Texte intégral
ADRIEN GINDRE
Bonjour Gabriel ATTAL.
GABRIEL ATTAL
Bonjour.
ADRIEN GINDRE
Merci beaucoup d’être là ce matin. Dans une semaine tout pile, nouvelle journée d’action contre la réforme des retraites. Quel que soit le nombre de manifestants, quel que soit le nombre d’ailleurs de journées d’action, est-ce que vous pourrez faire comme si ça n'existait pas et maintenir votre réforme ?
GABRIEL ATTAL
Qu’on ait déjà montré qu'on était capable de faire évoluer notre réforme. Moi, je rappelle que la réforme dans la campagne présidentielle, c'était porter l'âge légal de départ à 65 ans ; on est maintenant à 64 ans. C'était une retraite minimale à 1 200 euros uniquement pour les nouveaux retraités. Ça concernera aussi désormais les retraités actuels qui ont une carrière complète. Donc on a montré qu'on était capable de faire évoluer la réforme.
ADRIEN GINDRE
Donc grâce à la rue. C'est la rue qui gouverne, si on va au bout de votre logique.
GABRIEL ATTAL
Grâce aux concertations qu’il y a eu avec les organisations syndicales. Les Français, ils ont déjà fait enrichir le texte à travers leurs représentants syndicaux ; ils continueront à faire enrichir le texte à travers leurs députés demain. Et chaque jour, dans les échanges, les discussions qu'on a avec eux, ils nous apportent aussi leurs propositions, leurs interpellations. Moi, je me déplace beaucoup et partout en France pour échanger avec des Français, sans filtre, dans des réunions ouvertes à tous, ce n'est pas des réunions avec des militants. Je l’ai fait à Juvisy, dans l'Essonne ; je l’ai fait dans le Loiret ; je l'ai fait à Nice ; je serais ce soir dans l'Aube pour continuer à le faire. Il y a des syndicalistes, il y a des ouvriers, il y a des salariés, il y a des commerçants, des chefs d’entreprise.
ADRIEN GINDRE
Alors, restez chez les syndicales quand même, Gabriel ATTAL.
GABRIEL ATTAL
Non mais c'est important de le dire. Je pense qu’on doit être dans l'échange, dans le dialogue, dans l'écoute et dans l'enrichissement.
ADRIEN GINDRE
Mais vous l'avez rappelé vous-même à l'instant, des syndicalistes et une opposition politique et syndicale. Au-delà de la journée d'action, il y a toute une série de formes d'actions qui ont été annoncées. La CGT Mines-Energie, par exemple, dit qu'elle va organiser des coupures contre ceux dont - à ses yeux - l'activité n'est pas essentielle, des coupures d'électricité. Il y aura, à l'inverse, de la gratuité pour certains clients. Philippe MARTINEZ, sur cette antenne, a indiqué qu'il n'excluait pas des actions pour les vacances de février. Il y a même un préavis de grève d'ailleurs qui est lancé pour les remontées mécaniques. Qu'est-ce que vous leur dites à ces syndicats ?
GABRIEL ATTAL
Mais je dis qu'il y a ceux qui prennent le parti du blocage et qu’il y a ceux qui font le pari du dialogue. Et comment je serai toujours dans le dialogue, dans la recherche de solutions et dans la recherche de compromis. Evidemment qu’on ne sera jamais d'accord sur tout. Evidemment qu’il y a une opposition de fond avec les organisations syndicales, qui privilégient pour financer les pensions de retraite une augmentation d'impôts sur ceux qui travaillent, alors que nous, on privilégie le fait de travailler globalement plus longtemps en tenant compte des carrières. Mais une fois qu'on a dit ça, est-ce que ça veut dire qu'on ne doit plus se parler ? Est-ce que ça veut dire qu'on doit être condamné au bras de fer ?
ADRIEN GINDRE
Le dialogue n’est pas rompu avec les syndicats ?
GABRIEL ATTAL
Mais je ne crois pas du tout ! Il ne peut pas l'être. Il faut évidemment continuer à se parler, continuer à travailler, continuer à échanger.
ADRIEN GINDRE
Mais c’est un dialogue de sourds qu’on a aujourd’hui puisqu’ils vous disent : " Reculez sur l’âge ", et vous dites : " Nous ne reculerons pas ".
GABRIEL ATTAL
Mais ce que je vous ai dit, c'est qu'il y a une position de fond, c'est vrai. Eux disent : pour équilibrer le système, pour le financer, il faut augmenter les impôts. Nous, on dit : on le finance en travaillant globalement un peu plus longtemps, comme c'est le cas partout autour de nous et y compris après notre réforme. La France restera un des pays en Europe où l'âge légal de départ est le plus faible.
ADRIEN GINDRE
Et vous dites : " Estimez-vous heureux " ?
GABRIEL ATTAL
Non. Et je rappelle que 40% des Français, quatre Français sur dix, à l'issue de notre réforme partira avant 64 ans parce qu'on prend des mesures sur les gens qui ont commencé à travailler tôt sur les métiers pénibles.
ADRIEN GINDRE
Mais on peut le comprendre et être en désaccord, c’est-à-dire en l’occurrence des gens qui comprennent votre réforme et qui ne sont pas d'accord.
GABRIEL ATTAL
Bien sûr. Et heureusement qu’on est en démocratie et qu’on peut ne pas être d'accord avec notre réforme. Mais la réalité, c'est qu'on est aujourd'hui aux responsabilités au Gouvernement, on a la responsabilité de proposer une réforme pour répondre aux sous-financements et à l'absence de financement d'un système qui met en danger notre système de retraite.
ADRIEN GINDRE
On va y revenir.
GABRIEL ATTAL
A partir de là, on peut se parler. Ce n’est pas parce qu'on n'est pas d'accord sur un élément central de la réforme qu'on ne peut pas enrichir ensemble la réforme à travers des propositions qui viendraient des syndicats mais aussi, je le dis, des Français très directement.
ADRIEN GINDRE
Juste sur les syndicats. Hier, une des porte-parole de la majorité, la députée Maud BREJON disait à propos des actions que je vous citais : " C'est un totalitarisme, une forme de totalitarisme syndical ". Est-ce que le totalitarisme syndical, c'est aussi votre ligne ? C'est ce que vous voyez ?
GABRIEL ATTAL
Non. Moi, vous savez, j'essaye, ce n'est pas toujours évident, j'essaye de pacifier un peu les choses et d'être dans un dialogue constructif, même si, encore une fois, il y a des oppositions de fond. Maintenant, ce qui est certain, c'est que quand on menace de couper l'électricité chez des élus ou des parlementaires, sous prétexte parce qu'ils sont en soutien d'une réforme ou pas sur la ligne des syndicats, c'est vrai que ça interroge, c'est vrai que ça choque en réalité. On est en démocratie, chacun a le droit de défendre son opinion. On accepte évidemment que les organisations syndicales puissent défendre une opinion en désaccord avec le Gouvernement. Moi, je pense que des organisations syndicales doivent accepter qu'il y ait des élus - je rappelle qu'ils ont été élus par les Français - qui défendent une opinion à pondu, qui est différent du leur, sans chercher à leur couper l'électricité. C'est vrai que ce type d'action n'est pas acceptable.
ADRIEN GINDRE
Il y a également une demande de certains de vos opposants qui est de dire : " Puisque vous considérez que cette réforme est légitime et que vous avez mandat pour le faire, pourquoi ne pas interroger directement les Français et faire un référendum ? " On entend ça au Parti communiste, au Parti socialiste, au Rassemblement national. Vous, vous dites : ce serait une manière de fuir le débat parlementaire. Mais est-ce que ce n'est pas le refus de manière de fuir la vie des Français ?
GABRIEL ATTAL
Mais non. Vous savez, on a eu un vrai débat dans le pays sur la question des retraites au moment de l'élection présidentielle et au moment de l'élection législative. Cette réforme, elle ne sort pas du chapeau après l’élection sans que les Français en ont entendu parler. Moi, pour avoir fait campagne pour le Président de la République, que ce soit pendant la présidentielle, sur vos plateaux, ou sur le terrain, ou pendant l'élection législative puisque j'étais moi-même candidat, je peux vous dire que la retraite à 65 ans, à l'époque, j'en ai entendu parler. Donc ce débat, il a d'ores et déjà…
ADRIEN GINDRE
Pas forcément. Il y a un peu pour vous dire : allez-y, faites-le. Il y a des gens qui déjà étaient contre.
GABRIEL ATTAL
Mais bien sûr.
ADRIEN GINDRE
Y compris en votant Emmanuel MACRON, qui ont voté Emmanuel MACRON pour faire barrage à l'extrême droite sans être pour la réforme.
GABRIEL ATTAL
Est-ce que j'ai dit le contraire ?
ADRIEN GINDRE
Non, non.
GABRIEL ATTAL
Moi, je suis parfaitement lucide et conscient qu'il y a des Français, au second tour de l'élection présidentielle, qui ont voté pour le Président de la République pour faire barrage à Marine LE PEN, sans valider son programme ou l'intégralité de son programme. Bon. Une fois qu'on a dit ça, il y a eu des élections législatives ensuite. Vous avez différents partis politiques qui ont présenté des programmes pour la législative. Plusieurs partis ont présenté un programme dans lequel il y avait une réforme des retraites avec un recul de l'âge. Il se trouve que quand vous faites la somme des députés issus de ces partis qui proposaient cette réforme des retraites, il y a une majorité à l'Assemblée nationale. Ça me semble quand même être un gage démocratique pour cette réforme. Mais c'est vrai que les oppositions qui appellent au référendum, on voit la manoeuvre : c'est pour éviter le débat au Parlement, pour éviter d'avoir à présenter une contre-réforme et à présenter les modalités et la manière dont elle la financerait. Parce que la réalité, c'est : quand vous avez La France insoumise qui vous dit : " On va faire la retraite à soixante ans ". La retraite à soixante ans, ça coûte 85 milliards d'euros. Si vous voulez le financer, c'est une augmentation des cotisations salariales de 3 000 euros par an. Ça veut dire que tous les Français qui nous regardent et qui travaillent perdraient 3 000 euros de salaire par an.
ADRIEN GINDRE
Même dans votre majorité, certains proposaient une hausse des cotisations patronales. François BAYROU l'a fait à votre place. Et vous entendez aussi vos opposants qui répondent : " Mais on nous renvoie aux chiffres ". Le " quoi qu'il en coûte ", c’est des centaines de milliards ; la loi de programmation militaire annoncée par le Président, qu'on la conteste ou qu'on soit en soutien, c'est aussi des centaines de milliards. En fait, des milliards, il y en a. C'est l'argument qui faisait opposer.
GABRIEL ATTAL
Non. Je ferai la différence, Adrien GINDRE, entre le " quoi qu'il en coûte " qui a été ponctuel quand on a eu une crise, que toute l'économie a été arrêtée, et où on a eu une dépense d'investissement pour permettre à notre économie de tenir et de repartir, et des dépenses pérennes qui viendraient alourdir la dette, mais dans ces proportions-là de toute façon qui viendraient coûter aux Français sur leurs salaires ou sur leurs pensions de retraite. Quant au Rassemblement national, pendant la campagne présidentielle, j'en ai débattu d'ailleurs, y compris sur TF1, avec Jordan BARDELLA, il proposait une réforme qui disait quoi ? Un : on ne supprime pas les régimes spéciaux. Nous, on assume de vouloir supprimer les régimes spéciaux.
ADRIEN GINDRE
Donc quarante ans ? En fait, la cloche du grand-père.
GABRIEL ATTAL
Alors, on fait la cloche du grand-père mais on demande des efforts, y compris aujourd'hui aux personnes qui sont dans les régimes spéciaux, qui vont devoir travailler deux ans de plus. Ce n'est pas normal de garder un système où un chauffeur de bus à Paris, qui a le même travaille, la même rémunération, les mêmes horaires, la même carrière qu'un chauffeur de bus dans une ville française, une autre ville française, puisse partir cinq ans avant son collègue. Le Rassemblement national ne voulait pas mettre fin à ce système ; on assume de le faire même si c'est dur, même s'il y a des oppositions des syndicats. Autre mesure : le Rassemblement national voulait supprimer le compte pénibilité qui permet à des Français de partir plus tôt parce qu'ils ont travaillé la nuit, parce qu'ils ont fait les 3/8, les Français qui ont eu des carrières pénibles. Est-ce qu'ils assumeront dans l'hémicycle cette position qu'ils ont défendue ? Je pense que c'est ce débat-là qu’ils cherchent à fuir. Et nous, on assume le débat, on ne se dérobe pas face à nos responsabilités.
ADRIEN GINDRE
On peut parfois changer d'avis sur les retraites. En 2019, le Président disait que ce serait hypocrite de décaler l'âge légal.
GABRIEL ATTAL
Bien sûr, mais il faut l'assumer dans ces cas-là.
ADRIEN GINDRE
Juste une question à ce que vous disiez aujourd'hui : une majorité à l'Assemblée nationale. Est-ce que vous vous êtes convaincu, vu le contexte, que les Républicains vous soutiendront jusqu'au bout et que la majorité sera suffisante grâce à leur soutien ?
GABRIEL ATTAL
Mais moi, je pense que chacun sera cohérent avec lui-même. On parle de députés qui se sont engagés derrière une candidate à l'élection présidentielle, qui défendaient le décalage - si je ne me trompe pas - à 65 ans. Ils se sont sur-présentés pour les élections législatives sur la base du programme des LR qui reprenaient cette proposition. A peine six mois plus tard, cette proposition arrive dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, alors même que les LR du Sénat, il y a encore quelques semaines, ont voté cette proposition au Sénat. Donc je n'imagine pas qu'ils ne soient pas cohérents avec les engagements qui sont pris devant les Français.
ADRIEN GINDRE
Vous ne l'imaginez pas mais vous avez la garantie de leur vote ?
GABRIEL ATTAL
Mais moi, j'écoute ce qu’ils disent, j'écoute leurs déclarations, celle d'Eric CIOTTI, celle d'Olivier MARLEIX. Ils attendent des garanties et c'est légitime. Encore une fois, il faut qu'on réponde à l'ensemble des inquiétudes, des doutes, des propositions qui sont faites.
ADRIEN GINDRE
Alors venons-en sur le fond du texte puisque vous avez ouvert, vous, collectivement avec le Président de la République la porte à des aménagements dans le travail parlementaire. Il y a quand même des points qui restent très nébuleux : je pense en particulier à l'emploi des seniors. Vos collègues, DUSSOPT et GUERINI, s'exprimaient hier à l'issue du Conseil des ministres. Question très simple : les sanctions que vous prévoyez, ce sera uniquement pour les entreprises qui ne publient pas leurs chiffres et qui ne disent pas combien ils ont de seniors ? Ou ce sera aussi pour celles qui n’ont pas assez de seniors dans leurs effectifs ?
GABRIEL ATTAL
Aujourd'hui, dans la copie actuelle et le texte qui a été adopté hier en Conseil des ministres, ce qui est prévu, c'est que les entreprises de plus de 300 salariés devront publier un index seniors, dire quel est le taux de seniors dans l'entreprise, et qu'elles ne publient pas cet index, elles auront une sanction. Aujourd'hui, en l'état actuel, il n'est pas prévu qu'il y ait de sanctions si, par exemple, vous constatez que la situation sur l'emploi des seniors dans ces entreprises se dégradait ou n'était pas satisfaisante.
ADRIEN GINDRE
Et vous-même dans Le Parisien Dimanche, vous évoquiez : « Pourquoi pas des mesures coercitives ».
GABRIEL ATTAL
Et moi, je dis que je suis « ouvert » aux propositions qui pourraient venir des organisations syndicales ou des Français. Il faut avancer sans tabou sur ces questions-là.
ADRIEN GINDRE
Donc y compris dans le cas où il n’y a pas assez de seniors ? Là où ça se dégrade d’ailleurs.
GABRIEL ATTAL
Il faut regarder toutes les propositions. J'entends la position aussi du patronat et des chefs d'entreprise qui disent : « On ne peut pas se retrouver avec un système où il y aurait « un taux acceptable de seniors dans l'entreprise » qui serait décidé depuis Paris pour toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, quel que soit le secteur d'activité, parce qu’il y a des différences, il faut le reconnaître. Donc s’il y a des propositions qui viennent enrichir ce volet-là et qui sont possibles, c'est-à-dire qu'ils sont effectives, moi, je pense qu'il faut les regarder. J'ajoute qu'il y a d'autres mesures d'ores et déjà qui sont prévues pour l'emploi des seniors. Je vous donne un exemple : c'est la retraite progressive. Aujourd'hui, vous avez un système dans le privé qui existe, qui s'appelle « la retraite progressive », ça veut dire que deux ans par exemple avant la retraite. Si vous décidez de vous mettre à temps partiel, à mi-temps, vous conservez votre rémunération puisqu'on vous verse une partie de votre retraite pour compenser la perte de salaire.
ADRIEN GINDRE
Mais ça, c'est déjà dans votre texte, en effet.
GABRIEL ATTAL
Non, ça existe aujourd'hui. Ce qu'on met dans notre texte, c'est qu'on l'ouvre à la fonction publique puisqu'aujourd'hui, les fonctionnaires n'y ont pas accès. Je pense qu'il y a des mesures concrètes comme celle-là aussi, qui doivent permettre une transition vers la retraite et qui doivent permettre d'améliorer l’emploi des seniors.
ADRIEN GINDRE
Mais j'entends que vous dites : " On est ouvert à des sanctions en fonction du débat parlementaire ".
GABRIEL ATTAL
Et moi, je pense qu'il faut avancer sans tabou, être ouvert à toutes les propositions d'où qu'elles viennent, dès lors qu'elles cherchent de manière constructive.
ADRIEN GINDRE
Et y compris de soutenir l’occasion.
GABRIEL ATTAL
Evidemment. Si on se dit qu'il y a des propositions qui pourraient être efficaces, qui pourraient fonctionner et qui pourraient être possibles dans des entreprises, moi je pense qu'il faut les regarder.
ADRIEN GINDRE
Alors il y a une question aussi sur le cas des femmes. Il y a certaines femmes qui aujourd'hui bénéficient de bonus de cotisations parce qu'elles ont eu des enfants. Il y a des trimestres maternité pour faire simple. Ce qui fait qu'en fait, à 62 ans, aujourd'hui, elles ont tous leurs trimestres et peuvent partir à la retraite. Avec le report de l'âge légal, ça va être - pour certaines - reporté donc à 64 ans puisqu'il leur faudra attendre l'âge légal. Ça, ça restera comme ça ?
GABRIEL ATTAL
Mais alors, ce qui est certain, c'est qu’on décale l'âge légal de départ, il y a aussi une accélération de la durée de cotisation, les femmes qui travailleront plus longtemps du fait de la réforme verront aussi leur pension améliorer.
ADRIEN GINDRE
Parce qu'elles auront augmenté, et c’est normal. Elles auront travaillé plus, donc elles sont gagnantes.
GABRIEL ATTAL
Oui, mais la pension sera améliorée deux fois plus que les hommes en moyenne pour les femmes. Pour la génération 72, je crois que c’est 330 euros de pension supplémentaire sur l'année.
ADRIEN GINDRE
Mais la Première ministre avait dit : " C'est une réforme de progrès de justice ". Vous dites : " C'est une réforme de progrès de justice que d'avoir un allongement même, en moyenne d'ailleurs, plus important pour les femmes que pour les hommes ".
GABRIEL ATTAL
Moi la première chose que je dis, c’est que j’assume que c’est une réforme qui demande des efforts aux Français.
ADRIEN GINDRE
Et plus aux femmes qu’aux hommes.
GABRIEL ATTAL
Qui demande des efforts aux Français…
ADRIEN GINDRE
Et aux Françaises.
GABRIEL ATTAL
… qui devront globalement travailler plus. Et ensuite, comme l'a dit la Première ministre, c'est aussi une réforme de progrès et de justice, notamment parce qu'on prend des mesures, et notamment en direction des femmes. Je vous donne en exemple : la retraite minimum à 1 200 €, ça va bénéficier 2 fois plus aux femmes qu'aux hommes, puisque, aujourd'hui c’est elles qui ont les plus petites pensions. Donc les femmes seront 2 fois plus bénéficiaires de la retraite minimale à 1 200 € que les hommes. Autre exemple, la prise en compte du congé parental, qui donnera lieu désormais à des trimestres pour avoir une carrière complète en carrière longue, mais c'est essentiellement des femmes, c'est 10 fois plus de femmes que d'hommes qui en bénéficieront…
ADRIEN GINDRE
Mais j’entends vos propos…
GABRIEL ATTAL
Vous avez beaucoup de femmes aujourd'hui qui se mettent en congé parental…
ADRIEN GINDRE
… on n'est pas ouvert sur raccourcir l’effort demandé aux femmes.
GABRIEL ATTAL
Ah non, moi ce que je dis… Moi je dis que l’on est ouvert et que l’on doit être ouvert sur tous les sujets, avec un objectif qu’on maintient…
ADRIEN GINDRE
Oui, mais il y a être ouvert et faire en sorte qu’il se passe quelque chose, et il y a être ouvert et puis dire : ah ben on n’a pas…
GABRIEL ATTAL
Mais, Adrien GINDRE, on a montré qu'on faisait évoluer notre copie. On est passé de 65 à 64 ans…
ADRIEN GINDRE
Mais, est-ce que vous trouvez que sur les femmes…
GABRIEL ATTAL
On est passé de 1 200 pour les nouveaux retraités à 1 200 pour tous les retraités.
ADRIEN GINDRE
Est-ce qu'il vous parait choquant que les femmes travaillent plus, un allongement supérieur aux hommes ou pas ?
GABRIEL ATTAL
Je vais vous dire, aujourd'hui, au moment de la retraite, les femmes aujourd'hui dans la situation actuelle, sont victimes d'inégalités dans la carrière. Le fait qu'elles doivent s'arrêter plus que les hommes de travailler, le fait qu'elles aient un salaire qui est moins élevé que celui des hommes. Ces inégalités elles se traduisent aujourd'hui au moment de la retraite. Ce qu'on fait dans le cadre de cette réforme, c'est qu'on prend des mesures pour corriger ces inégalités, sur le montant de la pension, encore une fois la pension minimale va leur bénéficier 2 fois plus qu'aux hommes, sur la prise en compte de moments où les femmes ont dû s'arrêter de travailler, ce qui explique aujourd'hui que leur situation à la retraite. Le congé parental, le congé pour les aidants en situation, d'enfants en situation de handicap, désormais ça donnera droit à des trimestres au moment de la retraite.
ADRIEN GINDRE
Il y a quand même malgré tout, des atermoiements dans votre propre majorité, Barbara POMPILI, Patrick VIGNAL, Yannick FAVENNEC. Bon, tous de manière différente et à des moments différents ont dit qu'à ce stade ils ne se voyaient pas forcément voter la réforme, qu'ils attendaient encore des garanties etc. S'ils ne votent pas la réforme, qu'est-ce qui se passe ? Ils sont exclus de la majorité ?
GABRIEL ATTAL
Moi, je ne me place pas dans et état d’esprit. D’ailleurs, ce qu’ils disent…
ADRIEN GINDRE
Il existe.
GABRIEL ATTAL
Non, mais ce qu’ils disent, leur message, c'est moi j'attends d'être convaincu sur le bien fondé et sur la justice de cette réforme. On ne peut pas d'un côté nous dire régulièrement : vos députés sont des godillots ou des Playmobil, ils ne posent pas de questions, ils votent sans regarder. Et de l'autre côté, quand vous avez des députés qui posent des questions, qui sont exigeants vis-à-vis du gouvernement, expliquer que c'est une crise pas possible. Moi, je vais vous dire, je suis très confiant…
ADRIEN GINDRE
Ce n’est pas ce que j’ai dit. Je vous demande juste ce qui se passe si…
GABRIEL ATTAL
Non, mais parfois on a l'impression dans le débat que tout d'un coup, il y a un député qui pose des questions, c’est la crise ou quoi que ce soit. Moi je suis très confiant puisque ces députés, encore une fois, tous les députés de la majorité ont été élus sur la base du programme du président de la République, qui prévoyait une réforme qui demandait encore plus d'efforts que celle qu'on présente aujourd'hui.
ADRIEN GINDRE
Ça c’est un rappel que vous leur faites, en mode " rappelez-vous sur quoi vous avez été élus, grâce à qui ".
GABRIEL ATTAL
Je n’ai même pas besoin de le rappeler. Ce que je dis, c'est qu'on a tous fait campagne au moment des élections présidentielles et législatives, en défendant la retraite à 65 ans. Aujourd'hui on est à 64 ans, donc c'est moins d'efforts que ce qui était demandé au moment de la campagne. Qu'il y ait des demandes de garanties sur certains points de précisions, de clarifications, d'amélioration, je trouve ça sain, c'est aussi pour ça qu'il y a un débat parlementaire.
ADRIEN GINDRE
Mais, ils peuvent poser leurs questions, mais ils doivent voter à la fin.
GABRIEL ATTAL
Je vous dis, moi je n'ai pas d'inquiétude sur ce sujet-là.
ADRIEN GINDRE
Il y a une question de fond aussi Gabriel ATTAL qui percute cette réforme, c'est le rapport que les Français ont au travail. L'IFOP avec la Fondation Jean-Jaurès, là, s'est penché sur le sujet, il y a une étude qui paraît qui nous dit que seul 1 Français sur 5 trouve que le travail est très important dans sa vie, c'était 3 sur 5 en 1990, donc ça a considérablement diminué. Si on prend un autre exemple, plus de 3 Français sur 5 aujourd'hui souhaitent avoir plus de temps libre, quitte à gagner moins d'argent. Là ça a beaucoup baissé encore en quelques années, puisqu'en 2008 c'était moins de 2 sur 5. D'une certaine manière, ça nous dit que c'est fini de travailler plus pour gagner plus pour les Français ?
GABRIEL ATTAL
C'est un débat de société profond, et j'entendais le plateau qui était juste avant notre interview, je suis d'accord avec beaucoup de propos qui ont été tenus. Je pense qu'il y a beaucoup de Français qui veulent travailler différemment, qui veulent donner du sens à leur travail, qui aujourd'hui ont des conditions de travail, mais même pour aller travailler, qui sont très difficiles. Quand vous travaillez aujourd'hui dans les grandes métropoles, c'est le cas par exemple à Paris, vous avez une situation des transports publics qui en ce moment est extrêmement dégradée, qui est infernale pour beaucoup qui vont travailler dans des métros ou des RER bondés…
ADRIEN GINDRE
Mais est-ce qu’il ne faudrait pas régler tout ça, le travail, avant d’allonger l’âge de départ ?
GABRIEL ATTAL
Je pense qu'il faut faire les deux. Je pense qu'il y a évidemment un enjeu sur les conditions de travail. C'est vrai que vous avez des Français, qui encore aujourd'hui travaillent dans des conditions difficiles, dans des conditions pénibles, et c'est pour ça d'ailleurs qu’on agit aussi contre l'usure au travail et contre la pénibilité au travail. Je vous donne un chiffre : aujourd'hui, on dépense 40 millions d'euros par an pour améliorer les conditions de travail dans les métiers les plus pénibles. Demain, dans notre réforme, on prévoit de passer de 40 millions à 200 millions d'euros par an, pour investir sur des nouveaux équipements, pour améliorer les conditions de travail dans les secteurs les plus…
ADRIEN GINDRE
Pour autant, il n’y a pas de droit à la paresse, pour vous, comme le disait Sandrine ROUSSEAU la semaine dernière ici même ?
GABRIEL ATTAL
Non mais ça, vous savez, je pense que c'est une position qui est très limitée, enfin je veux dire, je ne pense pas que ça représente beaucoup de Français. Je pense quand même que les Français, ils savent, ça a été dit dans le plateau précédent, qu'on finance notre modèle social par le travail, c'est le fait de travailler qui apporte des recettes à l'Etat, à la Sécurité sociale, pour protéger les Français. Moi je pense que les Français ils sont prêt à travailler, simplement il faut entendre aussi et ce qui est dit sur les conditions de travail et sur tout ce qui entoure le travail.
ADRIEN GINDRE
Dans les Français qui demandent à travailler, pour le coup, il y a les boulangers qui manifestaient hier, qui sont allés à proximité de Bercy, qui disent : on a eu la hausse des prix de l'énergie, on a la hausse des matières premières depuis un moment déjà, malgré les aides du gouvernement on ne s'en sort pas, et d'ailleurs on ne veut pas des aides, on veut pouvoir travailler. Il y avait d'ailleurs à leurs côtés certains élus, en particulier du Rassemblement national. Est-ce que vous vous pouvez encore faire plus pour ces professions que ce que vous avez déjà fait ?
GABRIEL ATTAL
Ce Qui est sûr, c'est que les buralistes (sic) ils sont l’incarnation de cette France du travail.
ADRIEN GINDRE
Les boulangers.
GABRIEL ATTAL
Pardon, les boulangers. Mais je pense aux buralistes, parce que les buralistes aussi le sont, et que je viens de prendre un plan d'aide pour les buralistes. Buralistes, boulangers, ils se lèvent tous les matins très tôt pour travailler…
ADRIEN GINDRE
Beaucoup d’artisans et de 10 professions indépendantes.
GABRIEL ATTAL
Evidemment. Ils ne veulent pas survivre avec des aides de l'Etat, ils veulent travailler et vivre de leur travail. J'ai présenté, je fais du coup une parenthèse puisque j'ai fait le lapsus, un plan d'aide pour les buralistes de 290 millions d'euros dans les 5 années à venir, pour les aider à se transformer, à diversifier leur activité, à renforcer la sécurité de leur commerce. Les boulangers aussi ils veulent vivre de leur travail et pas survivre avec des aides. On est face à une situation très difficile, avec une crise sur les prix de l’énergie.
ADRIEN GINDRE
Alors, est-ce que vous pouvez faire plus ou est-ce que vous êtes déjà au maximum ?
GABRIEL ATTAL
On a annoncé des mesures très fortes, Bruno LE MAIRE, Olivia GREGOIRE, pour les protéger face à cette hausse des prix. Vous avez aujourd'hui l'essentiel des très petites entreprises qui auront un bouclier tarifaire, avec les tarifs réglementés. Vous en avez 600 000, notamment les boulangers, qui bénéficieront de mesures supplémentaires, qui ont été annoncées. Pourquoi il y a une difficulté aujourd’hui ? Parce que tous les boulangers n'ont pas encore pu renégocier leur contrat. Donc un, il faut impérativement faire la renégociation du contrat…
ADRIEN GINDRE
Alors, Agnès PANNIER-RUNACHER à votre place vendredi, disait que c'était automatique, donc on a du mal à comprendre. Elle disait : il y a juste à aller sur le site de son fournisseur et à cocher " je suis une DPE ".
GABRIEL ATTAL
Exactement, et à remplir le formulaire. Donc première chose il faut le faire. Deuxième chose, vous avez des factures, des devis qui arrivent, et ce qui suscite de l'inquiétude pour les boulangers, puisqu'il n’y a pas toujours écrit que le prix sera de 280 € le mégawattheure sur l'année, puisque c'est une moyenne sur l'année. Et vous avez effectivement des fournisseurs qui n'ont pas mis dès le départ les 280 € et se sera lissé sur l'année, c'est-à-dire que les factures dans le reste de l'année seront moins élevées.
ADRIEN GINDRE
Et donc vous dites : ne vous inquiétez pas, ça va se régler.
GABRIEL ATTAL
Ce que je dis, c'est qu’évidemment on restera à leurs côtés, qu'on n'a pas fait tout ça jusqu'à aujourd'hui, y compris pendant le Covid, pour aider nos entreprises, les très petites entreprises, les commerçants, les artisans à venir, à tenir pour aujourd'hui les laisser tomber. On sera à leurs côtés et on continuera à l'être. Il y a des mesures très fortes qui ont été prises, qui doivent leur permettre de tenir, et on va continuer à les accompagner.
ADRIEN GINDRE
Mais vous ne craignez pas qu'entre-temps la colère soit récupérée par exemple par le Rassemblement national qui était à leurs côtés hier, et qu'en fait ce soit eux qui s'érigent en porte-parole de cette profession ?
GABRIEL ATTAL
Ce qui est sûr c'est que, en toutes occasions, le Rassemblement national cherche à capter les inquiétudes, les angoisses des Français, à les instrumentaliser, à leur vendre du rêve. Le Rassemblement national, moi je rappelle quand même qu’il veut sortir du marché européen de l'électricité, ce qui ferait que si on suivait leur programme, les boulangers ne pourraient même pas allumer leurs fours, parce qu'on aurait des black-out dans notre pays puisqu'on n'importe plus d'électricité qu’on n'en exporte et qu'on en produit aujourd’hui.
ADRIEN GINDRE
Sauf si on arrive à être indépendant énergétiquement, ce qu’on était il y a quelques années.
GABRIEL ATTAL
C'est pour ça qu'on investit dans le nucléaire. Mais enfin personne ne peut faire croire qu'une centrale nucléaire peut sortir en quelques mois de terre, ça demande du temps. Et en attendant sa demande de développer les énergies renouvelables, ce à quoi le Rassemblement national s'oppose. Donc la réalité c'est que le Rassemblement national c'est le parti de l'appauvrissement énergétique de la France.
ADRIEN GINDRE
Merci beaucoup Gabriel ATTAL d'avoir été sur ce plateau ce matin. Je précise que pendant qu'on parlait, on parlait référendum, la NUPES annonce justement une demande de référendum sur la réforme des retraites. On a entendu votre réponse, c'est non, et maintenant le débat se fera à l'Assemblée.
Source : Service d’information du Gouvernement, le 25 janvier 2023