Déclaration de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique, sur le projet de loi sur l'accélération de la production des énergies renouvelables, au Sénat le 7 février 2023.

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Circonstance : Examen au sénat du projet de loi sur l’accélération de la production des énergies renouvelables

Texte intégral

Madame la Présidente,
Madame la Présidente de commission, Monsieur le Président de commission,
Messieurs les Rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,


Le projet de loi sur l’accélération de la production des énergies renouvelables touche à sa fin au Sénat, là-même où il a commencé.

Ce projet de loi se veut une réponse à trois chiffres que je vous avais exposés. Trois données qui soulignent la nécessité d’agir. Trois données qui démontrent à quel point notre pays se trouve à un tournant historique.

Deux-tiers.

C’est la part d’énergies fossiles dans notre consommation finale d’énergie. Deux-tiers de gaz, de fioul et de carburant, dont nous ne pouvons aujourd’hui pas nous passer pour notre industrie ; pour nous déplacer et nous chauffer. Deux-tiers d’énergies fossiles importées, au détriment de notre balance commerciale comme de notre souveraineté.

2035.

C’est la date à laquelle 26 de nos 56 réacteurs nucléaires arriveront au terme de cinquante années d’exploitation. Tous devront alors passer le cap d’un contrôle de sûreté approfondi pour être prolongés dix années de plus. Vous le savez, en matière énergétique, 2035 c’est demain.

60%.

C’est selon RTE la proportion d’électricité que nous devrons produire en plus à l’horizon 2050 pour répondre à nos besoins croissants d’électrification pour l’industrie, les transports et les bâtiments, si nous voulons devenir le premier grand pays industriel au monde à sortir des énergies fossiles et à atteindre la neutralité carbone.

Si nous voulons devenir enfin maîtres de notre destin énergétique, nous ne pourrons nous passer d’aucune énergie décarbonée, nucléaire comme renouvelable, tant la marche à franchir est haute.

Nous devons accélérer. Accélérer car nous sommes le seul pays européen à ne pas avoir atteint ses objectifs de déploiement des énergies renouvelables. Accélérer car face au dérèglement climatique, tous les scientifiques nous le disent : nos prochains objectifs devront être encore plus ambitieux.

Voilà l’ambition de ce texte : lever tous les verrous qui retardent le déploiement des projets d’énergies renouvelables. Ni plus, ni moins. Il ne s’agit ni d’allouer des moyens financiers déjà prévus dans le projet de loi de finances, ni d’anticiper la future programmation sur l’énergie et le climat qui, nous le savons, conduira mathématiquement à plus de production d’énergies renouvelables.


Pour répondre à cette ambition d’accélération, j’avais pris un engagement devant vous : celui de co-construire ce texte. De le co-construire avec tous ceux qui veulent agir pour le pouvoir d’achat des Français et la compétitivité de nos entreprises, tous ceux qui souhaitent défendre l’indépendance industrielle, énergétique et donc politique de notre pays, tous ceux enfin qui veulent lutter contre le dérèglement climatique.

Cette méthode inédite a défini les grands équilibres de ce texte, construit ses grands apports de manière consensuelle et conduit à sa large adoption au sein de votre chambre.

Et je tiens à souligner la qualité des échanges et du travail conduit par les rapporteurs, Didier Mandelli et Patrick Chauvet, et par les présidents des commissions du Développement durable et de l’aménagement du territoire et des Affaires économiques, Jean-François Longeot et Sophie Primas.

Je souhaite également remercier l’ensemble des responsables de texte, dans chaque groupe, avec qui j’ai eu des échanges continus, nourris et exigeants.


Permettez-moi maintenant de prendre quelques instants pour souligner les avancées majeures qu’ont permis nos débats.

Sur la planification d’abord :

C’était une demande des territoires portée par le Sénat. Pour la première fois, nous créons un système de planification qui met les élus locaux au centre du jeu, qui leur fait confiance.

La Commission mixte paritaire a permis de préciser le dispositif, en simplifiant le système et en conférant aux comités régionaux de l’énergie un rôle de vigie sur les zones d’accélération et d’exclusion au regard des futurs objectifs de la programmation pluriannuelle régionalisée. Et je le rappelle, pas de zones d’accélération, pas de zones d’exclusion.

C’est un levier offert aux élus pour aménager leur territoire en décidant des zones où ils vont en priorité développer les projets d’énergies renouvelables. Les élus locaux proposent et ont le dernier mot sur le zonage. Aucune commune ne pourra se faire imposer une zone d’accélération sur son territoire mais la somme de ces zones doit permettre d’être à la hauteur des ambitions de production de la PPE.

Deuxième sujet : l’agrivoltaïsme.

C’est une mesure issue d’une proposition de loi largement adoptée par le Sénat. Je tiens à saluer l’auteur, Jean-Pierre Decool, et le rapporteur Franck Menonville, mais aussi Jean-François Longeot, Jean-Pierre Moga et l’ensemble des sénateurs qui ont travaillé sur ce sujet de nombreux mois.

Notre objectif, je l’ai maintes fois répété, est de concilier souveraineté alimentaire et souveraineté énergétique. Et avec le texte que vous votez aujourd’hui, je crois pouvoir dire que nous sommes à la hauteur de l’enjeu.

Pour la première fois, nous donnons en droit une définition de l’agrivoltaïsme, avec des conditions et un encadrement équilibrés et clairs.

Le texte vient également encadrer l’installation de panneaux photovoltaïques sur sol agricole afin qu’aucune terre fertile ne soit sacrifiée et qu’aucune forêt ne soit inutilement défrichée.

En effet, et c’est le troisième sujet : nous favorisons l’accélération des énergies renouvelables dans les zones déjà artificialisées.

En matière d’énergies renouvelables, les bâtiments constituent une priorité et des mesures importantes avaient déjà été prises dans la loi Climat-Résilience.

Nous avons rehaussé les objectifs de développement de panneaux photovoltaïques sur les bâtiments neufs et lourdement rénovés.

Surtout, la commission mixte paritaire a renforcé l’ambition du texte sur les bâtiments existants. Elle a introduit en effet une obligation de couverture des bâtiments non résidentiels ayant une emprise au sol au moins égale à 500 m², soit d’un procédé de production d’énergies renouvelables, soit d’un système de végétalisation. Je salue cette avancée qui était attendue par plusieurs groupes.

Par ailleurs, nous avons également apporté des facilités pour implanter des projets ENR sur tous les délaissés routiers, ferroviaires et fluviaux : c’est une avancée massive et inédite. Nous avons enfin retenu un seuil obligatoire pour l’installation d’ombrières sur parking de 1500 m2, ce qui va considérablement augmenter le nombre de parkings ayant l’obligation d’installer des ombrières.

Ces avancées, elles n’étaient pas écrites. C’est grâce à vos propositions et à nos échanges que nous avons augmenté notre ambition.

Autre sujet, celui du partage de la valeur.

C’est un apport majeur de ce texte. Il doit permettre que les habitants et les communes tirent directement partie des retombées des projets d’énergies renouvelables et qu’ils soient associés à leur réussite. Et je remercie la présidente Sophie Primas et le rapporteur Patrick Chauvet qui ont particulièrement travaillé sur ce sujet.

La création d’un fonds de financement d’actions locales pour les collectivités, d’un second dédié à la biodiversité, et l’ouverture d’un financement participatif des habitants aux projets sur leur territoire, sont des apports positifs que nous soutenons.

Et, car nous avons entendu certaines craintes, nous avons complété ces dispositifs en permettant aux collectivités de soutenir directement leurs habitants, et notamment les ménages en précarité énergétique.

Enfin, je me réjouis que ce texte facilite le développement des énergies renouvelables dans les territoires d’Outre-Mer.

Ce texte n’aurait pas été complet sans ces dispositions, les ENR étant stratégiques pour l’autonomie énergétique de ces territoires, alors que beaucoup connaissent des difficultés et des dépendances sur les énergies fossiles. Je tiens à remercier les sénateurs des Outre-Mer et, plus largement des Zones Non Interconnectées, pour le travail collectif mené sur ces sujets.


Mesdames et Messieurs les Sénateurs, nous avons démontré que les chemins pour bâtir des compromis au service de notre pays existent.

Il s’agit maintenant de les emprunter.

De les emprunter pour agir et lutter contre le dérèglement climatique ; pour construire notre indépendance énergétique ; pour protéger le pouvoir d’achat des Françaises et des Français et la compétitivité de nos entreprises.


Je vous remercie.


Source https://www.ecologie.gouv.fr, le 13 février 2023