Interview de M. Clément Beaune, ministre chargé des transports, à France Info le 20 mars 2023, sur les deux motions de censure déposées à l'Assemblée nationale après l'utilisation du 49-3 sur le projet de loi de réforme des retraites, la contestation sociale, la rémunération du patron de Total, l'interdiction des voitures à moteur thermique et l'ouverture à la concurrence pour les bus de la RATP.

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Média : France Info

Texte intégral

MARC FAUVELLE
Bonjour Clément BEAUNE.

CLEMENT BEAUNE
Bonjour Marc FAUVELLE.

MARC FAUVELLE
On va parler dans quelques instants des deux motions de censure que le gouvernement s’apprête à affronter aujourd’hui à l’Assemblée nationale, mais d’abord ces manifestations qui se poursuivent depuis jeudi dernier, depuis que le gouvernement a sorti le 49.3, manifestations spontanées dans plusieurs grandes villes de France avec parfois également des violences, des incidents, Matignon a interdit à tous les ministres de se déplacer jusqu’à nouvel ordre, de quoi avez-vous peur ?

CLEMENT BEAUNE
Ce n’est pas une question de peur, il y a une détermination à avancer, on va y revenir j’imagine, mais depuis jeudi, il ne faut pas confondre les choses, ce à quoi on a quoi on a assisté beaucoup ce sont des violences, ce sont des incidents parfois très graves sur la place de la Concorde à Paris, à Lyon face à une mairie d’arrondissement. Ce sont des attaques contre des permanences parlementaires, je les condamne toutes quelles que soient les sensibilités politiques concernées, ce sont des intimidations que je ne confonds pas avec une mobilisation sociale, syndicale qui a eu lieu pendant plusieurs journées de manifestations et qui s’est toujours passée dans le calme et dans la responsabilité.

MARC FAUVELLE
Ça veut dire vous dites à ceux qui seraient tenter…

CLEMENT BEAUNE
Il ne faut surtout pas confondre …

MARC FAUVELLE
D’aller manifester sans qu’il y ait dépôt préalable en préfecture, n’y allez pas.

CLEMENT BEAUNE
Je dis à tous ceux qui commettent des violences, nous n’aurons aucune faiblesse, aucun laxisme.

MARC FAUVELLE
Pour les autres, pour ceux qui veulent manifester contre la réforme ?

CLEMENT BEAUNE
Ceux qui veulent manifester contre la réforme, il y a une journée de mobilisation, je crois encore, ce jeudi à l’appel des organisations syndicales comme elles l’ont toujours fait depuis le début ou pour ceux qui voudraient le faire pour la première fois, c’est leur droit constitutionnel, tant mieux dans notre pays, ils peuvent le faire et nos forces de l’ordre se mobilisent avec un grand courage, une grande responsabilité pour que ça se soit toujours bien passé. Et je le dis aussi parce que je veux leur rendre hommage, on peut avoir un désaccord de fond, on peut avoir un désaccord profond mais les organisations syndicales, la CFDT et les autres ont toujours fait en sorte aussi aux côtés de nos forces de l’ordre pour que ça se passe bien, toujours fait en sorte que ça passe dans les meilleures conditions. Et donc je ne veux surtout pas confondre ni pour les syndicats, ni pour les manifestants, ni pour les responsables politiques cela, ces actions respectables et respectueuses avec des violences qui sont totalement inqualifiables et j’aimerai que tous les responsables politiques aient le même discernement et ne confondent pas grève et blocage, violence et manifestation.

SALHIA BRAKHLIA
Certains députés de la majorité font part de menaces qu’ils ont reçu, des lettres, des tweets en tout genre, est-ce que vous-même vous avez été menacé ?

CLEMENT BEAUNE
Non, je n’ai pas été menacé directement, mais…

SALHIA BRAKHLIA
Votre sécurité a été renforcée ou pas ?

CLEMENT BEAUNE
Ma sécurité personnelle n’a pas été renforcée, on a des consignes de prudence parce qu’il peut y avoir des rassemblements et des violences bien sûr, mais je sais que plusieurs députés de la majorité ou des Républicains par exemple ont reçu des messages de menace, des tags sur leur permanence tout au long du week-end. Dans ma propre circonscription à Paris hier, je ne pense pas que cela me visait, mais il y a eu des incendies très sérieux de poubelles, d’ordures délibérés dans une rue du 12ème arrondissement de Paris, je condamne tout cela parce que cela ce n’est pas la République, ça ce n’est pas la mobilisation sociale, ça c’est de la violence pure et simple qui appelle une réponse d’ordre public et de calme.

MARC FAUVELLE
Vous diriez que le conflit est en train d'échapper aux syndicats en partie ?

CLEMENT BEAUNE
Je ne l'espère pas, je ne le crois pas, c'est l'intérêt de personne. Moi je souhaite que quand il y a un conflit social comme on dit au sens mesuré, encadré du terme, il puisse s'exprimer et se poursuivre.

MARC FAUVELLE
Mais vous avez sans doute entendu comme nous ces personnes qui manifestent, certaines pacifiquement, certaines moins je le précise et qui disent, les gilets jaunes ont tenu plus avec davantage de violence que nous en mettant des millions de personnes pacifiquement dans la rue. Ce qui est factuellement exact.

CLEMENT BEAUNE
Oui mais attendez, encore une fois ça je le distingue complètement c'est le discours de Laurent BERGER que je respecte et qui a fait preuve de cette responsabilité.

MARC FAUVELLE
Il a raison quand il dit ça, on obtient plus en France par la violence ?

CLEMENT BEAUNE
Non c'est pas vrai parce que la preuve toutes les violences qui ont eu lieu et qui n'ont rien à voir je le redis avec les manifestations depuis jeudi nous les condamnons, nous nous mobilisons et d'ailleurs les responsables syndicaux même les ont condamnés, il ne s'agit pas de donner droit d’une quelconque façon à ces violences qui ne sont d'ailleurs assorties d'aucune revendication à par des slogans de haine de détestation et de menaces à l'égard des élus. Ensuite les manifestations et la mobilisation il faut l'entendre évidemment et je suis absolument convaincu que bien sûr dans ces manifestations il y a eu des oppositions, il faut bien le dire à la réforme des retraites à l'évidence et je crois qu'il y a eu aussi d'autres choses, un malaise plus profond qui s'est exprimé sur nos services publics, sur le pouvoir d'achat, sur la question des salaires, sur la question des conditions de travail.

SALHIA BRAKHLIA
Vous craignez un retour des gilets jaunes ?

CLEMENT BEAUNE
Non je ne crains pas un retour des gilets jaunes, je crois qu’encore une fois il y a une minorité, qu'il ne faut pas non plus mettre trop en avant qui a décidé de menacer, d'être violent, de commettre des actions totalement inqualifiables et injustifiables qui n'a rien à voir avec le mouvement syndical, ça il faut le condamner, ça il faut sanctionner et le mouvement syndical et le mouvement social il s'est exprimé, il exprime je crois les choses sur les retraites et au-delà.

SALHIA BRAKHLIA
Il y a des manifestations, les rassemblements dans la rue et ici il y a aussi les grèves, plusieurs actions sont prévues cette semaine dans le transport aérien notamment, à la SNCF aussi, est-ce qu'il faut s'attendre à des journées noires cette semaine, le jeudi 23 notamment ?

CLEMENT BEAUNE
Alors pour être précis parce qu'on qualifie de journée de telle ou telle couleur, il y a des perturbations en ce moment dans les transports publics qui sont limitées, tant mieux. Aujourd'hui par exemple à la RATP en région parisienne le trafic est assuré, il est normal. A la SNCF il y a un certain nombre de perturbations mais il y a par exemple 9 TGV sur 10, 7 TER sur 10, ce n'est pas parfait mais ça veut dire que ce sont les perturbations assez modestes.

MARC FAUVELLE
La grève ne se voit plus.

CLEMENT BEAUNE
Elle se voit et je la respecte parce que dès qu’il y a des grévistes ça exprime toujours quelque chose, donc moi je ne balaie pas ça d'un revers de main, je dis simplement pour les usagers pour le service public dont j'ai la responsabilité, c'est une bonne nouvelle qu’ils soient beaucoup moins perturbés qu'il a pu l'être lors de mouvements précédents ou lors des précédentes journées. Et pour jeudi il y aura sans doute un peu plus de perturbations, on a de premiers indices de déclaration de grève à la RATP ou la SNCF, je ne crois pas que ce sera pour répondre à votre question, mais on le précisera au fur et à mesure de la semaine, une journée sans transports publics, une journée noire au sens où il n'y aurait plus des services de métro, de train, de bus assurés dans nos grandes villes ou en France, ça je ne le crois pas, mais il y aura sans doute plus de mobilisations et plus des perturbations que ce qu'on vit ces jours-ci où elles sont heureusement réduites.

MARC FAUVELLE
Plusieurs raffineries sont à l'arrêt ou bloquées en ce moment par des grévistes, combien de temps est-ce que vous espérez pouvoir tenir comme ça sans avoir des pompes à sec comme ça commence à être le cas dans certains départements du sud-est, dans les Bouches-du-Rhône par exemple, une sur 5 aujourd'hui n'a plus de carburant.

CLEMENT BEAUNE
Il y a des situations locales qui sont plus préoccupantes que d'autres, vous avez raison, c'est vrai notamment dans les Bouches-du-Rhône sur les 6 raffineries françaises, toutes aujourd'hui vivent un certain nombre de perturbations, ça ne veut pas dire forcément un blocage complet, mais un certain nombre de perturbations parce qu'il y a des grèves ou les actions qui sont menées par des organisations syndicales. Je vais être très clair, nous avons pris d'avoir des mesures d'anticipation, reconstitution des stocks stratégiques par exemple qui sont à haut niveau et qui permettent, on l'a vu d'ailleurs d'approvisionner les pompes à essence, il n’y a pas eu de problème d'approvisionnement des stations-services.

MARC FAUVELLE
Dans le sud-est…

CLEMENT BEAUNE
Aussi parce qu’il y a eu des phénomènes parfois difficiles à expliquer, je peux comprendre parce qu'il y a du stress, où des gens sont allés aux stations-services.

MARC FAUVELLE
C'est uniquement lié à ça ce qui se passe aujourd'hui dans le sud-est, c’est uniquement parce qu'il y a des pleins de précaution qui sont faits ?

CLEMENT BEAUNE
Ça joue, ça joue, je vais être très clair encore une fois, on a pris des mesures d'anticipation, donc je dis aussi aux Françaises et aux Français qui s'inquiètent légitimement pour leurs déplacements pour leur voiture on prend ces mesures d'anticipation et je ne souhaite pas qu'on ait des réquisitions pour être aussi très clair.

SALHIA BRAKHLIA
Vous ne le souhaitez pas mais est-ce que vous les anticipez ces réquisitions ?

CLEMENT BEAUNE
Je ne le souhaite pas, c'est jamais une décision facile, c'est une décision d'ailleurs qui est très encadrée juridiquement, tant mieux, parce que c'est une décision de dernier recours, mais comme nous l'avons fait précédemment, comme l'avons fait au mois d'octobre si cela était nécessaire, si cela était nécessaire, nous n’hésiterions pas à le faire pour éviter un blocage économique et de la circulation dans notre pays.

MARC FAUVELLE
Sur quels critères vous vous êtes fixé un nombre, c'est-à-dire à partir d'une station sur trois.

CLEMENT BEAUNE
Non vous savez Marc FAUVELLE, on a eu le débat au mois d'octobre et ça ne fonctionne pas comme ça, c'est encadrée par la justice et par le droit, tant mieux, donc c'est très ciblé, vous ne faites pas une mesure générale, vous faites potentiellement une mesure ponctuelle sur telle ou telle raffinerie s'il y a un problème local, justifiée, contrôlée par le juge, on en est pas là.

MARC FAUVELLE
On n'en est pas aux réquisitions très clairement ce matin dans les raffineries.

CLEMENT BEAUNE
On n’en est pas aux réquisitions à l'heure où nous parlons, nous avons pris des mesures d'anticipation qui nous permettent, qui nous ont permis de faire face largement jusque-là, il y a des situations de tension c'est vrai, quelques endroits en France et s'il le faut nous prendrions les mesures. Mais je le redis la réquisition c'est jamais de gaité de cœur et c'est toujours en dernier recours.

SALHIA BRAKHLIA
Toujours avec Clément BEAUNE, le ministre délégué chargé des Transports, on parlait juste avant les titres de carburants, on a appris que le conseil d’administration de TotalEnergies va proposer d’augmenter de 10 % la rémunération de Patrick POUYANNE lors de la prochaine assemblée générale des actionnaires en mai prochain. Vous trouvez ça scandaleux ou alors normal vu les résultats exceptionnels de TOTAL ?

CLEMENT BEAUNE
On ne peut pas avoir des grands mots scandaleux, etc.

MARC FAUVELLE
Normal ?

CLEMENT BEAUNE
Non plus, non plus, honnêtement, je pense qu’on aurait pu s’en passer dans la période qu’on vit, on aurait pu s’en passer, chacun a une responsabilité, on le voit, moi, je l’assume aussi qu’il y ait une part de symbole dans les décisions publiques et dans les décisions des grands groupes, donc TOTAL a pris par exemple des mesures pour bloquer les prix à la pompe pour que ça ne dépasse pas 2 euros, c’est une bonne mesure, je l’ai dit au PDG de TOTAL avec qui j’ai échangé sur ce sujet. Il faut le reconnaître, on n’était peut-être pas obligé en ce moment d’avoir des mesures d’augmentation qui, pour beaucoup de Français, apparaissent extrêmement élevées parce qu’elles vont au-delà de l’inflation.

SALHIA BRAKHLIA
Donc il doit renoncer à ses 10% d’augmentation ?

CLEMENT BEAUNE
Ce n’est pas moi qui décide, il y a des règles du conseil d’administration…

MARC FAUVELLE
Mais vous souhaiteriez que ce soit le cas ?

CLEMENT BEAUNE
Mais je trouve que chacun doit faire un effort de sobriété à tous égards.

MARC FAUVELLE
Le gouvernement affronte donc cet après-midi deux motions de censure à l’Assemblée nationale, serez-vous encore ministre tout à l’heure ?

CLEMENT BEAUNE
Ecoutez, je l’espère, vous savez, quand vous êtes ministre, il faut assumer une forme d’humilité, voilà…

MARC FAUVELLE
Vous vous êtes préparé à tous les cas de figure, y compris celui-là ?

CLEMENT BEAUNE
Non, mon sort personnel n’a pas grand intérêt, je vais être très clair, moi, je pense que la motion de censure ne sera pas votée, je souhaite évidemment qu’elle ne soit pas votée, les motions de censure, pour être précis, même s’il y a une grande confusion entre les partis qui s’y associent de manière peu claire et peu cohérente sur le plan politique, c’est le moins qu’on puisse dire, et je pense, et que je souhaite que le gouvernement va continuer à travailler sous l’autorité d’Elisabeth BORNE.

SALHIA BRAKHLIA
Vous êtes encore confiant quand vous entendez malgré tout ce matin, Aurélien PRADIE, député Les Républicains, dire qu’il la votera cette motion de censure du groupe Libertés et Territoires ?

CLEMENT BEAUNE
Ecoutez…

SALHIA BRAKHLIA
C’est-à-dire que votre avenir dépend de la droite, et il y en a certains qui sont prêts à voter pour vous renverser…

CLEMENT BEAUNE
D’abord, je vais vous faire une remarque générale, nous sommes dans un Parlement où il y a une majorité relative, donc moi, j’ai été ministre des Affaires européennes, j’ai vu comment fonctionnaient beaucoup de démocraties parlementaires en Europe, on devrait avoir collectivement cette maturité qui consiste à pouvoir travailler ensemble, texte par texte, malheureusement, on voit bien qu’on ne l’a pas tout à fait, je pense sincèrement que le gouvernement et la majorité gouvernementale ont fait beaucoup d’efforts pour avoir des accords, moi, ça ne me choque pas qu’il y ait des discussions, des négociations, c’est ce que font tous les pays européens sur toutes les grandes réformes, ça n’est pas sale, ça n’est pas incohérent. Je regrette, en revanche, que certains, je dis bien certains, dont Aurélien PRADIE, au sein du groupe Les Républicains, aient abandonné toute forme de cohérence, Aurélien PRADIE, il est finalement cohérent dans son incohérence, depuis le départ, il veut faire une forme de campagne de notoriété, il veut se mettre en avant, il veut dire : je veux telle ou telle mesure, je veux discuter, ça, pourquoi pas, on peut discuter dans une démocratie et dans un Parlement, mais on ne sait pas ce qu'il voulait, qu'est-ce qu'il voulait dans cette réforme, il a fait beaucoup de demandes, certaines ont été entendues par le gouvernement, soutenues par d'autres dans son groupe…

MARC FAUVELLE
Il ne voulait pas plus de 43 ans pour personne, ce qui n’a pas été repris exactement dans la réforme…

CLEMENT BEAUNE
D’accord, pardon, son groupe à l’Assemblée nationale et au Sénat je pense que c’est le même parti, Les Républicains, était largement représenté dans la fameuse commission mixte paritaire, a obtenu à sa demande de nouvelles avancées sur la question des carrières longues, que je pense d'ailleurs très positive, et je ne l'ai pas entendu dire à la sortie de la CMP, c'est un scandale, bizarrement, 3 jours après, en patriote, me dit-il, il a dû entendre une voix, il nous dit : je vote la motion de censure, je ne soutiens pas le gouvernement, pardon, moi, je ne viens pas de Les Républicains, je ne viens pas de la droite républicaine, mais je suis très inquiet quand je vois certains, je ne mets pas tout le monde dans le même sac, au sein de cette droite, qui a une tradition de gouvernement et de responsabilité, juger uniquement sur des critères personnels, ces décisions politiques.

MARC FAUVELLE
Qu'est ce qui se passera pour les députés Les Républicains qui tout à l'heure vont voter la censure du gouvernement, qu'est-ce que vous leur dites, c'est un aller sans retour, vous serez dans l'opposition jusqu'à la fin du quinquennat, par exemple, on ne négociera pas avec vous pour les futurs textes par exemple, pour la loi sur l'immigration, qui va arriver dans quelques semaines ?

CLEMENT BEAUNE
Je ne suis pas leur chef, je ne suis pas leur responsable de parti, je leur dis simplement, comme quelqu'un qui ne vient pas de la droite, comme un responsable politique qui essaie de chercher un peu de dignité et un peu de cohérence, est-ce que vous voulez ajouter de la difficulté à la difficulté, est-ce que vous voulez jouer l'instabilité, ce n'est pas seulement un vote sur la réforme des retraites, le 49.3 dans notre pays, c'est un processus démocratique, constitutionnel où on pose une question de gravité, et comme le dit la Constitution…

MARC FAUVELLE
Il y a l’argument, c’est nous ou alors le chaos…

CLEMENT BEAUNE
Non, ce n’est pas nous ou alors le chaos, parce que, on est 9 mois après le début de législature, il y aura effectivement beaucoup de textes à discuter, tout le monde pourra s'exprimer, moi, je dis aussi par exemple à la gauche modérée de gouvernement, travaillons ensemble à l'avenir sur un certain nombre de textes, mais le choix qui doit être fait cet après-midi, ce n'est pas seulement un choix sur la réforme des retraites, Aurélien PRADIE, il a toujours dit qu'il n’aimait pas beaucoup cette réforme des retraites, pourquoi, alors s'est-il lancé dans des négociations, vous lui poserez la question. Mais le choix qui doit être fait cet après-midi, c'est : est-ce qu'on veut renverser un gouvernement, est-ce qu'on veut aller à des élections ou à une période d'instabilité…

MARC FAUVELLE
Les élections, ce n'est pas une obligation, c'est Emmanuel MACRON qui a dit : si le 49.3 est adopté, je dissous…

CLEMENT BEAUNE
Bien sûr, enfin, en tout cas, ça veut dire…

MARC FAUVELLE
Mais il peut très bien reconduire Elisabeth BORNE…

CLEMENT BEAUNE
… Une motion de censure…

MARC FAUVELLE
C’est-à-dire que c’est vous qui avez le choix ou pas de convoquer à nouveau les électeurs…

CLEMENT BEAUNE
Pardon, une motion de censure, ce n'est pas rien, vous avez raison, il n’y a aucune automaticité dans notre Constitution…

MARC FAUVELLE
On en a connu des gouvernements 2, 3, 4 avec le même Premier ministre…

CLEMENT BEAUNE
Bien sûr, enfin, qui sont tombés, c’est arrivé qu’une fois sous la 5ème République, donc ce n'est pas quelque chose d'anodin. Moi, j'avais compris que quand on était issu des Républicains, on pouvait avoir des désaccords avec un gouvernement qui n'est pas de droite, qui n’est pas des Républicains, mais on avait, dans les moments de gravité, le 49.3, c'est ça au fond, c'est un choix fort, le sens de la stabilité et de la responsabilité, c'est ça la question qui est en jeu cet après-midi, et je trouve ça dommage que certains préfèrent être des francs-tireurs que des responsables politiques au sens plein du terme.

SALHIA BRAKHLIA
Concrètement, pour ceux qui nous écoutent, là, si les motions de censure n'aboutissent pas cet après-midi, vous faites passer la réforme des retraites via le 49.3, et malgré ce qui se passe dans la rue, et c'est terminé ?

CLEMENT BEAUNE
Alors, ça, c'est la question politique de fond, non, ce n’est pas : " circulez, il n’y a rien à voir ", il y a des procédures…

SALHIA BRAKHLIA
Il va se passer quoi après ?

CLEMENT BEAUNE
Si le 49.3, qui est, encore une fois, un outil de notre Constitution, permet l'adoption du texte des retraites, conformément à notre loi fondamentale, nous aurons cette réforme qui s'appliquera ; je crois profondément qu'il faut évidemment entendre les mobilisations, moi, j'ai mené dans le secteur des transports publics un dialogue social quotidien sur des sujets, comme les conditions de travail, comme les congés de fin d'activité, comme les déroulements de carrière, dans le secteur des routiers, des transports terrestres, etc. Je pense que ça nous oblige à en effet avoir un agenda social, à travailler sur la future loi emploi et travail du ministre du Travail, pour que l'emploi des seniors soit revalorisé, pour que les inégalités femmes-hommes soient mieux traitées…

MARC FAUVELLE
Et vous pensez que les syndicats vont revenir demain matin comme s’il ne s’était rien passé, Laurent BERGER ce matin, dans Libération…

CLEMENT BEAUNE
Mais je ne dis pas que c’est facile…

MARC FAUVELLE
Dit : il y aura un avant et un après, ça va laisser des traces…

CLEMENT BEAUNE
Mais je suis d’accord qu’il y aura un avant et un après, je suis lucide sur le fait qu'après des mobilisations, il y a un moment difficile et il y a un moment en quelque sorte où il faut recoudre, mais, est-ce qu'on se regarde les bras croisés en disant : c'est fini, c'est foutu, pas du tout, je pense…

MARC FAUVELLE
Mais on recoud avec les mêmes ?

CLEMENT BEAUNE
Et on recoud, moi, j'ai rendu hommage, et je le fais encore ce matin, à Laurent BERGER, en particulier…

MARC FAUVELLE
Je ne parlais pas côté syndicats, je parlais côté gouvernement…

CLEMENT BEAUNE
Non, mais, pardon, côté syndicats, c’est très important, je pense qu'on doit reprendre langue, discuter, il y a un désaccord, ça laisse forcément des traces quand il y a des semaines de mobilisation, on ne va pas être naïf, mais est-ce qu’on a envie de travailler sur le partage de la valeur où les partenaires sociaux ont obtenu un accord très bon, y compris pendant la période des négociations des retraites…

SALHIA BRAKHLIA
Là, vous parlez des textes qui arrivent et vous vous projetez sur l’après des textes…

CLEMENT BEAUNE
Pas que des textes, ce sont des choix fondamentaux, mais il y aura un après évidemment…

SALHIA BRAKHLIA
Mais avec qui on reconstruit, effectivement, est-ce qu’il faut garder le même gouvernement, est-ce qu’il y aura un remaniement ou alors vous préférerait que le président de la République dissout l'Assemblée ?

CLEMENT BEAUNE
Ça, c'est une décision qui appartient au seul président de la République, donc je respecte les institutions aussi à cet égard, moi, je vais vous dire très clairement, je souhaite, pour répondre à votre question, qu'Elisabeth BORNE conduise le gouvernement, continue à conduire le gouvernement.

SALHIA BRAKHLIA
Elle peut encore rester ?

CLEMENT BEAUNE
Mais je souhaite qu'elle reste, je pense qu’elle peut et qu'elle doit rester, ça n’est pas mon choix à moi…

MARC FAUVELLE
Elle n’est pas cramée ?

CLEMENT BEAUNE
Mais pas du tout, je crois, Elisabeth BORNE, elle vient de la même sensibilité politique que moi, mais au-delà de ça, c'est une femme du service public, c'est une femme d'engagement, c'est une femme de détermination, je crois que même ceux qui ne sont pas d'accord avec la réforme des retraites reconnaissent qu'elle fait les choses avec la conscience de l'intérêt du pays, de la gravité du moment, et je pense que c'est une femme politique, une responsable politique dont on a besoin dans les mois qui viennent à la tête du gouvernement de la France, ensuite, ce n'est pas moi qui choisis, je vous dis mon sentiment. Je suis à 200% derrière la Première ministre.

MARC FAUVELLE
Toujours avec le ministre des Transports, Clément BEAUNE, l'Allemagne a décidé de faire marche arrière sur la question de l'interdiction des voitures à moteur thermique, l'Europe avait décidé de les interdire à la vente à partir de 2035, l'Allemagne mais aussi de l'Italie, la Pologne, la Bulgarie ne veulent plus de cette échéance, est-ce que la France va se lancer dans un bras de fer sur cette date butoir ?

CLEMENT BEAUNE
La France va défendre les engagements pris absolument avec une grande détermination. Pourquoi, parce que c'est indispensable sur le plan écologique, on a besoin, moi j'ai défendu que c'était par l'Europe qu'on faisait la bonne écologie, j'en suis absolument convaincu parce qu'on a 450 millions de personnes d'un coup qui s'accordent sur les mêmes règles donc ça a de l'impact.

MARC FAUVELLE
Ce que disent les Allemands, c’est ce n’est pas le moteur le problème, c’est le carburant qu’on met dedans. Et si on trouve demain ou dans 10 ans puisque l'interdiction est dans un peu plus de 10 ans des carburants propres, il faut continuer avec ces moteurs-là.

CLEMENT BEAUNE
Je ne vais pas rentrer dans la technique mais il y a quelque chose…

MARC FAUVELLE
Mais elle est importante dans ce dossier-là.

CLEMENT BEAUNE
Bien sûr, mais c'est pour ça que j'en dis un mot. Les constructeurs eux-mêmes nous disent, j'en ai rencontré encore la semaine dernière, soyez clairs, soyez simples, soyez clairs on peut faire plein de choses avec des investissements, avec de l'innovation mais il faut qu'il y ait un signal très clair. 2035 c'est à la fois très proche et c'est quand même dans 12 ans, nous avons le temps de faire des adaptations, les constructeurs français, Stellantis, Renault, ils sont en train de mettre le paquet sur l'électrique pour qu'on ait en Europe, en France, produites sur notre sol des voitures électriques abordables, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Donc c'est clair si on ne fait pas de nous le choix de l'électrique, le virage industriel électrique, on se met entre les mains des Chinois et donc on aura le choix entre des voitures thermiques polluantes ou des voitures chinoises électrique dans 10 ans, ce n'est pas ça que je veux, même si la conversion est difficile, même si la transition est difficile, pour mon pays pour mon économie et pour mon industrie. Donc je pense qu'il faut faire ce choix courageux, il est difficile, l'Etat va le soutenir par des subventions, par des aides à l'investissement. On est en train de produire par exemple des batteries électriques en France, on ne va tout casser parce qu'il y a des discussions internes à la coalition allemande. Donc je respecte…

MARC FAUVELLE
Il n’y a pas que l’Allemagne qui doute aujourd'hui.

SALHIA BRAKHLIA
Il y a l’Italie, la Pologne….

CLEMENT BEAUNE
Oui il y a essentiellement, en fait essentiellement l'Allemagne, Italie et la Pologne mais peu importe, l'immense majorité des pays européens…

MARC FAUVELLE
Mais ça fait une minorité de blocage aujourd’hui.

CLEMENT BEAUNE4
Mais on va discuter, moi j'eu des échanges avec le ministre des Transports allemands comme dans tous les moments où il y a des difficultés franco-allemandes.

SALHIA BRAKHLIA
Mais vous voyez bien qu’il défend son industrie automobile qui elle n'est pas prête.

CLEMENT BEAUNE
Qui n’est pas si clair que ça parce que beaucoup de constructeurs allemands ont eux-mêmes dit, attendez on ne comprend plus rien, on veut un signal clair. Donc vous nous dites ce qu'on doit faire en 2035, ça c'est la décision les politiques, c'est de notre responsabilité et ensuite les industriels, ce n’est pas magique mais ils investissent et ils s'adaptent et la question pour en dire un mot des carburants, ce qu'on appelle les e-carburants parfois ou des carburants propres, c'est une ressource assez rare et donc on en aura besoin pour décarboner, pour verdir d'autres modes de transport. Moi je suis en charge des transports au pluriel et il y a aussi l'aérien par exemple. Dans l'aérien les biocarburants, les e-carburant, c'est quelque chose dont on aura besoin indispensable pour faire un avion plus propre et propre à terme. Donc il faut qu’on fasse des choix simples et clairs, je crois que c'est très important pour les voitures individuelles que maintenant on fasse le choix de l'électrique sinon les Chinois vont le faire à notre place et ça va faire mal.

SALHIA BRAKHLIA
Clément BEAUNE, les JO, c'est l'année prochaine, il va falloir transporter jusqu'à 500000 personnes par jour en région parisienne, est-ce qu'on en a les moyens ?

CLEMENT BEAUNE
Oui, on en a les moyens, nous sommes un grand pays qui accueille les événements internationaux régulièrement et là c'est un défi majeur mais nous sommes en train de le réussi. Toutes les 6 semaines moi je réunis l'ensemble des acteurs des transports pour faire un point précis notamment sur des infrastructures, il y aura des lignes de métro et de RER prolongées ou nouvelles en Ile-de-France qui vont d'ailleurs évidemment rester après les JO et apporter des solutions aux galères de transport public. Donc on est en train de se mettre en marche.

SALHIA BRAKHLIA
Est-ce qu’elles vont être prêtes ces lignes, ces rallongements de lignes, est-ce que ce sera prêt, on sait que ça a pris du retard ?

CLEMENT BEAUNE
Mais c'est un défi, mais oui ce sera prêt, je le vérifie je peux vous dire heure par heure, j'exagère un peu, mais jour par. Jour. Vous avez pour prendre un seul exemple très concret une ligne 14 qui est une ligne automatique de métro qui ira du nord de l'Ile-de-France à l'aéroport d'Orly au sud de l'Ile-de-France qui est en train d'être prolongée, son calendrier d'ouverture c'est le début de l'année 2024, il est tenu. On le vérifie puisqu’il peut toujours y avoir des problèmes sur des chantiers, on le vérifie donc c'est un combat, mais c'est aussi un magnifique défi et les JO ce n’est pas seulement 15 jours ou un mois Jeux olympiques et Jeux Paralympiques, ce sont des décennies d'investissements notamment dans le transport public au service des Parisiens et des Français.

MARC FAUVELLE
Est-ce que vous recommandez aux Parisiens et plus généralement aux Franciliens de quitter la région pendant les Jeux ?

CLEMENT BEAUNE
Pas de quitter la région tout court, mais vous avez raison de le dire il y aura sans doute à partir de l'automne prochain parce qu'il faut anticiper des consignes d'organisation pour les entreprises, pour les personnes qui restent bosser en Ile-de-France. On a des hôpitaux qui tournent, on a des gens qui ne prennent pas leurs vacances au mois d'août, c'est évidemment leur droit. Il faudra s'adapter un petit peu, il y aura des transports publics qui à certaines heures seront très chargés parce qu'il y a des compétitions. Donc y aura du télétravail, il y aura un certain nombre de mesures qu'on prendra mais on détaillera tout ça dans quelques mois.

MARC FAUVELLE
Et est-ce que vous avez envisagé l'hypothèse d'une grève dans les transports pendant les Jeux ?

CLEMENT BEAUNE
Mais on se prépare à tous les scénarios.

MARC FAUVELLE
Il se passe quoi dans ces cas-là ?

CLEMENT BEAUNE
Je crois très sincèrement, le droit de grève, il est respecté et respectable, je crois très sincèrement qu’à la RATP…

MARC FAUVELLE
Il n’y a pas de trêve olympique.

CLEMENT BEAUNE
J'espère qu'il y en aura une, mais vous savez, je ne dis pas de manière comminatoire ne fait pas grève. Je travaille notamment avec la RATP pour qu'on améliore le climat social. J'ai beaucoup travaillé avec Jean CASTEX, le président de la RATP et ça se traduit je crois aussi dans le fait qu'il y ait un service de transport normal sans grève aujourd'hui à la RATP ou quasiment parce qu'on a amélioré le climat social, on a revalorisé les salaires, on a amélioré les déroulements de carrière. Je crois profondément au dialogue social même dans les périodes de tensions, même dans les périodes sensibles comme les Jeux olympiques.

SALHIA BRAKHLIA
L'ouverture à la concurrence, c'est le 31 décembre 2024 pour les bus de la RATP, vous songez à repousser cette date pour qu’on ait des JO parfait sans grève ?

CLEMENT BEAUNE
Pas que pour les JO, moi je l'ai dit, c’est indépendant des JO. J'ai dit à la présidente de région Valérie PECRESSE, je pense qu'il faut prendre un petit peu de temps supplémentaire et décaler de quelques mois parce que cette ouverture à la concurrence…

SALHIA BRAKHLIA
Mais elle, elle vous a dit non.

CLEMENT BEAUNE
Elle peut être utile pour les usagers, ce n'est pas une privatisation contrairement à ce que j'entends, pas du tout, c'est les autorités publiques qui organisent les transports toujours et ça ne changera pas, mais l'organisation d'une telle transition, c'est compliqué, ça crée du stress. J'étais dans un dépôt de bus encore la semaine dernière, on ne m’a pas parler beaucoup des retraites, on m’a parlé de l'ouverture à la concurrence, ça stresse, je vous assure que le premier sujet, faites venez avec moi 6h00 du matin dans un dépôt de bus RATP.

MARC FAUVELLE
Je ne peux pas je suis ici.

CLEMENT BEAUNE
A midi pour le changement de service, Je pense qu’ils sont ravis de vous accueillir très sincèrement mais le stresse principal c'est l'ouverture à la concurrence, c'est normal, c'est la vie quotidienne, donc prenons le temps de faire un service public qui marche et de respecter les agents de la RATP.

MARC FAUVELLE
Merci Clément BEAUNE et bonne journée à vous.

CLEMENT BEAUNE
Merci.


Source : Service d’information du Gouvernement, le 21 mars 2023