Interview de M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics, à BFMTV le 8 mars 2023, sur la réforme des retraites et la lutte contre l'inflation.

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Texte intégral

APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour Gabriel ATTAL.

GABRIEL ATTAL
Bonjour Apolline de MALHERBE.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous êtes le ministre délégué chargé des Comptes publics, en gros le ministre du Budget. Encore un psychodrame hier, je refuse de commencer cette interview par un nouveau psychodrame, je vous préviens tout de suite, vous n’arrêtez pas, tous, il n’y en n’a pas un pour rattraper l’autre, quand je reçois LFI c’est ceux qui bordélisent le pays de votre côté, quand je reçois un ministre du gouvernement je me dis qu’il y a son confrère qui a fait des bras d’honneur à l’Assemblée, donc on va en parler, mais on ne commencera pas par ça Gabriel ATTAL, on va d’abord commencer par le fond, cette réforme des retraites, mais quand on regarde le fond on se demande si ça vaut vraiment la peine de braquer tout le pays parce que l’objectif de cette réforme c’était de trouver l’équilibre, les comptes publics c’est vous, de trouver l’équilibre en 2030, et en l’état, si je comprends bien et si je fais les comptes, c’est fichu. Est-ce que ça vaut vraiment la peine de braquer tout le pays pour un équilibre que vous ne trouverez pas ?

GABRIEL ATTAL
D’abord l’objectif c’est ce qu’il y a derrière l’équilibre, l’équilibre en soi, le plus important, c’est le fait qu’au début des années 2000 vous aviez 12 millions de pensions de retraite à payer chaque mois, et que dans les années à venir il y en aura 20 millions, parce qu’on vit plus longtemps, c’est un quasi doublement du nombre de retraités, dont il faut payer la pension, en une génération, et que si on veut pouvoir continuer à payer les pensions, il faut une réforme, et donc il faut atteindre l’équilibre pour payer les pensions, moi je ne veux pas que dans les années à venir on ait un gros problème pour payer les pensions de nos retraités, c’est ce qui se passerait sans réforme.

APOLLINE DE MALHERBE
C’est précisément votre justification, j’ai refait les comptes, au début de la présentation de cette réforme des retraites vous nous promettiez un excédent de 4,2 milliards d’euros en 2030, mais depuis vous avez fait un certain nombre de concessions, vous avez ajourné, et finalement on se retrouve avec un déficit de 300 millions en 2030, donc est-ce que ça vaut encore la peine de braquer le pays, je vous repose la question ?

GABRIEL ATTAL
Alors il y a le texte qui est sorti de l’Assemblée nationale, qui est passé au Sénat, c’est un texte d’équilibre en 2030, ensuite vous avez une discussion au Sénat…

APOLLINE DE MALHERBE
Donc on est déjà passé d’excédent à équilibre ?

GABRIEL ATTAL
On est à un excédent, je crois que le texte qui est passé de l’Assemblée au Sénat il y a un excédent autour de 200 millions d’euros.

APOLLINE DE MALHERBE
Donc vous avez perdu 5 milliards entre les deux !

GABRIEL ATTAL
L’objectif, encore une fois, c’est de pouvoir payer les pensions de retraite, d’être à l’équilibre. Ensuite vous avez une discussion au Sénat, le Sénat a adopté plusieurs amendements, certains avec lesquels on n’est pas en accord, moi j’ai eu l’occasion de donner un avis défavorable à un amendement notamment, qui coûte 800 millions d’euros…

APOLLINE DE MALHERBE
Qui était celui sur le CDI senior.

GABRIEL ATTAL
Absolument, maintenant la discussion va se poursuivre au Sénat et on verra, à l’issue de l’examen au Sénat, quel sera l’équilibre budgétaire, et puis ensuite la discussion parlementaire va se poursuivre. Moi je le redis, l’objectif de pouvoir payer les pensions de retraite à bientôt 30 millions de retraités c’est un objectif dont on ne dérogera pas, Apolline de MALHERBE. Si dans quelques années…

APOLLINE DE MALHERBE
Vous ne dérogerez pas de cet objectif, vous y dérogez déjà.

GABRIEL ATTAL
Mais bien sûr que non. Ça serait peut-être "facile " aujourd’hui vis-à-vis de certains de dire " finalement ce n’est pas très grave ", mais enfin dans quelques années, qu’est-ce qu’on se dira si on se retrouve à baisser les pensions de retraite parce que, encore une fois, on a un nombre de retraités dont il faut payer la pension, qui a doublé sur une génération, si on doit baisser les pensions de retraite dans quelques années, qu’est-ce que les gens diront à ceux qui étaient aux responsabilités, comme moi aujourd’hui ? " Vous n’avez pas été à la hauteur de vos responsabilités ", et ça moi je le refuse.

APOLLINE DE MALHERBE
Gabriel ATTAL, si on fait bien les comptes, et j’imagine que vous tenez la calculette, on est bien d’accord qu’au moment où on se parle, et en l’état d’évolution du texte de la réforme, vous avez bien perdu 5 milliards ?

GABRIEL ATTAL
Ce n’est pas 5 milliards, mais ce qui est sûr c’est…

APOLLINE DE MALHERBE
Vous étiez à +4,2 milliards, vous êtes à -300.

GABRIEL ATTAL
Ce qui est certain c’est qu’il y a des amendements qui ont été…

APOLLINE DE MALHERBE
Donc vous avez perdu 4,5 milliards.

GABRIEL ATTAL
Attendez, il y a des amendements qui ont été votés au Sénat, il faut regarder à la fin de l’examen du texte, parce que vous avez peut-être d’autres amendements qui seront votés, ce qui est certain c’est qu’il ne faut pas qu’on s’éloigne de cet objectif d’équilibre, dont encore une fois on ne veut pas déroger parce que…

APOLLINE DE MALHERBE
Donc il y a des points que vous avez retoqués, vous allez et vous retorquerez cette idée de CDI senior qui avait été donc proposée par le Sénat, vous avez estimé que ça coûtait 800 millions d’euros, et en même temps si ça permettait vraiment d’embaucher des seniors, c’est peut-être un peu dommage de passer à côté, non ?

GABRIEL ATTAL
C’est quoi le CDI senior, la proposition ? moi j’entends d’abord le fait qu’il faut prendre des mesures pour inciter à l’emploi de seniors, ils disent on fait un CDI spécial où à partir de 60 ans, quand vous êtes donc senior à partir de 60 ans, votre patron paye moins de cotisations patronales pour vous embaucher et pour vous faire travailler. Moi j’ai toujours un doute sur les baisses de cotisations liées à un âge, parce que qu’est-ce qui va se passer si on adoptait cette mesure pour les gens qui ont 57, 58, 59 ans…

APOLLINE DE MALHERBE
Vous n’avez pas fait ça déjà pour les jeunes ?

GABRIEL ATTAL
Non, vous avez des exonérations aujourd’hui de cotisations qui sont liées à un type de contrat ou à un type de rémunération, et notamment au niveau du SMIC, donc on dit souvent que c’est les jeunes parce qu’il y a plus de jeunes qui travaillent au SMIC, mais c’est lié à un type de rémunération.

APOLLINE DE MALHERBE
On appelle le CDI jeune quand même !

GABRIEL ATTAL
Non, non non, on n’appelle pas ça comme ça parce que, qu’est-ce qui va se passer sinon pour les gens qui ont 57, 58, 59 ans ? ils vont aller dans une entreprise, pour présenter une candidature, et l’entreprise va leur dire « revenez dans quelques années puisque que quand vous aurez 60 ans ça me coûtera moins cher de vous recruter », et donc le risque c’est qu’on décale le problème, c’est qu’il y ait des personnes qui aient au-dessus de 55 ans, entre 55 et 60 ans, qui aient des difficultés pour être recrutées parce qu’à partir de 60 ans il y a une baisse de cotisations. Donc voyez, je pense que l’enjeu ce n’est pas uniquement de regarder si une mesure coûte, c’est de regarder si la mesure serait efficace. On a présenté d'autres mesures pour l'emploi des seniors, il va y avoir d'autres discussions sur le sujet dans l'examen du texte, qu’on regarde…

APOLLINE DE MALHERBE
Qui ne sont pas très contraignantes.

GABRIEL ATTAL
Il faut regarde tout sans tabou, moi je le dis de manière très claire, maintenant la discussion va se poursuivre.

APOLLINE DE MALHERBE
Gabriel ATTAL, dans les discussions au Sénat qui se sont terminées tard dans la nuit, 3h30 du matin levée des débats au Sénat, ils ont encore jusqu'à la fin de la semaine. Il y a eu notamment Bruno RETAILLEAU, le chef des sénateurs LR, qui veut augmenter la durée de résidence annuelle sur le sol français pour pouvoir toucher le minimum vieillesse. En gros aujourd’hui, pour toucher le minimum vieillesse il faut être six mois et un jour sur le sol français dans l'année, lui il veut augmenter à neuf mois, est-ce que vous y êtes favorable ?

GABRIEL ATTAL
Oui, moi j’y suis favorable, et on donnera un avis favorable à cet amendement, et d'ailleurs je travaille sur un plan de lutte contre les fraudes, fraude fiscale, fraude sociale, fraude douanière, et je réfléchis, je travaille, à augmenter la durée de résidence sur le sol français pour l'ensemble des minima sociaux et des allocations sociales. Aujourd'hui pour toucher le minimum vieillesse ou les allocations familiales il faut passer six mois en France, pour toucher les APL il faut passer huit mois en France, pour toucher le RSA il faut passer neuf mois en France.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous allez harmoniser tout ça à la hausse ?

GABRIEL ATTAL
Moi je suis favorable, encore une fois je suis en train de travailler pour le coup cette mesure, je suis favorable à tout harmoniser à neuf mois, mais en tout cas pour le minimum vieillesse il y a un amendement qui est effectivement proposé, auquel on donnera un avis favorable.

APOLLINE DE MALHERBE
Ça veut dire concrètement que vous allez donner aussi pouvoir à toutes ces caisses d'allocations de vérifier, de fliquer les plus modeste pour vérifier qu’ils sont bien sur le sol français ?

GABRIEL ATTAL
Ce n’est pas une question de fliquer, c'est une question que quand vous recevez des fonds de la solidarité nationale il faut que vous soyez en droit de les recevoir, et la majorité des gens évidemment sont en droit de les recevoir. Aujourd'hui les caisses de Sécurité sociale elles peuvent déjà vérifier un certain nombre de choses, par exemple les factures d'électricité, des opérations bancaires, on peut élargir, moi je souhaiterais aussi qu'on élargisse la possibilité, par exemple que des caisses de Sécurité sociale qui ont un doute sur le fait qu'une personne a bien résidé sur le sol français, puissent accéder par exemple aux fichiers des passagers des compagnies aériennes, le fameux fichier PNR, pour regarder quand une personne a pris l'avion en direction de la France, quand est-ce qu'elle est partie, ce qui permettra de savoir plus clairement…

APOLLINE DE MALHERBE
De vérifier au jour le jour si vraiment il y a eu neuf mois, donc aujourd'hui six mois, demain neuf mois, si je vous comprends bien, sur le sol français, ça veut dire concrètement c'est quand même un peu une atteinte aux libertés, non ?

GABRIEL ATTAL
Vous savez, tout ça c’est très encadré donc…

APOLLINE DE MALHERBE
De vérifier quel jour vous avez pris l’avion, quel jour vous étiez en France, quel jour vous étiez ailleurs.

GABRIEL ATTAL
Tout ça c’est très encadré, donc ça se…

APOLLINE DE MALHERBE
C’est ce que fait la Suisse.

GABRIEL ATTAL
Ça se fera dans les conditions évidemment, encadrées aujourd’hui, de libertés publiques, il ne s’agit pas de dire qu’on va prendre le fichier des passagers des compagnies aériennes et regarder tout ce qu’ils reçoivent, il s'agit de dire que quand vous avez des personnes pour lesquelles il y a un doute sur le fait qu'elles résident effectivement en France, alors même qu'elles reçoivent des allocations, qu’on puisse accéder aux fichiers des passagers de compagnies aériennes pour vérifier ça.

APOLLINE DE MALHERBE
Si vous faites ça, ça veut dire que vous avez vérifié qu’il y avait en effet un grand nombre de fraudeurs ?

GABRIEL ATTAL
En tout cas aujourd'hui la Caisse nationale d'allocations familiales, la CNAF, qui verse l'essentiel des allocations familiales, estime qu'il y a une partie d’indus, ou de fraudes, qu'il faut recouvrer, on fait beaucoup de progrès, l'an dernier il y a eu une augmentation très forte de ce qu'on a recouvré, c'est aussi le cas sur l'assurance vieillesse et sur le minimum vieillesse, parfois d'ailleurs c'est des réseaux de fraudeurs étrangers qui captent les allocations des Français, je vous donne un exemple sur l'allocation vieillesse, on a démantelé un réseau de faux RIB lituaniens qui avait capté plusieurs dizaines de millions d'euros d'allocations à la place des Français, c'est-à-dire des Français qui se sont fait avoir, qui ont cliqué quelque part et leur RIB sur le site de la Caisse nationale d'assurance vieillesse avait été remplacé par un RIB lituanien avec des réseaux qui captaient leurs allocations, donc il faut lutter contre toutes ces fraudes.

APOLLINE DE MALHERBE
Voilà donc tous les amendements, les évolutions, que vous allez encore accorder à ce texte des réformes. Beaucoup de monde dans la rue hier, un record de mobilisation, pour autant la France n’était pas complètement à l'arrêt, donc c'est quoi pour vous, verre à moitié plein, à moitié vide ?

GABRIEL ATTAL
Il y a eu une mobilisation, mobilisation réelle, mobilisation du même ordre que celle qu'on a connue dans les précédentes journées de mobilisation, effectivement la France n'a pas été complètement à l'arrêt, alors j'ai lu dans la presse aujourd'hui que c'était une bonne nouvelle pour le gouvernement, moi je pense surtout que c'est une bonne nouvelle pour les Français parce que vous avez beaucoup de Français qui aspirent à pouvoir aller travailler, déposer leurs enfants à l'école, et c'est vrai que quand j'entends certaines déclarations de responsables syndicaux ou politiques qui appellent à mettre le pays à l'arrêt, ou l'économie française à genoux, en réalité c'est quand même les Français…

APOLLINE DE MALHERBE
Le pays à l’arrêt, ça c’est tous les syndicats ensemble, la France à genoux c'est la CGT, l’économie française à genoux.

GABRIEL ATTAL
Je pense que ceux qui seraient à genoux si on mettait l'économie française à genoux c'est nos usines, c'est nos entreprises, c'est les salariés, c'est les travailleurs, à un moment en plus où on a plutôt des bonnes nouvelles sur le front économique.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais quand vous voyez le monde qu’il y avait dans la rue, quand vous voyez d’ailleurs des manifestations qui se passent globalement dans le calme, mais qui se passent dans toute la France, à un moment ça ne vous fait pas douter ?

GABRIEL ATTAL
En tout cas évidemment que ça doit nous conduire à continuer à être au contact, à échanger, à travailler, avec les organisations syndicales et les parlementaires.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais plus qu’au contact, d’ailleurs…

GABRIEL ATTAL
Qu’on soit bien clair Apolline de MALHERBE, qu’on soit bien clair…

APOLLINE DE MALHERBE
Les syndicats…

GABRIEL ATTAL
Il y a des Français qui s'opposent à cette réforme, qui ne sont pas d'accord avec cette réforme…

APOLLINE DE MALHERBE
Il y a une majorité de Français qui ne sont pas pour cette réforme.

GABRIEL ATTAL
Et il y a des Français qui manifestent pour dire leur opposition à cette réforme, et c'est leur droit le plus légitime, et c’est un droit constitutionnel…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous n’en tiendrez pas compte.

GABRIEL ATTAL
Mais, vous avez-vous-même indiqué tout alors que la réforme avait évolué, qu'on avait accepté un certain nombre de mesures. Moi je rappelle que quand Emmanuel MACRON a proposé cette réforme dans la campagne présidentielle on était à 65 ans, on n'avait pas de revalorisation des petites pensions pour les retraités actuels, on a évolué, on est à 64 ans, on a fait des gages aussi sur les carrières longues.

APOLLINE DE MALHERBE
mais ils demandent, les syndicats, alors certes dans leurs expressions on sent bien que là ils ont été trop loin à vos yeux avec cette expression d'une économie à genoux, mais enfin ils ont appelé à manifester dans le calme, pour l'instant ils ont parfaitement contrôlé et respecté cette injonction, ils demandent à être reçus par Emmanuel MACRON en urgence pour qu'il retire sa réforme, " le silence du président de la République constitue un grave problème démocratique ", voilà ce que dit l'intersyndicale, est-ce qu'à un moment il ne faut pas effectivement qu’il y ait une rencontre avec Emmanuel MACRON ?

GABRIEL ATTAL
Moi je pense qu'il y a un temps pour tout, qu’il y a eu des rencontres…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais est-ce que ce n’est pas le temps ?

GABRIEL ATTAL
Il y a eu des rencontres entre les syndicats et le président de la République, au mois de juin dernier il a proposé à tous les syndicats, ils sont tous venus d'ailleurs je crois, à l'exception de la CGT, il y a eu depuis plusieurs réunions dans le cadre de ce qu'on appelle le CNR, auxquelles la CFDT s’est rendue, aujourd'hui on est dans le débat parlementaire, moi ce dont je suis certain c'est que si aujourd'hui, là, le président de la République recevait les syndicats vous trouveriez les oppositions pour dire « regardez, il interfère avec le temps du Parlement, il fait de l'ingérence dans le processus parlementaire. » Le texte est en train d'être examiné par les parlementaires au Sénat, moi je pense qu'il y a un temps pour tout. Mais encore une fois, moi je le dis simplement, évidemment que c'est légitime de s'opposer à une réforme et de manifester…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais ça sera quand le temps pour rencontrer Emmanuel MACRON…

GABRIEL ATTAL
Evidemment que c’est légitime de dire qu’on n’est pas d’accord…

APOLLINE DE MALHERBE
Si ce n’est pas maintenant c’est quand ?

GABRIEL ATTAL
Avec une réforme, mais regardons aussi…

APOLLINE DE MALHERBE
Qu’est-ce que vous attendez, qu’est-ce qu’on attend ?

GABRIEL ATTAL
Je termine par là, regardons aussi l'économie française aujourd'hui. On a eu la semaine dernière les chiffres sur l'industrie, Apolline de MALHERBE, l'an dernier il n’y a jamais eu aussi peu de délocalisations dans notre pays depuis 15 ans, on a plus d'usines qui ouvrent que d'usines qui ferment, 70 usines qui ont ouvert, en net, l'an dernier en France, qui ont créé 40.000 emplois dans l'industrie, pendant des années on a détruit des emplois dans l'industrie, on en recrée enfin, pour la quatrième année consécutive la France est le pays le plus attractif d'Europe pour les investissements étrangers…

APOLLINE DE MALHERBE
Je ne vois pas en quoi ça empêche Emmanuel MACRON de recevoir les organisations syndicales.

GABRIEL ATTAL
Non, non, c’est pour dire que quand on appelle à mettre l'économie française à genoux, on appelle de facto, aussi, à ce qui est des mauvaises nouvelles pour notre économie, alors même qu'elle redémarre, alors même que notre industrie redémarre, qu’on a 800.000 jeunes en apprentissage l’an dernier.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous n’allez pas nous faire le petit couplet de votre successeur au poste de porte-parole du gouvernement, Olivier VERAN, qui a laissé entendre que la sécheresse, que les sept plaies d’Egypte allaient s’abattre sur la France…

GABRIEL ATTAL
Non, non, ce que je vous dis de manière très claire c’est que quand on dit il faut mettre l'économie française à genoux ça a un sens, à un moment où notre économie se redresse, enfin, et notamment notre industrie, et qu'on peut se mobiliser contre une réforme, on peut dire qu'on n'est pas d'accord avec une réforme, on peut manifester, mais appeler à mettre l'économie française à genoux alors même qu'elle redémarre et qu’on est le pays plus attractif d'Europe pour les investissements étrangers, on a eu 800.000 jeunes en apprentissage l'an dernier, il y en avait moins de 300.000 quand Emmanuel MACRON a été élu, je pense que c'est aussi dommage pour les Français qui travaillent.

APOLLINE DE MALHERBE
Alors, je voudrais qu'on en vienne à ce qui s'est passé effectivement à l'Assemblée nationale du côté des députés Renaissance qui vont devoir voter le doigt sur la couture du pantalon le texte, et puis dans les rangs des ministres malgré tout, ce qui s'est passé hier, je voudrais qu'on écoute cet échange lunaire, lunaire, au sein de l'hémicycle.

ERIC DUPONT-MORETTI, GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE
Il n’y a pas un bras d’honneur, il y en a deux, mais accompagnés de paroles à chaque fois, qui sont…

INTERVENANTE
Monsieur le ministre, de quoi vous parlez exactement, vous avez fait deux bras d’honneur, c’est ce que vous êtes en train de dire à l’Assemblée ? alors oui, je vous demande effectivement de préciser vos propos parce que si c’est le cas ce n’est absolument pas admissible, alors je vous laisse finir vos propos. Vous n’avez pas à faire des bras d’honneur dans l’enceinte de l’Assemblée nationale Monsieur le ministre !

APOLLINE DE MALHERBE
Qu’est-ce que vous avez à raconter à ça ? je me dis il n’y en n’a pas un pour rattraper l’autre, c’est- dire que quand ce n’est pas les uns, c’est les autres, là c’est le ministre, des bras d’honneur dans l’hémicycle ?

GABRIEL ATTAL
D’abord vous auriez pu passer la fin de l’extrait où il explique qu'il n’a évidemment pas fait de bras d'honneur à un député, mais qu'il a fait, il a mimé un bras d'honneur à la présomption d'innocence après qu'un député l’ai attaqué personnellement sur sa présomption d’innocence.

APOLLINE DE MALHERBE
Et vous y croyez à cette explication-là ?

GABRIEL ATTAL
Moi je…

APOLLINE DE MALHERBE
Vous la trouvez crédible cette explication-là ?

GABRIEL ATTAL
Je le crois, ça ne veut pas dire que je considère que c'est bien ce qui a été fait, ça ne veut pas que je ne considère pas que c'est une erreur et que ça a été excessif, mais enfin je crois Eric DUPOND-MORETTI quand il dit que ce n’était pas adressé à un parlementaire en particulier…

APOLLINE DE MALHERBE
C’était quoi, c’était un bras d'honneur de rage dans ces cas-là.

GABRIEL ATTAL
Il a été attaqué personnellement sur la question de la présomption d'innocence par un député…

APOLLINE DE MALHERBE
Enfin attaqué, c’est factuel.

GABRIEL ATTAL
En tout cas il l’a vécu comme tel, et il a dit mais en fait ce que vous faites, et il l’a mimé, c’est un bras d’honneur à la présomption d'innocence. Encore une fois, je ne suis pas là à excuser, à dire que ce n’est pas grave, que ce n’est pas une erreur, et par ailleurs il y a un autre extrait que vous auriez pu diffuser, celui aussi où il présente ses plus plates excuses.

APOLLINE DE MALHERBE
Ah ben oui, mais c’est bien longtemps après, il y a eu suspension de séance, il a fallu que Yaël BRAUN-PIVET, qui l'a reconnu ce matin, la présidente de l’Assemblée nationale, aille le voir et aille le convaincre que ce qu'il avait fait était vraiment grave et qu'il faille qu'il s'excuse.

GABRIEL ATTAL
C’est quelqu’un d’entier, Eric DUPOND-MORETTI, qui a réagi à un moment où il s'est senti attaqué et visé personnellement, il s'est excusé, et il a par ailleurs bien expliqué les choses sur le fait que ça ne visait évidemment pas un parlementaire.

APOLLINE DE MALHERBE
J’imagine que vous comprenez aussi que dans le contexte, quand on a Gérald DARMANIN qui a visé LFI en disant qu'ils allaient bordéliser le pays, quand effectivement il y a en permanence des suspensions de séance, des agitations, le fait que le ministre de la Justice lui-même en provoque une, c’est quand même assez dommageable, non ?

GABRIEL ATTAL
Je viens de vous dire, honnêtement évidemment ce type d'incident on s'en passerait, je ne vais pas vous mentir, je ne vais pas vous dire autre chose, maintenant je pense qu’il s’est expliqué, il s'est excusé, donc on peut justement passer à autre chose, et j'ai beaucoup apprécié qu'on démarre en parlant du fond, parce que je pense que les Français qui nous regardent ou qui nous écoutent c'est avant tout sur le fond, sur la question des retraites, sur la question de l'inflation, et sur toutes les questions qui les préoccupent au quotidien, qu'ils attendent des réponses.

APOLLINE DE MALHERBE
A l’Assemblée justement, dans cet hémicycle, il y aura l'examen retour de la réforme des retraites, et on a appris hier que les députés Renaissance, Renaissance c’est le groupe Emmanuel MACRON, les députés Renaissance qui voteront contre le texte ou qui s'abstiendraient, seraient exclus du groupe parlementaire.

GABRIEL ATTAL
D’abord moi je ne suis pas au courant de ça, moi je ne suis pas membre du groupe parlementaire, je suis dans l'exécutif au gouvernement, ensuite moi je n’ai pas de doute…

APOLLINE DE MALHERBE
Enfin vous êtes membres de la majorité.

GABRIEL ATTAL
Oui, mais je n’ai pas de doute sur le fait que les députés voteront la réforme des retraites. J’ai été élu député, en 2022, j’ai fait campagne, comme tous les députés Renaissance, j’ai fait campagne sur quoi…

APOLLINE DE MALHERBE
C’est une erreur alors, de les menacer comme ça…

GABRIEL ATTAL
Non mais attendez…

APOLLINE DE MALHERBE
Vous vous désolidarisez de cette idée de menacer les députés ?

GABRIEL ATTAL
Je n’ai pas vu de déclaration officielle, j’ai vu des trucs racontés dans la presse, je n’ai pas fait vu de déclaration officielle sur le sujet, mais…

APOLLINE DE MALHERBE
En tout cas pour vous ça n’existe pas, cette injonction n’existe pas ?

GABRIEL ATTAL
Mais tout simplement parce que j’ai fait campagne, comme député en 2022, les députés Renaissance aussi, on a fait campagne sur le programme d'Emmanuel MACRON, et notamment sur la réforme des retraites qui à l'époque était à 65 ans, et non pas à 64. Evidemment que ça a été difficile, évidemment que vous avez des gens qui venaient me voir sur les marchés, sur le terrain, à Issy-les-Moulineaux, à Vanves, à Boulogne, à Meudon, en me disant " je ne suis pas d'accord avec cette réforme ", on a assumé de porter cette réforme, et donc il y a une forme de logique évidemment à assumer de la voter une fois qu’elle arrive dans l’hémicycle, même si c’est dur.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais le fait de laisser entendre, parce que ça n’a pas été démenti par le groupe Renaissance, de laisser entendre que les députés qui pourraient être tentés au minimum de s'abstenir seraient exclus du groupe, ça laisse croire à au minimum une fébrilité, ou en tout cas une crainte que certains manquent à l’appel.

GABRIEL ATTAL
Je vais vous dire, moi je ne me place même pas dans cette optique-là, parce que, encore une fois, quand on a fait campagne sur son nom au moment des élections législatives, en portant ce projet de réforme, qui doit permettre, je le dis, à payer les pensions de retraite de 20 millions de retraités bientôt, ce qui n’est pas garanti aujourd'hui s'il n’y a pas de réforme, c'est de toute façon naturel et logique que de voter la réforme des retraites, qui en plus a évolué, on est passé de 65 à 64 ans, il y a 4 Français sur 10 qui partiront bien avant 64 ans, on revalorise les petites pensions aussi pour les retraités actuels, il y a plutôt plus de raisons encore de la voter aujourd'hui qu'à l'époque du point de vue de ceux qui considèrent qu'elle était trop dure.

APOLLINE DE MALHERBE
Gabriel ATTAL, vous êtes le ministre des Comptes publics, je voudrais qu'on dise un mot aussi de l'inflation et de la lutte contre l'inflation, et contre la hausse des prix, il y aura ce trimestre anti-inflation, avec ce panier en quelque sorte, en tout cas ces produits signalés par une cocarde tricolore, des produits sur lesquels la grande distribution est appelée à faire un effort et à baisser ses marges, ça ne passera donc pas par une baisse de vos revenus, enfin des revenus de l'Etat, ça ne passera pas par une baisse des taxes, par exemple de la TVA. Vous êtes soulagé que la grande distrib fasse le job à votre place ?

GABRIEL ATTAL
Ce n’est pas ça. Moi j'avais appelé à ce que la grande distribution fasse un effort sur ses marges, et c'est ce qu'elle a annoncé, c'est plusieurs centaines de millions d’euros de marge en moins pour la grande distribution, mais surtout en moins, enfin c’est surtout des prix en moins sur le ticket de caisse des Français qui vont faire leurs courses. Et moi je vais vous dire ce que je trouve aussi positif avec cette mesure, c'est que ça concerne tout le monde, y compris…

APOLLINE DE MALHERBE
Ça veut dire quoi, ça veut dire que même les riches vont pouvoir acheter des produits pas chers.

GABRIEL ATTAL
En tout cas y compris des classes moyennes, des gens qui travaillent et qui souvent ont l'impression qu'ils sont trop riches pour être aidés, quand il y a des chèques, quand il y a des aides, et pas assez riches pour s'en sortir tout seul…

APOLLINE DE MALHERBE
C’est la fin de la logique des chèques, pour vous ?

GABRIEL ATTAL
En tout cas je trouve ça mieux que des chèques qui accompagnent des Français…

APOLLINE DE MALHERBE
Ça vous coûte moins cher, c’est sûr.

GABRIEL ATTAL
Mais, indépendamment de ça, je vais vous dire, indépendamment du budget, les chèques, les soutiens ciblés, ça accompagne des Français certes qui en ont besoin parce qu'ils sont en difficulté, mais vous avez des Français qui se lèvent tous les matins pour aller travailler, qui travaillent dur, qui ne s'en sortent pas forcément tout seul, et qui parfois passent à côté de ces dispositifs. Tous les Français bénéficient du bouclier tarifaire sur les prix de l'énergie, tous les Français en ce moment devraient voir normalement leur facture d'électricité augmenter de 120%, ça ne sera que 15% puisqu’on prend en charge le reste pour tout le monde, mais quand il y a des dispositifs ciblés…

APOLLINE DE MALHERBE
Le chèque alimentaire, l’idée qu’il puisse y avoir en plus de cette mesure-là, des chèques alimentaires, Bruno LE MAIRE a laissé entendre que ça pourrait être le cas, des chèques alimentaires pour les plus modestes, ce sera encore un chèque finalement.

GABRIEL ATTAL
Il faut voir par quoi ça passe. Moi, par exemple, je suis assez favorable, c'est ce qu'on a fait là en 2023, à ce qu'on augmente notre soutien aux banques alimentaires, qui viennent en soutien des plus démunis, ceux qui ne peuvent vraiment pas aujourd'hui se nourrir, nourrir leurs enfants, on a augmenté de 60 millions d'euros le soutien aux associations, aux banques alimentaires, qui connaissent leurs bénéficiaires, qui savent comment les accompagner, moi je pense que cette logique-là évidemment il faut la maintenir, c'est aussi un devoir de solidarité. Mais encore une fois, quand il peut y avoir des mesures, comme c'est le cas aujourd'hui, qui concernent tout le monde, y compris des gens qui travaillent, de la classe moyenne, qui souvent quand il y a des chèques et des dispositifs ciblés n’en voient pas la couleur pour eux, je trouve ça positif.

APOLLINE DE MALHERBE
Il n’y aura pas d’effet de seuil quoi !

GABRIEL ATTAL
Non, il n’y aura pas d’effet de seuil parce que, par définition, tout le monde pourra en bénéficier.

APOLLINE DE MALHERBE
Gabriel ATTAL, ministre délégué chargé des Comptes publics. Les prix justement, les prix dans les rayons, j'en parlerai demain matin puisqu’à votre place et à ce même micro ce sera le tout nouveau patron du groupement des Mousquetaires, le patron des magasins INTERMARCHE. Gabriel ATTAL merci d'avoir répondu à mes questions.

GABRIEL ATTAL
Merci.


Source : Service d’information du Gouvernement, le 9 mars 2023