Interview de Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État, chargée de l'économie sociale et solidaire et de la vie associative, à RMC le 9 mars 2023, sur les violences faites aux femmes et dans le couple.

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Média : RMC

Texte intégral

APOLLINE DE MALHERBE
L’invité du jour, c’est vous Marlène SCHIAPPA. Bonjour

MARLÈNE SCHIAPPA
Bonjour.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous êtes Secrétaire d'État, chargée de l'Économie sociale et Solidaire et de la Vie associative. Pourquoi vous n’êtes plus la ministre chargée des Femmes ?

MARLÈNE SCHIAPPA
Je ne compose pas le Gouvernement donc…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais c’est quand même franchement… Si je dis ça, c’est aussi un regret exprimé beaucoup. D’ailleurs, dans le journal Le Point qui sort aujourd’hui, le magistrat procureur de la République qui s’occupait précisément de ces questions de femmes le dit, et c’est le titre-même de l’interview qui a été retenu par Le Point ; il dit "je regrette Marlène SCHIAPPA". En fait, parler des femmes un peu, c’est bien, mais vous étiez peut-être un peu trop libre, vous en parliez peut-être un peu trop.

MARLÈNE SCHIAPPA
Écoutez, je ne sais pas. J’ai vu cette interview de Luc FREMIOT et je le salue, je le remercie parce qu’en fait, Luc FREMIOT, c’est l’ancien procureur qui a créé les centres de prise en charge des hommes auteurs de violence conjugales. Et on s’est un peu accroché au début, quand j'étais en charge de ces sujets. Et en fait, je l’ai écouté, et finalement, je suis allée dans son sens parce que j'ai compris que ce qu’il faisait pour prendre en charge les hommes, au-delà de la prise en charge des femmes, était extrêmement utile.

APOLLINE DE MALHERBE
Ça a dû vous toucher ce qu’il a dit ?

MARLÈNE SCHIAPPA
Oui, je suis très touchée, oui, de par ce qu'il a dit puisque c’est la reconnaissance du travail et que j'ai fait qui est l'engagement de toute ma vie. Moi, ce n'était pas juste un ministère, c'est vraiment l'engagement que je porte depuis toujours.

APOLLINE DE MALHERBE
C'est pour ça que je vous pose cette question un peu abrupte. Vous publiez d'ailleurs, et ça montre que ces questions-là vous tiennent toujours à cœur, ce livre "Juste une petite gifle" sur les violences dans le couple, sur le fait de lutter contre les idées reçues. Marlène SCHIAPPA, vous aviez été sortie du Gouvernement, vous avez finalement été remise dans le Gouvernement mais sur un dossier, c'est très bien, mais qui, clairement, on le voit bien, n'est pas forcément ce que vous incarniez. On a un peu l'impression, au fond, que quand les femmes sont trop libres, du coup, on leur dit de rester à leur place.

MARLÈNE SCHIAPPA
Vous savez, aujourd'hui je suis chargée de la Vie associative et de l'Économie sociale et solidaire, et c'est vrai que je garde cet engagement pour l'égalité femmes-hommes. Bien sûr, en Irak, ma collègue Isabelle ROME qui a ce portefeuille ministériel aujourd'hui. Là, je rentre de l'ONU, j’étais…

APOLLINE DE MALHERBE
Qui est un petit peu moins pleinement que vous le faisiez.

MARLÈNE SCHIAPPA
Je ne sais pas, mais en tout cas, elle est très engagée sur ce sujet.

APOLLINE DE MALHERBE
J'en prends pour preuve, cette semaine, elle était interrogée par exemple sur madame HALIMI, elle disait "je n'ai pas d'opinion". Vous auriez répondu ça, vous, "je n'ai pas d'opinion" ?

MARLÈNE SCHIAPPA
Non, c'est rare que je réponde que je n'ai pas d'opinion sur quoi que ce soit. Mais on a des caractères différents. Ça n’en fait pas quelqu’un de moins efficace.

APOLLINE DE MALHERBE
C’est peut-être pour ça qu’on vous a…

MARLÈNE SCHIAPPA
Là, j'ai été envoyée, par exemple, à la Convention mondiale des droits des femmes à l'ONU, j’en suis rentrée hier, pour représenter la France. Et justement, je pense que le fait d'avoir un peu de tempérament est utile aussi quand vous défendez les positions de la France face aux Talibans, pour défendre les femmes ukrainiennes au Conseil de sécurité des Nations unies où la Russie représentait pour défendre l'IVG ; face à différents pays qui remettent en cause des droits sexuels et reproductifs des femmes. Moi, je n'ai jamais eu l'impression que le Président me reprochait d'avoir un engagement ou un peu de caractère. Au contraire, c'était pour ça que j'ai été rappelée aussi.

APOLLINE DE MALHERBE
Que vous avez fini par être rappelée et que, peut-être, vous manquiez.
27 féminicides depuis le début de l'année, inexorablement, sans que les mesures prises ne semblent avoir un quelconque effet. Il y a eu des annonces, hier, d'Élisabeth BORNE, notamment l'idée de multiplier les maisons des femmes, de croiser les données des fichiers informatiques. Est-ce que vous vous dites que, enfin, ça peut peut-être changer les choses ?

MARLÈNE SCHIAPPA
Bien sûr, moi, je pense que toute mesure est bonne à prendre. Il y a eu aussi une annonce de la Première ministre sur la question des pôles spécialisés dans les parquets. Je pense qu'en fait, on a fait des avancées. Il y a encore une génération ou deux générations. Les restes du code Napoléon étaient toujours présents dans la société française. Il y a encore des gens qui ont un raisonnement patriarcal, qui pensent que l'homme est propriétaire de sa femme, de ses enfants, de sa famille et donc aurait le droit de les frapper. Si j'ai fait ce livre, d'ailleurs, c'est pour dénoncer ça, pour dénoncer le fait qu'il n’y a pas de consensus dans la société contre les violences conjugales. Beaucoup de gens nous disent encore "une gifle, si ce n'est pas tous les jours, ce n'est pas si grave. Peut-être qu'elle l’a un petit peu cherché." Souvenez-vous de l’affaire DAVAL, Alexia FOUILLOT ; on entendait son avocat faire le tour des plateaux télé pour dire "Alexia avait une personnalité écrasante. Elle-même, elle était violente", sous-entendu : finalement, peut-être qu'elle l’a cherché. Et ces idées-là, sur les genres, ce que vivent les femmes, elles sont toujours très présentes dans la société.

APOLLINE DE MALHERBE
Quand vous dites le mot "gifle" en une de votre livre, on pense aussi à Adrien QUATENNENS. Est-ce que vous estimez que le fait qu'il soit aujourd'hui dans l'hémicycle, qu'il soit encore défendu haut et fort par Jean-Luc MÉLENCHON comme il l'a fait de manière très très virulente jusqu'à quitter le plateau quand on l'interrogeait sur Adrien QUATENNENS sur BFM TV, il y quelques semaines ? Est-ce que ça, vous estimez que c'est une erreur ? C’est une faute ?

MARLÈNE SCHIAPPA
Bien sûr. Moi, ce que je reproche à Adrien QUATENNENS, c'est surtout de faire comme si de rien n'était. C'est-à-dire que quand on a été condamné pour des violences conjugales, c'est grave. Et on a entendu les leaders de La France insoumise faire la tournée des plateaux de télévision ; non pas pour dire, oui, les violences conjugales, c'est grave ; mais pour l'excuser. Et c'est pour ça d’ailleurs que j’ai utilisé ce titre, pour lutter contre les idées reçues sur les violences dans le couple. Moi, j'aurais préféré qu'on entende Adrien QUATENNENS dire "écoutez, j'ai pris conscience que ce que j'ai fait était gravissime." Dans un premier temps, je vais me taire. Je vais arrêter de donner des leçons à la terre entière sur la place des femmes. Et dans un deuxième temps, je vais me faire suivre par une association parce qu'il en existe, par exemple la FNACAV que je veux citer. C'est la Fédération nationale des auteurs de violences conjugales. Et en fait, quand vous êtes un homme, et que vous sentez que vous avez des pulsions, des accès de colère, que vous ne savez pas les gérer, vous pouvez vous rapprocher de ces associations pour avoir une prise en charge et éviter de passer à l'acte, éviter de devenir violent. Il avait l'opportunité de passer ce message pour tous les hommes qui sont sujets à ce type de colère ou d'actes de violence. Il ne l’a pas fait. Et à la place, on a eu des minimisations pour nous dire qu'une ce n'est pas grave, qu'on ne connaît pas toute l'histoire, que peut-être qu'elle l’avait cherché. Ça, c'est insupportable.

APOLLINE DE MALHERBE
Marlène SCHIAPPA, vous diriez encore que la réforme des retraites, telle qu'elle est proposée par le Gouvernement, est bonne pour les femmes ?

MARLÈNE SCHIAPPA
Il y a un vote. Et moi, ce que je déplore, c'est qu'il n’y a pas eu ce débat à l'Assemblée nationale. Il y avait différents sujets qui étaient en train d'être travaillés, sur lesquels le Gouvernement était prêt à avancer, à bouger. Je pense notamment à la question de la prise en charge de la maternité ou à la question de la prise en charge des trimestres bénévoles, pour parler d'un autre sujet. Et du fait de cette obstruction qui a eu lieu et ce spectacle déplorable à l'Assemblée nationale, on n'a pas pu aller au bout et on n’a pas pu discuter.

APOLLINE DE MALHERBE
Je vous repose donc ma question puisque vous n'y aviez pas répondu. Marlène SCHIAPPA, est-ce que vous diriez encore aujourd'hui que cette réforme est bonne pour les femmes ?

MARLÈNE SCHIAPPA
Moi, je dirais qu'elle sera bonne pour les femmes, à la fin du débat parlementaire. Le débat continue au Sénat. Il y a encore des choses sur lesquelles…

APOLLINE DE MALHERBE
C’est-à-dire que vous comptiez plus sur les parlementaires que sur le Gouvernement pour les femmes ?

MARLÈNE SCHIAPPA
Non, ça veut dire que c'est un travail collectif. Moi, je suis très respectueuse de la démocratie et singulièrement, de la démocratie parlementaire. Et les parlementaires, d'ailleurs, ont permis d'avancer sur un certain nombre de sujets récemment. Vous parliez de Gisèle HALIMI ; c'est grâce aux parlementaires, de tous les bords quasiment, qu'on a pu arriver à la constitutionnalisation l’IVG, puisqu'il y avait eu un engagement des Parlementaires et qu'ils ont pris pleinement leur rôle à cet égard. Maintenant, en ce qui concerne la retraite, il y a une inégalité entre les femmes et les hommes. Et la retraite, c'est l'aboutissement de toutes les inégalités, tout au long de la vie. Moi, j'ai vu des discussions syndicales avec…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais est-ce que ce n'était pas l'occasion de les corriger davantage ?

MARLÈNE SCHIAPPA
Si, bien sûr, mais c'est ce qu'a proposé Isabelle BORNE. Par exemple, en prenant en charge les trimestres pour les congés parentaux, peut-être qu’il y a des gens qui nous écoutent, qui ont été, eux-mêmes, ou leur femme, ou leur mari, en congé parental pour s'occuper des enfants quand ils étaient bébés. Moi, c'était mon cas, par exemple, pour ma deuxième fille. Jusqu'à présent, ces années, elles étaient perdues dans la retraite. Grâce à la réforme, elles sont compensées, elles sont prises en compte. Ça, c'est extrêmement important.

APOLLINE DE MALHERBE
Marlène SCHIAPPA, on a bien compris que vous étiez encore, secrétaire d'État quand même aux droits des femmes, mais officiellement, vous êtes secrétaire d'État chargée de l'Économie sociale et solidaire et de la Vie associative. Je rappelle le titre donc de votre onzième livre ; ça s'appelle "Juste une petite gifle". Et c'est publié aux Éditions de l'Observatoire. Merci d'être venue dans les studios répondre à mes questions.

MARLÈNE SCHIAPPA
Merci à vous.


Source : Service d’information du Gouvernement, le 10 mars 2023