Texte intégral
DIMITRI PAVLENKO
Bonjour François BRAUN.
FRANÇOIS BRAUN
Bonjour.
DIMITRI PAVLENKO
Ministre de la Santé. François BRAUN, hier soir sur France 2, Elisabeth BORNE a une fois de plus tenté de convaincre les Français d'adhérer à votre réforme des retraites. Est-ce que vous pensez qu'elle y est parvenue ? Ou vous avez intériorisé cette idée que la bataille de l'opinion, elle était perdue pour l'exécutif ?
FRANÇOIS BRAUN
Non, je crois que c'est important à dire, c'est que, est-ce qu'on peut imaginer qu'un gouvernement fasse une réforme des retraites par plaisir ? Bien sûr que non. Est-ce qu'on peut imaginer que nous n'entendons pas ce qui est dit dans la rue ? Bien sûr que non. C'est un effort qui est demandé aux Français, qui est demandé à tous les Français, et cet effort nous le comprenons de façon bien sûr très très forte. Après, moi ce qui m'importe dans cette réforme en tant que ministre de la Santé et de la Prévention, c'est justement tout ce qui concerne la pénibilité des métiers. Alors on en parle, on n’en parle pas assez. Tout ce qui est prévu dans cette réforme pour diminuer la pénibilité, aménager les fins de carrières, jouer sur les carrières longues, c'est ça aussi qui est important. On demande un effort aux Français, un effort important, pas pour vous, pour moi, qui avons des métiers qui ne sont pas pénibles en tant que tels ; bien sûr ça peut sembler moins important, mais…
DIMITRI PAVLENKO
Le travail de nuit.
FRANÇOIS BRAUN
… pour ceux qui se lèvent tôt le matin, tout le temps, qui travaille à la chaîne, pour l'aide-soignante à l'hôpital qui porte des malades toute la journée, qui a des mauvaises conditions de travail, eh bien, bien sûr c'est très stressant, c'est très important. Mais moi je veux insister sur cette lutte contre la pénibilité, sur ces aménagements de fin de carrière, qu’on va pouvoir faire dans la Fonction publique hospitalière aussi, sur ces reconversions, sur tous ces avantages.
DIMITRI PAVLENKO
Des annonces vont être faites pour renforcer justement, la prévention de la pénibilité, puisque vous êtes je le rappelle, ministre de la Santé et de la Prévention. Est-ce qu'on a suffisamment insisté, l'exécutif a-t-il suffisamment insisté sur ce volet de la réforme qu'il souhaite faire aboutir ?
FRANÇOIS BRAUN
Vous savez, le Gouvernement n'arrête pas d'appuyer sur ces côtés positifs, si je peux m'exprimer ainsi, de cette réforme des retraites pour la pénibilité, sur ce fonds de prévention de la pénibilité, à l'hôpital dans le service public, comme dans le privé…
DIMITRI PAVLENKO
C’est plus d'un milliard d'euros qui est prévu.
FRANÇOIS BRAUN
Tout à fait. Simplement sur le côté privé, vous rajoutez aussi un fonds au niveau de l'hôpital public, par exemple, qui va nous permettre d'aménager tout ça, de diminuer cette pénibilité, et la pénibilité c'est un des repoussoirs actuellement du travail dans l’hôpital.
DIMITRI PAVLENKO
Mais, est-ce qu'il y a, la question qui se pose c'est, celle qui ressort beaucoup en ce moment, c'est : est-ce qu'il y a encore du grain à moudre ? Moi, à la question j’y répondrais différemment : est-ce qu'il y a encore de nouvelles concessions qui pourraient faire accepter les 64 ans ? Est-ce que les multiplier ça fera changer les gens sur cette idée que travailler 2 ans de plus ils n'en veulent pas, François BRAUN ?
FRANÇOIS BRAUN
Vous savez, l'équation elle est simple. Je pense que vraiment tout le monde la comprend. Nous avons un système de retraite par répartition, alors une fois qu'on a dit ça, répartition ça veut dire quoi, ça veut dire que ce sont les actifs, ceux qui travaillent, qui paient la retraite de ceux qui ont fini de travailler. Ce n’est pas partout pareil, c’est un système qui est plutôt très social si je peux m'exprimer ainsi, et que beaucoup de pays nous nous envient, on n'est pas soi-même à cotiser pour sa propre retraite et à capitaliser les choses. Bon. Ce système par répartition il repose sur un équilibre entre les dépenses et les recettes. Les recettes, ce sont ceux qui paient, les dépenses, ce sont ceux qui touchent leur pension de retraite. Eh bien cet équilibre il est déstabilisé, parce qu'on a plus de personnes âgées, on a plus de personnes en retraite, et on a moins de personnes qui paient pour eux. Donc la solution elle est simple : soit on diminue les dépenses, c'est-à-dire qu'on diminue les pensions de retraite, c'est hors de question, soit on augmente les recettes. Pour augmenter les recettes, on augmente les impôts, ce n’est pas le choix que fait ce Gouvernement.
DIMITRI PAVLENKO
Oui.
FRANÇOIS BRAUN
Et sinon, il faut demander aux gens de travailler un peu plus, c'est un effort important, mais qui est le garant de maintenir ce pacte social et est intergénérationnel.
DIMITRI PAVLENKO
Bon, venons-en à vos dossiers chauds, à vous François BRAUN, ils sont nombreux, il y a beaucoup d'actualité. Europe 1 révélait justement qu’un million de doses d'Amoxicilline arrive là dans les 15 jours qui viennent, pour détendre un peu à la situation compliquée qu'on a vécue cet hiver avec des pénuries de cet antibiotique à large spectre, très très utile en période d'épidémie, pendant l'hiver. Alors, première question d'abord : est-ce que c'est un « one shot », comme on dit malheureusement en mauvais français, en anglais, est-ce que c’est pour une seule fois ou est-ce que derrière ça y est on va retrouver une constance dans l'approvisionnement de ce médicament ? Vous avez rencontré les industriels de la pharmacie hier soir, que vous êtes-vous dit, avec eux, François BRAUN ?
FRANÇOIS BRAUN
Effectivement, hier soir j'ai réuni avec mon collègue Roland LESCURE, ministre de l'Industrie, l'ensemble de ce qu'on appelle la filière, c'est-à-dire des industriels qui produisent le médicament, ceux qui produisent le packaging, je suis désolé pour ce mot anglais, mais qui est en fait l'emballage du médicament, ceux, des grossistes, les pharmaciens et les patients, l'association de patients, pour dire une chose très simple : plus jamais ça. Plus jamais ça, cette pénurie de médicaments essentiels pendant une période hivernale où on sait qu'on en a besoin. Alors…
DIMITRI PAVLENKO
Mais là, depuis des années on a constamment des pénuries de médicaments, François BRAUN.
FRANÇOIS BRAUN
On en a régulièrement. Les causes sont multiples, je ne vais pas toutes les lister ici, ça n'a aucun intérêt. Mais effectivement, là, deux réactions immédiates. La première, on va revenir dans les 2 semaines qui viennent à un mois de stock supplémentaire en Amoxicilline. Nous avons récupéré des stocks de Paracétamol, donc nous sommes sortis de cette période de crise, là, dans les 2 semaines qui viennent. Ça c'est important.
DIMITRI PAVLENKO
D'où vient cet Amoxicilline, ce million de doses qu'on va trouver dans les pharmacies prochainement ?
FRANÇOIS BRAUN
C’est le travail fait par les industriels, qui ont travaillé jour et nuit, qui ont activé toute leurs chaînes de production, sur les principes d'Amoxicilline qui nous manquaient, des dosages qui nous manquaient. Donc là on récupère les choses. Mais, plus jamais ça, ça veut dire aussi que nous devons prévenir ces effets de pénurie, prévenir c'est établir la liste des médicaments qu'on appelle critiques, des médicaments essentiels. Ça je l'ai demandé pour le mois de juin. Etablir cette liste, c'est 170 médicaments à peu près aux Etats-Unis, pour vous donner un exemple. Il ne faut pas oublier ce qu'on appelle les dispositifs médicaux, les poches à perfusion, les lignes à perfusion, ça en fait partie aussi. Donc établir cette liste. Pour cette liste, identifier tous les endroits où il peut y avoir des problèmes, et mettre les actions pour anticiper ces problèmes. Ça c'est le premier point. Le deuxième point…
DIMITRI PAVLENKO
Donc ce sont les industriels qui vont mener ce travail d'identification.
FRANÇOIS BRAUN
Alors, ce sont les industriels, avec nos deux ministères, de la Santé et de l'Industrie bien entendu. Nous avons l'Agence de sécurité du médicament qui fait un travail remarquable, qui surveille ça, c'est eux qui nous alertent quand il y a des problèmes. Ça c'est la première étape. La deuxième étape, et je leur ai dit : « c'est fini, on a l'hiver, c'est tous les ans, les épisodes d'infections c'est tous les ans, donc maintenant on anticipe sur l'hiver prochain, quitte à faire des stocks préalables ». Et puis le troisième point c'est : on fait un plan blanc, un plan blanc du médicament pour que, dès qu'on a une crise, on puisse avoir sur la table, là, la liste de toutes les actions immédiates, rapides…
DIMITRI PAVLENKO
Qu’est-ce que vous appelez un plan blanc du médicament, François BRAUN ?
FRANÇOIS BRAUN
Un plan blanc, c'est-à-dire, vous savez, pour avoir une crise, il faut que ce soit quelque chose que l'on n’attend pas, sinon on l'anticipe, c'est tout l'intérêt. Eh bien cette crise ça peut être, je ne sais pas, une usine qui produit un médicament, qui brûle, et du jour au lendemain on n’en a plus. Qu'est-ce qu'on fait pour…
DIMITRI PAVLENKO
L’hiver ne doit pas être une crise.
FRANÇOIS BRAUN
Ah, l'hiver ne doit pas être une crise. L’hiver arrive tous les ans, ce n'est pas une crise, c'est de prévention.
DIMITRI PAVLENKO
D'accord. Le plan blanc. Alors, autre actualité vous concernant, la revalorisation des tarifs de consultation, ça a mis très en colère les syndicats de médecins généralistes qui se sont mis en grève, on s'en souvient, au début du mois de janvier. Hier soir, la Sécurité sociale a proposé une revalorisation, pratiquement symbolique, aux généralistes, de 1,50 €, c'est-à-dire que la consultation est à 25 €, la Sécu leur propose 26,50, eux souhaitaient 50 €, ils espéraient au minimum 30. Alors, il se trouve que Europe 1 a contacté ce matin Jérôme MARTY, le médecin généraliste président de la Fédération nationale de la médecine libre, je vous propose François BRAUN, que l'on écoute sa réaction.
JEROME MARTY
C'est absolument pas de nature à calmer la colère des médecins, et donc on se demande quel est ce jeu ce que veut jouer le Gouvernement. Monsieur le Ministre de la Santé, il est temps de miser sur la médecine de ville, qui est la seule à même, à la fois de sauver le secteur public, mais également la seule à même d'aménager le territoire, de ramener le soin aux patients, et de faire installer tous ces jeunes. 1,50 €, manifestement on ne rend pas attractif ce métier et on ne va pas les faire installer.
DIMITRI PAVLENKO
Alors, François BRAUN quelle est votre réponse à cette réaction très vive de Jérôme MARTY qui nous dit « ça n'est pas assez, 1,50 € » ?
FRANÇOIS BRAUN
Alors, je connais bien Jérôme MARTY, et j'aurais envie de lui dire deux choses. La première, c'est que nous sommes en négociations. Le principe des négociations c'est qu'on pose des options sur la table, qu'on en discute et qu'on aboutit in fine à quelque chose qui est de nature à satisfaire tout le monde. Le deuxième point, j'entends la colère des médecins, mais je veux que les médecins entendent la colère des Français. Les Français n'en peuvent plus de ne pas avoir accès à un médecin. Les Français n'en peuvent plus lorsqu'ils ont une maladie chronique, ils sont plus de 600 000 aujourd'hui, à ne plus avoir de médecin traitant. Donc je crois que ça il faut l'entendre aussi. Et…
DIMITRI PAVLENKO
Donc vous dites que c'est leur faute, c'est la faute des médecins généralistes si 600 000 malades chroniques n'ont pas de généralistes aujourd’hui ?
FRANÇOIS BRAUN
Ce n’est pas la faute des médecins généralistes, les médecins généralistes ne sont pas responsables de la situation du système de santé actuellement, les soignants ne sont pas responsables de cette situation, mais je dis simplement qu'il faut entendre l'ensemble, il ne faut pas se concentrer dans son couloir comme on dit, et ne pas voir ce qui se passe autour.
DIMITRI PAVLENKO
Mais enfin, très concrètement, qu'est-ce que vous sous-entendez François BRAUN, ça veut dire une revalorisation plus intéressante, mais en échange peut-être une obligation d'installation, un peu plus de coercition dans vos relations avec les médecins généralistes ?
FRANÇOIS BRAUN
Je me suis exprimé dès que je suis arrivé, sur la coercition. Je ne suis pas pour la coercition. Parce que la coercition ça ne marche pas. Je suis plutôt pour du donnant-donnant, c'est-à-dire un équilibre dans ce que l’on fait. On renforce, on augmente ces consultations.
DIMITRI PAVLENKO
Alors, qu’est-ce que vous leur demandez, qu’est-ce qu’ils doivent donner ?
FRANÇOIS BRAUN
Mais ils doivent donner une réponse à l'échelle des territoires où ils sont. On doit pouvoir avoir un médecin quand on en a besoin, même si c’est le week-end. On doit voir un médecin traitant lorsqu'on cherche un médecin traitant. On doit pouvoir avoir accès à des médecins spécialistes dans des délais raisonnables, en fonction de cette pathologie. C'est tout ça que je veux construire avec les médecins, et d'ailleurs je peux vous dire aujourd'hui que, dans cet objectif, que ce soit pour la ville comme pour l'hôpital, parce que vous savez, notre santé elle marche sur les deux jambes, la ville, l'hôpital, la prévention, le soin, les soignants, les patients.
DIMITRI PAVLENKO
Bien sûr. Mais pour revenir aux 1,50 €, vous dites en substance, ça n'est pas votre dernier mot, mais en échange vous attendez un geste, un effort des médecins généralistes. Vous entendez quoi par effort ? C'est-à-dire plus de gardes de nuit, de week-ends, ce genre de choses ?
FRANÇOIS BRAUN
J'attends que les besoins de santé de la population soient couverts. Voilà. Ce n’est pas une question de savoir s'il faut mettre plus de gardes ou pas plus de gardes, je veux simplement qu'on ait accès à un médecin la nuit par exemple. Mais vous savez, si lest médecins généralistes attendent un geste, je peux vous annoncer que, hier soir le gouvernement a porté un amendement dans cette réforme des retraites, puisque la réforme des retraites c'est un texte de Sécurité sociale, donc nous avons porté un amendement qui augmente de 150 millions le budget alloué cette année à la médecine de ville, et de 600 millions pour l'hôpital, pour couvrir l'ensemble des mesures de ma feuille de route, que j'ai commencées et que j'ai annoncées.
DIMITRI PAVLENKO
J'ai de nombreuses questions encore pour vous, mais nous sommes un peu pris par le temps, François BRAUN. Je vous poserai celle-ci : Gabriel ATTAL veut tester la semaine des 36 heures sur 4 jours, aux URSSAF de Picardie. Alors, ce qui semble être une première étape vers l'ouverture d'un chantier sur le travailler mieux dans la Fonction publique. Alors, c'est notamment un gros sujet, je sais que vous y êtes sensible, à l'hôpital. Vous avez en tête des mesures pour améliorer la qualité du travail à l'hôpital. Quelles sont les mesures prioritaires auxquelles vous songez François BRAUN ?
FRANÇOIS BRAUN
Déjà, dire que travailler 4 jours à l'hôpital, c'est déjà très courant, puisque beaucoup d'infirmières et d’aides-soignantes travaillent en 12 heures, donc c'est quelque chose que l'on connaît. C'est pénible aussi. C'est-à-dire maintenir son attention, dans ces métiers du soin pendant 12 heures, c'est pénible. Maintenant, pour redonner un petit peu d'envie et faire diminuer cette pénibilité, eh bien des premières mesures dans ma feuille de route, c'est de revenir à l'échelle du service, c'est-à-dire de ne plus être dans ces grands mondes de pôles, avec des centaines de soignants, revenir à l'échelle du service, parce que dans le service on se connaît. Et pourquoi je dis ça, parce que dans mes nombreux déplacements, c'est exactement ce qu'on me demande. C'est aussi donner du temps de soins, c'est-à-dire les soignants doivent faire du soin. Ça semble évident quand on dit ça comme ça, mais ils sont noyés par de la paperasserie. Imaginez que même pour les médecins de ville, un médecin de ville, c’est 20 % de son temps à faire des paperasses. 20 % c'est un jour par semaine. Donc il faut qu'on casse tout ça. J'aurai des annonces la semaine prochaine sur les certificats, on en a beaucoup parlé. Donc il faut recentrer les soignants sur le soin, il faut recréer cet esprit d'équipe, il faut aménager les horaires en fonction des besoins et ne plus être rigide comme l'a dit le président de la République.
DIMITRI PAVLENKO
Merci François BRAUN d'être venu nous voir ce matin sur Europe 1. Le ministre de la Santé était l'invité d'Europe Matin. Bonne journée à vous
source : Service d’information du Gouvernement, le 8 février 2023