Interview de M. Olivier Véran, ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement, à RTL le 8 mars 2023, sur la polémique sur le bras d'honneur d'Éric Dupond-Moretti au président du groupe LR à l'Assemblée nationale, l'examen de la réforme des retraites au Sénat et la mobilisation contre la réforme.

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Média : RTL

Texte intégral

AMANDINE BEGOT
On va bien sûr évoquer dans un instant la mobilisation contre cette réforme des retraites, mais d'abord, Olivier VERAN, je voudrais qu'on revienne sur cette séance une nouvelle fois agitée hier, à l'Assemblée nationale, ces bras d'honneur d'Eric DUPOND-MORETTI au président du groupe LR, Olivier MARLEIX, qui venait de rappeler à la tribune sa mise en examen pour prise illégale d'intérêt. Le Garde des sceaux a présenté ses excuses, mais franchement, est-ce que tout ça est bien digne d'un ministre ?

OLIVIER VERAN
Mais Eric DUPOND-MORETTI, vous le connaissez, c'est un homme antillais, c'est un homme d'honneur, qui se bat pour le droit des victimes, et qui reconnaît la liberté de pouvoir se défendre, et notamment la présomption d'innocence, il l'explique, je n'ai pas de raison de ne pas le croire, il explique, il y avait des témoins autour de lui, qu'il a fait ce geste, qu'il ne faut pas faire, notamment dans l'hémicycle…

AMANDINE BEGOT
On est d'accord, qu'il ne faut pas le faire, qui plus est à l'Assemblée nationale, qui plus est quand on est ministre…

OLIVIER VERAN
Ni dans l'hémicycle ni ailleurs, il l'a reconnu, il s'en est excusé, et il ne l'a pas fait à destination d'un parlementaire, il l'a fait à destination d'un principe, qui est celui qui reviendrait à ne pas respecter la présomption d'innocence, et à mélanger culpabilité et présomption de culpabilité.

AMANDINE BEGOT
Est-ce qu'il faut qu'il soit sanctionné, le règlement de l'Assemblée nationale, je le rappelle, ne prévoit pas de sanction pour les ministres, contrairement aux parlementaires, il faut qu'il soit sanctionné ?

OLIVIER VERAN
Moi, je note qu'il s'est excusé, il était important qu'il le fasse, deux fois, qu'il a expliqué que son geste ne ciblait pas le député, qu'il ne le fera plus, et que les débats ont pu reprendre dans l'hémicycle à l'Assemblée nationale.

AMANDINE BEGOT
Ce n'est pas un peu compliqué, quand on vous entend en plus, depuis des semaines, dénoncer l'attitude…

OLIVIER VERAN
Si, mais, bien sûr, c'est pour ça qu'il faut qu'on soit…

AMANDINE BEGOT
De députés LFI, c'est embarrassant, ça tombe mal, ça gênant, vous le reconnaissez ?

OLIVIER VERAN
Il faut qu'on soit tous absolument exemplaires, ça veut dire qu'il faut qu'on tienne, il faut qu'on se tienne, et qu'on se comporte encore mieux dans le cadre d'un débat public, qu'on se comporte dans le quotidien…

AMANDINE BEGOT
Il faut qu'on se tienne, ça veut dire qu'il a perdu ses nerfs ?

OLIVIER VERAN
Ah, non, non, ce n'est pas… vous connaissez aussi Eric DUPOND-MORETTI, enfin, vous avez une idée de la personne qu'il est, quand je dis que c'est une personne entière et un homme d'honneur, c'est quelqu'un qui est très engagé dans tout ce qu'il fait, pour les autres, et parfois, pour lui-même.

AMANDINE BEGOT
Pas question qu'il démissionne, c'est ce que demandent certains au sein de l'opposition ?

OLIVIER VERAN
Non, je vous dis, il a continué à présenter le texte et à le défendre au banc, un texte important qui n'a pas été adopté, mais qui vise à faire progresser la justice en matière de droits des femmes notamment, parce que c'est un texte qui avait vocation à empêcher quelqu'un qui était condamné pour violences aggravées, notamment des violences conjugales, de pouvoir porter l'écharpe d'un élu de la République.

AMANDINE BEGOT
Ce geste est d'autant plus mal placé que, certes, il s'adressait, dit le ministre, pas directement aux LR, mais vous êtes en train quand même d'avoir besoin des LR, on est d'accord ? Ça ne va pas vous brouiller ?

OLIVIER VERAN
Non, non, il n'y a pas de brouille, encore une fois, il ne faut pas mélanger la politique avec un geste, un comportement, encore une fois, inadapté dans un contexte particulier. Ce que je note, c'est que le Sénat, cette nuit, et la majorité sénatoriale, parce que vous avez vu, je vous lance moi-même sur les retraites…

AMANDINE BEGOT
C'est bien, merci…

OLIVIER VERAN
Avec la majorité sénatoriale a adopté elle-même un article, un amendement qui permet de montrer vraiment sa détermination à voter le texte de réforme sur les retraites, puisqu'il s'agit du fameux article qui repousse de deux ans l'âge de départ, et donc, ils se sont donné les moyens de faire en sorte que le texte puisse avancer, voilà.

AMANDINE BEGOT
Mais ce n'est pas encore voté, cet article…

OLIVIER VERAN
Non, il reste 75 amendements sur…

AMANDINE BEGOT
La reprise des débats cet après-midi…

OLIVIER VERAN
Ce qui est intéressant, c'est de voir qu'il y avait, là aussi, une volonté d'obstruction parlementaire de la part de l'équivalent de la Nupes sénatoriale, une obstruction manifeste, ils ont déposé, je crois, 4.000 sous-amendements dans la nuit…

AMANDINE BEGOT
C'est l'équivalent de la Nupes ?

OLIVIER VERAN
Eh bien, je dis équivalent politique, puisque, c'est…, de fait, vous avez, là, les groupes qui composent, à l'exception de La France Insoumise, qui n'a pas de groupe au Sénat, et c'est tant mieux, c'est les groupes qui composent la Nupes au Sénat, qui ont fait de l'obstruction.

AMANDINE BEGOT
Alors, concernant la mobilisation contre cette réforme des retraites, il y a cette mobilisation massive dans les rues hier, on rappelle les chiffres, 3.500.000 selon la CGT, 1.280.000 selon le ministère de l'Intérieur. C'est plus en tout cas dans la rue que lors des journées précédentes, l'intersyndicale appelle à deux nouvelles journées de mobilisation, une samedi, et puis, une la semaine prochaine, le jour de la Commission mixte paritaire. Les leaders syndicaux demandent par ailleurs à être reçus en urgence par Emmanuel MACRON, ils vont lui envoyer une lettre dans les prochaines heures, les prochains jours. Est-ce qu'Emmanuel Macron va les recevoir ?

OLIVIER VERAN
D'abord, vous dire que le président de la République en juin, il a reçu tous les syndicats, à l'exception de la CGT, qui n'a pas voulu venir, je le souligne quand même, ensuite, le président de la République, il a lancé le Conseil national de la refondation, où la CFDT est venue, la CGT, à nouveau, n'est pas venue. Ensuite, le président de la République, dans le respect des institutions, il a passé le ballon, si je puis dire, à la Première ministre et au gouvernement, qui ont, là, reçu un grand nombre de fois l'ensemble des syndicats, et pour le coup, la CGT d'ailleurs est venue, et des améliorations ont été apportées au texte, suite à ces rencontres, notamment en termes de pénibilité, de droits des femmes, des invalides, etc.

AMANDINE BEGOT
Sauf que là, les syndicats disent : on n'a plus aucun contact avec qui que ce soit d'ailleurs du gouvernement, ni avec des conseillers, alors que dans d'autres conflits, ça existe, il y a un moment où il va falloir se parler, Olivier VERAN, on ne peut pas sortir…

OLIVIER VERAN
Mais bien sûr, attendez, je vais y venir, je vais y venir, ensuite…

AMANDINE BEGOT
Donc ils vont être reçus ou pas ?

OLIVIER VERAN
Quand je dis que le président de la République, il a passé ensuite le ballon au gouvernement, c'est que, il a attendu que le texte ne soit plus examiné à l'Assemblée, et pas encore examiné au Sénat, pour intervenir sur le débat des retraites, c'est-à-dire en faisant ce fameux déplacement à Rungis, dont on a beaucoup parlé, et ensuite, il respecte les institutions, le texte est actuellement au Sénat. La porte du gouvernement, si c'est votre question, elle est plus qu'ouverte, en fait, et si les syndicats qui, depuis, effectivement, un certain nombre de semaines, ne l'ont pas franchie et décident d'en retrouver la voie et l'accès pour pouvoir discuter, nous, on est dans le dialogue. On a tout intérêt…

AMANDINE BEGOT
Donc vous êtes prêt, vous, à recevoir l'intersyndicale dans son entièreté, vous, Olivier VERAN…

OLIVIER VERAN
Pas moi, ce n'est pas mon rôle de le faire…

AMANDINE BEGOT
Non, mais je vous pose la question…

OLIVIER VERAN
Mais le gouvernement, l'exécutif, la porte de l'exécutif est évidemment ouverte…

AMANDINE BEGOT
Le gouvernement, Elisabeth BORNE, et Emmanuel MACRON. Est-ce que ce ne serait pas un signe d'apaisement ?

OLIVIER VERAN
Mais attendez, on est dans le respect des institutions, c'est la Première ministre et le gouvernement qui sont en train de mener ce texte dans son cheminement parlementaire.

AMANDINE BEGOT
Donc vous me dites ce matin que l'Elysée ne recevra pas l'intersyndicale ?

OLIVIER VERAN
Mais, je ne vous dis pas ça, je ne parle pas au nom de l'Elysée, je suis porte-parole du gouvernement, je vous dis que c'est notre rôle que de recevoir les partenaires sociaux et qu'on est, non seulement, prêt à le faire, mais désireux de le faire, parce qu'on veut continuer de pouvoir discuter, travailler, et au-delà même des retraites, être capable de continuer à bosser sur des textes importants, parce qu'il y aura aussi un après-retraite, et on veut parler du plein emploi, on veut parler du bon emploi, on veut parler de France Travail, on veut parler du télétravail. Et pour ça, on a besoin que le lien avec les syndicats, ce soit un lien qui soit fort, donc on acte le désaccord sur les 64 ans, mais ça fait un moment qu'on l'a acté, on ne se mettra pas d'accord là-dessus, ils organisent des manifestations, des journées de grève, on le respecte…

AMANDINE BEGOT
Vous faites le dos rond en attendant, en attendant que ça passe, c'est un peu l'impression qu'on a…

OLIVIER VERAN
Mais on ne fait pas le dos rond, en fait, on bataille au Parlement actuellement pour trouver une majorité comme les Français nous ont demandé de le faire, alors qu'on est en majorité relative, de chercher des accords, j'ai appuyé sur un bouton ?

AMANDINE BEGOT
C'est bon…

OLIVIER VERAN
De chercher des accords pour pouvoir identifier des majorités.

AMANDINE BEGOT
Olivier VERAN, la grève a été reconduite dans les raffineries, depuis hier, plus aucun camion ne sort d'aucun site, est-ce que vous envisagez des réquisitions, il faut bloquer les bloqueurs, disait dimanche, ici même, sur RTL, Bruno RETAILLEAU ?

OLIVIER VERAN
D'abord, un concept général, moi, j'ai entendu des représentants de la CGT dire : on veut mettre l'économie à genoux, moi, je leur réponds : nous, ce n'est pas l'économie qu'on veut mettre à genoux…

AMANDINE BEGOT
Certains le disent, pas tous…

OLIVIER VERAN
Nous, ce n'est pas l'économie qu'on veut mettre à genoux, c'est le chômage. Et comme l'emploi, c'est la première des solidarités, ce qu'on veut mettre à genoux, c'est aussi la pauvreté dans notre pays. Et on a un pays qui repart, qui crée de l'emploi, qui réimplante des usines, je crois que les syndicats nous le demandaient…

AMANDINE BEGOT
Mais sur l'essence, sur les carburants…

OLIVIER VERAN
En 2022, on a réimplanté 80 usines, et notamment des entreprises étrangères, donc on retrouve de la souveraineté et on retrouve de l'emploi…

AMANDINE BEGOT
Oui, mais répondez s'il vous plaît sur l'essence, le carburant, c'est la préoccupation des auditeurs qui nous écoutent.

OLIVIER VERAN
C'est une préoccupation légitime, le droit nous autorise à procéder à des réquisitions si la situation devait se faire sentir, ce que nous avions eu l'occasion de faire à l'automne dernier…

AMANDINE BEGOT
C'est donc envisagé ?

OLIVIER VERAN
Eh bien, pas à l'heure à laquelle je vous parle, aujourd'hui, il n'y a aucune… si on prenait aujourd'hui un arrêté de réquisition, il serait annulé par la justice parce qu'il n'y a pas d'impact…

AMANDINE BEGOT
Sauf qu'à l'automne dernier, on a attendu qu'il n'y ait plus d'essence, et on se souvient de ces files d'attente, vous avez retenu la leçon ou…

OLIVIER VERAN
Vous savez, ce n'est pas de retenir la leçon, c'est retenir la Constitution en fait, vous avez… la Constitution autorise, et nous le respectons, les manifestations et la grève. Et donc quand on veut intervenir comme Etat face à un mouvement de grève, et de blocage, il faut qu'on le fasse en respectant le principe constitutionnel de pouvoir faire grève, et donc, il faut le faire avec proportionnalité et avec tact et mesure…

AMANDINE BEGOT
Donc, vous ne vous l'interdisez pas, et pour l'instant, vous dites…

OLIVIER VERAN
On peut le faire, le droit nous autorise à le faire, mais au bon moment…

AMANDINE BEGOT
Il n'y a pas de pénurie, ça n'arrivera pas pour l'instant ?

OLIVIER VERAN
Je ne dis pas des phrases comme ça, s'il vous plaît, je vous dis qu'il y a depuis hier des situations de blocage devant certains centres de dépôts, que les raffineries ne sont pas à l'arrêt à l'heure à laquelle je vous parle en tout cas. Et qu'on n'est pas dans une situation ce matin de blocage qui justifierait de procéder à des réquisitions, sans quoi, de toute façon, la justice les annulerait probablement.

AMANDINE BEGOT
Pas de risque non plus de catastrophe écologique, sanitaire, agricole…

OLIVIER VERAN
Non, mais j'ai eu l'occasion de m'expliquer là-dessus, vous avez quand même compris, et je pense que ça, c'est l'essentiel, que si la réforme des retraites est fondamentale pour notre modèle social, nous, on fait aussi face au quotidien, et les Français, et je peux vous dire que c'est ce dont ils me parlent, à des nécessités de réformer la santé, de travailler sur le pouvoir d'achat, avec des annonces importantes de la grande distribution, à la demande du gouvernement, et que tout ça nécessite aussi qu'on ait une France qui ne soit pas à l'arrêt, donc, je vous le redis…

AMANDINE BEGOT
D'un mot, les députés…

OLIVIER VERAN
Il ne faut pas que la France soit à l'arrêt…

AMANDINE BEGOT
Les députés Renaissance qui ne voteront pas cette réforme, ils seront exclus, vous confirmez ?

OLIVIER VERAN
Eh bien, de façon générale, quand un député s'inscrit dans une majorité avec des éléments de programme fondamentaux, et qui fait campagne sur ce programme, et qui change d'avis, une fois qu'il est parlementaire, c'est des situations qui peuvent conduire à des exclusions de groupes majoritaires, je veux dire, il y a le budget et les grandes réformes.

AMANDINE BEGOT
Merci beaucoup Olivier VERAN.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 9 mars 2023