pense en effet, moi aussi, plus particulièrement à nos engagements en faveur de l'environnement et du climat. La dynamique s'est poursuivie avec la COP27 à Charm el-Cheikh et il est apparu à tous, néanmoins, que nous devons clairement rehausser notre niveau d'ambition, collectivement. Sinon, nous ne serons pas sur la trajectoire qui permettra à cette planète de continuer à être habitée. Et nous le savons. Je dis là aussi des choses simples, je dis là aussi des évidences.

Dans moins de deux mois, le GIEC publiera son nouveau rapport de synthèse et nous savons, nous devinons ce qu'il y a dedans. Et dans moins de deux mois, nous nous alarmerons à nouveau, comme chaque année, et comme chaque année, à juste titre. Nous devons agir, nous pouvons agir. Vous le savez, nous sommes encore dans cette période temporelle où l'action peut permettre - peut permettre - d'éviter le pire pour la planète. Donc il faut agir, agir résolument et agir collectivement. Les émissions de plusieurs grands pays émetteurs continuent d'augmenter. Nous le savons, ce n'est pas soutenable.

Plusieurs rendez-vous offrent dans les prochains mois l'opportunité de nous remettre sur la bonne trajectoire. Je pense à la COP28 aux Émirats arabes unis en novembre prochain, bien sûr, mais avant cela, au sommet sous présidence indienne, au sommet du G7 même auparavant, au mois de mai, sous présidence japonaise. La France prendra pleinement sa part à ces efforts. Elle poursuivra son engagement en faveur de la diversité et de la biodiversité. Elle accélérera ses efforts en faveur de la préservation des ressources marines dans la perspective de la conférence des Nations unies sur les océans, qu'elle accueillera et coprésidera avec le Costa Rica en 2025. Et ce sera également, je l'évoquais d'un mot, la tenue à Paris au mois de juin d'un sommet pour un nouveau pacte financier, qui doit permettre de renforcer les liens entre les partenaires internationaux au-delà de la logique Nord-Sud, et permettre aux plus fragiles d'avoir un meilleur accès aux financements internationaux qui leur permettront d'être actifs dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Cela vaut enfin pour les règles élémentaires qui protègent les diplomates dans l'exercice de leur métier. À deux reprises, cet automne, au Burkina Faso, nos emprises diplomatiques ont été violemment attaquées. Je dois rappeler que la sécurisation des emprises diplomatiques est une obligation du pays hôte, selon la Convention de Vienne que nous connaissons tous. Nous ne devons pas transiger avec ces principes fondamentaux du droit, et vous pouvez ici compter sur la France pour qu'ils soient respectés et que vos emprises soient protégées.

L'autre règle élémentaire, également trop souvent bafouée, c'est celle qui préside à nos relations consulaires. Et vous me permettrez ce soir d'avoir une pensée particulière pour les sept otages français qui sont en Iran. Mais je sais que parmi vous, il y a des pays aussi qui ont des personnes retenues contre leur gré, arbitrairement, et qu'il faut qualifier d'otages. Nous demandons leur libération immédiate, mais nous demandons aussi que leurs droits consulaires et les droits consulaires de mon pays et de vos pays, lorsqu'ils sont concernés, soient respectés, parce que, aujourd'hui, ils ne le sont pas.

Et s'agissant précisément de l'Iran, je souhaite avoir une dernière pensée pour les événements qui viennent de se dérouler : ce samedi, les autorités iraniennes ont exécuté un ressortissant irano-britannique pour des motifs allégués d'espionnage, avec des aveux vraisemblablement arrachés sous la torture. C'est la première fois qu'un ressortissant européen est exécuté par les Iraniens. Ce genre d'acte ne pourra pas rester sans réponse et ne pourra pas ne pas avoir de conséquences sur nos relations avec l'Iran. J'ai fait convoquer le chargé d'affaires iranien pour le lui faire signifier, de la manière la plus claire, une fois de plus - si vous me permettez de dire - une fois de plus, car je crois que depuis j'ai pris mes fonctions, il a dû être convoqué quatre fois, si ce n'est pas cinq. Et donc nous l'avons mis en garde, cette fois-ci.

Cette exécution n'est pas la seule. Plusieurs manifestants ont été exécutés par les autorités iraniennes, au motif qu'ils avaient participé à des manifestations. Ils ont été exécutés suite à des procès iniques. Je l'ai dit à mon homologue iranien lorsque nous étions ensemble à la Conférence dite de "Bagdad II", à Amman, et où j'ai profité de la possibilité d'avoir un aparté avec lui pour que nous échangions les yeux dans les yeux un certain nombre de choses. Je le lui ai dit : l'exécution de manifestants ne peut tenir lieu de réponse aux demandes d'hommes et de femmes qui exigent ni plus ni moins que la liberté et la dignité. Et à nouveau, j'appelle les autorités iraniennes à entendre les aspirations légitimes de leur propre peuple. Tant que l'Iran s'enfermera dans la voie de la répression et des exécutions, nous devrons poursuivre dans celle des sanctions, afin d'accompagner les aspirations légitimes des Iraniens et assurer qu'il n'y ait pas d'impunité pour les auteurs de la répression. L'Union européenne, vous le savez, a déjà pris des sanctions. Elle en prendra d'autres prochainement : nous nous réunissons lundi à Bruxelles pour un Conseil Affaires étrangères.

Vous l'aurez compris, pour la diplomatie française, l'année 2023 sera placée sous le signe de l'action. Aucune agressivité de notre part, je ne voudrais pas qu'il y ait de malentendu sur mes propos : le rappel des fondamentaux, la demande du respect des principes élémentaires du droit international, de l'ordre basé sur les règles qui fondent notre vivre ensemble, sans lesquelles il n'est pas possible à nos nations d'être ensemble, de se respecter, de vivre en prospérité. Et donc nous agirons aussi, bien sûr, pour contribuer à apaiser les conflits, ces conflits qui menacent la stabilité mondiale. Faire respecter les règles, faire émerger, avec l'ensemble de nos partenaires de bonne volonté, des solutions qui nous permettront de relever les grands défis.

L'année 2023 sera aussi placée sous le signe de la solidarité. En 2022, nous avons consenti d'importants efforts en matière d'aide au développement, en rénovant nos partenariats - et je salue la secrétaire d'État. Et en 2023, comme vous l'avez peut-être vu, nous disposerons de moyens supplémentaires pour cela et pour accroître encore notre politique d'investissement solidaire. C'est aussi cela, retrouver et développer les voies de la coopération et de l'apaisement.

Enfin, l'année 2023 sera placée une nouvelle fois sous le signe de l'Europe. Et nous sommes pour cela aux côtés de la présidence suédoise qui vient de commencer, et à laquelle nous souhaitons plein succès. Et nous serons bien sûr aux côtés, au second semestre, de la présidence espagnole, pour rendre tous ensemble l'Europe encore plus forte, encore plus indépendante, encore plus unie. Je pense à l'Europe de la défense, complémentaire et jamais concurrente de l'OTAN. Je pense à l'Europe industrielle, qu'il faut faire croître, et qui est la condition de notre autonomie stratégique et de notre capacité à décarboner nos économies en profondeur, comme il le faut, d'ici 2050. Mais je pense aussi à l'État de droit, l'État de droit en Europe, qu'il est plus important que jamais de défendre. Et en somme, pour cette Union européenne plus forte et plus autonome, capable d'agir pour défendre ses intérêts, pour promouvoir ses valeurs, nous devons agir en complémentarité, les uns avec les autres. Voilà ce que nous recherchons. Voilà ce que nous avons pu réaliser déjà depuis longtemps, grâce à la construction européenne.

Nous célébrerons, dimanche prochain, le 22 janvier, les 60 ans du traité de l'Élysée. Nous avons l'ambition, avec notre partenaire allemand, de continuer à être force de proposition, force d'impulsion, en associant toujours - toujours - l'ensemble de nos partenaires. Le gouvernement sera aussi dans quelques jours à Barcelone, le 19, pour signer un traité de coopération franco-espagnole, grande nouveauté dans nos relations et nouveauté bienvenue. Nous continuerons également à rassembler l'Europe au-delà de l'Union européenne, comme nous le faisons au sein de la Communauté politique européenne, déjà réunie à Prague le 6 octobre dernier, si ma mémoire est bonne, et qui se réunira en Moldavie, à Chisinau, le 1er juin prochain, et puis en Espagne, d'ici la fin de cette année, pour promouvoir des coopérations concrètes entre des pays qui sont des pays européens, unis par des valeurs partagées, mais aussi pour mieux sécuriser nos infrastructures critiques à l'échelle du continent, pour mieux nous protéger contre les menaces hybrides ou cyber - venues en particulier de Russie -, et bien sûr, pour unir nos jeunesses et renforcer le sentiment d'appartenance européen de tous.

Mesdames et Messieurs les ambassadrices et ambassadeurs, je pourrais continuer tout à la fois à dresser ce bref tableau des désordres du monde et vous donner quelques-unes des lignes de force de la diplomatie que nous souhaitons mener en 2023, mais je voudrais conclure en m'adressant à vous.

Vous avez un rôle essentiel à jouer pour promouvoir cette nouvelle et meilleure compréhension mutuelle que nous appelons de nos vœux. Vous avez un rôle fondamental à jouer, que vous arriviez à peine en poste ou que vous soyez déjà bien installés en France depuis quelques temps ou quelques années, je vous encourage vraiment, toujours, à rester au contact de la société civile française et pas seulement de ses autorités politiques. Comme vous le savez, nous mettons à votre disposition un programme dédié pour faciliter votre arrivée en France ainsi que celle de vos proches. Et comme chacun à ma place, je ne saurais trop vous recommander l'association Bienvenue en France, que nous hébergeons, ici, au Quai d'Orsay, et dont les bénévoles font un travail remarquable - je leur rends hommage - pour faciliter votre installation, pour faciliter aussi votre séjour, pour faciliter les contacts avec nos compatriotes.

Je compte sur vous, comme vous pouvez compter sur l'ensemble de ce ministère, de ses agents, sur nous tous, pour rester accessibles, autant que nous le pourrons, et toujours ouverts au dialogue et avec, vous le voyez, la capacité de mener un dialogue franc... Et je crois qu'il fallait être directe et franche, parce que l'époque nous le demande. Elle est trop troublée. Nous devons faire différemment et mieux.

Voilà, je vous renouvelle, Mesdames les ambassadrices, Messieurs les ambassadeurs, mes meilleurs vœux, pour vous-mêmes, pour vos proches, et je vous remercie. Et je souhaite avoir quelques moments privilégiés d'échanges avec vous, après vous avoir infligé et mon retard - et j'en suis désolée - et quelques propos toujours trop longs et pourtant incomplets.

Merci de votre aide. Merci de votre coopération.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 janvier 2023