Interview de Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des Jeux Olympiques et Paralympiques, à France Inter le 14 mars 2023, sur la préparation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 à Paris (budget, sécurité, transports...).

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Média : France Inter

Texte intégral

NICOLAS DEMORAND
Amélie OUDEA-CASTERA, bonjour.

AMELIE OUDEA-CASTERA
Bonjour.

NICOLAS DEMORAND
Et bienvenue à notre micro, à 500 jours exactement de la cérémonie d’ouverture des JO de Paris. 500 jours, c'est demain. Alors, avant d’entrer dans les détails des différents chantiers en cours, et il y en a un certain nombre, infrastructures, transports, sécurité, billetterie, dites-nous en quelques mots où vous en êtes. Vous êtes prêts, presque prêts, c'est chaud, vous êtes sereine, inquiète ? Quels est votre état d’esprit ce matin ?

AMELIE OUDEA-CASTERA
Ecoutez, on est vraiment à la tâche, dans nos temps de passage, avec encore beaucoup de choses à faire, beaucoup de boulons à serrer un petit peu partout, et avec une détermination farouche, pour arriver à délivrer la meilleure organisation possible, arriver aider nos athlètes à être au top de leurs performances, essayer d’organiser une belle fête populaire, et puis aussi travailler sur un héritage durable, utile, qui soit bénéfique à tous les Français.

NICOLAS DEMORAND
Alors, on va rentrer quand même dans le détail de ces infrastructures et des ces défis dans les 500 jours qui restent. Côté infrastructures, il y a 48 chantiers qui sont en cours, 64 en tout à livrer, un seul en retard, l’ARENA à La Chapelle, il y aura 3 mois de retard. Pas d’inquiétude à avoir sur ces infrastructures sportives ?

AMELIE OUDEA-CASTERA
Non, on faisait le point hier avec la SOLIDEO, qui construit ces ouvrages, on est là aussi dans les temps, et l’ensemble sera livré entre décembre 2023 et le printemps, pour permettre derrière, au COJO, le Comité d’organisation, de bien prendre procession de ces lieux, et de déployer tout pour les sites de compétitions et les villages.

NICOLAS DEMORAND
Les deux points de crispation et d’inquiétude, la sécurité et les transports. On va commencer avec les transports, Madame la Ministre. Comment on fait pour transporter, 7 millions en tout, c'est ce que l’on attend de visiteurs sur un territoire aussi petit que l’Ile-de-France, pour celles et ceux qui habitent Paris et la petite couronne, depuis plusieurs mois ils savent à quel point c'est un cauchemar, pourquoi on réussirait à transporter tout ce monde-là, dans 18 mois, alors qu’on est incapable de la faire aujourd’hui ?

AMELIE OUDEA-CASTERA
Alors, on est très à la tâche là-dessus avec le ministre chargé des transports, Clément BEAUNE, en liaison évidemment, avec IDFM et la région Ile-de-France, la Préfecture de police. Il va falloir que l’on arrive à acheminer 800 000 personnes quotidiennement, environ 600 000 spectateurs, et 200 000 accrédités, l’ensemble de la famille olympique.

NATHALIE IANNETTA
227 000 exactement.

AMELIE OUDEA-CASTERA
Donc, pour ça, on est en train de développer un certain nombre d’infrastructures, je pense à l’extension de la ligne 14…

NATHALIE IANNETTA
Elle sera prête ?

AMÉLIE OUDEA-CASTERA
… Orly, Saint-Denis. Elle sera prête dans les temps, au printemps 2024. On aura aussi EOLE, qui va relier Haussmann à Saint Lazare, qui est également une infrastructure importante On travaille sur les gares, celle de Saint-Denis Pleyel. On arrive à travailler aussi sur la gare du Nord. Et au-delà de ces projets d'infrastructures, qui avancent bien, qui avancent dans les temps, on déploie un plan de transport pour bien avoir une bonne gestion prévisionnelle des flux. Un « Travel demand management », c’est un acronyme anglais, une expression anglaise…

NICOLAS DEMORAND
Oui, en français ?

AMELIE OUDEA-CASTERA
… qui va nous permettre de bien gérer les flux, éviter les goulets d'étranglement, en reportant bien sur les bons axes ce qu'il faut. Et puis je rappelle qu'on aura besoin évidemment d'augmenter la fréquence des trains, des bus, de l'ordre de 15 % sur l'ensemble des lignes qui vont desservir les sites, et pour ça il y a des plans de recrutement qui sont en cours, vous avez en tête celui annoncé par Jean CASTEX à la RATP, plus de 6 000 personnes…

NICOLAS DEMORAND
Et ça suffira, justement, est-ce que le cas échéant, il faudra, il faudrait ouvrir à la concurrence le monopole de la RATP sur les bus de Paris ou de la petite couronne ? C'est une question qui se pose.

AMELIE OUDEA-CASTERA
Non, cette question elle viendra le moment venu. En complément de tout cela…

NICOLAS DEMORAND
Mais elle n’est pas fermée, elle est sur la table ?

AMELIE OUDEA-CASTERA
En complément de tout cela, il y aura aussi un système de navettes qui va être mis en place. Je rappelle aussi tout le réseau de pistes à vélo, plus de 400 km, et puis on aura pour les accrédités, un certain nombre de voies olympiques et paralympiques, qui vont être dédiées à la circulation, pour être au standard, demandées par le CIO, pour acheminer les athlètes…

NICOLAS DEMORAND
Mais l'ouverture à la concurrence est sur la table, c'est une hypothèse ?

AMELIE OUDEA-CASTERA
Ecoutez, elle est aujourd'hui prévue. Il y a des discussions qui sont en cours entre Clément BEAUNE et Valérie PECRESSE, qui aura in fine et la décision sur ce sur ce sujet-là. Toutes ces discussions sont en train d'être revues.

NICOLAS DEMORAND
Alors, l'autre dossier qu'évoquait Nathalie, c'est la sécurité. La France n'a pas été capable d'organiser une finale de Champions League l'an dernier, on se souvient des scènes de chaos au Stade de France. Les JO c'est plusieurs finales de Champions League sur 15 jours. La cérémonie d'ouverture, partons de là, à l'air libre, sur la Seine, pourrait attirer 400 000 spectateurs, certains payant et beaucoup d'autres non. Comment allez-vous assurer la sécurité d'un tel événement, est-ce que ça vous donne tout simplement des sueurs froides ?

AMELIE OUDEA-CASTERA
Ecoutez, d'abord je rappelle qu'il y a beaucoup de matchs depuis la Ligue des champions au Stade de France…

NICOLAS DEMORAND
Oui, qui se sont bien passés.

AMELIE OUDEA-CASTERA
… qui se sont merveilleusement passés…

NICOLAS DEMORAND
Heureusement.

AMELIE OUDEA-CASTERA
… dont ce magnifique crunch ce week-end, qui nous a… Enfin, alors, pardon, celui-ci n'était pas au Stade de France, mais précédemment des matchs, et puis on se prépare à celui de samedi qui arrive contre Galles. Donc ça c'est… Je tiens à rappeler ça. Après, on est tiré, nous, toutes les leçons des événements du Stade de France, avec Gérald DARMANIN qui est extraordinairement mobilisé sur ces chantiers-là de la sécurité, vous l’avez dit, c'est multidimensionnel, il faut sécuriser une quarantaine de sites de compétition, le relais de la flamme, les 4 cérémonie. On a pour ça une très forte mobilisation de l'ensemble des forces de sécurité intérieure, à peu près 45 000 quotidiennement, 30 000 pour la cérémonie d'ouverture, on aura en plus à peu près 20 à 22 000 au pic, agents de sécurité privée, qui vont compléter ces forces-là. On travaille sur chacun de ces détails, sur également la prévention des grands risques, terrorisme, lutte anti-drones, cybersécurité, qui est également un enjeu très important.

NATHALIE IANNETTA
Oui, c'est un enjeu très important, on rappelle qu’il y a eu 4 milliards d'attaque, cyber-attaques à Tokyo, c'était assez spectaculaire. Mais pour en revenir dans le détail à ces forces de l'ordre, on va les loger où, tous ces gendarmes et policiers que Gérald DARMANIN veut concentrer sur Paris, puisqu'il va donc les enlever sur le reste du territoire français ? Et puis on va parler de la sécurité privée, comment on forme 22 000 personnes, alors qu'on sait que c'est un secteur en tension où plus personne ne veut aller travailler, quasiment, Madame la Ministre ?

AMELIE OUDEA-CASTERA
Oui, donc pour le logement des forces de sécurité intérieure, comme d'ailleurs de l'ensemble des équipes qui vont contribuer aux jeux, jusqu'aux volontaires des jeux, on est aujourd'hui en train de recenser l'ensemble des capacités, les différentes casernes, les cités universitaires, les CROUS, les internats des lycées etc. Un préfet a été spécifiquement missionné pour réaliser ce recensement, qui pour l'instant est tout à fait rassurant, et on est en train d'organiser non seulement donc le recensement précis des capacités, et l'allocation de tout cela. Sur la sécurité privée, on est au travail, avec Gérald DARMANIN, avec Olivier DUSSOPT, le préfet de la région Ile-de-France, Pôle emploi. On travaille pour aller chercher le vivier de ceux qui ont déjà un titre pour exercer le métier d'agent de sécurité privée. On a en même temps créé un titre spécifique avec une formation qui est un peu raccourcie, un petit peu allégée, avec des modalités…

NATHALIE IANNETTA
… grands évènements comme ça.

AMELIE OUDEA-CASTERA
… nouvelles, 106 heures de formation, on va aller chercher toute une série de flux nouveaux. On va travailler aussi sur notre public des demandeurs d'emploi, des étudiants avec une campagne spécifique de communication qui est pilotée par la ministre de l'Enseignement supérieur. On travaille avec la filière sur l'attractivité de ces métiers et sur leur féminisation, qui est également un enjeu très important.

NICOLAS DEMORAND
Et s'il venait à manquer de bras, Amélie OUDEA-CASTERA, le recours éventuel à l'armée est-il envisagé ?

AMELIE OUDEA-CASTERA
Ça n’est pas une question tabou, c'est quelque chose qui sera discuté entre Gérald DARMANIN et Sébastien LECORNU, mais pour l'instant nous faisons absolument tout pour que dans la planification des forces de sécurité intérieure, et le recrutement de nos agents de sécurité, on soit pleinement au rendez-vous des besoins.

NICOLAS DEMORAND
Le budget de ces Jeux est de 8,8 milliards, dont 2 milliards de dépenses pour l'Etat. Transport et sécurité, dont on vient de parler, font dire à Pierre MOSCOVICI, le président de la Cour des comptes, qu'il y a un risque de dérapage budgétaire des JO de Paris, de l'ordre de 3 milliards d'euros. Est-ce que vous confirmez ce risque ou vous le récusez ?

AMELIE OUDEA-CASTERA
Non, ce n’est aujourd’hui absolument pas le scénario dans lequel nous sommes. Je rappelle qu'il y a d'un côté un budget de 4,4 milliards, qui est celui du Comité d'organisation, financé à 96 % par des fonds privés…

NATHALIE IANNETTA
Alors, on va y venir…

AMELIE OUDEA-CASTERA
… et de l’autre côté, un budget de 3,8 milliards d'euros pour la SOLIDEO qui construit les ouvrages, dans lequel l'Etat finance un peu plus de 1,1 milliard, et pour lequel les coûts sont absolument contenus, puisque même en situation d'inflation forte, de guerre en Ukraine, il y a un dépassement qui n'a été que de 140 millions avec des solutions trouvées pour faire face à ce choc, qui est uniquement limité à l'inflation. Donc on a passé vraiment à la paille de fer l'ensemble des comptes du COJO, aujourd'hui on a un équilibre, on a un dispositif pour bien contrôler l'évolution de ces dépenses, et un bon équilibre entre les recettes et les dépenses, maintenant il faut continuer à avancer, notamment aller chercher de nouveaux partenariats…

NATHALIE IANNETTA
Alors, justement…

AMELIE OUDEA-CASTERA
… et c'est l'une des initiatives qu’aujourd'hui nous portons beaucoup avec Tony ESTANGUET et avec l'aide du président de la République, qui réunira un certain nombre de partenaires ce midi.

NATHALIE IANNETTA
Sur ces partenaires, vous allez réunir ceux qui ont déjà signé, ce qu'on appelle les partenaires du 1er rang, BPCE, EDF, CARREFOUR, SANOFI, ORANGE. En tout il faudra recueillir 1,2 milliard, Madame la Ministre, de fonds privés…

AMELIE OUDEA-CASTERA
Absolument.

NATHALIE IANNETTA
Il y a une personne, une ça société française, à qui Tony ESTANGUET et l'Etat français fait les yeux doux, c’est LVMH. Bernard ARNAULT va-t-il oui ou non, enfin, devenir partenaire des Jeux olympiques à Paris ?

AMELIE OUDEA-CASTERA
Ecoutez, nous l'espérons tous. Les discussions sont en bonne voie, elles avancent, au rythme où elles le doivent. Moi, ce que je retiens, c'est qu’aujourd'hui le COJO, il est à 92 % du bouclage de son équation sur ce 1,2 milliard que vous venez d'évoquer. Donc on a encore besoin d'aller chercher une petite centaine de millions…

NATHALIE IANNETTA
On est à 18 mois, il ne faut pas traîner.

AMELIE OUDEA-CASTERA
Il faut continuer, et c'est tout à fait le sens. Mais je pense que ces Jeux vont être une très belle fête populaire, un succès pour notre pays, et qu'on aura la capacité à aller chercher (microcoupure son) partenaire décisif.

NICOLAS DEMORAND
Alors, sur la question de la fête populaire, question de Romy sur l'application France Inter : « Où sont les JO populaires, quand le prix des places pour l'athlétisme est de 790 € par personne ? ». Estelle : « Comment peut-on parler de fête populaire, lorsque l'on voit les prix des billets ? ». Il y a eu polémique, vous le savez Madame la Ministre, après la première vague de mise en vente des billets sur le marché. Que pouvez-vous répondre à nos deux auditrices ?

AMELIE OUDEA-CASTERA
Que nous sommes collectivement, et le COJO en première loge, extraordinairement attentifs à l'accessibilité tarifaire de ces Jeux. Donc je rappelle qu'il y a un million de places, et ce pour tous les sports, à 24 €, qu'on a la moitié des billets qui sont à 50 € et moins, et uniquement 10 % qui sont au-delà de 200 €. Cette proportion-là, au-dessus de 200 €, c'est moins que pour un concert de Madonna à l'ARENA de Bercy. Il y a en plus une billetterie populaire qui va être mise en place par l'Etat, à hauteur de 400 000 billets, qui vont être offerts à la jeunesse, aux bénévoles du mouvement sportif, également à des personnes en situation de handicap, et aussi une billetterie territoriale qui va être mise en place par les collectivités autres, qui pourront les offrir à leur public. Là, une nouvelle phase de commercialisation s'ouvre le 11 mai, et cet enjeu d'accessibilité est absolument clé pour nous tous

NATHALIE IANNETTA
Une phase de commercialisation, on peut s'inscrire, si on ne l'a pas déjà fait pour le premier tirage au sort, à partir de demain…

AMELIE OUDEA-CASTERA
A parti de demain et jusqu'au 21 avril.

NATHALIE IANNETTA
Mais pour revenir sur cette polémique est-ce que vous diriez du coup que c'est parce que le COJO a fait une faute en termes de communication pour cette commercialisation, ou, c'est la première fois qu'on commercialisait des packs, c'est aussi ça que les supporters n'ont pas compris. Moi j'ai envie d'aller voir de l'athlé, pourquoi je vais me retrouver à devoir aller voir de de l'aviron ou de l'équitation ?

AMELIE OUDEA-CASTERA
Je pense que sur cette phase de packs, en effet, elle était assez novatrice, mais ce n’était pas non plus la première fois, ça avait été fait par exemple pour la Coupe du monde de rugby, donc oui il y a des petites adaptations à faire…

NATHALIE IANNETTA
Mais ce n’est pas la même chose.

AMELIE OUDEA-CASTERA
Maintenant, on attaque une phase qui est de vente à l'unité, qui sera plus simple pour chacun. Moi je rappelle que les tarifs qui ont été proposés, ils sont absolument dans la lignée des éditions précédentes des Jeux, et qu'à partir du moment où on a un COJO…

NATHALIE IANNETTA
A Londres c’était 20 € la place, la moins chère.

AMELIE OUDEA-CASTERA
… qui s’autofinance pour le volet olympique, c'est normal qu'il y ait un volant de billetterie qui soit important. Donc là on va réussir maintenant cette nouvelle phase, cette seconde phase de tirage au sort. Il y aura à l'automne la billetterie qui va s'ouvrir aussi pour les Jeux Paralympiques, et puis à l'issue de tout ça, à la fois quelques autres billets qui seront mis en vente, mais aussi une faculté d'avoir une plateforme dédiée pour la revente, qui permettra à certains de regagner une chance.

NICOLAS DEMORAND
Question rapide de Sylvie sur l'application d'Inter : « Comment être volontaire ? ».

AMELIE OUDEA-CASTERA
Alors, il faut s'inscrire, la plateforme elle va débuter à partir du 20 mars prochain, il faut avoir plus de 18 ans. On va recruter 45 000 personnes, sur différents métiers, pour accompagner l'organisation. On va essayer d'avoir des recrutements qui soient paritaires, et il y aura aussi un petit volant, à peu près de 3 000 personnes en situation de handicap. Donc plateforme dédiée, inscription à compter du 20 mars.


Source : Service d’information du Gouvernement, le 15 mars 2023