Déclaration de Mme Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, sur le conflit en Ukraine et les efforts de la France en faveur du désarmement, à Genève le 27 février 2023.

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Circonstance : Segment de haut niveau de la conférence du désarmement

Texte intégral

Monsieur le Président,
Madame la Secrétaire générale,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames les Ambassadrices, Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,


Je m'associe à l'intervention que le Haut Représentant de l'Union Européenne prononcera et souhaite à présent apporter quelques éléments à titre national.

C'est consciente de la place de cette Conférence pour l'architecture globale de paix et de sécurité que je m'adresse à vous aujourd'hui.

Les traités et tous les instruments juridiques qui ont été négociés ici, ont été, et continuent d'apporter une contribution fondamentale à notre sécurité collective.

Mais j'interviens également marquée par un sentiment de gravité, au regard de l'ampleur sans précédent des menaces auxquelles nous sommes aujourd'hui confrontés.

Depuis désormais plus d'un an, la Russie bafoue l'indépendance, la souveraineté et l'intégrité territoriale de l'Ukraine, au mépris le plus absolu du droit et des principes de la Charte des Nations unies.

Je veux aujourd'hui marquer une nouvelle fois notre soutien total à l'Ukraine et dénoncer les atteintes graves de la part de la Russie, à la sécurité de l'Ukraine, mais aussi à la paix et à la sécurité internationales.

La Russie a violé ses obligations internationales et renié les engagements qu'elle avait pris au titre du mémorandum de Budapest.

Son recours à une rhétorique nucléaire agressive à l'appui de sa guerre contre l'Ukraine est inacceptable et irresponsable.

Il est totalement contraire à l'engagement pris au plus haut niveau par les 5 membres permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies sur la nature strictement défensive de l'arme nucléaire qui ne peut servir des buts d'intimidation, de chantage ou de coercition.

La Russie multiplie également les exactions et les crimes de guerre.

Elle prend en otage les centrales nucléaires ukrainiennes comme levier de son agression - je tiens à ce titre à saluer et à marquer tout le soutien de la France à l'action remarquable de l'AIEA et de son Directeur général pour assurer la sûreté et la sécurité de ces installations dans ce contexte si difficile.

Elle met à mal notre architecture de sécurité collective et remet en cause notre ordre mondial fondé sur des règles. En un mot, la Russie tente d'imposer sa vision des relations internationales fondée sur la loi du plus fort, ou a minima du plus agressif.

Cette vision, ce n'est pas la nôtre.

Et ce n'est pas celle d'une écrasante majorité des Etats qui ont appelé, jeudi dernier, la Russie à retirer immédiatement, totalement et sans aucune condition, l'intégralité de ses forces armées du territoire internationalement reconnu de l'Ukraine.

C'est la raison pour laquelle la France continuera à apporter un soutien résolu à l'Ukraine, aussi longtemps qu'il le faudra, dans son effort légitime pour se défendre et recouvrer sa souveraineté et son intégrité territoriale.

La France continuera à soutenir les efforts déployés par l'Ukraine pour une paix juste et durable.


Monsieur le Président,

Face à ces tentatives de remise en cause des règles qui fondent les relations entre nos pays, nous devons, plus que jamais, faire front ensemble pour préserver notre architecture de paix et de sécurité et sauvegarder les instruments existants de maîtrise des armements.

L'annonce par Vladimir Poutine de la suspension de sa participation au traité New Start constitue une preuve supplémentaire, s'il en fallait, de l'impasse dangereuse dans laquelle s'enferme la Russie.

Nous l'appelons à faire preuve de responsabilité et à revenir au plus vite sur cette décision car le traité New Start constitue un instrument essentiel de l'architecture internationale de maîtrise des armements nucléaires et de stabilité stratégique.

Il est par ailleurs fondamental que la Chine se joigne aux efforts de réduction des arsenaux nucléaires, conformément aux engagements pris au titre du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires.

La France continuera de défendre le respect strict, l'autorité et la centralité du TNP, pilier des régimes de désarmement et de non-prolifération nucléaires.

Nous appelons à ce titre l'Iran à mettre un terme à son escalade nucléaire qui n'a pas de justification civile crédible, à revenir de toute urgence au respect de ses obligations en vertu de son accord de garanties généralisées avec l'AIEA et à coopérer pleinement avec l'Agence.

Nous appelons également la Corée du Nord à respecter toutes ses obligations pour parvenir au démantèlement complet, vérifiable et irréversible de ses programmes nucléaire et balistique.

La France est également pleinement engagée en faveur de la régulation du cyberespace, qui tend à s'imposer désormais comme un domaine de confrontation à part entière.

Le droit international, et les normes agréées de comportement étatique responsable, doivent constituer la base de nos efforts pour préserver la paix et la stabilité.

Pour soutenir les Etats dans la mise en oeuvre de ces normes, nous défendons, avec un très large nombre d'Etats venant de toutes les régions du monde, l'établissement d'un programme d'action des Nations unies en matière de cybersécurité.

Enfin, parce que l'espace extra-atmosphérique revêt une importance croissante pour notre sécurité, nous défendons l'élaboration de normes de comportement responsable pour y réduire les menaces.

Les travaux autour de telles normes ont déjà fait l'objet de premiers échanges prometteurs et doivent continuer.

Ceux-ci n'excluent pas, je le souligne, la négociation, à terme, d'instruments juridiquement contraignants pour prévenir une course aux armements dans l'espace, qui reste le mandat de cette Conférence.


Monsieur le Président,

La France est déterminée à oeuvrer pour la revitalisation de la Conférence du Désarmement dont nous occuperons cette année l'une des six présidences aux côtés de l'Egypte, de l'Ethiopie, de la Finlande, de l'Allemagne et de la Hongrie. Nous entendons mettre cette présidence à profit pour permettre l'avancée de nos travaux dans plusieurs domaines fondamentaux de notre ordre du jour.

Avec l'Allemagne, nous avons ainsi décidé de porter, en coordination étroite avec l'ensemble des pays qui exerceront la présidence cette année, un travail de consultation approfondi sur la revitalisation de cette enceinte. Nous ne ménagerons aucun effort pour permettre à la Conférence du désarmement de conduire ses travaux et ses missions de négociations des traités et des instruments de désarmement, conformément aux mandats qui lui ont été confiés.

Ainsi, la France se tient prête à promouvoir et faire avancer un agenda de désarmement nucléaire fondé sur une approche réaliste et progressive, la seule crédible pour faire advenir les conditions d'un monde sans armes nucléaires. Je pense ici à la nécessité de lancer rapidement les négociations sur un traité d'interdiction de production de matières fissiles à usage militaire, dont le mandat de négociation a déjà été défini par cette Conférence.

Ce traité constituerait une mesure-phare de désarmement nucléaire, conformément aux objectifs du TNP, et nous aurons à coeur de porter cette priorité avec l'Allemagne et nos autres partenaires au cours des mois à venir, dans un esprit de dialogue constructif.


Monsieur le Président,

Vous pouvez compter sur l'engagement de la France à défendre le bon fonctionnement de cette enceinte, mais aussi le caractère inclusif qui lui est propre.

Nous déplorons ainsi le blocage opéré par la Russie sur la participation des Etats européens en tant qu'observateurs à la Conférence.

Il s'agit là d'un détournement de nos règles de procédure, qui s'assimile dans les faits à un droit de veto inacceptable. Nous continuerons donc, y compris lors de notre présidence, à défendre l'inclusivité de cette enceinte et la participation de tous les Etats membres qui le souhaitent aux travaux de la Conférence.


Je vous remercie.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 février 2023