Interview de M. Franck Riester, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, à France 2 le 3 février 2023, sur la réforme des retraites et les conditions de travail.

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Média : France 2

Texte intégral

JEFF WITTENBERG
Bonjour à tous. Bonjour Franck RIESTER.

FRANCK RIESTER
Bonjour Jeff WITTENBERG.

JEFF WITTENBERG
Et nous on va parler de cette réforme des retraites bien évidemment encore et toujours puisqu’Elisabeth BORNE était notre invitée hier soir sur France 2 et force est de constater que l’exercice de pédagogie auquel s’est livrée Madame BORNE, la Première ministre, n’a pas convaincu les opposants à la réforme, en particulier Laurent BERGER qui intervenait juste après elle, et le numéro 1 de la CFDT a dit qu’après les propos de la Première ministre qu’il a trouvée, je le cite, peu empathique, eh bien le mouvement allait encore, le mouvement de protestation, allait encore s’amplifier. Qu’en pensez-vous ?

FRANCK RIESTER
Ecoutez l’empathie c’est d’être attentif au sort des Français, c’est leur dire la vérité, Elisabeth BORNE dit la vérité aux Français contrairement à certains opposants qui mentent aux Français. Si nous ne faisons rien, si nous ne réformons pas notre système de retraite, nous ne pourrons pas dans l’avenir assumer les retraites de nos compatriotes, il y aura des baisses de retraites. Nous ne pouvons pas laisser un système qui va être déficitaire progressivement, de plus en plus, jusqu’à atteindre des déficits de 15 ou milliards d’euros par an, et donc il faut prendre des décisions, il faut agir. Etre empathique avec les Français c’est leur dire la vérité et agir pour leur avenir, et notamment agir pour ceux qui en bénéficient le plus de ce système, ce sont les classes moyennes, qui n’ont pas les moyens peut-être d’acquérir un patrimoine qui les sécurise pour leur avenir, qui ont besoin, pour leur retraite, d’être certains que le système de retraite par répartition, qui est au coeur de notre solidarité intergénérationnelle, sera sauvegardé.

JEFF WITTENBERG
Monsieur RIESTER vous parlez des classes moyennes, quand Frédéric SOUILLOT, un autre leader syndical, le numéro 1 de Force ouvrière, dit que cette réforme elle est invendable parce qu'elle pénalise, je le cite, les plus précaires, vous avez quelque chose à lui répondre, est-ce qu'il n'est pas vrai que les plus précaires, ceux qui appartiennent aux catégories les plus modestes, seront pénalisés par cette réforme ?

FRANCK RIESTER
Alors d'abord, le système de retraite il est aussi le reflet de la vie professionnelle, il est le reflet du monde du travail, et donc nous devons continuer à faire ce que nous faisons avec le Gouvernement, à la demande du président de la République, de la Première ministre, faire en sorte que les conditions de travail, faire en sorte que l'organisation du travail en France, s'améliore…

JEFF WITTENBERG
Mais sur la réforme des retraites ?

FRANCK RIESTER
C’est toute la stratégie du plein emploi qui se démultiplie avec l'assurance chômage, avec demain un projet d'Olivier DUSSOPT sur le plein emploi, sur la réforme de France travail…

JEFF WITTENBERG
Ça ne répond pas à la question si je peux me permettre.

FRANCK RIESTER
Si, si, sur la réforme des retraites, et la réforme des retraites, enfin la retraite est le reflet aussi de la vie professionnelle, mais dans ce système de retraite nous voulons faire en sorte de sécuriser les plus modestes, sécuriser les classes moyennes, en leur garantissant que le système continuera de les rémunérer pour ça, et ça ne pénalise pas les plus précaires bien évidemment puisque des dispositifs, qui sont importants, permettent, dans notre système, de garantir une retraite pour ces plus précaires et ces plus modestes.

JEFF WITTENBERG
Vous-même, Franck RIESTER, vous avez dit il y a quelques jours, vous avez fait un constat, ou peut-être un aveu, en disant que les femmes étaient désavantagées par cette réforme, Madame BORNE vous a en quelque sorte contredit hier, quelle est la réalité, est-ce que oui ou non les femmes qui ont eu des enfants, qui pourront bénéficier de trimestres supplémentaires, mais qui verront elles aussi l'âge reculer, ne sont pas, comme vous l'avez vous-même reconnu, les perdantes de cette réforme ?

FRANCK RIESTER
Ecoutez Jeff WITTENBERG je ne vais pas passer du temps à commenter les commentaires ou les manipulations de…

JEFF WITTENBERG
Vous l’avez dit quand même !

FRANCK RIESTER
De propos écourtés, mais je vais vous répondre. Cette réforme, elle corrige des injustices du système pour les femmes, à tel point, Elisabeth BORNE l’a dit hier, qu'après la réforme, alors qu'aujourd'hui les femmes partent en même temps, en moyenne, au même âge que les hommes, demain, après la réforme, elles partiront plus tôt. Cette réforme va corriger un certain nombre d'inégalités ou d’injustices notamment en prenant en compte les congés parentaux, qui aujourd’hui ne sont pas pris en compte notamment pour les carrières longues, va permettre, puisque vous savez qu’au coeur de la réforme il y a l'amélioration aussi des petites retraites, et ce sont souvent les femmes qui du fait, là encore, du marché du travail et des inégalités salariales, sont souvent celles qui ont les plus petites retraites, donc c'est celles qui vont en bénéficier le plus.

JEFF WITTENBERG
Alors peut-être qu’effectivement cette réforme n'est pas suffisamment lisible puisque vous-même vous aviez, donc si j'ai bien compris, dit quelque chose qui n'est pas tout à fait vrai en disant que cette réforme pénalisait les femmes, c’est vous Monsieur RIESTER qui l’avait…

FRANCK RIESTER
Ecoutez, on peut passer toute l’émission, Jeff WITTENBERG, à commenter des propos manipulés, je préfère qu’on parle de la réforme.

JEFF WITTENBERG
Alors, sur un autre propos, vous me direz si c’est manipulé, lorsqu’Emmanuel MACRON lui-même disait en 2019, ça a été rappelé lors du débat hier, qui suivait l’émission, que la réforme d'âge était injuste, notamment pour les travailleurs les plus modestes qui ont déjà du mal, je cite le président à l'époque, à aller à 62 ans, est-ce que lui-même n'a pas changé d'avis ?

FRANCK RIESTER
Ça peut être injuste si, contrairement à cette réforme, on ne prend pas en compte la pénibilité, on ne prend pas en compte les carrières longues, or cette réforme justement prend en compte la pénibilité, prend en compte les difficultés, les conditions de travail, prend en compte les conséquences du travail sur les travailleurs, prend en compte aussi celles et ceux qui ont travaillé tôt. Je rappelle quand même qu’après la réforme 4 Français sur 10 partiront avant l’âge des 64 ans…

JEFF WITTENBERG
Ça a été rappelé.

FRANCK RIESTER
Mais oui, mais c’est important de le dire.

JEFF WITTENBERG
Mais les 64 ans on n’y reviendra pas, c’est toujours non négociable comme l’a dit la Première ministre, c’est ce qui va nous amener d’ailleurs à la discussion parlementaire…

FRANCK RIESTER
Mais ce qui n’est pas négociable, Jeff WITTENBERG, c’est l'équilibre du système, encore une fois on ne fait pas cette réforme pour se faire plaisir, on l'a fait parce que c'est l'intérêt général, parce que c'est qui sauvera un des fondamentaux, un des fondements de notre modèle social, qui est au coeur de la solidarité intergénérationnelle, auquel les Français sont attachés, et ceux qui disent qu’on peut ne rien faire, ne pas réformer, mentent…

JEFF WITTENBERG
Ou faire un autre système par exemple.

FRANCK RIESTER
Alors l’autre système c’est quoi ?

JEFF WITTENBERG
C’est par exemple taxer les 42 plus grandes fortunes de France comme le propose la France insoumise, ce qui dégagerait l’argent nécessaire.

FRANCK RIESTER
Mais c’est de la démagogie sur les plateaux, et concrètement, dans les amendements qu’ont déposé les députés NUPES, par exemple, pour la séance, il y a des amendements qui augmentent les cotisations sociales pour les entreprises. Augmenter les cotisations sociales des entreprises c’est toucher à la compétitivité de notre économie, c’est un boulanger, un artisan, un commerçant, qui va devoir payer des centaines d’euros de plus de charges sociales pour ses salariés, au détriment de l’emploi et au détriment, in fine, des salaires et des pensions de retraite des salariés, c’est ça la réalité de l’alternative qui est proposée.

JEFF WITTENBERG
L’alternative qui est proposée, en tout cas ce que vous vous proposez, on le voit sur ces images, ça ne convainc pas les Français, quand vous avez trois quarts des Français qui sont contre la réforme on peut y aller quand même et la faire malgré ce mur de l’opinion ?

FRANCK RIESTER
Ecoutez, la mobilisation sociale elle s’exprime dans des manifestations, elle peut s’exprimer dans des grèves, mais je dirais la parole du peuple elle s’exprime au Parlement, pas à travers ses représentants. Il va y avoir un débat au Parlement, il y aura des votes, et moi je suis un démocrate et je pense que respecter la démocratie, d’ailleurs Laurent BERGER…on verra quelles seront les décisions prises par le Parlement et nous faisons confiance au Parlement, et en tant que ministre en charge des Relations avec le Parlement je suis évidemment bien placé pour le dire, pour voter, améliorer, enrichir et voter le texte.

JEFF WITTENBERG
On va voir des images du Parlement, 20.000 amendements sont déposés, la discussion commence lundi. Est-ce que vous êtes, comme certains de vos collègues du Gouvernement, de la majorité, en train de dire que 20.000 amendements c’est de l’obstruction, c’est une expression qu’on a entendue plusieurs fois ?

FRANCK RIESTER
En tout cas c’est la preuve que nos oppositions, qui ont déposé tous ces amendements, parce qu’il y a des oppositions constructives, des oppositions qui veulent faire un travail de qualité, mais les oppositions, comme la NUPES qui a déposé effectivement des dizaines de milliers d’amendements, ne veulent pas le débat, en fait…

JEFF WITTENBERG
13.000 pour la France insoumise, est-ce que ce n’est pas le jeu de la démocratie Monsieur RIESTER ?

FRANCK RIESTER
En fait ils refusent le débat, ils refusent le débat parce qu’ils n’ont pas envie justement qu’on pointe du doigt les défaillances de l’alternative qu’ils proposent, alors quant au FN il n’y a même pas d’alternative parce que c’est le vide sidéral leurs propositions, en revanche la NUPES ils proposent effectivement d’augmenter de manière très importantes les impôts, on a fait la somme de toutes les augmentations qu’ils proposent, c’est 110 milliards d’euros, et c’est notamment des augmentations de cotisations sociales, encore une fois je le répète, pour des entreprises, et notamment les plus petites, qui seront impactées directement par cette proposition, ce n’est pas possible.

JEFF WITTENBERG
La Première ministre a dit hier qu’elle ne souhaitait pas, elle n’imaginait pas que cette loi, au final, serait votée par un 49.3, ou un autre article, l’article 47.1, ou le recours à des ordonnances, est-ce que vous aussi, vous êtes un peu l’expert en la matière, puisque vous êtes ministre des Relations avec le Parlement, vous êtes convaincu qu’il y aura une majorité classique pour voter ce texte, à l’heure où nous nous parlons ?

FRANCK RIESTER
Vous savez, depuis le début du quinquennat, à part le budget et le budget de la Sécurité sociale, qui sont les marqueurs de l’appartenance à l’opposition, qui ont été votés par 49.3, tous les autres textes ont trouvé des majorités plus larges que la majorité présidentielle, parce que nous avons écouté, parce que nous avons travaillé très en amont, avec les parlementaires, parce que nous avons modifié le texte dans la discussion parlementaire…

JEFF WITTENBERG
Mais aujourd’hui… y compris dans votre propre camp.

FRANCK RIESTER
On est dans cet état d’esprit-là pour cette loi, nous voulons faire voter la loi avec une majorité plus large que la majorité présidentielle, nous y travaillons, nous avons travaillé en commission, nous avons travaillé avant le texte, avec trois mois de concertation, et notamment avec les forces politiques, les forces syndicales, mais aussi les forces politiques, et là nous avons deux semaines de travail et nous allons pour l’Assemblée nationale, et ensuite il y aura le Sénat, donc nous sommes convaincus que nous trouverons une majorité plus large pour réformer le système de retraite par répartition.

JEFF WITTENBERG
Une toute dernière question, la clause de revoyure proposée par le MoDem, c’est-à-dire on revoit en 2027 s’il ne faut pas attendre un petit peu avant de passer de 63, puisque ça sera la première étape, à 64 ans, oui ou non, c’est possible ?

FRANCK RIESTER
Nous ne voulons pas toucher au coeur de notre réforme, qui vise à équilibrer le système, en repoussant progressivement jusqu’en 2030 l’âge de départ en retraite.

JEFF WITTENBERG
Donc pas de clause de revoyure ?

FRANCK RIESTER
En revanche faire le point régulièrement sur l’évolution de ce système de retraite et de la réforme, bien sûr.

JEFF WITTENBERG
On vous a entendu ce matin, merci beaucoup Franck RIESTER…

FRANCK RIESTER
Merci à vous.

JEFF WITTENBERG
Ministre chargé des Relations avec le Parlement, et on verra beaucoup à partir de lundi à l’Assemblée nationale.

FRANCK RIESTER
Merci beaucoup.


Source : Service d’information du Gouvernement, le 8 février 2023