Texte intégral
Bonjour à toutes et à tous, merci de votre présence.
Monsieur le Ministre, merci de votre accueil.
Je suis ici pour la première fois en tant que ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, mais nous nous voyons régulièrement à Bruxelles. Je me réjouis de vous voir chez vous ! Première fois à Vilnius en tant que ministre des Affaires étrangères, mais pas première fois à Vilnius : j'avais eu le plaisir de venir déjà deux fois dans votre pays dans d'autres fonctions, notamment comme ministre déléguée aux affaires européennes.
Nous avons eu hier soir une première réunion de travail, autour d'un dîner fort agréable, dont je vous remercie, cher Gabrielius. Nous avons poursuivi et approfondi nos échanges ce matin. Comme le Ministre vous l'a dit, nous avons couvert un nombre important de sujets stratégiques, structurants pour l'Europe ; des sujets sur lesquels nos pays coopèrent étroitement mais aussi à titre bilatéral, dans un cadre européen, et dans le cadre de l'Alliance atlantique. Evidemment, l'agression russe de l'Ukraine a pris une place importante dans nos entretiens. Une agression illégale, injustifiée, non provoquée. Et nous avons redit notre détermination à poursuivre notre soutien à l'Ukraine, dans la durée, sur tous les plans, comme nous le faisons depuis le premier jour de l'invasion russe.
Notre réponse collective, et le Ministre a évoqué notre présence ici, dans le cadre de l'OTAN, a été celle d'un renforcement du flanc Est de l'Alliance atlantique, renforcement qui était nécessaire, justifié par la nouvelle situation. Je saisis cette occasion pour réaffirmer l'engagement déterminé, ferme, constant de la France en faveur de la sécurité et de la stabilité de la Lituanie, comme de l'ensemble de la région baltique. Nous sommes présents ici. Cet après-midi, vous le savez peut-être, j'assisterai à une cérémonie de passage de relais sur la base de Siauliai, où le détachement aérien français, avec un peu plus d'une centaine de militaires et quatre avions Rafale, arrive au terme de sa mission dans le cadre de la police du ciel de l'OTAN. Le Ministre le disait, nous sommes là régulièrement, nous sommes là depuis plusieurs années, avec nos partenaires, avec des rotations efficaces, je pense, et qui adressent un message de réassurance à chacun. Nous poursuivrons cet engagement : nos militaires repartiront, mais reviendront dès le mois de décembre pour une nouvelle rotation. De plus, nous saisirons l'occasion de cette année 2023 pour faire qu'un bataillon issu de la brigade franco-allemande puisse effectuer un exercice, ici, en Lituanie, cette année. Donc nous nous félicitons de cette coopération. Par ailleurs, je rappelle à ceux qui ne l'auraient pas en tête que nous sommes présents également en Estonie. Je m'y suis rendue. Notre déploiement a été pérennisé, nous y sommes avec des partenaires, et nous venons tout récemment de renforcer encore notre présence avec l'envoi de véhicules de l'avant blindé. Nous sommes aussi présents en Roumanie, la France est nation-cadre de l'OTAN. Je me suis rendue sur place à deux reprises, notamment tout dernièrement au mois de janvier, avec notre homologue néerlandais, notre ami Wopke, puisque nous sommes en ce moment avec les Néerlandais à Cincu, en Roumanie.
Nous avons évoqué bien sûr aussi le prochain sommet de l'OTAN à Vilnius, au mois de juillet. La France souhaite évidemment que ce soit un plein succès, et pour la Lituanie, et pour l'Alliance. Il est important que tous ensemble, au mois de juillet, nous démontrions que nous avons su mettre en oeuvre les décisions prises au Sommet de Madrid au mois de juin dernier. Là aussi, bien sûr, la question du soutien à l'Ukraine occupera une place centrale. Et sur l'importante question de l'adhésion de la Finlande et de la Suède, nous souhaitons, les uns et les autres - en tout cas c'est notre position, nous nous le sommes redit - que nous soyons 32 à Vilnius très bientôt. Cela signifie que les protocoles d'adhésion de ces deux pays doivent être ratifiés très rapidement par ceux des pays qui ne l'auraient pas encore fait. Ces deux pays renforceront notre Alliance, renforceront, bien sûr, l'espace euro-atlantique. C'est important d'être au rendez-vous.
Je reviens sur la situation en Ukraine pour évoquer la question des sanctions. L'agression russe doit échouer. Vous avez rappelé, cher Gabrielius, la position de la France, exprimée récemment encore par le Président de la République : la Russie ne peut et ne doit gagner cette guerre, l'agression russe doit échouer. Et, à ce titre, nous insistons sur l'efficacité des sanctions. Nous avons déjà adopté dix paquets de sanctions, nous sommes sans doute appelés à travailler sur un onzième paquet, parce que la situation l'exige. Mais il faut aussi travailler, nous le faisons dans un cadre européen, sur le non-contournement des sanctions. La question de l'efficacité des sanctions mérite toute notre attention. Nous devons continuer de faire pression sur la machine de guerre russe et priver la Russie et ses soutiens de toute échappatoire.
Notre soutien à l'Ukraine doit aussi être renforcé. Nous l'avons décidé, il y a une dizaine de jours, ensemble, au Conseil affaires étrangères à Bruxelles, en nous mettant d'accord. Cet accord a été validé par les chefs d'Etat ou de gouvernement la semaine dernière, lors de leur sommet au Conseil européen, avec cette importante décision permettant de consacrer une part importante de la Facilité européenne de paix - 2 milliards d'euros - à l'achat conjoint et à l'envoi de munitions au bénéfice de l'Ukraine qui en a besoin. Lundi, nous avons entendu notre collègue et ami Dmytro Kuleba intervenir au Conseil affaires étrangères et dire que la priorité pour l'Ukraine - vous vous en souvenez, Gabrielius - était : "ammunition, ammunition, ammunition". Donc je crois que nous l'avons entendu lundi, nos chefs d'Etat ou de gouvernement aussi. Voilà une bonne décision, à exécuter rapidement.
Je reviens sur l'Ukraine, pour souligner devant vous que les Européens ont su prendre des décisions importantes, structurantes, depuis le premier jour, trouver leur unité et maintenir leur unité dans la durée. C'est important et c'est un message pour tous ceux qui nous observent : nous sommes unis. Dans ce contexte actuel, nous en parlions encore tout à l'heure, nos efforts doivent être également poursuivis pour faire que les Etats tiers qui peuvent percevoir différemment cette guerre d'agression de la part de la Russie et ses conséquences comprennent mieux que cette guerre ne concerne pas que les Européens. Bien sûr, elle concerne l'Ukraine au premier chef : son sort est en jeu, son indépendance, sa souveraineté. Bien sûr, elle concerne le continent européen, puisqu'une guerre se déroule malheureusement sur notre continent. Mais il serait faux de penser que cela ne concerne que les Européens. Ce qui se passe concerne tout le monde, parce que ce qui est attaqué, ce sont les principes les plus fondamentaux de la Charte des Nations unies, ceux qui permettent d'assurer la stabilité et la paix dans le monde. Et, croyez-moi, si l'agression russe devait être récompensée, ce serait une tentation supplémentaire pour certains dans le monde eux-mêmes de procéder à des agressions. Cela signifie que personne ne serait à l'abri. C'est donc vraiment dans l'intérêt de tous les pays, et pas seulement de nos pays, que l'agression russe échoue. Il en va de la paix et de la stabilité dans le monde. Et je crois que nous devons poursuivre et peut-être même renforcer nos efforts d'explication vis-à-vis de nos partenaires.
Le Président de la République se rendra en Chine la semaine prochaine, vous l'avez évoqué. Il s'y rendra accompagné de la présidente de la Commission européenne, Mme von der Leyen, qui a bien voulu accepter son invitation. Et l'un des enjeux, bien sûr, de cette visite, surtout dans ce cadre qui aura une forte dimension européenne, c'est d'appeler ou de rappeler à la Chine quel est son rôle pour contribuer à faire respecter la Charte des Nations unies. Nous lui passerons des messages clairs, de façon à ce qu'elle redise son attachement au droit international et au respect des principes de la Charte, de même que nous lui dirons qu'il est essentiel de s'abstenir de toute action qui pourrait permettre à la Russie de soutenir son effort de guerre. Nous le lui avons déjà dit, mais nous le redirons évidemment. Puisque je parle de la Chine, de même que nous avons réduit nos dépendances à l'endroit de la Russie, notamment sur le plan énergétique, il est important de continuer à renforcer la souveraineté de l'Europe en renforçant nos industries et en diminuant notre dépendance à l'endroit de la Chine. C'est toute la question de l'Agenda de souveraineté européenne qui a été décidé d'un commun accord, au mois de mars, l'an dernier, et que nous promouvons, les uns et les autres, et mettons en oeuvre depuis un an. Nous devons réinvestir dans nos industries, réinvestir dans notre capacité à être pleinement indépendants, sur tous les plans, et poursuivons notamment, mais pas seulement, en réponse à l'Inflation Reduction Act, avec de très bonnes propositions de la Commission, que nous avons approuvées et qu'il faut maintenant poursuivre dans leur mise en oeuvre.
J'ai aussi remercié le Ministre de l'intérêt constant de la Lituanie pour un engagement de nos pays européens au Sahel, dont la stabilité est en jeu. Nous avons évoqué hier, en particulier la reconfiguration de l'action européenne au Sahel et les moyens de continuer d'être présents et d'aider à la stabilité de ces pays.
Nous avons évoqué aussi le prochain sommet de la Communauté politique européenne à Chisinau. Le sommet de l'OTAN à Vilnius va venir très vite, en juillet, mais le sommet de Chisinau encore plus vite, puisque c'est le 1er juin. La France aide autant qu'elle le peut la Moldavie à préparer ce sommet, y compris sur le plan de l'organisation. Je crois que nous avons tous à coeur de l'aider à organiser et à réussir cet important sommet de la Communauté politique européenne, et de l'aider aussi à résister, à faire face aux tentatives de déstabilisation que nous voyons à l'oeuvre de la part, notamment, hélas, de la Russie.
Je termine, comme le Ministre l'a fait, sur l'approfondissement de notre relation bilatérale. Merci d'ailleurs, cher Gabrielius, de ton implication personnelle, constante, depuis des années pour que la relation stratégique entre nos deux pays vive et progresse. Je crois que le resserrement de nos liens est visible. Nous l'avons bâti aussi dans la durée. L'an prochain, une saison culturelle de la Lituanie en France permettra aux Français de connaître la richesse et la diversité aussi de la culture lituanienne. J'en porte un petit témoignage aujourd'hui, puisque le Ministre a eu la gentillesse de m'offrir un petit souvenir très lituanien, mais nous irons au-delà de l'ambre, puisque dans ce programme ambitieux que viendra ouvrir le Président Nauseda au mois de mars ; mois de mars choisi pas tout à fait par hasard, mais pour marquer l'anniversaire du recouvrement de sa souveraineté par la Lituanie. A Paris et ailleurs nous lancerons une grande saison culturelle, avec la participation de nos plus grandes institutions culturelles, notamment Le Louvre pour ne citer que celui-ci. Merci de votre intérêt pour notre dialogue et pour nos échanges. Comme le Ministre, je suis à votre disposition pour des questions, si vous en avez. Merci beaucoup.
[Q - en lituanien sur le CIO et sa position sur les athlètes russes]
R - La décision du Comité international olympique n'est pas tout à fait une décision, c'est une recommandation. Le Président de la République, pour ce qui concerne les Jeux olympiques de Paris en 2024, et nous ne sommes qu'en 2023, a dit et rappelé récemment qu'il se prononcerait à l'été. La question ne se pose pas pour l'heure, et au demeurant, faut-il le dire, la situation sur le terrain ne porte pas véritablement à considérer qu'un assouplissement du régime des sanctions serait nécessaire.
[Q - en lituanien sur les déclarations du Président Poutine et la Biélorussie]
R - Merci, Madame. Quelle devrait être notre réaction commune et pas seulement celle de l'OTAN. La France, aussitôt après cette annonce dont j'espère qu'elle ne se traduira pas en actes, a condamné l'annonce faite par le président Poutine d'un accord ou d'un soi-disant accord avec la Biélorussie, et observé qu'après la violation par la Russie du traité FNI, après sa décision récente, au mois de février, de suspendre sa participation à New Start, cette annonce, et a fortiori cet accord, si l'annonce était traduite en faits, serait un nouvel élément d'érosion de l'architecture de stabilité et sécurité en Europe, de maîtrise des armements en Europe. Nous avons donc énoncé cette condamnation, observé ce qui était en jeu et appelé la Russie à faire preuve de responsabilité et même à revenir sur cette décision. C'est ce que nous attendons de sa part. Le président Poutine a fait une annonce, il serait sage qu'il revienne sur sa décision.
Q - A Vilnius, au sommet de l'OTAN, qu'est -ce qu'on peut proposer à l'Ukraine comme partenariat, comme vision ?
R - Merci de votre question, Madame. D'une façon générale, je redis, c'est important pour nous tous, membres de l'Alliance, que nous souhaitons que ce sommet soit un succès et nous y travaillons, les uns et les autres, dans le cadre de la préparation du sommet. Je m'entretenais, hier encore, avec M. Stoltenberg, puisque nous nous retrouverons la semaine prochaine pour la réunion ministérielle de l'OTAN, préparant le sommet. Sur la question de l'Ukraine, je crois que la position des uns et des autres est bien connue, c'est celle de l'Alliance, chaque Etat souverain est libre de choisir ses alliances. En " bon français ", ça se dit open door policy ! Je ne reprends pas à mon compte l'expression anglaise, mais cela signifie que chacun est libre de choisir ses alliances. Nous le répéterons, très certainement, et c'est important pour l'Ukraine. Ceci dit, il me semble que la priorité pour l'Ukraine, est de résister à l'agression, de la défaire, c'est-à-dire de gagner cette guerre. La priorité pour nous, en ce moment, est vraiment d'aider l'Ukraine dans cet objectif. Nous le faisons par tous les moyens, y compris militaires, mais pas seulement militaires ; diplomatiques. Je voudrais rappeler les 6 votes par exemple, qui ont eu lieu à l'Assemblée générale des Nations unies, et qui montrent que la communauté internationale, sur tous les continents, demande à la Russie de retirer ses troupes, inconditionnellement, totalement et immédiatement. Voilà comment nous aidons l'Ukraine, au-delà même du militaire. Evidemment la priorité et l'objet de nos efforts, c'est d'aider l'Ukraine à gagner.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 avril 2023