Texte intégral
Q - Bonsoir, Laurence Boone. Merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation. Vous êtes secrétaire d'Etat chargée de l'Europe. Alors, dans ce contexte, vous avez vu le sujet, la Russie n'a pas perdu, loin de là. Nous reviennent en mémoire les propos qu'avait tenus le Président de la République :
[M. Emmanuel Macron, Président de la République :
"La Russie ne peut ni ne doit gagner cette guerre et l'agression russe doit échouer parce qu'on ne peut pas accepter la banalisation du recours illégal à la force, parce que sinon, c'est toute la sécurité européenne, mais plus généralement, la stabilité mondiale qui serait remise en cause."]
Q - La Russie ne doit pas gagner la guerre. Si les mots ont un sens, j'ai l'impression que ça signifie qu'il faudra fournir à l'Ukraine le matériel nécessaire pour que la Russie ne gagne pas la guerre, justement, même si ce sont des chars lourds, même si ce sont des avions de combat.
R - C'est même plus que ça. Le président a été très clair sur le fait que la France, l'Europe, le G7, les Etats-Unis vont soutenir l'Ukraine jusqu'au moment où elle décidera qu'elle est en situation de victoire. Ce soutien prend une forme, bien sûr, militaire, avec des armes, mais aussi c'est un soutien financier pour qu'elle puisse tenir, pour que le pays puisse tenir pendant toute la période de guerre. C'est un soutien humanitaire. Et puis, d'un autre côté, ce sont les sanctions contre la Russie. C'est un vrai paquet pour aider l'Ukraine dans sa lutte complètement légitime pour préserver à la fois sa souveraineté et son intégrité territoriale.
Q - J'entends, mais on a beaucoup entendu des chefs d'Etat occidentaux tergiverser autour de la livraison d'avions de combat, en disant "oui, peut-être, peut-être un jour. On ne sait pas pour l'instant. Ce n'est pas d'actualité, etc." Si, encore une fois, si les mots ont sens, si on dit "la Russie ne doit pas gagner la guerre", ça veut dire qu'on ne s'interdit rien. D'une certaine manière, c'est une sorte de quoi qu'il en coûte au niveau militaire. On soutiendra l'Ukraine quoi qu'il en coûte et quoi qu'il nous en compte à nous.
R - Je crois qu'il faut être très clair. La façon... Merci de me donner l'occasion. Ce qui est important, c'est que l'Ukraine dispose des armes dont elle a besoin, j'allais dire quasiment en temps réel et...
Q - Quelles qu'elles soient ? Quelles que soient ces armes ?
R - Aujourd'hui, ce dont elle a besoin, elle l'a dit clairement et on lui a fourni. On va continuer de le faire.
Q - Pardon. Volodymyr Zelensky a réclamé des avions et pour l'instant, il ne les a pas.
R - Il a pour l'instant besoin véritablement d'armes sur le sol. Et on l'a dit, c'est à la fois des armes qu'il peut utiliser tout de suite - les avions, il faut former les personnes, ça prend du temps -, donc qui peuvent être utilisés tout de suite, qui soient utiles tout de suite, qu'ils ne conduisent pas à l'escalade et qui, dans un troisième temps, n'amenuisent pas non plus nos propres défenses.
Q - Et ça, c'est quand même à mettre en balance du "l'Ukraine ne doit pas gagner la guerre", mais enfin, on l'aidera jusqu'au moment où ça nous affaiblit, nous.
R - Je ne crois pas qu'on puisse dire ça très franchement. Quand l'Ukraine demande qu'on forme des soldats, on le fait. Si on forme des personnes qui doivent aller dans des avions dans six mois, ça ne va pas lui servir. Ce dont ils ont besoin aujourd'hui, c'est de chars, c'est de blindés, c'est d'armes légères, c'est de munitions, surtout de munitions, vous l'avez entendu, à la fois l'Ukraine et la Russie en manquent. Et sur l'Ukraine maintenant, l'Europe va faire des achats conjoints de munitions et on va augmenter les capacités de production pour être en mesure d'approvisionner.
Q - Comme pour le vaccin ? Un peu sur le modèle de ce qu'on a fait pour le vaccin ?
R - C'est ce qu'on cherche à faire, absolument.
Q - Le patron de l'OTAN, Jens Stoltenberg, a déclaré aujourd'hui que les alliés de l'OTAN, dont nous, étaient d'accord pour intégrer à terme l'Ukraine dans l'OTAN. On l'écoute.
[M. Jens Stoltenberg, secrétaire général de l'OTAN :
"Les alliés de l'OTAN ont accepté que l'Ukraine devienne membre de notre alliance, mais en même temps, c'est une perspective à long terme. Ce qui est en jeu maintenant, c'est de faire en sorte que l'Ukraine prévale en tant que nation souveraine et indépendante, et donc, nous devons soutenir l'Ukraine."]
Q - Alors, vous avez entendu cette déclaration de Jens Stoltenberg. Vous êtes secrétaire d'Etat auprès de la ministre des affaires étrangères. Vous parlez ici au nom du quai d'Orsay et de la diplomatie française. La France a dit d'accord pour l'intégration, même à terme, de l'Ukraine dans l'OTAN ?
R - La France a dit que la place de l'Ukraine était d'abord dans la famille européenne. Ça, c'est très important. Ensuite, ce qui a été dit dans le cadre de l'OTAN aujourd'hui, je n'y étais pas, donc je ne vais pas commenter là-dessus. Après, il faut bien réaliser, par exemple, quand on parle de la place de l'Ukraine dans l'Union européenne, que ça va lui demander un très gros travail d'adoption de nos...
Q - Là, vous parlez de l'Union ?
R - Oui, absolument.
Q - Non, mais là, on en parlera. Là, je vous parle de l'OTAN.
R - Oui, et là, je vous dis, je n'y étais pas cet après-midi, donc je ne vais pas commenter.
Q - Donc, vous voulez dire que vous n'êtes pas certain certaine que la diplomatie française signerait cette déclaration de... Mais je vous pose... Cette question se pose. Cette déclaration m'a surprise. Franchement. Voilà. La diplomatie française, le président français a dit "il ne faut pas humilier la Russie", le président français dit "il faut trouver à terme des garanties de sécurité, un système d'équilibre " qui permette à la Russie de s'en tirer avec les honneurs. Je n'avais pas compris que le président français, à ce stade, souhaitait l'intégration de l'Ukraine dans l'OTAN. Si c'est le contraire, dites le moi. Si je me trompe, dites le moi.
R - Je crois que le Président de la République a toujours été très clair sur le soutien à l'Ukraine jusqu'à la victoire, que vous semblez questionner. Donc je le répète, il l'a dit, et aux conditions de l'Ukraine, selon le plan en 10 points qui a été déclaré à l'Ukraine.
Q - Ce qui ne veut pas dire adhésion à l'OTAN, jusque-là.
R - Dans le passage, ensuite, traditionnellement, vous avez l'Union européenne et l'OTAN, mais la question ne s'est pas posée pour le moment. D'ailleurs, Jens Stoltenberg le dit très clairement : c'est à long terme et c'est avec discussion avec tous les membres de l'OTAN.
Q - Vous en avez parlé de cette question de l'adhésion. Volodymyr Zelensky était à Bruxelles, il y a une dizaine de jours, je crois, très ému devant les députés européens. Lui qui souhaite l'adhésion rapide de son pays. On écoute le président ukrainien.
[ M. Volodymyr Zelensky, président de l'Ukraine :
"Il est temps pour l'Ukraine de faire partie de l'Union européenne à part entière. La plupart des Européens soutiennent cet objectif. Nous avons déjà le statut de pays candidat. Nous sommes en train de nous préparer aux négociations pour devenir membre."]
Q - Voilà, il a tout dit. Il a obtenu le statut de pays candidat. Il se prépare aux négociations pour devenir membre. Est-ce que le pays doit rentrer vite, rapidement, dans l'Union ?
R - Oui, je crois que c'est essentiel. Comme je vous disais, sa place est dans l'Union européenne. L'Ukraine en fait partie. Il ne faut pas qu'on mette autant de temps que ce qu'on a pu faire pour d'autres pays, parce qu'on sait que ça conduit à des frustrations, voire à se détourner de cette famille européenne ou pour aller voir des familles moins démocratiques et moins libres. Donc, il faut qu'on trouve un chemin pour accueillir l'Ukraine, qui soit équilibré, dans le sens où elle va arriver à rentrer plus vite. On va mettre des équipes à disposition.
Q - Plus vite, c'est combien de temps ?
R - Plus vite, je ne vais pas vous donner une date puisqu'on aura un rapport de la commission en avril qui va nous permettre de juger où est-ce qu'il faut aider l'Ukraine pour accélérer sur la procédure.
Q - Quand même, on sait que les négociations d'adhésion, c'est généralement une quinzaine d'années, c'est ça ?
R - Pas du tout, il y a des pays qui sont entrés en cinq ans.
Q - Et donc là, un ordre d'idée, c'est quoi ? C'est deux, trois, quatre ans ?
R - On peut vous dire entre 5 et 15 ans. Ça dépend aussi des efforts qu'il faut faire...
Q - Mais pas avant cinq ans. Lui, il veut avant cinq ans.
R - Il y a une chose qui est très, très importante. Effectivement, on ne peut pas refaire un type d'élargissement avec l'Ukraine comme ce qu'on a fait avec les autres pays. D'ailleurs, ça s'applique à l'Ukraine, ça s'applique à la Moldavie et ça s'applique aux Balkans. À chaque fois, on en parle. Maintenant, prenez par exemple...
Q - On ne peut pas faire, ça veut dire qu'il faut aller plus vite ?
R - Oui, il faut aller plus vite. Il faut les aider plus aussi, parce que c'est colossal d'entrer dans l'Union européenne. C'est tout un paquet législatif que vous devez adopter. C'est des produits qui doivent être standardisés, c'est des règles qui doivent être mises en œuvre, c'est des institutions qui doivent être solidifiées...
Q - Mais on a le temps de faire tout ça, et qu'ils adhèrent vite quand même ?
R - Absolument ! Et je vais vous donner un exemple. L'Ukraine a mis en place, et je voyais la vice-Première ministre ukrainienne à Bruxelles, l'autre jour, pour en discuter, tout un système anticorruption. Elle s'inquiétait parce qu'ils avaient passé au filtre, j'allais dire, 200 personnes sur lesquelles ils allaient enquêter. Elle me dit : "oh là là, ça fait beaucoup. Quelle image ça donne de nous ?" Je lui ai dit : "au contraire, ça montre que vous attaquez à ce processus de corruption qui a été prévalent... " On va mettre des équipes, il y a des équipes européennes ; on va les aider pour que ça aille beaucoup plus rapidement que ce qui s'est passé ailleurs. Je vais juste rajouter une chose. Je voyais la présidente de Moldavie. La présidente de Moldavie elle-même a dit : "C'est lourd, ça va nous prendre du temps. Est-ce que pour accélérer, vous croyez qu'on pourra avoir plus d'équipes ?" La réponse sera oui, nous allons aider ces pays beaucoup plus, c'est vrai, parce que la situation géopolitique a changé, que ce que nous avons pu faire pour d'autres pays....
Q - Donc, il y aura une sorte de dérogation qui s'appliquera à l'Ukraine ?
R - Non, il n'y a pas de dérogation aux règles. Il y a de l'aide accélérée, ce qui est différent.
Q - Tout à fait, vous avez raison. Mais donc, l'Union, telle qu'elle est actuellement, mettra à disposition de l'Ukraine, de la Moldavie et des Balkans des moyens pour qu'ils puissent adhérer plus vite que ne l'ont fait les autres pays ?
R - Absolument.
Q - Mais il n'y aura pas de règles dérogatoires ?
R - Il n'y a pas de dérogation. C'est un Etat de droit. On sait que c'est fragile, et c'est justement ça qu'on veut préserver.
Q - Volodymyr Zelensky dit en gros : "nous avons payé le prix du sang pour défendre des valeurs européennes. Et ça mérite rétribution en termes de délais d'adhésion. Nous, on défend l'idée européenne, donc accueillez-nous tout de suite. On est membre de cœur. On voudrait être membre de droit tout de suite. "
R - Absolument. Et nous, on répond : "On ne veut pas vous perdre, donc on va vous aider et on ne va pas se perdre non plus dans ce processus, nous, Européens." Donc c'est ensemble qu'on va arriver à ce qu'il adhère plus vite...
Q - Donc c'est entre les deux. C'est moins vite que ce qu'il souhaite...
R - C'est un travail d'équipe.
Q - Moins vite que ce qu'il souhaite, mais plus vite que ce qui s'est fait pour d'autres pays ?
R - Il n'a pas dit deux ou trois mois. On va absolument faire le maximum pour que ça se passe.
Q - Il n'a pas dit deux ou trois mois, mais on sent que cinq ans, ce n'est pas assez vite pour lui.
R - Le maximum pour que ça se passe le plus vite possible et le mieux possible.
Q - Si je veux une date, je repasserai. Autre défi pour l'Europe : les migrations, l'asile. Après ce nouveau drame en Méditerranée, certainement plus de 60 morts, dont un nouveau-né, après le naufrage d'une embarcation.
[...]
Q - Madame la Ministre, s'il y a bien un sujet sur lequel il semble que rien n'avance en Europe, c'est celui-là. À chaque drame, il y en a tout le temps, tous les quinze jours, il y a un drame comme ça, depuis plusieurs années, on entend : "l'Europe doit bouger, l'Europe doit réformer le droit d'asile, l'Europe ceci, l'Europe cela". Et l'Europe se dépêche de ne rien réformer du tout en fait.
R - Je ne peux absolument pas vous laisser dire ça. Je vais juste vous donner trois exemples sur les choses immédiates. On a réformé Frontex qui a, comme vous le savez, un nouveau dirigeant. Son budget va être doublé en trois ans.
Q - Frontex, c'est la police aux frontières de l'Europe.
R - C'est les garde-frontières de l'Europe, absolument, et les garde-côtes...
Q - Avec le succès qu'on a vu là.
R - ...son budget va être doublé en trois ans. Je vous signale que c'est eux qui ont alerté les garde-côtes italiens, le plus tôt, dans la nuit. Et par ailleurs, ils vont être dotés de 10.000 hommes.
Q - 10.000 hommes ?
R - Oui. La deuxième chose... et c'est eux qui ont alerté. Donc ils sont utiles et ils sont sur les lieux. La deuxième chose, c'est qu'il y a un budget de l'Union européenne pour les pays de départ et de transit, qui est de l'ordre de 80 milliards, dont 10% sont dédiés au problème des migrations.
Q - C'est de l'aide au développement pour éviter que les gens aient envie de partir ?
R - Non, ça oui. Et les 10% spécifiquement pour aider les pays à mieux gérer leurs frontières pour arrêter les passeurs, stopper ces trafiquants. On est en train de parler d'êtres humains, quand même, qui viennent de se noyer dans la mer ; et donc pour empêcher ce trafic et arrêter les passeurs. La troisième chose, c'est que depuis l'affaire Ocean Viking, à laquelle j'imagine vous faisiez allusion, nous avons un groupe de contact avec tous les Etats membres de l'Union européenne, l'Organisation maritime internationale et les ONG pour repérer les bateaux plus vite. Evidemment, ce n'est pas parfait. Il y en aura toujours un qui arrivera à passer. Mais en tous les cas, on multiplie les efforts pour que ça se fasse maintenant. Evidemment, ce n'est pas assez. Nous allons aller plus loin. Comme vous le savez, il y a le pacte asile et migration, qui est en discussion en ce moment au Parlement européen et avec le Conseil, qui vise à aider les pays, à nouveau, de départ et de transit, à mieux gérer leurs frontières, à renforcer les frontières extérieures de l'Union européenne également.
Q - Vous travaillez avec les ONG ? Les Etats travaillent avec les ONG ?
R - Mais oui, les Etats parlent aux ONG, bien sûr.
Q - Parce que beaucoup de pays disent que les ONG sont des complices des passeurs, ce sont des criminels. Pas que Georgia Meloni.
R - Ecoutez, vous avez des relations qui sont différentes d'un pays à l'autre. Par exemple, en Allemagne, les églises financent des ONG, alors, pas que pour ça. Les ONG et là, parfois elles ramassent des personnes et on est contents qu'elles le fassent. Il faut travailler avec elles parce que, effectivement, elles vont quand même secourir des personnes dans la mer. Et je rappelle qu'on parle d'êtres humains qui quittent en général des conditions terribles. Parce qu'en fait, pourquoi est-ce qu'il y a des migrants et des demandeurs d'asile ?
Q - Parce qu'ils vont chercher une vie meilleure.
R - Oui, parce qu'ils viennent d'Afghanistan, parce qu'ils viennent d'Iran, parce qu'ils viennent du Pakistan. Donc ils vont effectivement tenter quelque chose. Et c'est vrai que la dégradation de la situation géopolitique mondiale fait qu'on en voit plus, qu'il y a plus de routes migratoires. Mais ce n'est pas que la Méditerranée ; c'est les Balkans. On a aussi l'instrumentalisation par la Russie des migrants aux frontières européennes.
Q - Pologne, Biélorussie.
R - Absolument.
Q - Vous avez dit, hier, chez Caroline Roux à C dans l'air, je vous ai écoutée, "ce sont des gens qui allaient chercher une vie meilleure", en parlant de ces victimes. Est-ce qu'on doit empêcher les gens d'aller chercher une vie meilleure ? Parce que ce que vous dites, il faut Frontex, il faut... On a donné de l'argent pour que les bateaux soient gérés, pour qu'il n'y ait pas de passeurs, etc. Donc en gros, ce que je peux comprendre, mais on empêche des gens d'aller chercher une vie meilleure.
R - Il faut être à la fois sérieux et humains, avec des demandes d'asile. Nous accueillons des demandeurs d'asile, et il est bien normal que nous le fassions exactement pour cette raison. Et c'est cet équilibre qu'il faut trouver. Après, dans toutes les embarcations, il n'y a pas que des demandeurs d'asile.
Q - Mais il n'y a que des gens qui vont chercher une vie meilleure. Vous l'avez dit vous-même.
R - Mais qu'est-ce que vous essayez de me faire dire, là ?
Q - Je ne sais pas, s'il faut parce...
R - Alors, à nouveau, je vais être très claire. Je vous explique que, effectivement, il y a des personnes qui, pour des raisons géopolitiques, ont besoin de demander l'asile. Ces personnes sont reçues sur le sol européen, elles sont enregistrées. On étudie leur demande d'asile. On doit et on peut aller plus vite et harmoniser les procédures d'un pays à l'autre, et ensuite leur permettre, effectivement, de travailler et trouver une vie meilleure.
Q - Fin février, la Commission européenne a demandé à ses salariés de supprimer l'application TikTok de leurs portables. L'Europe a été suivie par les Américains et les Canadiens. La France va-t-elle demander à ses diplomates de se passer aussi de l'application TikTok ?
R - Il n'y a aucun téléphone de diplomate qui prend des applications type TikTok ou WhatsApp ou ce à quoi vous pensez...car ce sont des téléphones sécurisés...
Q - Parce que ce ne sont que des portables sécurisés ?
R - Absolument. Ce qui est important avec l'histoire de TikTok, c'est qu'il y a une règle européenne qui est que les données européennes, vos données quand vous, quand vous travaillez ou jouez sur Telegram, Instagram ou autres, elles doivent être... elles doivent rester en Europe et être analysées en Europe. Elles ne doivent pas sortir d'Europe. En ce moment, il y a une enquête en cours de la CNIL irlandaise et de la CNIL française sur ce sujet qui va rendre bientôt le rapport de son analyse. Et le ministre du numérique Jean-Noël Barrot est absolument sur cette affaire. Mais il y a une chose dont on veut s'assurer, c'est qu'effectivement les données restent sur le territoire européen.
Q - Mais vous diriez que TikTok est dangereux ?
R - Eh bien, nous allons attendre de voir le rapport de la CNIL française, effectivement.
Q - Parce qu'il me semble que, hier, les Etats-Unis ont demandé à ce que tous les agents du Pentagone suppriment TikTok, parce que, disent-ils, il y avait des risques d'espionnage chinois.
R - La raison pour laquelle on demande que les données sur ce type d'applications restent sur le territoire européen, c'est précisément pour éviter de l'ingérence étrangère. Donc nous, on fait une enquête. Et si TikTok a contrevenu à ça, eh bien TikTok sera sanctionné.
Q - Parce que la présidente du Parlement européen vient de demander à tous les personnels du Parlement européen de supprimer TikTok de leurs portables. Manifestement il y a un danger. Elle, elle a l'air persuadée, sans attendre un rapport, qu'il y a un danger.
R - Comme...
Q - Je ne sais pas pourquoi vous êtes agacée par... Bah, je vous dis ce qu'a fait la présidente du Parlement européen.
R - Oui, oui. Elle demande ça pour les téléphones professionnels.
Q - Oui. Et personnels, je crois.
R - Alors personnels, je ne suis pas sûre qu'elle ait demandé ça pour les téléphones personnels, et c'est très clair dans l'administration française, il y a des téléphones personnels...
Q - On me dit que c'est une obligation. Elle demande comme obligation pour les téléphones professionnels et une recommandation pour les téléphones personnels.
R - D'accord. Il est très clair dans toute l'administration française et dans mon ministère que les téléphones professionnels du Quai d'Orsay n'ont pas d'applications de ce type.
Q - Bien. Un mot, des accords qui ont été passés hier entre Rishi Sunak et la présidente de la commission, Ursula von der Leyen, pour... Il y avait un conflit entre l'Angleterre et l'Union européenne à propos de l'Irlande du Nord. Beaucoup ont dit : la Commission s'est couchée ou a accédé de façon excessive aux demandes anglaises, parce qu'il fallait se concilier l'Angleterre qui nous aide et avec qui on est alliés sur l'Ukraine. Est-ce que vous avez aussi ce sentiment ?
R - Je ne sais pas pourquoi les gens... pourquoi il y a cette remarque, parce que la Commission a négocié au nom des Etats membres, comme ça a toujours été le cas depuis le Brexit, pour voir comment mettre fin à une situation qui, aujourd'hui, n'est pas une situation confortable parce que tous les biens et services peuvent passer du Royaume-Uni au marché unique européen. L'accord qui a été trouvé, c'est que les biens qui sont destinés à rester sur le territoire britannique, y compris l'Irlande du Nord, ne seront plus soumis qu'à des contrôles aléatoires. En revanche, les biens ou services qui sont destinés à venir sur le marché unique seront soumis à des contrôles systématiques. C'est un accord assez juste. On va pouvoir contrôler les données d'échanges commerciaux, et donc on verra s'il y a des mouvements anormaux.
Q - Merci infiniment. Le générique est parti, et c'est parfait. Vous avez terminé au bon moment. Merci, Laurence Boone, d'avoir accepté notre invitation.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 mars 2023