Interview de M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publique, à Radio J le 23 mars 2023, sur la contestation contre la réforme des retraites et la politique gouvernementale.

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Média : Radio J

Résumé

CHRISTOPHE BARBIER
Stanislas GUERINI, bonjour.

STANISLAS GUERINI
Bonjour.

CHRISTOPHE BARBIER
Voilà, interview par David, différente de celle qu’a menée le président de la République hier à 13h, pour expliquer la nécessité de la réforme, ça aurait peut-être été plus utile en amont des débats, pourquoi il parle si tard ?

STANISLAS GUERINI
Vous savez, le président de la République, il s’exprime régulièrement, mais, je crois que c’était utile qu’il parle dans un moment où il y a de la colère, il y a de l’incompréhension, et il fallait expliquer les choses, et notamment expliquer un choix politique, celui qu’on a fait d’utiliser l’article 49.3, ça a suscité des questions, parfois de la colère dans la population, et donc il fallait dire pourquoi nous avons fait ce choix-là, c’est un choix de responsabilité, on aurait pu faire le choix, au fond, de laisser cette réforme des retraites en rase campagne, comme tant d’autres ont reculé avant nous, et ce choix de responsabilité, c’est un choix pour notre pays, parce que si on ne fait pas des choix, qui sont parfois difficiles, qui sont parfois impopulaires, disons-le, maintenant, alors, nous aurons des choix plus douloureux à faire dans quelques années. Et nous, on sait pourquoi on est là, pour réformer notre pays, pour sauvegarder notre régime de retraite, pour des raisons évidentes, des raisons que le président de la République a rappelées hier, des raisons de démographie…

CHRISTOPHE BARBIER
… Démographie, de comptes, etc.

STANISLAS GUERINI
Et c’était utile que d’expliquer ce choix, et de donner des perspectives pour le pays, parce qu’il va falloir se parler avec les organisations syndicales, parler des sujets qui sont devant nous et avancer…

CHRISTOPHE BARBIER
Se parler, on va en dire un mot, mais les commentaires sont sévères ce matin, pyromane, le grand tisonnier, dit Libération, parce que justement, parler à la veille d’une journée de manifestation, c’est apparu comme une provocation.

STANISLAS GUERINI
Mais vous savez, la première forme de respect, c’est la sincérité, c’est la transparence, vous pouvez faire beaucoup de reproches au président de la République, jamais celui de ne pas dire ce qu’il pense, le fond de ses convictions. Et c’est ce qu’il a fait hier, en responsabilité, pour expliquer les choix qui ont été les nôtres, pour être aussi le garant des institutions, je crois que c’est très important de rappeler…

CHRISTOPHE BARBIER
Mais on doit aussi peut-être être un peu dans l’empathie avec le peuple quand on est président…

STANISLAS GUERINI
Rappeler ce qui est aussi l’ordre républicain, de ne pas tout confondre dans un moment où il y a beaucoup de confusion dans nos débats. Nous, nous respectons infiniment les manifestations, les organisations syndicales, la capacité d'encadrement aussi d’un mouvement de contestation qu'ils ont eu. Et nous ne confondons pas tout avec ceux qui, dans la rue, cassent, brûlent, agressent, c'est utile que le président de la République au fond remette un cadre républicain et soit le garant des institutions…

CHRISTOPHE BARBIER
Qui sont les factions et les factieux, ce n’est pas les syndicats d’après ce que je comprends de ce que vous dites, c’est La France Insoumise ?

STANISLAS GUERINI
De façon évidente, et je crois que ça transparaissait de façon extrêmement claire dans ce que le président a dit, il y a au fond les mobilisations le jour, elles sont légitimes, elles sont respectables, éminemment respectables, il y en a une aujourd'hui, elles sont organisées par les organisations syndicales, et ils le font très bien, depuis le début, et puis, il y a des mouvements, principalement la nuit, nous en sommes maintenant à plus de 6 nuits, d'incendies, d'attaques, d'agressions sur des forces de l'ordre, je me suis rendu aux côtés de Gérald DARMANIN, il y a 400 policiers qui sont blessés, parfois extrêmement gravement, parce que, ils ont en face d'eux des gens qui, au fond, ne sont pas là pour manifester sur les retraites, mais sont là pour casser et pour faire mal…

CHRISTOPHE BARBIER
Mais La France Insoumise dit : ils sont arrêtés arbitrairement, on les met en garde à vue sans raison, d'ailleurs, ils sont tous libérés, que leur répondez-vous ?

STANISLAS GUERINI
Je leur réponds que rarement, je les entends soutenir nos forces de l'ordre, et même quasiment jamais, et je crois qu'on devrait toujours commencer par-là, parce qu’ils font un travail difficile, et qui est d'abord celui de protéger nos concitoyens, et de permettre aux uns et aux autres, y compris de manifester, ils permettent de respecter le droit. Et donc, moi, j'aimerais entendre ces forces politiques qui passent leur temps à attiser la colère, à inciter verbalement, encore hier, je voyais les positions que prenait un député de La France Insoumise, qui appelait à venir chercher le président de la République, à lui faire manger sa retraite, voyez, quand on commence par des formes de violence verbale aussi évidentes, eh bien, il ne faut pas s'étonner qu’ensuite, il y ait une continuité et une violence qui s’exprime sur le terrain.

CHRISTOPHE BARBIER
Parler avec les syndicats, dites-vous, Laurent BERGER est très fâché, déni et mensonges, a-t-il dit hier, parce qu'il dit : oui, nous avions un compromis possible, nous avons proposé des réformes des retraites, comment rabibocher le pouvoir et les syndicats ?

STANISLAS GUERINI
En parlant des sujets qui sont sur la table pour les semaines et les mois qui viennent…

CHRISTOPHE BARBIER
Donc on enterre les retraites, on oublie, on passe à autre chose ?

STANISLAS GUERINI
Non, je ne crois pas, je vais vous le dire, et dont les syndicats veulent parler, la question du pouvoir d'achat, elle est essentielle, je le dis en tant que ministre de la Fonction publique, on doit faire face à une deuxième année à 6 % d'inflation, eh bien, quelles sont les réponses que nous apportons…

CHRISTOPHE BARBIER
Relever le point d’indice, vont vous dire les syndicats…

STANISLAS GUERINI
On discute de ça, ce sont des sujets pour lesquels on doit se retrouver, se remettre autour de la table, de façon évidente, parler de ce dont le président de la République a parlé hier dans son intervention, c'est-à-dire, du déroulé des carrières, de la pénibilité, de l'usure, moi, vous savez, Christophe BARBIER, dans la réforme des retraites, j'ai tenu à ce qu’on puisse prendre des mesures spécifiques pour les fonctionnaires, c'est ma responsabilité, qui sont toutes liées à l'aménagement, soit, du temps de travail, on a introduit la possibilité de se mettre à temps partiel dans la fin de sa carrière, soit, de pouvoir changer de métier, on a rendu les choses beaucoup plus faciles là-dessus, soit, de pouvoir mieux prévenir l'usure et la pénibilité. On a créé un fonds pour les métiers du soin, de l'hôpital, c'est-à-dire de nos grands services publics, on va y consacrer 100 millions d'euros par an, pour justement faire ce qu'on ne faisait pas suffisamment avant, aménager les carrières, aménager les postes de travail, je crois que ça, ce sont les enjeux qui sont à la fois liés à la réforme des retraites, et sur lesquels on doit aller beaucoup plus loin. Sur tout ça, on doit pouvoir se retrouver et se parler.

CHRISTOPHE BARBIER
Le gouvernement a été confirmé hier par le président, vous vous sentez comment, en sursis, parce qu'il faudra un jour un remaniement, dans l’impuissance, parce qu'il n'y a pas de majorité à l'Assemblée ?

STANISLAS GUERINI
Au boulot, au boulot, Christophe BARBIER…

CHRISTOPHE BARBIER
Et on travaille comment quand on n’a pas de majorité ?

STANISLAS GUERINI
On a suffisamment de sujets qui sont devant nous, qui sont devant moi en tant que ministre de la Fonction publique, je voulais parler des parcours du travail dans l'administration, il y a un sujet évidemment immense derrière la réforme des retraites, qui est celui des services publics, de ce que financent nos impôts. Et il faut agir tous les jours pour ça, et c'est ce que je fais, c’est ce qu'on fait quand on réouvre par exemple 2.600 maisons France Services, ce sont des espaces dans lesquels nos concitoyens peuvent trouver des solutions, quand on réinvestit à l'hôpital, pour l'école, pour mieux rémunérer nos professeurs, pour raccourcir les délais de la justice dans notre pays…

CHRISTOPHE BARBIER
Pas besoin de loi, pas besoin de majorité avec la droite ou la gauche pour ça ?

STANISLAS GUERINI
Pas tant besoin de loi que cela pour avancer, pour trouver des solutions concrètes, et ça sera important, je crois que nos concitoyens parfois ont une forme de méfiance par rapport à ce qui se passe à l'Assemblée nationale, notamment sur les délais d'application de tout ça. On fait des lois, et puis, 2 ans, 3 ans plus tard, on commence à voir les transformations dans sa vie quotidienne…

CHRISTOPHE BARBIER
Il faut aller vite…

STANISLAS GUERINI
Moi, je crois qu’il faut privilégier les sujets qui permettent de transformer le quotidien rapidement, et c'est pour ça que je vous parle des services publics du quotidien, c’est pour ça qu'on travaille à améliorer ce qui ne marche pas bien, à pouvoir délivrer les papiers d'identité plus rapidement, ça fait partie des attentes de nos concitoyens, eh bien, je crois que ça, ça peut paraître parfois anecdotique, trop quotidien, pour faire les Unes des journaux, pour faire l'actualité des chaînes d'info en continu, mais au final, c'est ça qui compte pour beaucoup de Français.

CHRISTOPHE BARBIER
Alors, un service public du quotidien qui ne marche pas bien, à Paris, c'est les poubelles, la maire de Paris a refusé la réquisition, elle est solidaire des grévistes, est-ce qu'elle va le gagner ce bras de fer avec l'Etat ?

STANISLAS GUERINI
Je ne crois pas, moi, ce qui m'intéresse, ce n'est pas un bras de fer avec l'Etat, c'est des solutions que nous réussissions à apporter pour les Parisiens qui voient aujourd'hui un quotidien qui est insupportable et inacceptable…

CHRISTOPHE BARBIER
Eh bien, elle est de gauche, elle défend les éboueurs…

STANISLAS GUERINI
Non, la réalité, c’est que depuis le début de ce conflit, la maire de Paris a une gestion assumée, qui est une gestion militante de la grève. Elle a mobilisé les moyens de la mairie pour pouvoir faire grève. Et aujourd'hui, c'est l'objet d'un conflit que j’ai et que j’assume, avec la Mairie de Paris, elle a inventé les préavis de grève à géométrie variable, c'est-à-dire que, il faut expliquer quand même aux Parisiens, c'est, aujourd'hui, incompréhensible, vous êtes gréviste sur la réforme des retraites, alors, vous n’aurez pas plus de 2 jours de retenue sur votre salaire tous les mois, y compris si vous faites grève 13, 14, 15 jours dans le mois. Vous faites grève sur un autre motif que la réforme des retraites, alors, cette règle ne s'applique pas. Je pense que c'est inacceptable, incompréhensible pour les Parisiens, et après, il ne faut pas s'étonner de voir les conséquences sur le terrain. Donc je crois que la maire de Paris joue un double jeu, elle mobilise des cellules de crise, mais en coulisses, elle organise les choses pour que la grève puisse se faire. Ça n'est pas compréhensible et ça n'est pas acceptable.

CHRISTOPHE BARBIER
La loi Immigration sera coupée en deux, puisqu'il s'agit de faire un texte de régularisation voté avec la gauche, et un texte expulsion voté avec la droite.

STANISLAS GUERINI
Il s’agit d’avancer efficacement, vous m'interrogez à l'instant sur les grandes lois, les grands projets, les grandes cathédrales législatives à l'Assemblée nationale ou au Sénat. Eh bien, je pense que, aujourd'hui, il faut pouvoir avancer et trouver des solutions plus rapidement, et donc ça sera l'objet du travail qu'on aura à mener sur l'ensemble des textes de loi, ce sera certainement le cas effectivement pour le texte Immigration, pour pouvoir trouver des solutions plus rapidement, peut-être mieux circonscrire les objets qu'on met en discussion au Parlement, et avancer, c'est ce que nous demandent nos concitoyens. Et donc sur l’Immigration, qui reste évidemment un sujet sur lequel on doit pouvoir améliorer les choses, on doit pouvoir être plus efficace, plus humain aussi, on avancera de la façon la plus efficace possible, c'est ce que nous a demandés le président de la République.

CHRISTOPHE BARBIER
Contribution sur les profits exceptionnels a demandé le président, ça prendra quelle forme, une taxe sur les rachats d'actions par les entreprises ?

STANISLAS GUERINI
Oui, ce que le président a évoqué, c'est la pratique des rachats d'actions, c'est-à-dire que quand on a tellement de profits dans une grande entreprise, qu’on ne consacre ni à réinvestir dans son entreprise, ni à mieux rémunérer ses salariés, mais à racheter ses propres actions, c'est des pratiques qui ont quelques limites, y compris quand on est capitaliste, je vous le dis, donc ce qu'a demandé le président de la République, c'est qu'effectivement, on puisse mieux encadrer ces pratiques-là, et que quand une entreprise, une grande entreprise rachète ses propres actions, on l'oblige à mieux partager la richesse qui est produite, on l'oblige à distribuer plus de participation, plus d'intéressement, plus de primes défiscalisées, la fameuse prime Macron, en somme, qu'on s'intéresse davantage dans les grandes entreprises à mieux partager la richesse qu'elles produisent elles-mêmes.

CHRISTOPHE BARBIER
Les profs devront être remplacés très, très vite, dès le début de leur absence, à partir de la rentrée, c’est possible ça ?

STANISLAS GUERINI
Vous voyez, ça, c’est la vraie vie, ça, ce sont les services publics du quotidien, ça, ce sont les attentes de nos concitoyens, et je crois d'ailleurs que c'était un des débats qui était juste derrière celui des retraites, notre rapport au collectif, les efforts qu'on est prêt à fournir, travailler plus longtemps, payer des impôts, mais au prix de services publics qui fonctionnent, et à l'école, une des questions du quotidien, c'est le nombre d'heures non-remplacées, c'est le prof qui ne vient pas devant votre propre enfant pour assurer l'éducation du quotidien, donc, oui, c'est possible, ça nécessite de mobiliser, de mieux organiser la vie dans les établissements scolaires, ça nécessite de mieux rémunérer nos professeurs, disons-le clairement, c'est exactement le chantier que mène Pap NDIAYE pour pouvoir trouver des solutions du quotidien à l’école.

CHRISTOPHE BARBIER
En un mot, il n’y aura pas de pacte de gouvernance avec une autre formation politique, ça, on oublie ?

STANISLAS GUERINI
Eh bien, on voit bien quelle est la fiabilité aujourd'hui des discussions qu'on peut avoir avec les organisations politiques, en revanche, il y a des députés, il y des sénateurs qui ont fait acte de responsabilité, et je pense que c'est avec eux qu’il faut travailler dans les prochains mois.

CHRISTOPHE BARBIER
Stanislas GUERINI, merci, bonne journée !

STANISLAS GUERINI
Merci à vous.


Source : Service d’information du Gouvernement, le 24 mars 2023