Interview de M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, à France Bleu Occitanie le 3 février 2023, sur la réforme des retraites.

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Média : France Bleu Occitanie

Texte intégral

Franz MASSARD
Le ministre du Travail en visite aujourd'hui dans le Tarn est avec nous ce matin.

BÉNÉDICTE DUPONT
Et on va aller droit au but pour ne parler que d’un seul sujet ce matin avec lui, c'est la réforme des retraites. Il va nous répondre, on a dix minutes devant nous avant qu’Olivier DUSSOPT ne grimpe dans son avion. Appelez-nous si vous avez une question au 05 34 43 31 31, c’est maintenant qu'il faut appeler sur la réforme des retraites. Bonjour Olivier DUSSOPT.

OLIVIER DUSSOPT
Bonjour.

BÉNÉDICTE DUPONT
Merci beaucoup d'être avec nous et de répondre à nos questions et à celles des auditeurs et téléspectateurs. Votre patronne Élisabeth BORNE était sur France 2 hier soir pendant 35 minutes pour faire de la pédagogie, pour montrer aussi la détermination du Gouvernement à aller au bout dans cette réforme des retraites. C'est votre boulot aussi à vous sur le terrain ; la preuve, votre déplacement dans le Tarn aujourd'hui. Il y a des oppositions mais vous sentez aussi qu'il y a de l'incompréhension ?

OLIVIER DUSSOPT
Il y a des oppositions, il faut les accepter, il faut les assumer. Il y a aussi parfois des interrogations parce que la question des retraites est une question complexe. Nous avons un système de retraite qui est difficile, qui est extrêmement différent. Il y a 42 régimes, il y a des règles différentes d’une population à l’autre, des règles différentes pour un certain nombre de droits. Par exemple quand on parle de retraite, on pense aussi aux pensions de reversion et pour les pensions de reversion, il y a 13 règles différentes. Parfois on tient compte des revenus, parfois on n’en tient pas compte. Donc tout cela est extrêmement compliqué et cela suscite un certain nombre d'inquiétudes auxquelles il faut savoir apporter des réponses. Et puis il y a une conviction, celle du Gouvernement, celle je crois aussi de beaucoup de Français : c’est que notre système tel qu'il fonctionne aujourd'hui est un système qui peut aller dans le mur, qui va dans le mur dans la mesure où dès 2027 - c'est demain, dans quatre ans - ce sera un déficit de 12 milliards par an, plus de 12 milliards. 15 milliards en 2030, 25 en 2040, et tous les Français savent très bien qu'avec 15, 20, 25 milliards d'euros de déficit par an, les choses ne sont pas tenables et qu'il faut apporter une solution, apporter une réponse pour équilibrer le système et l’améliorer dans le même temps.

BÉNÉDICTE DUPONT
Olivier DUSSOPT, quand même, vous n’avez pas une tâche facile parce que plus on avance dans le temps et plus les Français ne sont pas d'accord avec cette réforme. En tout cas c'est ce que nous disent les sondages ; on en a un qui est sorti hier soir qui dit que 64 % des Français se disent opposés à la réforme des retraites. Un chiffre en hausse de 3 points par rapport à la dernière enquête en janvier dernier. Ce n’est pas un bon indice, ça, pour vous.

OLIVIER DUSSOPT
Ce n’est pas une réforme facile et nous le savions. Nous savons que les réformes des retraites sont tout difficiles. Elles sont difficiles parce que lorsqu’on demande aux Français de faire un effort - parce que c'est un effort de travailler deux ans de plus - nous essayons de faire en sorte que cet effort soit le plus justement réparti en protégeant mieux ceux qui ont des métiers pénibles, en protégeant mieux ceux qui ont commencé à travailler très tôt, en protégeant mieux ceux qui ont des toutes petites retraites, que ce soient les retraités actuels ou les futurs retraités. On va faire en sorte que la retraite minimum soit à 1 200 euros brut, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, ce sera une amélioration, mais ça reste un effort. Ça reste un effort parce que nous demandons aux Français comme je le disais de travailler un peu plus longtemps, pas tous au même rythme, progressivement, en tenant compte des caractéristiques, des difficultés de chacun. Mais ça reste un effort important parce que nous devons faire des efforts pour sauver le système et il n'y a pas beaucoup d'autres alternatives. En réalité, il y a des alternatives, des solutions différentes qui ne marchent pas.

BÉNÉDICTE DUPONT
Parce que si je reprends le sondage dont je parlais, Olivier DUSSOPT, il y a une curiosité : ils avancent une contre-proposition puisque près de la moitié des personnes interrogées se disent prêtes à payer plus de cotisations salariales plutôt que de travailler deux ans de plus. Est-ce que ça c'est une piste ?

OLIVIER DUSSOPT
Ce n'est pas une petite pour deux raisons. D'abord parce qu'en 2030, payer plus de cotisations ça représenterait presque 600 euros par an et par salarié. C’est 50 euros par mois et par salarié, donc je ne suis pas sûr que lorsqu'on pose la question "est-ce que vous êtes prêt à payer plus", tout le monde est prêt à payer autant. Et puis il y a une autre raison, c'est que nous sommes un des pays au monde où le poids des cotisations sociales, le poids des impôts est le poids le plus élevé. Et depuis maintenant plus de 5 ans avec le président Emmanuel MACRON, nous diminuons les prélèvements obligatoires pour retrouver la compétitivité, pour faire face à la compétition internationale et ça marche. Ça marche parce qu’en l'espace d'un peu plus de 5 ans, l'économie française a créé 1,7 millions d’emplois, le chômage est passé de 9,5 à 7,2 % et c'est aussi là un bon indicateur, une bonne politique pour à la fois permettre à tout le monde de trouver un travail, mais de vivre de son travail et donc de lutter aussi contre la pauvreté et la précarité. Donc notre volonté est d'être cohérent, nous ne voulons pas augmenter les prélèvements obligatoires ; ça serait une perte de pouvoir d'achat, ça serait une perte de compétitivité. Nous ne pouvons pas laisser filer la dette, la France est déjà trop endettée. C’est donc la seule solution de travailler un peu plus.

BÉNÉDICTE DUPONT
Ça coûterait trop cher aux Français.

FRANZ MASSARD
Olivier DUSSOPT est notre invité exceptionnel ce matin. Le ministre du Travail répond à vos questions, n'hésitez pas : 05 34 43 31 31. Vous pouvez vous exprimer librement, profitez-en. Il répond à vos questions ce matin en direct sur France Bleu Occitanie jusqu'à 8 heures moins cinq.

BÉNÉDICTE DUPONT
Olivier DUSSOPT, on a bien compris qu'il fallait travailler plus, aller vers ces 64 ans. La question aujourd'hui, c'est plutôt sur quoi vous pouvez encore faire des concessions. On entend des membres du Gouvernement qui le concèdent. Sur les femmes, sur les mères il y aura peut-être quelques concessions à réaliser. Ça fait partie des pistes là aussi dans les prochaines semaines ?

OLIVIER DUSSOPT
Vous le savez, le débat parlementaire va s’ouvrir lundi et j'espère qu'il va être intéressant, même si les oppositions ont déposé plus de 20 000 amendements. Quand on dépose 20 000 amendements, c'est une volonté de blocage, ce n'est pas une volonté de débat. C’est une volonté d’obstruction. Il y a un certain nombre de sujets sur lesquels nous pouvons avancer. Sur la question des femmes, il faut d’abord rappeler qu’aujourd'hui si la retraite des femmes est inférieure à celle des hommes, ça n’a pas à cause du système de retraite mais c’est malheureusement parce que tout au long de la vie en termes de salaire, en termes d’accès à l’emploi, il y a encore une inégalité entre les femmes et les hommes, et si on arrive à résoudre cette inégalité, on aura résolu aussi une inégalité pour les retraites. Sur la question du travail des seniors, la Première ministre l’a dit hier soir : nous sommes prêts à aller plus loin pour que les entreprises, notamment les grandes entreprises, qui ne jouent pas le jeu soient…

BÉNÉDICTE DUPONT
Pénalisées.

OLIVIER DUSSOPT
Amenées à vraiment prendre leurs responsabilités, à éventuellement être pénalisées si ça ne progresse pas, si ça n’avance pas, pour que l’emploi des seniors soit au rendez-vous. Sur tous ces sujets, le débat parlementaire va s’ouvrir et nous sommes prêts à avancer.

BÉNÉDICTE DUPONT
Sur la pénibilité, on a beaucoup entendu la pénibilité dans les manifs. J’y étais encore pour couvrir pour France Bleu la manif de mardi à Toulouse. Beaucoup de monde et beaucoup de gens qui m’ont parlé de la pénibilité de leur métier, que leur pénibilité n’était pas prise en compte. Est-ce que là aussi il peut y avoir encore des concessions ?

OLIVIER DUSSOPT
Mais nous les avons déjà entendus. Dans le cadre de la concertation que j'ai menée avec les organisations syndicales, nous allons faire deux choses. La première, c'est que nous allons améliorer un dispositif qui existe qui s'appelle le compte personnel de prévention que tout le monde appelle le C2P, pour faciliter peut-être d'avoir des points de pénibilité et avec les points vous pouvez partir plus tôt. Ça concerne le travail de nuit par exemple, ça concerne le travail en 3x8. Et puis il y a une pénibilité qui n'était pas prise en compte jusqu'à présent, mal prise en compte sur des charges lourdes, le fait d'être exposé à des vibrations, le fait d'avoir des postures pénibles. On pense aux aides-soignants, on pense à des personnels dans le bâtiment, dans les travaux publics. Et sur ce secteur-là, nous créons un dispositif à la fois de prévention mais aussi de suivi médical pour que ces salariés puissent partir plus tôt parce qu'ils peuvent être usés, et c'est malheureusement souvent le cas, du fait de l'exercice de leur métier, et nous allons consacrer plus d'un milliard d'euros sur les quatre ans qui viennent pour financer ces accords de prévention et financer ces départs anticipés.

BÉNÉDICTE DUPONT
Olivier DUSSOPT, on vous interrompt parce qu'on a une question d'auditeur, quelqu'un qui nous appelle de Castres. C'est Daniel.

FRANZ MASSARD
Bonjour Daniel.

DANIEL, AUDITEUR
Oui, bonjour.

FRANZ MASSARD
Bienvenu en direct.

BÉNÉDICTE DUPONT
Le ministre vous écoute.

OLIVIER DUSSOPT
Bonjour monsieur.

DANIEL
Bonjour. Vous avez dit que vous vouliez réformer les régimes spéciaux. Je voudrais d'abord savoir qu'est-ce que vous allez faire pour le régime spécial de Monsieur le président de la République, des ministres, du Sénat ? Est-ce que ça va être les premiers régimes spéciaux auxquels vous allez vous attaquer ? J’aurais juste une deuxième question mais très rapide aussi, c'est que nous avons actuellement des gens qui sont dans des EHPAD comme a pu être ma mère, j'appelle ça des mouroirs. C'est-à-dire qu'on continue à laisser vivre des personnes très âgées qui demandent…

BÉNÉDICTE DUPONT
Question retraite, Daniel. C'est une question sur la réforme des retraites ?

DANIEL
Oui, mais c'est quand même une retraite parce que ces gens-là continuent à percevoir une retraite. Dès que la retraite elle est touchée, elle va sur le compte de la maison de retraite dans laquelle elle est et donc ça fait juste un transfert d'argent entre la retraite et les gros groupes qui tiennent ces maisons.

BÉNÉDICTE DUPONT
Olivier DUSSOPT, d’abord une réponse à Daniel sur la question des régimes spéciaux concernant les députés et les ministres. Est-ce qu’ils vont être réformés ?

OLIVIER DUSSOPT
D'abord pour rassurer votre auditeur, le régime des députés comme le régime des ministres pour ce qui concerne la retraite est déjà aligné sur le régime général. Progressivement, les députés à plusieurs reprises, en plusieurs étapes ont fait en sorte que le régime de retraite, tant pour le régime de cotisations qui était spécial qui ne l’est plus, que pour l'âge de départ qui était spécial qui n'est plus, et c'est pareil pour les ministres, tout ça est alignée sur le régime général, et je n'ai aucun doute sur le fait qu'avec cette réforme, il y a un nouvel alignement. Pour ce qui concerne les sénateurs, toutes les modifications n'ont pas été faites et il y a un principe dans notre Constitution qui s'appelle la séparation des pouvoirs, et donc c'est l'Assemblée nationale et le Sénat qui doivent prendre les décisions pour eux-mêmes mais la plupart du travail a été fait en termes d'harmonisation, et c'est normal que les députés notamment -je l'avais votée comme député - s'appliquent les mêmes règles que les règles qu'ils votent pour l'ensemble de la population.

BÉNÉDICTE DUPONT
Merci pour cette réponse à Daniel de Castres, Olivier DUSSOPT. Je sais que vous avez…

OLIVIER DUSSOPT
Pardonnez-moi mais je vais juste compléter en disant que les régimes spéciaux pour la RATP, pour les industries électriques et gazières régimes, ces régimes vont être fermés et à partir du 1er septembre 2023, tous les nouveaux embauchés seront au régime général de l'assurance vieillesse, et ces régimes spéciaux s'éteindront dans le temps.

BÉNÉDICTE DUPONT
Olivier DUSSOPT, le ministre du Travail qui était avec nous ce matin sur France Bleu, qui va prendre son avion d'ici quelques instants direction le Tarn, puisque vous êtes en visite du côté d'Albi aux côtés du ministre de l'Agriculture Marc FESNEAU. Merci Olivier DUSSOPT d'avoir été en direct avec nous.

OLIVIER DUSSOPT
Merci à vous.


Source : Service d’information du Gouvernement, le 8 février 2023