Interview de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, à RTL le 13 février 2023, sur la réforme des retraites, l'indemnité carburant travailleur de 100 euros et l'inflation.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Texte intégral

AMANDINE BEGOT
Le ministre de l’Economie et des finances, est ce matin mon invité. Bonjour.

BRUNO LE MAIRE
Bonjour à vous.

AMANDINE BEGOT
Et bienvenue sur RTL, Monsieur le Ministre. En mars 2022, vous disiez nous allons provoquer, oui, l’effondrement de l’économie russe, on le voit, on en est loin quand même, quand on entend François ?

BRUNO LE MAIRE
Non, mais je n’ai aucun doute que les sanctions seront efficaces sur le long terme, ce sont des mesures qui sont lentes à produire leurs effets, mais leurs effets sur le long terme sont très efficaces. Et par ailleurs, nous préparons un nouveau train de sanctions, nous ne céderons jamais sur ce sujet, et nous aurons les résultats que nous attendons en matière de sanction économique contre la Russie, c’est-à-dire un affaiblissement de la Russie, qui a provoqué cette guerre inacceptable contre l’Ukraine.

AMANDINE BEGOT
On va parler de la réforme des retraites, autre dossier pas simple, dans un instant.

AMANDINE BEGOT
Bruno LE MAIRE, RTL le révèle ce matin, Elisabeth BORNE a appelé plusieurs leaders syndicaux, ceux de la CFDT et de la CFTC notamment, une première depuis des semaines, qu’est-ce que ça veut dire, que ça y est, le gouvernement est prêt à des nouvelles concessions ?

BRUNO LE MAIRE
Mais le gouvernement n'a cessé de faire des concessions, le gouvernement n'a cessé de se montrer ouvert à une amélioration de son projet de réforme des retraites, nous étions partis avec un projet avec un âge légal à 65 ans, nous sommes à 64 ans, nous avons mis en place un minimum de retraite qui devait concerner que les retraités qui partent à la retraite, il va concerner ceux qui sont à la retraite, ce qui fait que tous les retraités sans exception sont gagnants dans cette réforme, et ceux qui ont des pensions de retraite les plus faibles verront leur pension de retraite revalorisée. Nous avons avancé…

AMANDINE BEGOT
Même si ce ne sera pas 1.200 euros pour tout le monde, comme on avait cru le comprendre au départ ?

BRUNO LE MAIRE
Mais, ça n'a jamais été ce qui a été dit dès le départ, quant à la pénibilité, qui était une des demandes fortes de la CFDT, nous avons mis en place un fonds de prévention de l’usure professionnelle, sur les carrières longues, Elisabeth BORNE, la Première ministre, a fait une ouverture très importante en disant que ceux qui étaient partis, ceux qui avaient démarré entre 20 et 21 ans, eh bien, ce serait bien 43 ans de cotisations et pas 44. Donc depuis des semaines, nous n'avons cessé de faire des preuves d'ouverture, et des concessions, mais les concessions, Amandine BEGOT, ne peuvent pas être à sens unique, si nous voulons effectivement parvenir à un accord, si nous voulons que les choses progressent, il faut que chacun fasse preuve du même sens d'ouverture que celui de la Première ministre et du gouvernement.

AMANDINE BEGOT
Mais ça veut dire qu'il n’y aura pas de nouvelles concessions ?

BRUNO LE MAIRE
Mais nous verrons ce que sera le débat à l'Assemblée nationale. Il se poursuit aujourd'hui lundi, moi, ce que je regrette, c'est que, en réalité, il n’y a pas de débat possible, parce qu’il est aujourd'hui prisonnier du chahut, pour ne pas dire du chaos que La France Insoumise a mis au Parlement. Et je souhaite que le plus rapidement possible, La France Insoumise retire ses milliers d'amendements qui ne servent absolument pas le débat démocratique, mais, qui, au contraire, empêchent le débat démocratique, aujourd'hui, La France Insoumise est un obstacle au débat démocratique sain, clair, que nos compatriotes sont en droit d'avoir sur la réforme des retraites.

AMANDINE BEGOT
C'est la France indigne, comme l'a dit Aurore BERGE ?

BRUNO LE MAIRE
Oui, c'est indigne d'une grande démocratie, c'est indigne d'une grande démocratie de bloquer le débat comme cela est le cas aujourd’hui au Parlement, c’est indigne d’une grande démocratie de procéder par l'invective, par l'injure, par la menace, c'est indigne d'une grande démocratie d'avoir un parlementaire avec son écharpe en bandoulière tricolore qui joue avec la tête d'un membre du gouvernement, c'est non seulement indigne, c'est révoltant ; donc j'appelle La France Insoumise à retrouver ses esprits, si c'est possible, et en tout cas, à retirer ses amendements pour ne pas priver tous nos compatriotes du débat démocratique auquel ils ont droit à l'Assemblée nationale.

AMANDINE BEGOT
On dirait le plateau d’HANOUNA, ça, c'est ce qu'a dit hier Laurent BERGER lors de son Grand Jury sur RTL, vous auriez pu dire la même chose ?

BRUNO LE MAIRE
Non, je ne dirais pas ça, je pense que c'est beaucoup plus violent et beaucoup plus inacceptable, ce n'est plus le chahut, c'est le chaos, ce n'est plus le débat, c'est la violence, ce n'est plus l'échange démocratique, c'est les éclats assourdissants qui interdisent cet échange démocratique, je le redis, aujourd'hui, La France Insoumise est un obstacle au débat démocratique.

AMANDINE BEGOT
Je reviens, Bruno LE MAIRE, à ces échanges avec les syndicats, la Première ministre qui reprend son téléphone, si j'ose dire, hier, Laurent BERGER nous disait : pas de son, pas d'image depuis des semaines. Là, un petit tournant, mais c'est pourquoi, si ce n'est pas pour négocier, si ce n'est pas pour de nouvelles concessions ?

BRUNO LE MAIRE
Tant mieux, c'est toujours bien de garder ouvert le fil de la discussion, c'est très important, mais cette discussion, je le redis, ne peut pas être à sens unique, ce n'est pas…

AMANDINE BEGOT
Ça veut dire qu’il faut que les syndicats reculent sur cette histoire de 64 ans, ils disent : on n’en veut pas…

BRUNO LE MAIRE
Mais on ne peut pas nous expliquer que c'est le retrait de l'âge légal de départ à 64 ans ou le chaos, c’est-à-dire, à partir du 7 mars, le blocage du pays.

AMANDINE BEGOT
Ça vous inquiète ça, le 7 mars ?

BRUNO LE MAIRE
Ce n’est pas que ça m’inquiète, c’est que je dis tout simplement que cette logique-là est inacceptable, nous, nous avons fait preuve d'ouverture, de concessions, nous avons écouté, nous avons entendu, nous avons amélioré notre copie, nous laissons les parlementaires faire des propositions, ils vont travailler par exemple sur l'index senior, et de l'autre, on nous dit : soit, vous cédez sur votre réforme, soit c'est le blocage du pays. Je le dis avec beaucoup de gravité, cette logique-là n'est pas acceptable.

AMANDINE BEGOT
Sauf que c'est soutenu par une partie des Français, une majorité de Français d'ailleurs qui sont pour un durcissement du mouvement, on rappelle que plus de 70% des Français sont contre la réforme…

BRUNO LE MAIRE
Je ne suis pas sûr qu’une majorité de Français soient favorables au blocage du pays, et moi, je pense à tous les Français qui veulent travailler, tous ceux qui se rendent sur le lieu de travail, tous ceux qui veulent tout simplement que le pays tourne bien, je ne suis pas certain qu'ils acceptent que le pays soit bloqué.

AMANDINE BEGOT
Alors, pour l'instant, on ne parle pas de blocage du pays, l'intersyndicale est assez précise en tout cas dans son texte, elle parle d'une France à l'arrêt pour le 7 mars, il n’y a pas mention de grève reconductible, les syndicats de la RATP eux l'ont dit qu'ils le feraient, mais pour les autres secteurs, ce n'est pas dit. Et le texte est assez clair, il y est écrit : si le gouvernement et les parlementaires restent sourds à la contestation populaire, alors l'intersyndicale appellera les travailleurs à durcir le mouvement en mettant la France à l'arrêt, il y a ce " si ", la balle, elle est très clairement dans le camp du gouvernement, non ?

BRUNO LE MAIRE
Oui, j’ai fait…

AMANDINE BEGOT
C’est quoi, un ultimatum ?

BRUNO LE MAIRE
… Je ne suis pas ici pour faire de l'analyse sémantique, je dis simplement que la logique dans laquelle on voudrait enfermer le gouvernement, la majorité, dans le fond, une majorité de nos compatriotes, qui est : soit, vous retirez votre réforme, parce que c'est cela que cela veut dire, c'est-à-dire vous retirez l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans, soit, nous bloquons le pays, cette logique-là n'est pas recevable. Les concessions ne peuvent pas être à sens unique, nous avons fait des gestes, nous avons fait des ouvertures, la Première ministre n’a cessé de dialoguer avec les syndicats, avec les forces politiques, pour trouver un point d'équilibre, j'estime que ce point d'équilibre a été trouvé, qu'il y a encore des améliorations qui peuvent être faites, notamment sur l'index seniors, les parlementaires s’en sont saisis, et ils en ont bien raison, mais c'est au Parlement désormais que se joue le débat, que se joue le sort du texte, et que se joue la réforme des retraites. Et je redis par ailleurs que si on dépasse cette logique de contestation et de débat, que nous venons d'avoir, l'enjeu reste le même : financer notre régime de retraite par répartition…

AMANDINE BEGOT
Et vous êtes convaincu que cette réforme est la bonne ?

BRUNO LE MAIRE
Bien sûr que j'en suis convaincu…

AMANDINE BEGOT
Même si vous n’étiez pas ministre, vous me diriez la même chose aujourd’hui ?

BRUNO LE MAIRE
Mais je vais vous dire, Amandine BEGOT, j'en suis plus convaincu de jour en jour, parce que je vois les solutions alternatives qui sont présentées par les opposants, et tout d'un coup, les masques tombent, soit, vous faites la réforme que proposent le gouvernement et la majorité, c'est-à-dire un mélange de recul de recul de l'âge légal à 64 ans, ce qui nous met au passage dans la moyenne des pays européens, plus un allongement de la durée de cotisations, et d'ici 2030, nous pouvons dire aux Français : votre système de retraite par répartition, qui est juste, qui est fondé sur la solidarité entre générations, il est préservé, soit, vous retenez les solutions qui apparaissent de plus en plus clairement au fil du débat, c'est-à-dire : augmenter les impôts sur nos compatriotes à travers les cotisations salariales, ce qui veut dire moins de pouvoir d'achat chaque mois pour chaque Français ; il faut que chacun en ait parfaitement conscience, ce que proposent les oppositions, c'est moins de pouvoir d'achat chaque mois pour chaque Français, parce qu'on augmentera les cotisations salariales, donc on diminuera le salaire net. Soit, autre solution, qui est proposée, je n'en vois que 2 qui sont proposées aujourd'hui, augmenter les cotisations patronales, donc augmenter des charges sur les entreprises, donc plus de chômage. L’alternative que proposent nos oppositions, c'est plus de chômage ou plus d'impôts, je crois que ni l’un ni l’autre ne sont souhaitables pour le pays.

AMANDINE BEGOT
Vous parliez à l'instant du pouvoir d'achat, parlons-en, dans ce contexte, TotalEnergies a annoncé la semaine dernière des bénéfices records, plus de 19 milliards d'euros, dans le même temps, les prix à la pompe repartent clairement à la hausse, est-ce que vous demandez ce matin au patron de TOTAL de mettre en place une nouvelle ristourne, il a évoqué cette possibilité, est- ce que vous lui dites solennellement, il le faut ?

BRUNO LE MAIRE
Eh bien, je lui simplement qu’il a fait des promesses, et qu’il vaut mieux en général que les promesses soient tenues.

AMANDINE BEGOT
Ça veut dire qu'il faut une nouvelle ristourne ?

BRUNO LE MAIRE
Eh bien, ça veut dire qu'il a promis qu’il ferait une remise, je pense qu'il est bon que les promesses soient tenues par tout le monde, qu'on soit responsable politique, responsable syndical ou chef d'entreprise.

AMANDINE BEGOT
Quel type de ristourne 20 centimes, comme il l'avait fait à l’automne ?

BRUNO LE MAIRE
Ça, sera à lui de le déterminer, ce que je peux vous dire, en revanche, c'est que nous, le gouvernement, nous avons fait notre part du chemin, nous avons mis en place une indemnité carburant travailleur, aujourd'hui, vous avez quasiment la moitié de ceux qui auraient droit à cette indemnité qui ne sont pas allés la chercher.

AMANDINE BEGOT
Il y a 10 millions de personnes qui auraient droit à peu près…

BRUNO LE MAIRE
Oui, oui il y a quasiment la moitié qui ne sont pas allés la chercher. Et je redis…

AMANDINE BEGOT
Pourquoi, parce c’est trop compliqué ?

BRUNO LE MAIRE
Non, parce que je pense qu'il y a ceux qui croient qu’ils n'y ont pas droit alors qu’ils y ont droit, je rappelle qu'un couple avec enfants qui gagne 3.285 euros nets par mois, il peut avoir cette indemnité carburant travailleur de 100 euros, donc nous allons prolonger cette indemnité, elle devait s'arrêter fin février, nous la prolongerons jusqu'à fin mars, de façon à ce que les millions de nos compatriotes qui y ont droit puissent aller la chercher.

AMANDINE BEGOT
Prolonger donc cette prime, ça, vous nous l'annoncez ce matin sur RTL, en revanche, il n’y aura pas de nouvelle ristourne du gouvernement, ça, c'est ferme ?

BRUNO LE MAIRE
Eh bien, vous avez une indemnité qui bénéficie à ceux qui travaillent, je pense que c’est juste, je pense que c'est efficace, je voudrais simplement que tous ceux qui y ont droit puissent la toucher, donc nous prolongeons d’un mois.

AMANDINE BEGOT
En hausse aussi les prix de l'alimentation, même si l'inflation semble ralentir ces dernières semaines, il y a beaucoup d’enseignes qui nous annoncent déjà de très fortes hausses pour le mois de mars, après, les négociations avec les industriels de l'agroalimentaire, le patron de LIDL par exemple parle d’au moins 10% d’inflation dans ses magasins, et il dit : ça pourrait même aller de 15 à 49% selon les rayons. On avait parlé d'un panier anti-inflation, au niveau du gouvernement, on en est où ?

BRUNO LE MAIRE
Je souhaite continuer à discuter avec toutes nos enseignes de distribution…

AMANDINE BEGOT
Il verra le jour ?

BRUNO LE MAIRE
On verra quelles sont les modalités, quelles sont les solutions, vous savez, moi, je ne m'attache pas, je vous le dis, à la sémantique et aux mots, je souhaite jusque pour nos compatriotes, ils puissent voir que les prix de l'alimentaire baissent, notamment sur un certain nombre de produits de première nécessité, c’est ce à quoi il faut parvenir, est-ce que c'est un panier, est-ce que c’est une autre solution, toutes les solutions sont bonnes, du moment qu'elles se voient dans le portefeuille…

AMANDINE BEGOT
Elles vous inquiètent ces hausses, plus 10%, plus 15%…

BRUNO LE MAIRE
Oui, bien sûr…

AMANDINE BEGOT
49 %…

BRUNO LE MAIRE
Bien sûr, la hausse des prix alimentaires est pour moi un sujet de préoccupation majeure, parce que quand vous devez nourrir une famille, nourrir vos enfants, et que vous voyez que les prix alimentaires augmentent de 10, 15 ou 20% par rapport à l'année passée, c'est très dur à vivre. Donc oui, c'est une priorité, mais on n’apportera de solutions que si chacun s'y met, non seulement l'Etat, mais aussi les distributeurs…

AMANDINE BEGOT
Là aussi, chacun doit prendre sa responsabilité ?

BRUNO LE MAIRE
Mais aussi les distributeurs, qui doivent prendre leur responsabilité et doivent faire plus et doivent faire mieux. Je rappelle la logique de la lutte contre l'inflation, tout le monde doit y participer.

AMANDINE BEGOT
Merci beaucoup Bruno LE MAIRE.

BRUNO LE MAIRE
Merci à vous.

YVES CALVI
Tous les retraités seront gagnants avec cette réforme affirme le ministre de l'Economie sur RTL.


Source : Service d’information du Gouvernement, le 15 février 2023