Interview de M. Roland Lescure, ministre chargé de l’Industrie, à RTL le 3 février 2023, sur les pénuries de médicaments et l'industrie pharmaceutique.

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Texte intégral


JÉRÔME FLORIN
Bonjour Roland LESCURE.

ROLAND LESCURE
Bonjour.

JEROME FLORIN
Ministre délégué à l'Industrie, et notamment à l'industrie du médicament. Merci d'être en direct avec nous ce matin sur RTL.

ROLAND LESCURE
Merci à vous.

JEROME FLORIN
Où en est-on ce matin des ruptures de Paracétamol et d'Amoxicilline, cet antibiotique pour les enfants ? Est-ce qu'on en voit le bout ou pas ?

ROLAND LESCURE
Oui, on en voit le bout. Alors, vous savez que ces tensions sur ces deux médicaments importants, qui sont beaucoup consommés pour des bonnes raisons, par les Françaises et les Français, elles viennent du fait que, en sortant de Covid, les industries pharmaceutiques, il faut le reconnaître, avaient mal planifié la sortie de crise. Pendant 2 ans on portait des masques, on était beaucoup soigné à l'hôpital et beaucoup moins en ville, et c'est vrai qu'en 2022, la consommation a explosé, les industries n'étaient pas prêtes. Alors, ils ont fait des efforts. Moi je tiens quand même à saluer l'ensemble des industriels, et notamment deux d'entre eux, UPSA, que j'ai visité à Agen, qui travaille la nuit et qui m'a annoncé il y a maintenant 3 semaines, qu’il redirigeait un million de doses de Paracétamol pédiatrique vers la France. Et c'est une annonce que je vous fais aujourd'hui, GSK, qui est le principal producteur d'Amoxicilline, donc cet antibiotique, notamment délivré en période de bronchiolite, qui nous annonce aujourd'hui qu’un million de doses supplémentaires vont être réservées à la France dans les semaines qui viennent. Un million de doses, c'est un mois de consommation, donc on rattrape le retard qu'on avait accumulé, donc maintenant il faut évidemment que tout ça arrive dans les officines, mais d'ici à mon avis 2 semaines ça devrait être réglé. Cela dit…

JEROME FLORIN
C’est réglé provisoirement.

ROLAND LESCURE
Exactement. Cela dit, cette situation, on a rassemblé l'ensemble des acteurs avec mon collègue François BRAUN hier, elle est inacceptable, ça ne peut plus se produire. Donc ça va être réglé pour cette année, mais on met en place une feuille de route pour éviter que ça se produise à nouveau évidemment.

JEROME FLORIN
Roland LESCURE, ça veut quand même dire qu'on exporte, alors qu'on est en pénurie chez nous. Il y a quelque chose qui ne va pas.

ROLAND LESCURE
Non, alors on exporte certains qui sont produits chez nous, on en importe d'autres qui sont produits ailleurs. Vous savez que SANOFI produit du Paracétamol, et qu'une bonne partie est produite en Allemagne. Donc il faut évidemment garder le monde ouvert, mais il a fallu, et on a insisté auprès des producteurs pour qu'ils le fassent, rediriger une partie des doses vers la France, ça a été fait. On a aussi interdit ce qu'on appelle, aux grossistes répartiteurs, d'exporter, et donc ceux qui récupèrent les médicaments chez les producteurs et qui les répartissent dans les pharmacies, n’ont plus le droit d’exporter. On a aussi interdit les ventes par Internet. Donc on a pris un certain nombre de mesures de court terme, qui ont permis d'améliorer la situation. Je le répète, on est en train de sortir de cette crise, maintenant il faut que ça ne se reproduise plus. Ça, il y a trois choses à faire : un, relocaliser la production en France, on commence à le faire pour le paracétamol, on va le faire dans un certain nombre de…

JEROME FLORIN
On va en reparler dans un instant, mais sur… Le laboratoire SANOFI, parce que vous en parliez, qui produit le Doliprane, nous dit qu'il n'a jamais autant produit cette année, et pourtant c'est la pénurie dans les pharmacies. Ça veut dire que les labos exportent dans des pays où ils gagnent plus, ils vendent au plus offrant ?

ROLAND LESCURE
Non non, ça veut dire que la consommation a beaucoup beaucoup augmenté par rapport à deux années, 20 et 21, où elle a été faible. Et ils produisent plus que jamais maintenant, c'est très bien, puisqu'ils ont accéléré les cadences ces dernières semaines, SANOFI, UPSA, GSK, tout ça, ils produisent 24/7. Donc, 24 heures par jour, 7 jours sur 7, mais il y a eu du retard à l'allumage, il faut le reconnaître. Ensuite, qu’il faille revoir la politique de tarification du médicament, on en convient bien, il y a des sujets à faire, pour s'assurer que ça maintienne de l'industrialisation en France…

JEROME FLORIN
Parce qu'il faut rappeler que l'Assurance maladie, qui rembourse ces médicaments, met la pression pour avoir des prix plus bas. Les fabricants, souvent, en France, vendent à perte.

ROLAND LESCURE
Et on comprend pourquoi, parce qu'il faut évidemment maintenir des dépenses de santé auxquelles on est tous attachés, dans des proportions acceptables. Donc il y a un vrai triangle des Bermudes dans la santé aujourd'hui. Il faut soigner les Français à un coût raisonnable et réinstaller des industries pharmaceutiques en France. Ça c'est notre mission avec François BRAUN. On a identifié un certain nombre de molécules pour lesquelles on va favoriser, via de l'aide publique, la réindustrialisation en France. On va remettre à plat la politique de tarification, ça c'est la Première ministre qui me l'a demandé, donc on a lancé une mission la semaine dernière, avec des personnalités qualifiées de l'industrie, et des experts, pour remettre tout cela à plat. Soyons quand même fiers de notre système de santé, mais vous savez…

JEROME FLORIN
Oui, je vous trouve bien optimiste monsieur LESCURE, parce que je vous cite Stéphane JOLY, c'est le président du syndicat des industriels du médicament générique, qui dit à nos confrères des Echos : « Les ruptures d'approvisionnement ont fortement augmenté depuis juin 2022, et je pense que ça va être puissance 10 cette année ». Pas très rassurant.

ROLAND LESCURE
Non, et c'est pour ça d'ailleurs qu'on a mis en place un plan d’action. Alors, sur les génériques, on a aussi annoncé hier qu'ont bloquait les baisses de prix, donc on arrête de baisser les prix d'un certain nombre de médicaments importants, on va peut-être même ici ou là autoriser des hausses de prix pour ceux qui sont particulièrement importants, et j'allais dire particulièrement pas rentables. Mais, vous savez que ces pénuries, elles existent ailleurs aussi aujourd'hui…

JEROME FLORIN
Oui oui, ce n’est pas qu’en France.

ROLAND LESCURE
… au Royaume-Uni, en Allemagne, en Espagne, etc. On a une industrie qui globalement était quand même, il faut le reconnaître, pas prête à la sortie de crise. On a eu des tensions particulières en France, parce que vous savez qu'en France on consomme plus de Paracétamol qu'ailleurs, plus d'antibiotiques qu’ailleurs, donc il y a aussi un défi je dirais de comportement collectif, pour consommer un peu moins de tout ça. Mais aujourd'hui, clairement…

JEROME FLORIN
Mais peut-être que les médecins prescrivent moins.

ROLAND LESCURE
Eh bien je pense qu’on a… Hier on a rassemblé tout le monde. Il y avait des pharmaciens, il y avait les producteurs, il y avait des associations de patients, il y avait les médecins, les hôpitaux. On a tous un rôle à jouer, pour à la fois préserver notre modèle, en assurant peut-être des consommations un peu moins importantes, en assurant qu'on puisse produire en France et en assurant qu'on régule bien le prix du médicament. Chacun a un rôle à jouer pour préserver notre beau modèle.

JEROME FLORIN
Est-ce qu'il faut demander à SANOFI, comme pour GSK, de ne pas exporter une partie de ce qu'il produit dans son usine de Lisieux ?

ROLAND LESCURE
Non, moi je ne pense pas…

JEROME FLORIN
Non, d’accord.

ROLAND LESCURE
… qu'il faille fermer les frontières. Si vous voulez, quand on ferme les portes, elles se ferment dans les deux sens. Il y a une partie du Paracétamol, qui je le répète, notamment le principe actif, qui est importé de l'étranger. En revanche, il a fallu augmenter la cadence, ils l'ont fait. Je salue UPSA et GSK qui ont redirigé chacun un million de doses en France. Si SANOFI veut en faire autant, je suis… ils sont évidemment les bienvenus.

JEROME FLORIN
Merci beaucoup Roland LESCURE, ministre délégué à l'Industrie, et donc on l'a compris, à l'industrie du médicament notamment. Merci beaucoup, bonne journée à vous.

ROLAND LESCURE
Merci, bonne journée.


Source : Service d’information du Gouvernement, le 8 février 2023