Interview de M. Clément Beaune, ministre chargé des transports, à Europe 1 le 29 mars 2023, sur la contestation contre la réforme des retraites et la régulation de l'usage des trottinettes électriques.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Europe 1

Texte intégral

SONIA MABROUK
Bonjour Clément BEAUNE.

CLEMENT BEAUNE
Bonjour Sonia MABROUK.

SONIA MABROUK
La dixième journée de contestation contre la réforme des retraites hier a été moins importante en termes de mobilisations que la précédente, même si ça reste conséquent, quel signe y voyez-vous, est-ce que vous diriez qu’il y a un essoufflement ?

CLEMENT BEAUNE
Il y a eu effectivement moins de monde que dans d’autres journées de mobilisations, par rapport à la semaine dernière par exemple, il y a eu des taux de grève, dans le secteur des transports en particulier, qui ont été plus faibles que dans la plupart des journées de mobilisations précédentes, je respecte néanmoins ces mobilisations, et il y a eu, depuis plusieurs semaines, des mobilisations importantes, soit par les manifestations, soit par la grève, et donc loin de moi l’idée de dire que ce n'est rien du tout et qu’il n’y aurait pas des sujets, les retraites, et d’ailleurs sans doute d’autres sujets de préoccupations, qui s’expriment à travers ce mouvement social.

SONIA MABROUK
Mais ce n’est pas ma question, est-ce que vous observez une décélération, un essoufflement, voire une résignation ?

CLEMENT BEAUNE
Je ne sais pas l’interpréter, pour être honnête ce n’est pas à moi d’être le porte-parole de l’intersyndicale ou du mouvement, mais il y a eu effectivement moins de mobilisations, comme ministre des Transports, en charge de faire fonctionner aussi nos transports publics, je me réjouis qu’il y ait moins de perturbations, pour les usagers, c’est normal, et pour nos services publics, et je crois qu’il faut, hier comme aujourd’hui, entendre un certain nombre de messages qui ont été portés encore hier.

SONIA MABROUK
Alors justement, Elisabeth BORNE a invité l’intersyndicale à Matignon, début de semaine prochaine, Laurent BERGER a indiqué, Clément BEAUNE, qu’il n’y était pas opposé, il va y aller, mais l’intersyndicale attend de savoir qu’il s’agit bien de discuter de la réforme des retraites, du recule de l’âge de départ, n’est-ce pas, vous le confirmez ce matin ?

CLEMENT BEAUNE
La Première ministre précisera l’ordre du jour de cette réunion, qui aura lieu je crois en début de semaine prochaine. D’abord, ce n’est jamais une mauvaise idée, c’est même toujours une bonne idée, d’avoir un dialogue…

SONIA MABROUK
Il était temps.

CLEMENT BEAUNE
Mais on ne va pas refaire tout le film ou tout le match, il y a eu un certain nombre de concertations, menées par la ministre du Travail, par la Première ministre ; non, mais c’est important quand même dans notre démocratie où on perd un peu les repères, qu’on le dise ; il y a eu ensuite un temps parlementaire, qui est un temps différent, mais…

SONIA MABROUK
Clément BEAUNE, les portes, les grilles de l’Elysée étaient fermées, il y a eu une fin de non-recevoir encore hier par le porte-parole du gouvernement Olivier VERAN à la proposition de médiation de Laurent BERGER.

CLEMENT BEAUNE
Attendez, Sonia MABROUK, on parle de choses différentes, c’est la question de la médiation, parce que l’idée c’est de se parler directement, c’est justement ce que permet cette proposition qu’a faite la Première ministre, elle-même, à l’intersyndicale, je pense que c’est une bonne idée, que c’était nécessaire, moi je suis un soldat du dialogue social et je crois que la Première ministre en est persuadée aussi, et donc il y a une discussion.

SONIA MABROUK
Oui, mais qu’est-ce qu’il y a au milieu de la table ?

CLEMENT BEAUNE
J’y viens, j’y viens. Evidemment, on voit bien dans l’actualité, la question des retraites sera centrale, mais je crois qu’il y a deux choses à se dire. D’abord il y a un texte qui a été adopté par le Parlement, ça on ne va pas revenir sur un processus parlementaire…

SONIA MABROUK
Avec le 49.3.

CLEMENT BEAUNE
Certes…

SONIA MABROUK
Non, mais c’est important.

CLEMENT BEAUNE
Vous avez raison de le préciser…

SONIA MABROUK
Vous donnez l’impression que c’est un vote…

CLEMENT BEAUNE
Ça ne m’avait pas échappé, totalement, mais…

SONIA MABROUK
J’imagine.

CLEMENT BEAUNE
Je rappelle aussi que le 49.3 ce n’est ni saugrenu, ni antidémocratique.

SONIA MABROUK
Vous n’allez pas rappeler ça aux syndicats, ils le savent, donc de quoi allez-vous parler ?

CLEMENT BEAUNE
Non, mais vous dites comme si c’était une nuance par rapport à l’adoption du texte, non je ne le crois pas, et donc il y aura une discussion, je l’imagine, sur tous les sujets, je crois qu’il faut se dire aussi, très sincèrement, ce n’est pas une astuce, que la question des retraites évidemment est centrale dans les mobilisations, que le Parlement néanmoins s’est prononcé, je le maintiens, et qu’il y a beaucoup de sujets qui dépendent de l’application de la réforme, les questions de pénibilité par exemple, et des sujets…

SONIA MABROUK
On l’entend Clément BEAUNE.

CLEMENT BEAUNE
Pardon, et des sujets qui vont au-delà, sur la question des salaires, sur la question des conditions de travail.

SONIA MABROUK
Près de 800.000 personnes hier se sont mobilisées contre la réforme des retraites, ma question est simple ce matin, est-ce que cette question centrale sera à l’ordre du jour lors de l’invitation de Madame BORNE aux syndicats ?

CLEMENT BEAUNE
Mais la question, je vous réponds Sonia MABROUK, la question des retraites sans doute oui, si l’idée c’est de réécrire un texte de loi qui a été adopté au Parlement, je ne crois pas que ce soit l’objectif, mais dans les conditions d’application de la réforme il y a plein de choses. Je prends un seul exemple, pardon, pour être très concret parce que sinon on reste un peu dans la théorie, dans le secteur que je connais bien, le secteur des transports, vous avez par exemple les chauffeurs routiers, dont on parle moins, ils ont leur règle générale qui s’applique à eux, mais ils ont aussi des conditions de pénibilité qui sont prises en compte, même chose pour les dockers, qui dans certains cas leur permettent de partir un peu plus tôt, il y a des discussions de branches, il y a des modalités d’application, par décrets, de la réforme des retraites, qui doivent être discutées, donc ce que je veux dire c’est que la loi elle pose un cadre, ce cadre il a été voté par le Parlement, ce n’est pas…

SONIA MABROUK
Pas avec un 49.3.

CLEMENT BEAUNE
Mais, oui avec un 49.3 Sonia MABROUK, mais c’est le Parlement quand même, c’est la Constitution quand même…

SONIA MABROUK
Donc, pas de réécriture, pas de pause, mais alors quel sera l’objet, le fondement de cette rencontre ?

CLEMENT BEAUNE
Attendez, pardon, il y a plein de choses sur la différenciation, sur l’application des règles, qui peuvent être discutées, et encore une fois il y a plein de choses, au-delà de la question des retraites, qui doivent aussi être discutées.

SONIA MABROUK
Oui, mais Monsieur le ministre, vous voyez bien, le coeur du réacteur c’est le recul de l’âge de départ légal, donc est-ce qu’il sera mis sur la table ce sujet ou est-ce que c’est non, sur ce sujet, circulez, il n’y a rien à voir, c’est terminé ?

CLEMENT BEAUNE
Je vous dis deux choses. Il ne s’agit pas, encore une fois, de revoter une loi qui a été votée au Parlement, par 49.3, puisque vous le dites à chaque fois, je le dis moi-même, certes, mais c’est une modalité qui est parlementaire et qui doit être respectée, et puis il y a un temps aussi, on a oublié de le mentionner, qui est celui du Conseil constitutionnel, qui se prononcera dans quelques jours. Ensuite, encore une fois ce n’est pas blanc ou noir…

SONIA MABROUK
Mais vous donnez l'impression que vous attendez en fait l'avis du Conseil constitutionnel et que vous gagnez du temps, donc c'est une diversion ou une vraie porte de sortie de crise la semaine prochaine ?

CLEMENT BEAUNE
Pardon, on l’a dit, il n’y a pas de dialogue, il y a désormais un dialogue, ce n’est en aucun cas une diversion.

SONIA MABROUK
Attendez, le dialogue, voyons ce qu’il en sera en début de semaine prochaine.

CLEMENT BEAUNE
Attendez, Sonia MABROUK, l'invitation a été faite hier, tous les syndicats n'ont pas encore répondu, les choses se disputeront en début de semaine prochaine, avec un ordre du jour qui sera très large, et d'ailleurs j'ai entendu la CFDT elle-même dire on veut parler retraites et travail, ce qui montre bien que y compris dans les mobilisations il y a beaucoup de sujets qui sont emportés avec cette contestation parfois, et je le dis, la question des retraites elle ne se résume pas à la question du texte de loi 64 ans, il y a plein de modalités d’application…

SONIA MABROUK
Mais elle ne sera pas éludée, ce sera au centre de la table aussi, vous dites d’ailleurs retraites et travail.

CLEMENT BEAUNE
Ça sera discuté, mais je ne veux pas qu’il y ait d'ambiguïté, l'idée n'est pas d'avoir un deuxième débat parlementaire autour d'une table de la Première ministre, ce ne serait pas respectueux non plus de nos procédures démocratiques, mais il y a plein de sujets qui peuvent être évoqués, il y a plein de sujets qui…

SONIA MABROUK
Vous parlez de respect des procédures démocratiques quand, là je vous oppose, pas moi-même, mais d'autres qui disent mais justement vous avez été d'une " brutalité " qui a fait du mal à la démocratie, c’est ce que disent vos opposants là encore.

CLEMENT BEAUNE
Moi je suis extrêmement respectueux, je l’ai encore dit au début, j'aurais pu vous le dire la mobilisation, circulez il n’y a plus rien à voir, a diminué, etc., ce n'est pas du tout mon point de vue, mais il faut que tout le monde soit respectueux.

SONIA MABROUK
Qui ne l’est pas aujourd’hui ?

CLEMENT BEAUNE
Je pense par exemple qu’à chaque fois il y a eu beaucoup de respect, beaucoup de responsabilité, de la part des responsables syndicaux, de la part de Laurent BERGER, même de la part de Philippe MARTINEZ, qui est sur une ligne parfois plus dure, je le dis, ils ont fait en sorte, dans le choix des mots, dans le choix des mobilisations, dans l'encadrement des actions, qu’on ait dans notre pays une démocratie sociale qui soit…

SONIA MABROUK
Donc vous saluez ce matin la responsabilité de Laurent BERGER qui, il est vrai, hier en proposant la médiation, on voit que c'est un homme de dialogue, ouvert ?

CLEMENT BEAUNE
Sonia MABROUK, je reprends chacun de ces mots, je salue la responsabilité de Laurent BERGER et des responsables syndicaux depuis le début de cette mobilisation et je leur rends même hommage, je vais un cran plus loin, parce que je pense, et ce n'est pas là non plus de la diplomatie mal placée, que ce n’était pas facile et que c'était indispensable, là où d'autres responsables politiques…

SONIA MABROUK
Lesquels ?

CLEMENT BEAUNE
Je pense à Jean-Luc MELENCHON, soyons très clairs…

SONIA MABROUK
Encore !

CLEMENT BEAUNE
Oui, enfin…

SONIA MABROUK
A vous écouter c’est devenu l’ennemi public numéro 1, politique numéro 1.

CLEMENT BEAUNE
Ah mais si vous voulez on peut prendre d’autres responsables de la France insoumise…

SONIA MABROUK
Non, non, moi ce n’est pas ce que je veux, c’est qu’est-ce que vous pensez.

CLEMENT BEAUNE
Ce n’est pas qu’ils ont jeté de l’huile sur le feu, c'est qu'ils ont jeté des jerricans d'essence sur un incendie, tout le temps, à l'Assemblée nationale, dans la rue…

SONIA MABROUK
La France insoumise a jeté des jerricans d'essence ?

CLEMENT BEAUNE
Mais bien sûr, au sens figuré du terme et du débat, mais bien sûr, parce qu'ils n'ont pas voulu qu'il y ait un débat démocratique et parlementaire qui aille jusqu'au bout dans l'Assemblée nationale, parce qu’à chaque fois ils ont créé un sentiment de délégitimation de nos institutions en disant justement que le 49.3 ce n’était pas la démocratie, on peut trouver que le 49.3 ce n'est pas opportun, ça c'est un débat, en revanche dire que ce n'est pas démocratique, dire que le président de la République c'est Caligula, c'est des mots de Mathilde PANOT dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, dire que le président de la République est un forcené, pardon mais on ne peut pas dire ça dans le débat public, surtout dans un pays, comme beaucoup de pays européens, où en ce moment il y a des difficultés sociales et de la tension.

SONIA MABROUK
Donc le chaos, ceux qui sont responsables ou comptables du chaos pour vous c'est la France insoumise, c’est Jean-Luc MELENCHON, ce n'est pas le président de la République, il n'a pas une part de responsabilité dans une situation qui est en train quand même de s'installer… ?

CLEMENT BEAUNE
Mais de quoi parle-t-on… pardon, c’est vous qui venez de parler de chaos, de quoi parle-t-on ?

SONIA MABROUK
Les images de chaos, notamment…

CLEMENT BEAUNE
Oui. Dans la réforme des retraites, et dans le débat qu’il y a eu, évidemment nous portons cette réforme, elle a créé des débats, elle a créé des mobilisations sociales, et je le redis elles ont été responsables, à côté de cela, et ce n'est pas la même chose, d'ailleurs ce ne sont pas les mêmes personnes, il y a eu des gens qui ont cassé, il y a eu des gens qui ont été des voyous, et il y a eu des gens qui n’ont pas condamné…

SONIA MABROUK
Ce fut le cas hier…

CLEMENT BEAUNE
Il y a des gens qui n’ont pas condamné ces violences, notamment la France insoumise, mais pas seulement, et donc je distingue…

SONIA MABROUK
Mais attendez, quand ils ne condamnent pas, c'est-à-dire vous en faites des… c'est-à-dire vous tracez un signe d'égalité entre les propos qui sont dignes politiquement et les casseurs, et les fauteurs de troubles ?

CLEMENT BEAUNE
Non, parce que justement moi je ne suis pas comme ça, moi je nuance toujours, quelqu’un qui ne condamne pas une violence ce n’est pas quelqu’un qui commet une violence, en revanche quand on est un responsable politique et qu'on ne dit pas clairement qu’attaquer la police c'est irrespectueux, et c'est dangereux, et ce n’est pas républicain, oui ça me pose problème, je le confirme.

SONIA MABROUK
On a eu une surprise ce matin en lisant une dépêche, Clément BEAUNE, autour d’une interview d'Emmanuel MACRON dans le journal " Pif Gadget ", pour les plus jeunes lecteurs, et voici la déclaration en somme, en cas d'énorme crise Emmanuel MACRON dit qu'un président devra s'en remettre aux électeurs, il reconnaît aussi que dans certains cas la solution c'est la dissolution, alors il faut être évidemment honnête et préciser que l'interview a été réalisée le 20 février, mais est-ce que ce n’est pas prophétiques ?

CLEMENT BEAUNE
Non, je ne crois pas, il n’y a pas de scoop, le président de la République répond, si j'ai bien compris, à des jeunes, à des enfants, c'est le lectorat de " Pif Gadget ", que j'ai moi-même lu quand j'étais jeune, qui a, je crois, été fondé par le Parti communiste d'ailleurs, il y a une longue histoire française de " Pif Gadget ", ça fait aussi partie de notre patrimoine, et donc le président a répondu, il ne faut surinterpréter, à des questions générales, sur l'actualité certes, mais sur le fonctionnement de nos institutions, avec de la pédagogie.

SONIA MABROUK
L’actualité c’est une nouvelle journée de mobilisation le 6 avril, d’ores et déjà elle a été annoncée, on a vu hier des images de manifestants, de cheminots plus précisément, grévistes, qui ont occupé les voies de la Gare de Lyon, des scènes qui sont peut-être amenées à se répéter, est-ce que le retour à la normale dans les transports il n’est toujours pas à l'ordre du jour ?

CLEMENT BEAUNE
Il y a encore, à l'heure où on parle, un certain nombre de perturbations, mais beaucoup moins qu'hier, et beaucoup moins que ces dernières semaines, tant mieux. Je prends deux exemples très concrets, pour parler clair, à la RATP, en Ile-de-France et à Paris, il y a aujourd'hui un trafic qui est normal, sauf sur une ligne de RER qui est la ligne A, mais il y a des perturbations très limitées, un trafic qui est globalement normal. A la SNCF, aujourd'hui, ça va beaucoup mieux qu'hier, et ça va beaucoup mieux que ces dernières semaines, ce n’est pas encore parfait, et je sais que pour les gens qui ont un train annulé ça reste galère, il y a 3 TER sur 4, il y a 4 TGV sur 5, donc on a des niveaux de perturbations qui ne sont pas très élevés, et la perspective, pour les tout prochains jours, on ajustera à chaque fois, je suis prudent, c'est que les perturbations vont plutôt reculer, d'ici la fin de la semaine notamment.

SONIA MABROUK
Avec une date, en tous les cas un horizon, celui des vacances de printemps, elles démarrent pour certains le 8 avril, vous allez de nouveau demander, Clément BEAUNE, à sanctuariser les congés, est-ce que vous y travailler en amont ?

CLEMENT BEAUNE
On va discuter, et je le demande, absolument, et d'ailleurs j'ai noté que même au coeur de la mobilisation, quand il y avait les vacances d'hiver dans les trois zones il y a quelques semaines, les organisations syndicales, notamment à la SNCF, avaient elles-mêmes souhaité qu'il n'y ait pas de perturbations pendant cette période, je crois que là aussi c'est de la responsabilité, du respect. Les organisations syndicales, avec qui je n'ai jamais perdu le contact, ont toujours eu cet esprit de responsabilité, je souhaite qu'il s'applique de nouveau, en effet, et on va y travailler, je le confirme.

SONIA MABROUK
Alors, autre sujet, même s'il est difficile et que la réforme des retraites écrase tout, vous travaillez sur d'autres dossiers, et vous allez présenter dans quelques heures les mesures du plan national pour mieux réguler l'usage des trottinettes électriques, alors parmi les mesures que vous avez dévoilées, Clément BEAUNE, un relèvement de 12 à 14 ans de l'âge minimum des utilisateurs, des amendes augmentées, et puis un observatoire des micromobilités, et à la fin, c'est la fin du laxisme avec tout ça ?

CLEMENT BEAUNE
Oui, c'est important, mais ce qu'il faut simplement c’est passer à un vrai mode de transport. Ça peut faire sourire, les trottinettes aujourd'hui c'est un tiers des Français qui en ont déjà utilisé, c'est près de 3 millions de personnes qui en possèdent une eux-mêmes dans leur famille, c'est 100.000 trajets par jour sur les trottinettes en libre-service…

SONIA MABROUK
C’est combien d’accidents ?

CLEMENT BEAUNE
Dans plus de 200.000 villes françaises ; c’était, l’an dernier, 25, à peu près, accidents mortels, c'est sérieux, et donc comme tous modes de transport, c'est le cas du scooter, c'est le cas du vélo, qui ont fait, il y a plusieurs années, l'arrivée dans nos villes, parfois dans nos campagnes, il faut réguler, il faut organiser les choses et il faut sanctionner les mauvais comportements.

SONIA MABROUK
Mais moi je suis étonnée, il y a une mesure qui paraît être quand même de bon sens puisque c'est un mode de transport, vous l'avez-vous-même dit, que vous parlez d'accidentologie comme importante, le casque obligatoire il n'est pas dans vos mesures.

CLEMENT BEAUNE
Oui, j'ai dit que la réflexion se poursuivait sur ce sujet. Pourquoi ? D’abord…

SONIA MABROUK
Ça devrait être tranché plus vite, non…

CLEMENT BEAUNE
Non…

SONIA MABROUK
C’est pour éviter quand même ce que vous…

CLEMENT BEAUNE
Mais je l’assume, parce que quand vous mettez le casque obligatoire pour les trottinettes, il faut le mettre de manière obligatoire pour les vélos aussi, ce sont des millions d'usage, vous voyez que nos forces de l'ordre sont mobilisées sur beaucoup de choses, contrôler cela c'est très difficile, et par ailleurs, par ailleurs, il faut aussi encourager le développement de ces modes de transport parce que c'est aussi un enjeu écologique, et quand on regarde finement…

SONIA MABROUK
Et en quoi rendre obligatoire le casque empêcherait de développer ce mode de transport ?

CLEMENT BEAUNE
Parce que, vous prenez par exemple un vélo, une trottinette en libre-service, je ne veux pas rentrer dans le détail, mais c'est la vie pratique, vous ne savez pas toujours quand vous partez le matin de chez vous que vous prendrez ce mode de transport, ça veut dire qu'il faudrait toujours être avec un casque sur soi par exemple, mais ça veut dire en tout cas que si on est cohérent, si on le fait pour la trottinette, on le fait pour le vélo, et donc c'est une autre affaire, et c'est plus compliqué. Je n’ai pas fermé la porte, parce que je vais vous dire, moi j'ai été bouleversé par les témoignages de familles, je ne vais pas dévoiler nos entretiens, mais j'ai reçu des familles qui ont vécu des accidents et parfois perdu un enfant, qui m'ont dit qu'il fallait aller plus loin, on prend des mesures, on ira peut-être plus loin plus tard, avec justement cet observatoire, ce n’est pas un machin, ou un bidule, c’est pour savoir quelles sont les causes exactes de l'accidentologie. Je prends juste un exemple très concret. Quand vous relever l'âge de 12 ans à 14 ans, vous dites aussi aux jeunes " ce n'est pas un jouet, ce n’est pas un jeu ", vous dites aux parents " faites attention, c'est sérieux… "

SONIA MABROUK
Parce que le profil…

CLEMENT BEAUNE
Un scooter c’est 14 ans aujourd’hui, la trottinette c'était 12 ans, ce n’était pas cohérent…

SONIA MABROUK
Je me demande qui va contrôler tout ça, entre les amendes augmentées et les forces de l'ordre en ce moment, bonne chance !

CLEMENT BEAUNE
D’accord, mais enfin d'abord vous donnez un signal, vous pouvez sanctionner, c'est aussi le rôle des polices municipales dans les villes qui organisent les trottinettes en libre-service. Et puis, je le dis aussi, parce qu'il y ait un débat sur est-ce qu'il faut garder ou pas ces trottinettes en libre-service, l'avantage des trottinettes en libre-service…

SONIA MABROUK
Disons par qui il est posé quand même…pardon ?

CLEMENT BEAUNE
Je vous en prie.

SONIA MABROUK
Non mais l’annonce de votre plan intervient quand même quelques jours avant la consultation organisée par la mairie de Paris destinée à décider du maintien ou de l'interdiction des trottinettes en libre-service dans la capitale, comme par hasard !

CLEMENT BEAUNE
Ce travail je le fais depuis l’automne…

SONIA MABROUK
Opération torpillage de la mairie de Paris Monsieur Clément BEAUNE.

CLEMENT BEAUNE
Non, vous savez, je n’ai pas beaucoup de doutes sur l'issue de ce référendum puisque, si vous êtes parisienne, vous avez peut-être vu qu'il y avait zéro information, il y a un bureau de vote par arrondissement, et je crois que les arguments, ou les campagnes, n'ont pas pu vraiment s'exprimer, honnêtement, et puis moi je regrette que sur des sujets comme ça en soit binaire, et donc c'est justement pour ça que je propose des mesures de régulation, pas que pour Paris, il y a 200 villes en France, plus de 200 villes en France, qui ont les trottinettes, il n’y a pas que Paris dans la vie, et donc il faut travailler pour toutes ces villes aussi…

SONIA MABROUK
Oh, « il n’y a pas que Paris dans la vie », je vais retenir cette phrase, parce qu’entre le bras de fer…

CLEMENT BEAUNE
Bien sûr, mais il y a aussi Paris dans la vie.

SONIA MABROUK
Entre Anne HIDALGO et tous ceux, dans la macronie, qui lorgnent sur la mairie de Paris, dont vous, c’est quand même un feuilleton avec plusieurs chapitres, la guerre sur les poubelles, la bataille sur les trottinettes, il n’y a rien à voir avec Paris ?

CLEMENT BEAUNE
Mais il y a à voir avec Paris parce qu’il y a évidemment une consultation qui est importante et qui sera regardée par beaucoup d'autres villes, en France et à l'étranger, bien sûr, je ne le nie pas, c'est un débat qui est important, et je regrette justement qu'à Paris, où il y a un rôle un peu d'exemplarité, de vitrine, on ait simplifié et caricaturé ce débat, pour-contre, alors qu'on peut faire pour avec des règles, et c'est d'ailleurs ce que choisissent des villes, y compris des villes de gauche, y compris des villes écologistes, donc ce n’est pas une question de bataille politique ou idéologique, Lyon est la ville la plus avancée en termes de régulation des trottinettes, je crois que c'est une ville écologiste, donc comme quoi c'est possible de réguler les trottinettes, je regrette qu'on caricature, qu'on simplifie, et donc oui je pense que c'est important, dans ce moment, de poser un cadre national, c'est la responsabilité de l'Etat, aucun ministre des Transports ne l’avait fait avec cette précision, et donc on renforce les règles et on renforce les sanctions aussi.

SONIA MABROUK
Et vous allez l’annoncer tout à l’heure. Merci Clément BEAUNE, merci à vous…

CLEMENT BEAUNE
Merci à vous.

SONIA MABROUK
Je vous souhaite une bonne journée.


Source : Service d’information du Gouvernement, le 31 mars 2023