Texte intégral
PATRICK ROGER
Bonjour Franck RIESTER.
FRANCK RIESTER
Bonjour Patrick ROGER.
PATRICK ROGER
Le jour J pour le Gouvernement, face ce vote de deux motions de censure. Les LR dans une nouvelle position d’arbitre. Pourquoi aller au bout de cette réforme des retraites ? Faut-il écouter la rue et le climat électrique ? C’est ce que nous allons aborder avec vous, Franck RIESTER.
Commençons donc par les deux motions de censure : l’une du RN, l'autre transpartisane. La balle dans le camp des LR. Il faudrait qu'il y ait une trentaine de voix, soit la moitié des députés républicains qui votent cette motion. Est-ce que vous êtes confiant, ce matin, alors qu'on apprend qu’Aurélien PRADIE, finalement, devrait voter cette censure, c'est ce qu'il a annoncé tout à l'heure sur Europe 1 ?
FRANCK RIESTER
Nous verrons. Mais on voit bien comme, d'ailleurs, les autres motions de censure auxquelles le Gouvernement a dû faire face, je le rappelle : presque une quinzaine depuis le début du quinquennat, qui ont toujours échoué. Pourquoi, Patrick ROGER ? Parce qu'il n'y a pas de majorité alternative. C'est le rassemblement des oppositions, des opposés, des contraires, entre le Front national, La France insoumise, maintenant certaines personnalités issues du centre il y a quelques années qui ont un peu évolué aujourd'hui et qui se retrouvent dans ce rassemblement des contraires. Donc nous verrons le résultat de cette motion de censure. Mais vous savez, on le disait pendant le tout, le moment, la semaine dernière où nous avons annoncé, par la voix de la Première ministre, le 49.3 qu’il y allait avoir un vote. Et ce vote, c'est ce soir, pour savoir si, oui ou non, on va jusqu'au bout du processus concernant cette réforme des retraites. Et étant donné l'importance de cette réforme, étant donné l'incertitude qu’il y avait pour un vote jeudi à l'Assemblée nationale ; la Première ministre a engagé sa responsabilité et a dit très clairement aux députés : « écoutez, voilà, nous, nous voulons cette réforme donc cette réforme soit adoptée. Il y a une décision que vous avez entre vos mains, c'est éventuellement de voter pour cette motion et donc de renverser le Gouvernement. »
PATRICK ROGER
Oui, et donc, on disait, les LR dans une position d'arbitre. Comment vous jugez les LR qui sont vos anciens camarades ? Vous y étiez avant.
FRANCK RIESTER
Ecoutez, on a eu, pendant tout le processus de discussion parlementaire, des très bons échanges avec les dirigeants LR, que ce soit au Sénat, que ce soit à l'Assemblée nationale avec Éric CIOTTI, avec Olivier MARLEIX, le président du groupe, avec un grand nombre des députés de ce groupe, pour améliorer le texte. Nous avons tenu compte de leur avis avant même d'ailleurs de la présentation du texte. Rappelons que nous voulions, le Président de la République voulait décaler à 65 ans l'âge de départ en retraite, et nous avons pris acte, à la fois de ce que demandait un certain nombre d’organisations syndicales et ce que demandaient certaines forces politiques, à commencer par les LR pour dire que nous n’allions repousser qu’à 64 ans. Nous avons élargi la revalorisation des petites retraites aussi aux retraités existants. Nous avons, par exemple au Sénat, pris en compte la réalité d'un certain nombre de mères de famille avec une surcote, pour celles qui travaillent avec une carrière complète et qui peuvent, à partir de 63 ans, bénéficier d’une surcote sur leur future pension de retraite. Bref, on a tenu compte de ce que nous disait les LR, pour essayer d'avoir une majorité puisque nous cherchions, depuis le départ, une majorité
PATRICK ROGER
Donc, vous ne comprendriez pas qu’il y ait une trentaine de voix contre vous ?
FRANCK RIESTER
Pour autant, certain nombre de députés LR ont dit qu'ils voteraient contre ou qu’ils s'abstiendraient, d'où la décision de jeudi. Et c'est ça que nous ne comprenons pas parce que ce sont des députés qui, par ailleurs, dans le passé, ont souvent défendu le report de l'âge de départ pour pouvoir assurer la sauvegarde du régime.
PATRICK ROGER
Cette motion de censure, elle n'est pas forcément contre le recul de deux ans de départ retraite, mais c'est plutôt contre la méthode. C'est ce qu'ont dit les députés LIOT, sur la méthode qui a été, en fait, mise au point par le Gouvernement pour essayer de faire passer ça.
FRANCK RIESTER
C’est quoi la méthode ? La méthode, c'est de faire pendant 175 heures entre l'Assemblée nationale et le Sénat, un vote du texte au Sénat. Un compromis issu des députés et des sénateurs dans la Commission mixte paritaire dont on a beaucoup entendu parler. Et ce qui fait qu'aujourd'hui, on vote, non pas le texte du Gouvernement. Les députés sont appelés à se prononcer, non pas sur le texte du Gouvernement, mais sur le texte du Parlement, qui est le fruit de 175 heures de travail, de trois votes dont un au Sénat et un compromis en CMP. Et donc vous voyez, cette méthode, c'est de la discussion, de l'ouverture, de la prise en compte des opinions des organisations syndicales et d'un certain nombre de forces politiques, pour amender le texte, le transformer et en faire un texte issu du Parlement. Mais c'est un texte important, encore une fois, parce que c'est l'avenir de notre système de retraite qui est en question. Quelle serait l'alternative à ce texte ? Comment nous finançons dans l’avenir…
PATRICK ROGER
Ce qu’avait dit Emmanuel MACRON, il avait dit en 2019 : « il n'y a aucune urgence à retarder l'âge de départ à la retraite, il faut s'occuper des emplois de plus de 55 ans. » Et ça n'a pas changé pourtant puisqu'il y a un taux de chômage qui est toujours très important. Ça, ça n’est pas de l’urgence ?
FRANCK RIESTER
Le taux de chômage baisse et c'est toute la stratégie du Gouvernement en matière…
PATRICK ROGER
Oui, mais pas pour les plus de 55 ans, pas beaucoup.
FRANCK RIESTER
Economique et sociale, si, si, aussi pour les moins de 55 ans ; même si ça reste, effectivement, un sujet de préoccupation. Parce que nous avons une politique économique, depuis maintenant six ans, qui vise à baisser la fiscalité, baisser les impôts, baisser les cotisations, pour libérer les énergies et créer de la valeur. Et c'est d'ailleurs, évidemment, le projet alternatif de la gauche, de la NUPES, plus ou moins dit clairement, c'est d'augmenter les impôts et les taxes pour financer les futurs, l'avenir du système de retraite par répartition. Nous pensons que ce n'est pas possible, pas acceptable dans un pays qui prélève déjà le plus, dans tous les pays occidentaux. Nous devons baisser la pression fiscale et sûrement pas l'augmenter. Et pour autant, nous devons faire face, du fait de l'évolution de la démographie, à, dans l'avenir, des déficits importants pour notre système de retraite. Et nous voulons garantir ce pilier de notre modèle social et donc nous prenons nos responsabilités. Elisabeth BORNE, elle a pris ses responsabilités. Face à l'incertitude du vote jeudi, elle a dit, écoutez « j'engage ma responsabilité, j'engage ma responsabilité sur un texte essentiel pour l'intérêt général de notre pays. »
PATRICK ROGER
Elle prendra sa responsabilité jusqu'au bout si, par exemple, la motion de censure ne lui était pas favorable ? Elle devrait prendre ses responsabilités ?
FRANCK RIESTER
De toute façon, si la motion de censure est votée, ça fait tomber le Gouvernement.
PATRICK ROGER
Voilà, c'est ça.
Dites-moi, vous avez parlé d'échanges avec des LR depuis des semaines ; est-ce qu'il y a eu même des pressions ? Des pressions du Gouvernement sur des députés LR ? Et des LR qui sont venus faire pression aussi sur vous, pour dire « moi, j'ai besoin d'un contournement autoroutier » comme l'a dit Aurore BERGE, par exemple ?
FRANCK RIESTER
Non, ce n’est pas du tout l'état d'esprit qui était le nôtre. L'état d'esprit, c’est effectivement d’écouter un certain nombre de députés LR, d'écouter les dirigeants LR, pour voir comment on peut améliorer le texte pour que ce texte puisse être voté d'une façon plus large que celles et ceux qui sont les députés qui soutiennent Emmanuel MACRON. C'est dans cet état d'esprit-là que nous avons travaillé. Après, nous avons eu des échanges, évidemment, pour savoir notamment quel était le vote des députés LR pour qu'on puisse prendre notre décision en toute connaissance de cause. Mais l'état d'esprit était vraiment un état d'esprit confluctif au service du fond de la réforme.
PATRICK ROGER
Ils sont responsables, les LR, d'une façon générale, aujourd'hui ou pas ?
FRANCK RIESTER
Ecoutez, en tout cas, les dirigeants avec lesquels nous avons échangé et travaillé avec beaucoup des députés et des sénateurs LR, oui, tout à fait, je le dis : malheureusement un certain nombre de députés, par peut-être manque de courage ou peut-être aussi par calcul personnel.
PATRICK ROGER
Ah bon ?
FRANCK RIESTER
Arrière-pensée personnelle pour se faire un petit peu de notoriété, ne se sont pas associés à la majorité des députés LR pour voter le texte.
PATRICK ROGER
Vous pensiez à PRADIE, là, par exemple ?
FRANCK RIESTER
Ecoutez, moi, je ne donne pas de nom. Moi, je dis, un, nous avons bien travaillé avec les LR. Beaucoup de députés et de sénateurs LR ont fait preuve de responsabilité, je tiens à le saluer. Pour autant, eh bien, il y avait une incertitude sur un certain nombre de députés LR, dont acte, nous avons pris nos responsabilités. Chacun, maintenant, à l'Assemblée nationale, doit prendre la sienne.
PATRICK ROGER
Est-ce qu'il y aura possibilité de travailler par la suite avec les LR ? Rachida DATI, qui vous succédera à ce micro tout à l'heure, a appelé d'ores et déjà à un accord de Gouvernement entre LR et Emmanuel MACRON. C'est envisageable ou pas ?
FRANCK RIESTER
Mais nous continuerons à travailler avec une méthode qui vise à trouver des majorités plus larges que les députés qui soutiennent le Président de la République. C'est ce qu'on a fait depuis le début du quinquennat, Patrick ROGER. Je rappelle, quand même, que nous avons voté la loi sur la modernisation de l'assurance chômage, la loi sur l'avenir des moyens du ministère de l'Intérieur, la loi sur les énergies renouvelables, la loi sur le pouvoir d'achat, avec une majorité plus large sans utiliser le 49.3. On a utilisé le 49.3 quand ? Sur le projet de loi de finances, c’est-à-dire le budget et le budget de la Sécurité sociale. Parce que les oppositions, ils avaient dit dès le départ « nous ne voterons pas ce texte-là ». Nous avons pris nos responsabilités parce que nous voulions doter notre pays d'un budget, comme nous prenons nos responsabilités sur cette réforme des retraites après avoir essayé de trouver une majorité plus large parce c'est l'intérêt général supérieur de la nation.
PATRICK ROGER
Il y a un risque après que ce soit retoqué par le Conseil constitutionnel.
FRANCK RIESTER
Ça passera vraisemblablement devant le Conseil constitutionnel et on verra la décision du Conseil constitutionnel, mais nous sommes sereins par rapport à ça.
PATRICK ROGER
Vous comprenez quand même cette colère déclenchée par l'utilisation du 49.3 ?
FRANCK RIESTER
Ecoutez, vous savez, nous, on ne privilégie jamais le 49.3 ; mais c'est un outil qui est dans notre Constitution.
PATRICK ROGER
Oui, mais vous en avez usé, peut-être abusé, non ?
FRANCK RIESTER
Mais d'autres Gouvernements, à d'autres époques…
PATRICK ROGER
Pas à ce point.
FRANCK RIESTER
Si, si et le Gouvernement ROCARD, de gauche, l'a utilisé plus d'une vingtaine de fois pendant cette période-là. C'est un outil qui est à la disposition de la Constitution ; pour dire à un moment donné, sur des textes que nous jugeons importants, que c'est l'intérêt général du pays de le voter et que si bien il y a une majorité de députés pour ne pas l'accepter, ne pas le suivre, il y a la possibilité de faire tomber le Gouvernement. Et Elisabeth BORNE, en responsabilité, engage sa responsabilité devant l'Assemblée nationale et il y a un vote, même deux votes ce soir parce qu'il y a deux motions.
PATRICK ROGER
Pourquoi vous en arrivez là ? La réforme a été « mal vendue » par le Gouvernement ? Parce qu’elle n’a pas été bien perçue ?
FRANCK RIESTER
On peut toujours faire mieux, Patrick ROGER, bien évidemment. Mais vous savez, c'est une réforme difficile, on demande un effort à nos compatriotes. On leur demande de travailler progressivement deux ans de plus, donc c’est évidemment difficile, et c'est d'une complexité folle, donc qu'on peut toujours mieux faire. Mais ce qui compte, c'est de dire à nos compatriotes, une nouvelle fois, qu’on ne fait pas ça pour se faire plaisir, qu'on ne fait pas ça dans le dos des Français. Le Président de la République et les députés, lors des campagnes récentes, c’était l'année dernière, ont dit très clairement qu’ils reformeraient, que nous réformerions le système de retraite. On n’a pris personne par surprise ; mais c'est l'intérêt du pays. Et nous faisons parce que nous voulons sauver ce pilier de notre modèle social qui est le pilier de notre solidarité intergénérationnelle qui est menacée. Parce que c'est ce système-là, il est menacé. C'est les chiffres qui le disent. Et les chiffres, ce sont une réalité qu'on ne peut pas balayer d’un revers de la main.
PATRICK ROGER
Ça dépend. On peut faire dire beaucoup de choses aux chiffres.
FRANCK RIESTER
Non, justement, là, on ne peut pas le dire. Donc, nous prenons nos responsabilités en ayant écouté, modifié notre projet, en ayant un message qui est celui justement de l'écoute et de la prise en compte de l'avis d'autres personnes que de la majorité présidentielle, en prenant en compte, encore une fois, l’avis et les regards des organisations syndicales et d'autres groupes politiques.
PATRICK ROGER
Franck RIESTER, vous êtes ministre en charge des Relations avec le Parlement, donc vous discutez avec l'ensemble des députés. Ça laissera des traces quoi qu'il en soit, quoi qu'il se passe cet après-midi ?
FRANCK RIESTER
Ecoutez, c'est en tout cas une étape dans le quinquennat bien sûr, mais …
PATRICK ROGER
Certains députés renaissances sont déçus, par exemple, de ce qui se passe.
FRANCK RIESTER
Mais certains voulaient aller au vote et, nous aussi, nous voulions aller au vote. Mais face à cette incertitude, nous avons pris nos responsabilités. On ne pouvait pas prendre le risque que cette réforme importante échoue parce que c'est l'intérêt général. Vous savez, l'intérêt général, ce n'est pas toujours facile à défendre, ce n'est pas toujours facile à expliquer, ce n'est pas toujours facile à soutenir, mais c'est ce qui est noble aussi dans la politique. Vous savez, la politique, c'est à un moment donné, dire à nos compatriotes ce qu'on va faire avant d'être élu ; et quand on est élu, le faire même si ce n'est pas populaire à partir du moment où c’est l'intérêt général.
PATRICK ROGER
Franck RIESTER, la cote de popularité d'Emmanuel MACRON est en train de chuter là, est-ce qu'il devra prendre la parole, le chef de l'Etat ? Et puis annoncer, pourquoi pas, un remaniement ?
FRANCK RIESTER
Ça, c'est sa responsabilité, c'est à lui de prendre…
PATRICK ROGER
Non mais, vous attendez vous-même qu'il prenne la parole ?
FRANCK RIESTER
C’est non. Moi, je n'attends pas le Président de la République. Il saura prendre les décisions qui s'imposent, saura prendre la parole le moment venu quand il le souhaitera. Mais tout le monde sait à quel point il suit de près cette réforme, parce que c'est une réforme qu'il considère comme …
PATRICK ROGER
Il veut aller jusqu’au bout, il l’a dit hier soir.
FRANCK RIESTER
Absolument stratégique et essentiel pour l'avenir du pays, donc il n’y a pas de doute là-dessus.
PATRICK ROGER
Merci Franck RIESTER, ministre délégué en charge des Relations avec le Parlement, était l'invité de Sud Radio, ce matin.
FRANCK RIESTER
Merci à vous.
Source : Service d’information du Gouvernement, le 21 mars 2023