Déclaration de M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice, sur la lutte contre le racisme et l'antisémitisme, à Paris le 13 février 2023.

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Circonstance : Remise du prix Ilan Halimi

Texte intégral

 

Mesdames les ministres, chère Isabelle, chère Rima, chère Marlène,
Monsieur le ministre, cher Pap,
Mesdames messieurs, les parlementaires,
Mesdames messieurs les élus,
Madame la Déléguée Interministérielle à la Lutte Contre le Racisme, l'Antisémitisme et la Haine anti-LGBT,
Monsieur le président du consistoire, cher Elie,
Monsieur le président du Conseil Représentatif des Institutions Juives de France,
Monsieur le président de la commission consultative des droits de l’Homme, cher Jean-Marie,
Messieurs les recteurs,
Mesdames, messieurs les présidents,
Mesdames, messieurs les directeurs,
Mesdames, messieurs,


Je serai bref car le plus gros a déjà été dit, je dirais même, a déjà été montré.

C’est avec un grand plaisir que je vous accueille aujourd’hui ici à la Chancellerie pour remettre ce prix Ilan Halimi, ou devrais-je dire, " ces " prix Ilan Halimi, qui récompensent les plus beaux projets portés par des jeunes pour mettre en lumière la lutte contre le racisme et l’antisémitisme.

Il y a 17 ans, le supplice d’Ilan Halimi, torturé et assassiné parce que juif, avait choqué la France. Aujourd’hui, les initiatives que nous avons récompensées sont les plus belles réponses que nous pouvons offrir aux barbares qui ont commis cet affreux crime antisémite.

Votre présence à tous ici, chers collégiens, chers lycéens, montre qu’ils n’ont pas gagné. Ce prix du nom de ce jeune homme de 23 ans tué alors qu’il avait toute la vie devant lui, témoigne de notre volonté à tous ici présents, l’Etat en premier lieu mais aussi le corps enseignant, le secteur associatif, de sensibiliser notre jeunesse à l’importance de lutter contre toutes formes de haine raciale. Pour qu’Ilan ne soit pas mort en vain.

Alors quand je vois ces beaux projets que nous avons récompensés aujourd’hui, quand je vois cette jeunesse qui se saisit de ce sujet et qui en comprend l’importance, il me vient à l’esprit cette phrase d’André Gide : " Obscurité tu seras dorénavant pour moi la Lumière ".

Je vois en vous l’espoir. L’espoir que les futures générations ne tombent pas dans la xénophobie et dans le racisme mais au contraire soient les fers de lance de notre lutte contre ces bas instincts. L’espoir également que la mort d’Ilan ou celle des millions de juifs avant lui hante notre mémoire collective et nous fasse prendre conscience que « plus jamais ça ».

Et il est de notre responsabilité d’accompagner les jeunes générations sur ce chemin. C’est la raison pour laquelle, il y a quelques jours la Première Ministre a présenté un nouveau plan de lutte contre le racisme et l’antisémitisme. Ce plan interministériel contient de nombreuses mesures qui concourt toutes à un triple objectif : éduquer, prévenir, sanctionner.

En tant que ministre de la Justice j’ai personnellement été très engagé sur ces questions lors de la présidence française de l’Union européenne il y a quelques mois.

J’ai tenu à ce que la première réunion que j’ai présidée avec les ministres de la Justice des différents pays européens s’ouvre par la diffusion d’un film qui présentait des photos de chaque ministre devant le mémorial de la Shoah de leur pays. Ce fut sans doute l’un des moments les plus émouvants de ma vie professionnelle.

Nous n'avons certes pas réussi à intégrer les crimes et discours de haine parmi les Eurocrimes en raison d'une opposition de la Pologne et de la Hongrie, mais 25 Etats membres nous avaient rejoints sur cet objectif, ce qui est déjà en soit un succès.

Par ailleurs, nous avons adopté à l'unanimité des conclusions sur la lutte contre le racisme et l'antisémitisme, qui d'une part valident la stratégie européenne contre l'antisémitisme, et d'autre part rappellent le fort engagement de l'Europe sur ce thème.

Le plan présenté par Elisabeth Borne il y a quelques jours découle ainsi de ce travail européen.

Au ministère de la Justice, l’une des mesures phares de ce plan est l’extension du mandat d’arrêt pour les délits de discrimination ou d’appel à la haine raciale, ce qui n’est pas prévu actuellement. Il est en effet intolérable que les criminels racistes soient protégés par une loi qui protège la liberté de la presse.

Je souhaite également la mise en place d’une amende civile qui viendrait en plus de la condamnation à des dommages et intérêts visant à réparer le préjudice de la victime. La somme versée au titre de cette amende abondera un fond étatique qui financera des actions de réparation des victimes d’actes racistes ou antisémites.

L’importance de l’éducation sur ces questions est bien évidemment primordiale, et ce n’est pas mon collègue Pap Ndiaye qui me contredira.

Pour toujours mieux éduquer contre les préjugés, les enseignants disposent désormais de ressources abondantes et de qualité.

La semaine d’actions et d’éducation de lutte contre le racisme et l’antisémitisme, en mars est devenu un moment incontournable du calendrier des actions éducatives.

Le nouveau Plan national prévoit de renforcer la formation des enseignants et personnels pédagogiques des établissements scolaires sur les questions de racisme et d’antisémitisme.

Il prévoit également d’intensifier le travail sur l’histoire et la mémoire avec l’organisation pour chaque élève au moins d’une visite obligatoire d’un site de mémoire et d’histoire au cours de sa scolarité

Des mesures du nouveau Plan permettent notamment de valoriser le rôle du sport scolaire en faveur du vivre ensemble mais également à cibler le pass culture, chère Rima, pour des visites de lieux d’histoire et de mémoire.

Mais la haine raciale a un nouveau terrain de jeu que nous devons désormais nous approprier pour mieux la combattre : les réseaux sociaux.

Il est désormais impérieux de mieux lutter contre la haine en ligne. Les jeunes qui sont présents ici le savent mieux que quiconque.

C’est la raison pour laquelle les équipes d’enquêteurs de Pharos ont été largement étoffées ces dernières années. Elles peuvent en outre désormais recourir plus aisément à l’anonymat pour mener leurs investigations, ce qui en facilite grandement la résolution. Le nouveau Plan national prévoit des mesures pour faciliter le traitement des signalements par Pharos et les rendre ainsi plus efficaces.

Ici au ministère de la justice nous pouvons nous féliciter d’avoir engagé de grandes avancées en la matière, notamment grâce à l’ancienne députée Laetitia Avia :

- Nous avons créé un parquet spécialisé dans les affaires de numérique pour améliorer la répression des discours de haine en ligne et d’autre part,
- Nous avons créé également un Observatoire de la haine en ligne, qui rassemble plateformes, associations, chercheurs et institutions sous l’égide de l’ARCOM.

Enfin, pour mieux accompagner les victimes d’actes de haine et renforcer l’efficacité des enquêtes, la Délégation Interministérielle à la Lutte Contre le Racisme, l'Antisémitisme et la Haine anti-LGBT (la DILCRAH) a commencé à mettre en place un réseau d’enquêteurs et de magistrats spécialisés formés.

Je veux enfin bien évidemment saluer le travail de cette délégation, de sa présidente la préfète Sophie Elizeon et de sa secrétaire générale Elise Fageles qui font un travail remarquable.

Avec une augmentation de 1 million d’euros en 2022, la DILCRAH consacre un budget d’environ 7,5 millions d’euros à accompagner les projets des partenaires associatifs, culturels et mémoriels engagés dans le champ de la lutte contre la haine.


Mesdames, messieurs,

Je conclurai mon propos par un mot : intraitables. Intraitables voilà ce que nous devons être avec ceux qui répandent la haine et la violence à l’encontre de celles et ceux qui ne sont pas comme ils voudraient qu’ils soient.

Le combat pour la démocratie, pour l’Etat de droit, contre toutes les formes de haine de l’autre et notamment contre le racisme, est un combat permanent et ne s’accommode d’aucune lâcheté.

" Puissent tous les hommes se souvenir qu'ils sont frères! " a écrit Voltaire dans son traité dans la tolérance en 1763.

Je formule le souhait que la jeune génération que nous récompensons aujourd’hui avancera sur le chemin de la vie avec cette phrase en tête.


Source http://www.justice.gouv.fr, le 23 février 2023