Interview de M. Clément Beaune, ministre chargé des transports, à France Info le 24 janvier 2023, sur la grève dans les transports publics contre la réforme des retraites, les transports en Région parisienne, les trottinettes en libre-service et les zones à faibles émissions .

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Texte intégral

MARC FAUVELLE
Bonjour Clément BEAUNE.

CLEMENT BEAUNE
Bonjour Marc FAUVELLE.

MARC FAUVELLE
La CGT n’exclut pas des journées d’action pendant les vacances de février qui débutent, pour la zone A, en fin de semaine prochaine, qu’est-ce que vous dites à Philippe MARTINEZ, " pas touche aux vacances " ?

CLEMENT BEAUNE
Ecoutez, il y a une journée de mobilisation d’abord avant le début des vacances scolaires pour la première zone, qui est je crois la zone A le 4 février, le 31 janvier, moi je suis focalisé sur cette journée parce que je sais qu’elle va créer forcément, on n’en mesure pas l’ampleur, encore des perturbations dans les transports pour le travail, pour le quotidien.

MARC FAUVELLE
Du même ordre que la précédente journée de grève à la SNCF ?

CLEMENT BEAUNE
C’est honnêtement trop tôt pour le dire, mais une journée de mobilisation, inévitablement, va avoir des impacts dans les transports publics, donc c’est ça aujourd'hui que je regrette, même si je respecte le droit de mobilisation sociale et syndicale, mais ça va être une journée difficile forcément le 31 janvier.

MARC FAUVELLE
Sur les vacances ensuite ?

CLEMENT BEAUNE
Sur les vacances, je crois que les organisations syndicales n’ont pas encore pris leur décision, j’ai entendu les déclarations de Philippe MARTINEZ, je suis toujours un peu surpris qu’on anticipe les journées de mobilisation quand on n’a pas encore réalisé la précédente, mais oui je dis il faut du respect, de la responsabilité, on a évidemment un droit de grève, on a un droit de l’opposition dans le cadre de la loi, un droit syndical, à la réforme des retraites, c’est la démocratie sociale, mais les Français ont subi, pour beaucoup d’entre eux, et parce que les syndicats parfois n’avaient pas vu venir un conflit à la SNCF en décembre, des perturbations à Noël, et donc je pense qu’on doit aussi prendre en compte les galères des Français, les difficultés des Français, les vacances, qui sont attendues par beaucoup de familles, qui ont parfois galéré à Noël et qui pourraient re-galérer si on était dans cette optique…

MARC FAUVELLE
Donc pas deux fois de suite, c’est ça le message ?

CLEMENT BEAUNE
Oui j’appelle, encore une fois, le droit de grève il est autorisé dans notre pays, donc il n’y a pas aujourd'hui, on en reparlera peut-être, des dates qui sont préservées ou sanctuarisées, mais je crois quand on fixe ces dates, quand les organisations syndicales prennent leur décision, oui j’appelle à de la responsabilité, à du respect, à tenir compte aussi des situations des Français qui pour certains vont retrouver leur famille pendant les vacances dès le début du mois de février.

SALHIA BRAKHLIA
Vous parliez à l'instant des grèves qui ont eu lieu pendant les fêtes de fin d'année à la SNCF à la suite de ces grèves Emmanuel MACRON avait demandé au gouvernement de réfléchir, de trouver des solutions pour assurer la continuité des services publics en toutes circonstances, ça veut dire quoi ?

CLEMENT BEAUNE
Ça veut dire qu'on peut améliorer le système actuel, de différentes façons, parce que j'entends parfois des slogans un peu magiques, certains ont dit " il faut réquisitionner les grévistes ", heureusement d'ailleurs dans notre pays la réquisition c'est quelque chose de très encadré…

MARC FAUVELLE
Ça a été fait dans les raffineries par votre gouvernement.

CLEMENT BEAUNE
Oui, et on a assumé de le faire, mais de manière ponctuelle, de manière ciblée, parce que c'est notre droit d'ailleurs, la réquisition c'est le dernier recours quand vous avez une situation de blocage qui menace le fonctionnement vital du pays…

MARC FAUVELLE
Vous pourriez le faire à la SNCF ou pas ?

CLEMENT BEAUNE
Non. Quand il y a eu… à Noël moi je l'avais dit, vous m’avez, je crois d'ailleurs sur ce plateau, interrogé sur les réquisitions, on n’était pas du tout dans ce cadre-là, ensuite il y a des choses qui avaient été mises dans la loi, des éléments, en 2007 d’ailleurs, quand il y avait déjà eu un débat sur le service minimum, et c'était de l'ordre de l'anticipation, 48 heures pour déclarer la grève, pour qu'on anticipe et qu’on mette des solutions en place pour minimiser les impacts…

SALHIA BRAKHLIA
Oui, mais aujourd'hui la SNCF doit garantir un service, du moins doit prévenir à l'avance du service qui sera offert aux usagers.

CLEMENT BEAUNE
Bien sûr. Alors, ça ne remet pas des trains, soyons honnêtes, mais enfin ça permet de s'organiser, parfois de compenser en mobilisant un certain nombre d'autres salariés, je pense que c'est toujours vers ce genre de piste qu'il faut aller, peut-être avoir des délais d'anticipation un peu plus grands, peut-être mobiliser des personnes, au sein des entreprises, qui sont capables de faire un métier qui est en grève, qui soit une solution de recours pour qu'il y ait moins d'impact pour les usagers. Je vais vous dire, le service minimum, tel que ça avait été présenté par exemple au Sénat, je crois par Bruno RETAILLEAU, ça aboutirait à ce que 30% du service environ soit garanti, mais même quand vous avez des très grandes grèves, comme on a vécu à Noël, vous avez presque toujours plus de 50 % du service, donc ce que je veux dire c'est le service minimum, un peu le slogan qu'on met dans le débat, ça ne marche pas vraiment parce que de toute façon on est au-delà d'un service minimum constitutionnel aujourd'hui.

MARC FAUVELLE
Mais l'objectif de ces mesures, Clément BEAUNE, c'est de faire rouler davantage de trains quand il y a des grèves, très clairement, ça fera l'objet d'une loi ?

CLEMENT BEAUNE
Alors, c'est en débat, il y a des discussions qui commencent, on aura, je pense qu'il vaut mieux laisser passer pour avoir un dialogue social apaisé, la réforme des retraites, il faut en discuter avec les organisations syndicales, encore une fois moi je les respecte…

MARC FAUVELLE
Vous pensez pouvoir décrocher un accord sur ce point avec les syndicats ?

CLEMENT BEAUNE
Je vais vous prendre un exemple. On a beaucoup mentionné le cas italien pour la grève de noël…

MARC FAUVELLE
Italie, interdiction des grèves les jours de grands départs ou certains week-ends.

CLEMENT BEAUNE
Oui, alors justement, si on est tout à fait précis sur le cas italien, c’est intéressant. Il y a effectivement des jours qui sont préservés, des fêtes très importantes, comme Noël…

SALHIA BRAKHLIA
Les départs en vacances en août.

CLEMENT BEAUNE
Les heures de pointe, des départs de vacances importants, mais qu’est-ce qui s’est passé dans le cas italien ? C’est une négociation sociale, c'est-à-dire que le législateur a dit " trouvez des solutions pour que certaines périodes soient préservées ", et secteur par secteur, ou parfois entreprise par entreprise, il y a eu un dialogue social qui a permis par avance de préserver certaines périodes, ça c’est une solution qui est intéressante.

MARC FAUVELLE
Donc vous demandez au de la SNCF, Monsieur FARANDOU, d'ouvrir ces négociations…

CLEMENT BEAUNE
Pas maintenant.

MARC FAUVELLE
Mais pas maintenant…

CLEMENT BEAUNE
Parce que, je vais vous dire, aujourd'hui il faut, je l'assume, il y a une réforme importance qui suscite des questions, moi j'ai échangé régulièrement avec des agents de la SNCF directement, je vois les questions qui se posent, sur la réforme des retraites, et autour de la réforme des retraites, le rapport au travail, le déroulement des carrières, la pénibilité, sur tout ça j'ai demandé, d'abord au président de la SNCF, au président de la RATP, d'avoir en accompagnement de la réforme des retraites des discussions dans l'entreprise, c'est ça la priorité aujourd'hui, et puis on réfléchit déjà à ces mesures qui pourraient améliorer le service public aux usagers. Moi mon obsession ce n’est pas des slogans comme le service minimum, avec des pourcentages qu’on ne sait pas définir, c'est améliorer le service aux usagers, mieux anticiper, quand il y a des grèves avoir moins d'impact, et avoir plus de dialogue social dans l'entreprise, peut-être pour préserver des jours ou pour éviter des grèves au moment des départs en vacances ou des périodes de galères pour les gens.

SALHIA BRAKHLIA
Clément BEAUNE, dans la réforme des retraites figurent la suppression des régimes spéciaux, suppression progressive, car ne seront concernés que les nouveaux embauchés, c'est ce qu'on appelle « la clause du grand-père », mauvaise idée dit Xavier BERTRAND le président LR des Hauts-de-France, on l'écoute.

XAVIER BERTRAND, PRESIDENT DE LA REGION HAUTS-DE-FRANCE
…Dans 43 ans, les régimes spéciaux aujourd'hui ne peuvent pas s'éteindre dans 43 années au moins. Moi ce que je souhaite ça ne va pas se faire du jour au lendemain en un an, il faut qu'il y ait une convergence, elle peut se faire sur 10 ans, elle peut se faire éventuellement sur un peu plus, la seule chose c'est que la justice c'est que ce soit pour tout le monde les mêmes règles qui s'appliquent.

SALHIA BRAKHLIA
Supprimer les régimes spéciaux, mais dans 40 ans c'est trop tard dit-il, est-ce que vous êtes d'accord avec lui ?

CLEMENT BEAUNE
Non, je pense qu’on a un bon équilibre, je vais l'expliquer parce qu'on a peut-être assez peu parlé des régimes spéciaux dans cette réforme. Les régimes spéciaux c'est un contrat social historique qui avait été fait, notamment la RATP, à la SNCF, dans les industries de l'énergie par exemple, je dis à la SNCF - personne n'avait eu le courage de le faire, pas même la majorité à laquelle avait appartenu Xavier BERTRAND - on a fait une réforme ferroviaire…

SALHIA BRAKHLIA
Si, si, ils l’ont fait à la SNCF.

CLEMENT BEAUNE
Qui a mis au régime spécial à la SNCF pour les nouveaux entrants, depuis le 1er janvier 2020 c'est déjà le cas, avant même cette réforme des retraites, ce sont les règles générales, notamment en matière de retraite, qui s'appliquent aux nouveaux recrutés à la SNCF, donc ce sujet, cette réforme, elle a déjà été faite à la SNCF. On applique un principe d'équité, à la SNCF, à la RATP, pour ceux qui ont les règles du régime général, les nouveaux recrutés, comme pour ceux qui avaient encore le régime spécial, on décale l'âge légal de 2 ans, on dit qu'il y a des privilèges, des situations spécifiques, il faut le dire il y a un effort qui est collectif, qui est équitable, et donc le décalage de l'âge légal il s'applique partout, y compris dans ceux qui sont encore aux régimes spéciaux.

SALHIA BRAKHLIA
Oui, mais il y a quand même un déséquilibre par rapport au régime général.

CLEMENT BEAUNE
Non, mais c’est quand même très important parce que je ne veux pas laisser dire qu'on ne demande pas d'effort à tout le monde, c’est un effort collectif, y compris pour les régimes spéciaux. Il y avait un régime spécial, dans le secteur des transports, qui était encore là, celui de la RATP, celui-là, comme on le fait pour la SNCF, on y met fin progressivement, c'est-à-dire les nouveaux vont être affiliés, pour la retraite…

SALHIA BRAKHLIA
Dans 40 ans, dans 43 ans.

CLEMENT BEAUNE
Non, les nouveaux ça va être tout de suite, les nouveaux recrutés ça va être dès le vote de la réforme.

SALHIA BRAKHLIA
Oui, mais le régime va s’éteindre.

CLEMENT BEAUNE
D’accord, mais moi j’assume cet équilibre, c'est-à-dire les nouveaux on met fin au régime parce que c'est une mesure de justice, l'histoire sociale, syndicale, n'est plus la même aujourd'hui pour la RATP, pour la SNCF, mais ceux…

MARC FAUVELLE
Vous avez chiffré à partir de quand ça permettra à ce régime-là de dégager des économies ? Quand Nicolas SARKOZY a fait l’autre réforme…

SALHIA BRAKHLIA
La SNCF.

MARC FAUVELLE
La Cour des comptes avait dit il a fallu des années et des années parce qu’il y avait eu tellement de compensations que ce n’était pas rentable pour les finances publiques.

CLEMENT BEAUNE
Je vous réponds tout de suite, je finis juste d’une phrase sur le point, c’est très important, parce qu’il y a un contrat social aussi, les gens qui ont été recrutés, qui ont choisi un métier avec des avantages et des inconvénients, les deux, le régime spécial on ne va pas leur dire maintenant " écoutez, pour ceux qui étaient rentrés… "

MARC FAUVELLE
C’est ce qu’on fait pour les autres Français aujourd'hui.

CLEMENT BEAUNE
Non, on fait comme pour tout le monde, c'est-à-dire on décale l’âge, c'est-à-dire quelqu’un qui avait par exemple un âge départ à 52 ans, ou à 57 ans, ça va monter à 54 et à 59…

MARC FAUVELLE
D’un mot, sur les compensations accordées, à partir de quand ça sera rentable ?

CLEMENT BEAUNE
Alors, ce qui avait été fait par la réforme de Nicolas SARKOZY c'est qu'il y avait beaucoup de mesures financières autour qui avaient parfois complètement écrasé le bénéfice financier, si je puis dire, ou d'équilibrage de la réforme, aujourd'hui on n'est pas dans cette optique, je le dis aussi parce que certains disent " il n’y a pas de déficit ", etc., quand vous regardez ce qui se passe pour les régimes spéciaux, à la RATP c'est deux tiers de l'équilibre du régime qui est assuré par une subvention de l'Etat, donc c'est à ça qu'on met fin, ça prendra un certain nombre d'années, mais je pense qu'on a le bon équilibre, ceux qui sont aujourd'hui dans un régime spécial ils le gardent en faisant un effort comme tous les Français, et ceux qui sont nouvellement recrutés ils passent aux règles générales.

MARC FAUVELLE
Toujours avec le ministre des Transports Clément BEAUNE. Dans l’étude d’impact publiée hier par le gouvernement sur la réforme des retraites on voit que ce sont bien les femmes qui vont devoir faire le plus d'efforts et notamment travailler plus longtemps, plus longtemps que les hommes pour passer aux 64 ans, est-ce que vous reconnaissez qu'elles sont, dans cette réforme, dans cette version, en tout cas aujourd'hui, les perdantes ?

CLEMENT BEAUNE
Non, je crois qu'il faut regarder, parce que c’est très important, l'ensemble des paramètres, sans être trop technique, mais c'est évidemment essentiel pour ceux, et celles surtout, qui nous écoutent. Aujourd'hui, en moyenne, les femmes partent un peu plus tôt que les hommes à la retraite, souvent d'ailleurs ce n’est pas toujours un choix, c'est parce qu'il y a eu des carrières plus hachées, des interruptions de carrière qui sont plus importantes chez les femmes, subies parfois parce que pour des raisons familiales, on sait que c'est elles qui souvent font un sacrifice personnel, professionnel, pour élever les enfants par exemple, en moyenne, donc quand vous décalez l’âge il y a un impact qui est forcément un peu plus grand pour ceux qui partent…

MARC FAUVELLE
Le saut est plus grand pour les femmes dans cette réforme.

CLEMENT BEAUNE
Oui, vous avez dit travailler un peu plus longtemps, non, c’est que parfois le saut va être un tout petit plus grand, mais il faut regarder l'ensemble des paramètres, parce qu'il n’y a pas que ce paramètre qui a été évoqué…

MARC FAUVELLE
L’un des paramètres c’est par exemple les trimestres gagnés par les femmes, avec les enfants ou avec le congé parental, cet " avantage " il va être perdu par le fait qu'elles vont devoir aller jusqu'à 64 ans, pour beaucoup de femmes il va être perdu.

CLEMENT BEAUNE
Non, alors il y a les trimestres pour enfant, mais il y a des choses qu’on… ça c’est la situation actuelle…

MARC FAUVELLE
Ça c’est dans la colonne des moins en tout cas, vous le dites vous aussi.

CLEMENT BEAUNE
Oui, ce que je dis c’est qu’il faut regarder l'ensemble des paramètres. On a des mesures qui vont être, si je puis dire, plus favorables aux femmes, et c'est légitime, par exemple le fait qu'on prend en compte les trimestres de congé parental, ils sont souvent, aujourd'hui, plutôt assurés par des femmes. On va prendre en compte les congés pour les aidants, qui sont, c'est une réalité, c’est pour les femmes et pour les hommes évidemment…

MARC FAUVELLE
Donc ce n’est pas la majorité.

CLEMENT BEAUNE
Non, mais en moyenne ce sont beaucoup plus souvent des femmes qui se sacrifient pour aider…

SALHIA BRAKHLIA
Mais l’étude d’impact explique que ce ne sera pas suffisant et qu'il y aura quand même un écart avec les hommes, comment on rétablit cette égalité, le débat parlementaire va commencer dans deux semaines, comment votre majorité veut rétablir cette égalité ?

CLEMENT BEAUNE
Encore une fois d'abord, j'insiste beaucoup, ce que vous dites sur l'étude d'impact c'est un des paramètres, ce n'est pas la situation des femmes en général, quand vous rajoutez la question des congés parentaux, la question des aidants, je le dis aussi la question de la décote, pardon d'insister sur des paramètres un peu techniques, mais c'est très important, aujourd'hui c'est les femmes qui subissent le plus la décote, quand en décalant l'âge légal vous ne décalez par l'âge d'annulation de la décote, c'est un avantage pour ceux qui bénéficient le plus, qui subissent pardon, le plus la décote aujourd'hui, notamment les femmes, et la revalorisation des petites pensions c'est aujourd'hui majoritairement aussi les femmes qui en bénéficient, donc quand vous regardez l'équilibre de la réforme, j'y insiste parce que j'entends beaucoup de remous sur ce sujet, c'est légitime comme question, l’équilibre…

SALHIA BRAKHLIA
Votre collègue du gouvernement lui-même, Franck RIESTER, qui est en charge du lien avec les parlementaires, explique que les femmes vont être pénalisées par cette réforme.

CLEMENT BEAUNE
Non, il a parlé de paramètres-là, le premier qu'on évoquait, sur le report de l’âge légal.

MARC FAUVELLE
Le report de l’âge légal qui est le principal curseur aujourd'hui, c’est celui qui concerne 60 % des futurs retraités.

CLEMENT BEAUNE
Oui, d’accord, mais c’est justement pour ça que cette réforme est importante, je sais que parfois elle est aussi plus complexe, je crois qu’il n’y a jamais eu une réforme dans laquelle on a pris autant en compte les situations individuelles et spécifiques, la question des aidants, la question du congé parental, la question de la revalorisation des petites retraites, la question de la décote, si vous mettez tout ça bout à bout, je crois qu'on a un équilibre qui est équitable et qui bénéficiera au total aux femmes. On va regarder tous les paramètres, vous m’avez posé la question est-ce qu'il y a des sujets qui seront débattus pendant le débat parlementaire, moi je ne suis pas parlementaire, mais j'imagine que ça reviendra dans le débat, et on a dit il y a des sujets qui peuvent encore être discutés, mais je ne veux pas laisser dire qu’on n’a pas pris en compte la situation des femmes sur beaucoup de paramètres, encore une fois aidants, congés parentaux, décote, petites pensions, ce sont les femmes qui sont aujourd'hui victimes d’une situation sociale défavorable, et ce sont elles qui vont bénéficier le plus de ces mesures, et c’est juste et légitime.

MARC FAUVELLE
Un mot avant de revenir spécifiquement à la question dans les transports, de ce qui se passe depuis ce matin Gare de l'Est à Paris, trafic complètement interrompu depuis 5h du matin, vous savez ce qui se passe vous ?

CLEMENT BEAUNE
On commence à savoir. Je regrette d'abord, parce que pour des milliers de gens la Gare de l'Est est extrêmement fréquentée, pour tout l’Est de la France et beaucoup de Franciliens, donc c'est une galère ce matin jusqu'à 10h, on fait au mieux, j'ai échangé à l'instant avec le président de la SNCF pour rétablir le trafic le plus vite possible, et c'est sans doute un acte de malveillance, c'est même à cette heure confirmé, un acte de malveillance qui a été fait sur les câbles et le réseau, on regarde le détail technique, mais c'est un acte de malveillance qui est à l'origine de cette panne, que je regrette évidemment pour l'impact sur beaucoup de gens qui prennent les transports pour le boulot ce matin.

MARC FAUVELLE
On ne sait absolument pas qui est derrière ?

CLEMENT BEAUNE
Non. Malheureusement, vous le savez, il y en a régulièrement des actes une malveillance, sur les câbles, sur les voies, pour parfois prendre du matériel qui a un peu de valeur et qui est revendu, donc il faut qu'évidemment ces actes soit sévèrement sanctionnés parce qu'on voit les impacts qu'ils ont sur la vie quotidienne.

MARC FAUVELLE
En dehors de ce qui se passe depuis ce matin Gare de l'Est à Paris, les transports franciliens sont en grande difficulté depuis des mois, vous avez pris le métro récemment ?

CLEMENT BEAUNE
Oui…

MARC FAUVELLE
Pardon, je m'excuse auprès des auditeurs et des téléspectateurs d'autres régions dans lesquelles c’est parfois difficile aussi, mais c'est vrai qu’à Paris… vous l’avez pris le métro ?

CLEMENT BEAUNE
Oui, je prends le métro, je vais être très honnête, la semaine peu parce que j'ai une protection et que je me déplace dans une voiture officielle, je ne vais pas vous mentir, mais je prends le métro toutes les semaines, le week-end je me déplace en métro.

MARC FAUVELLE
Qu’est-ce que vous en avez pensé ?

CLEMENT BEAUNE
Je sais que c’est la galère, et c'est la galère, la vérité c'est que c'est souvent aux heures de pointe, etc., difficile, mais c’est…

MARC FAUVELLE
Pas seulement aux heures de pointe…

CLEMENT BEAUNE
Non, mais je veux dire en général…

MARC FAUVELLE
En Ile-de-France parce qu’il manque beaucoup de trains et beaucoup de conducteurs.

CLEMENT BEAUNE
Oui, c’est ce que je dis, depuis le mois de septembre c’est une situation extrêmement galère, extrêmement difficile. Vous avez raison, je le dis d'un mot parce que je ne veux pas qu'on pense qu'aux Franciliens, il y a des difficultés par exemple dans les Hauts-de-France sur les TER en ce moment, j'étais à Strasbourg vendredi, on met en place un RER à Strasbourg…

SALHIA BRAKHLIA
Le RER ne marche pas.

CLEMENT BEAUNE
Ça commence à marcher, heureusement, c’est un très beau projet qui va vraiment améliorer la vie, mais le rodage marche mal, et donc on améliore les choses d'ici le mois de mars. En Ile-de-France qu'est-ce qui s'est passé ? En Ile-de-France c'est la région où il y a le plus de transports publics dans notre pays, parce que le réseau est très utilisé, 25% des placements se font par transports publics, il y a une pénurie massive de conducteurs et de chauffeurs, et depuis le mois de septembre, j'y insiste, j’ai insisté auprès de Jean CASTEX, avec Valérie PECRESSE, encore ces dernières semaines, il y a un plan de recrutement historique, littéralement, inédit, qui est mis en place…

MARC FAUVELLE
Cinq cent conducteurs.

CLEMENT BEAUNE
Oui enfin, au total, si vous prenez le bus, et le métro, c'est même plus de 4000 personnes qui sont recrutées en 2023 par la RATP, c'est deux fois plus que d'habitude, et c'est littéralement un effort qui est fait jour et nuit en ce moment…

MARC FAUVELLE
Avec un retour à la normale fixé déjà, un cap ?

CLEMENT BEAUNE
Oui, l'engagement qui a été pris, moi je l'avais demandé dès le mois de décembre, c’est qu’au début du printemps il y ait évidemment une amélioration progressive, mais qu'on revienne à la situation normale au début du printemps, je crois que c'est aujourd'hui possible, Jean CASTEX a détaillé ligne par ligne les améliorations, sur le matériel, sur les recrutements, sur la maintenance, hier encore avec la région Ile-de-France, j’étais présent, et donc on est engagé sur ce plan de recrutement. Je sais que pour les Franciliens, depuis septembre, c'est une très grosse difficulté, et notre boulot c'est de tout faire pour qu’en mars et en avril on ait rétabli la situation.

SALHIA BRAKHLIA
Toujours avec le ministre des Transports Clément BEAUNE. David BELLIARD, le premier adjoint écologiste à la Mairie de Paris, propose de taxer les SUV pour financer les transports en commun, c'est une bonne idée ?

CLEMENT BEAUNE
Alors hier il y avait des assises du financement des transports franciliens, j'ai accepté d'ouvrir ce débat, tous les groupes politiques, toutes les collectivités, Ville de Paris, Région Ile-de-France, se sont exprimés, je vais être très honnête, à la fin il y avait une liste de taxes qui représentent plusieurs milliards d'euros, si ce n'est pas plus de 10 milliards d'euros.

MARC FAUVELLE
Ça règle la question du financement alors !

CLEMENT BEAUNE
Oui, alors il n’y a jamais de solution miracle, je l'ai dit aussi devant tout le monde, moi je vais tout regarder, donc y compris de la fiscalité écologique, mais enfin il faut regarder combien ça rapporte, il faut regarder quel est l'impact, et puis surtout il faut qu’il y ait une ressource qui finance durablement, on parle de 10 à 15 ans, les transports franciliens, donc je ne veux pas qu'il y ait de gadgets, moi je n’ai aucun tabou, on va tout regarder…

SALHIA BRAKHLIA
Mais c’est quoi votre piste privilégiée, par exemple Valérie PECRESSE demande soit de baisser la TVA ou soit demander aux entreprises de mettre un peu plus la main à la poche, donc c’est quelle poste ?

CLEMENT BEAUNE
Alors d’abord, je le dis aujourd'hui parce qu’il y a une mesure qui est peu connue, et c’est pour tout de suite, c’est que nous défiscalisé les aides que les employeurs peuvent donner à leurs salariés pour l'abonnement de transports publics, vous savez que 50% de l'abonnement de transports publics est pris en charge par l'employeur, on est allé jusqu'à 75% sans cotisation, sans fiscalité, donc je le dis aussi, c'est la responsabilité des employeurs, quand on voit qu’avec le coût de l'énergie certains billets de transports augmentent, notamment en Ile-de-France, ils peuvent faire cet effort et soulager aussi beaucoup de salariés du coût des transports publics, c'est leur responsabilité. Après, pour les pistes, encore une fois, aujourd'hui en Ile-de-France c’est 50% des transports publics qui sont financés par les entreprises, donc on ne peut pas dire qu'elles ne participent pas, mais on va tout regarder, le versement mobilité, on va regarder des options de taxes, mais pas seulement, il faut aussi que la région mobilise des financements, l'Etat va regarder l’effort qu'il peut faire. Moi j'ai décidé cette année, pour 2023, que l'Etat donne une aide financière de 200 millions d'euros, exceptionnelle, à la région Ile-de-France, pour faire face au coût de l'énergie, pour recruter davantage de conducteurs de bus…

SALHIA BRAKHLIA
Ce n’est pas suffisant, Valérie PECRESSE menace de ne pas ouvrir les nouvelles lignes pour les JO 2024…

CLEMENT BEAUNE
Non, on n’est pas dans la menace.

SALHIA BRAKHLIA
Si elle n’a pas suffisamment d’argent.

CLEMENT BEAUNE
Salhia BRAKHLIA, j’ai accepté pour la première fois qu'on ouvre ce débat, et donc hier il y a eu une journée de travail, on a dit que jusqu'au mois d'avril on allait partager l'évaluation des coûts supplémentaires, les pistes de financement, et prendre des décisions d'ici l'été. Pourquoi d’ici l’été ? Parce que nous avons un budget pour 2024 où il faut qu’on ait réglé cette question.

MARC FAUVELLE
Est-ce qu’il faut, Clément BEAUNE, interdire les trottinettes en libre-service dans les grandes villes ?

CLEMENT BEAUNE
Alors, comme ministre des Transports je ne souhaite pas voir une mesure nationale d'interdiction, et d'ailleurs à titre personnel je ne suis pas favorable à l'interdiction, les villes peuvent le faire, c'est leur liberté…

MARC FAUVELLE
Mais il n’y aura pas de politique nationale ?

CLEMENT BEAUNE
On a déjà eu ce débat, c'était une loi sur les mobilités il y a quatre ans, et on a dit il y a une autorisation donnée à chaque ville de définir son cadre de régulation. Il y a des villes qui semblent vouloir interdire, comme Paris, même si ce n’est pas totalement assumé, il y aura…

MARC FAUVELLE
Avec une consultation des citoyens au mois d’avril.

CLEMENT BEAUNE
Très bien, il y a des villes qui n’ont jamais autorisé, c'est vrai aussi, la majorité des grandes villes, et même des villes moyennes, sont en train de développer la trottinette, moi je pense que…

MARC FAUVELLE
Est-ce que vous considérez, je vous pose la question autrement, que ça devient un problème dans certains cas ?

CLEMENT BEAUNE
Mais oui, c'est un problème dans certains cas, mais face aux problèmes qu'est-ce qu'on fait, je pense qu'il faut réguler, et donc moi je vais en revanche travailler sur un plan national de régulation…

MARC FAUVELLE
Ça veut dire réguler ?

CLEMENT BEAUNE
Ça veut dire que vous pouvez avoir…

MARC FAUVELLE
Limiter le nombre par exemple ?

CLEMENT BEAUNE
Oui, mais ça c’est ville par ville qu’il faut le décider…

MARC FAUVELLE
C’est déjà le cas.

CLEMENT BEAUNE
Mais ce que peut faire l’Etat c’est de renforcer les contrôles, par exemple, c'est d'obliger les opérateurs à avoir des systèmes de limitation de vitesse…

MARC FAUVELLE
C’est déjà le cas aussi.

CLEMENT BEAUNE
Non, c’est déjà le cas pour certaines villes, mais il y a des obligations qui ne sont pas respectées, ou qui ne peuvent pas être imposées aux opérateurs, il faut pour ça modifier le cadre national, donc je suis prêt à le faire, j'ai commencé une discussion avec les représentants des métropoles, la maire de Nantes par exemple le week-end dernier, on annoncera dans les prochaines semaines un plan de régulation qui serait une sorte de boîte à outils dont pourront se saisir les villes. Mais pourquoi je suis contre l'interdiction ? Parce que je considère que c'est toujours une solution simpliste. Vous avez aujourd'hui, je prends l'exemple de Paris, 10 millions de trajets chaque année en trottinette, évidemment il y a des gens qui ne respectent pas, évidemment il y a des accidents, mais il y en a aussi à vélo, et on a trouvé des moyens de régulation, d'ailleurs la Ville de Paris elle-même a trouvé les moyens de régulation pour les vélos en libre-service avec des espaces de stationnement obligatoire, donc je pense que vouloir interdire quelque chose qui est en train de se développer, qui peut contribuer à l'écologie, avec les bonnes règles, c'est dommage.

MARC FAUVELLE
Et rendre le casque obligatoire ou pas ?

CLEMENT BEAUNE
Alors ça fait partie des pistes sur lesquelles j'ai lancé une consultation avec des associations, avec…

MARC FAUVELLE
Vous y êtes favorable vous ou pas ?

CLEMENT BEAUNE
Je n’y suis pas opposé, mais je vais dire… non mais, pardon, vous souriez, mais je ne prends la décision aujourd'hui, je l'ai assumé, parce que je veux annoncer un plan global et pas égrainer mesure par mesure…

MARC FAUVELLE
Ce sera pour quand le plan ?

CLEMENT BEAUNE
Ce sera sans doute pour le mois de février ou le mois de mars au plus tard.

SALHIA BRAKHLIA
Donc avant la consultation menée par Anne HIDALGO, elle demande aux Parisiens de se déplacer pour voter pour ou contre la trottinette.

CLEMENT BEAUNE
Oui, enfin je ne sais quelle sera la nature du débat, est-ce que les arguments seront posés, est-ce que chacun aura l'accès à ce débat public, bon, c'est le choix de la Ville de Paris, c'est son droit de collectivité locale, moi mon boulot de ministre des Transports c'est qu'on contrôle plus, qu'on sanctionne mieux et qu’on donne des outils aux collectivités locales pour réguler.

MARC FAUVELLE
Puisqu’on parle des contrôles Clément BEAUNE, il y a 11 agglomérations aujourd'hui en France qui ont mis en place des ZEF, des zones à faibles émissions pour interdire les voitures les plus polluantes, à quel moment est-ce qu'on passe aux sanctions, aux amendes, aux PV ?

CLEMENT BEAUNE
Alors, je le redis aussi parce qu'il y a pas mal de confusion. Le calendrier des zones à faibles émissions est entre les mains des collectivités locales, c'est très important…

MARC FAUVELLE
Ça ne vous regarde pas ?

CLEMENT BEAUNE
Non, pas du tout, moi j'assume complètement cette ambition des zones à faibles émissions, ça a été fixé dans la loi, la loi votée…

MARC FAUVELLE
Mais vous voyez bien qu'aujourd'hui personne ne veut être le premier à mettre des PV.

CLEMENT BEAUNE
D’abord il y a, avant les sanctions, des règles, il y a des collectivités, j’étais à Strasbourg par exemple la semaine dernière, je le disais, la métropole de Strasbourg a lancé une première étape, les Crit’Air 5 sont interdits de ZFE au 1er janvier, c’est des collectivités qui en première intention font des contrôles par leur police municipale, etc.

SALHIA BRAKHLIA
Vous voyez bien, pardon, l’exemple de Toulouse, Jean-Luc MOUDENC, lui, a envoyé une consigne à sa police municipale, « ne verbalisez pas », parce qu'il considère que les aides de l'Etat pour aider les plus modestes à changer de voiture elles ne sont pas suffisantes.

CLEMENT BEAUNE
On fait des aides et on va les renforcer, mais pardon, il faut quand même que chacun assume ses responsabilités, l'Etat définit en effet un cadre, on assume cette politique des ZFE, ensuite, parce que les situations sont différentes, le rapport à la voiture, la pollution de l'air, etc., ce n'est pas les mêmes calendriers, c'est normal, agglomération par agglomération.

MARC FAUVELLE
Mais vous voyez le risque de ségrégation qu’il peut y avoir…

CLEMENT BEAUNE
Mais bien sûr.

MARC FAUVELLE
Entre les villes qui sont fréquentées par des gens qui prennent beaucoup les transports en commun, c’est logique il y en a plus dans les villes, et les banlieusards, on va les appeler comme ça…

CLEMENT BEAUNE
C’est pour ça qu’il faut le faire progressivement et que quand vous avez une ville où le pouvoir d'achat est faible parce qu'il y a plus de ménages modestes, on a besoin de la voiture, il y a moins de transports publics, ça ne peut pas être le même calendrier que dans une grande ville où il y a beaucoup de transports publics, c'est pour ça qu'il faut différencier et laisser les collectivités choisir, ce n’est pas pour renvoyer le ballon, c'est parce que c'est la meilleure solution, on assume qu'il y ait des ZFE, c'est nécessaire, avec Christophe BECHU on a défendu au Parlement qu'il fallait garder cet outil, mais il est entre les mains des collectivités, et l'Etat a mis des aides en place, je ne vais pas toutes les égrener, mais pour la prime à la conversion, qui sont majorées en ZFE, le bonus écologique qui est majoré pour les ménages modestes, donc on peut encore renforcer ces aides, j'entends Jean-Luc MOUDENC et d'autres, mais ce sont les collectivités qui définissent le calendrier, et le contrôle il existe déjà, c’est les collectivités qui le mettent en place, ce dont on parle parfois c'est un contrôle automatisé…

MARC FAUVELLE
Avec des radars automatiques.

CLEMENT BEAUNE
Oui, et ça évidemment…

MARC FAUVELLE
C’est votre souhait ?

CLEMENT BEAUNE
Mais ça sera, à terme, quand les ZFE…

MARC FAUVELLE
C'est-à-dire des portiques à l’entrée des villes ?

CLEMENT BEAUNE
Non, pas des portiques à l’entrée des villes, mais il peut y avoir… non, parce que vous parlez de ségrégation, je ne veux pas même que symboliquement on soit dans l'idée qu'il y ait une espèce de grande porte qui interdise l'accès aux villes, mais qu'il puisse y avoir des sanctions et des outils automatiques de sanctions, on y travaille, ça sera un outil proposé aux collectivités d'ici 2024, pour répondre précisément à la question.

MARC FAUVELLE
Merci Clément BEAUNE et bonne journée à vous.

CLEMENT BEAUNE
Merci beaucoup.


Source : Service d’information du Gouvernement, le 25 janvier 2023