Interview de M. Roland Lescure, ministre chargé de l'industrie, à France Bleu Nord le 31 mars 2023, sur la fermeture de l’usine de pizza Buitoni de Caudry pour raison sanitaire.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : France Bleu

Texte intégral

JEAN-MARC PEREZ
Vous l’entendez depuis ce matin, c'est donc la fin pour l’usine de pizza BUITONI de Caudry. Un an après le début du scandale, les pizzas Fraich’Up contaminées par une bactérie. La Direction a annoncé hier la fermeture du site pour faire face à la baisse des ventes. 130 salariés sont concernés. La Direction assure chercher une solution de reprise, pérenne et solide. Le ministre de l’Industrie, Roland LESCURE, vient pour la deuxième fois en moins d’un mois, rencontrer les syndicats de l’usine, ce matin c'est à Cambrai. Et il est l’invité exceptionnel de France Bleu Nord, Hélène.

HÉLÈNE FROMENTY
Bonjour Roland LESCURE.

ROLAND LESCURE
Bonjour.

HELENE FROMENTY
On a entendu ce matin la colère des salariés de BUITONI. Après le scandale sanitaire, ils dénoncent un scandale social, une honte. Vous reprenez ces mots à votre compte, cette fermeture elle est scandaleuse ?

ROLAND LESCURE
Eh bien en tout cas, la colère je la comprends. La tristesse je la partage. Les salariés de BUITONI ne sont en aucun cas responsables du drame sanitaire d’il y a un an. Il n’y a aucune raison qu’ils en soient les victimes. Donc, évidemment hier, moi j’étais sincèrement extrêmement triste. Aujourd’hui, je dirais, je vais passer en mode action, je vais être volontaire, je vais tout faire pour qu’on leur retrouve une situation, NESTLE s’y est engagé. Et pour moi, NESTLE aujourd’hui a une obligation de résultat et pas seulement une obligation de moyens. On a une usine qui a été remise aux normes, qui est de qualité, on a des salariés extrêmement motivés, donc à partir d’aujourd’hui, moi je cherche un repreneur, et on va tout faire pour en retrouver un.

HELENE FROMENTY
Alors, il y a 15 jours vous avez quand même demandé à NESTLE de réfléchir à une option de substitution pour relancer ce site à Caudry. On peut dire que l’Etat n’est pas capable de faire plier une multinationale ?

ROLAND LESCURE
Non, je peux vous dire qu’on a travaillé d’arrache-pied pendant 15 jours avec NESTLE pour essayer de trouver une solution. Visiblement ils n'ont pas aujourd'hui, je dirais les marges de progression de leur production, y compris en Europe, pour pouvoir ouvrir une nouvelle ligne, parce que cela reviendra à ça, et Pizzas BUITONI malheureusement, et on sait pourquoi, ne se vendent plus, et donc moi j'ai insisté et j'ai obtenu pour que si jamais ils décidaient de fermer, malheureusement c’est ce qu’ils ont annoncé hier, ils fassent tout pour trouver un repreneur. Je le répète, c’est une usine de qualité, c’est un territoire important, les salariés sont motivés, je les ai vus il y a 15 jours, je les reverrai aujourd'hui, on leur doit ça. On l'a fait vous savez avec l’usine CARELIDE à Mouvaux, pas loin de Tourcoing, on va le faire cette fois-ci, on trouvera un repreneur, NESTLE s’y est engagé.

HELENE FROMENTY
Mais là on parle quand même, Roland LESCURE, d'un groupe, NESTLE, qui fait des milliards de bénéfices dans le monde, comment ça se fait qu'il n'ait pas pu trouver une autre solution pour remplacer cette ligne de pizzas ?

ROLAND LESCURE
Eh bien, ce qu’ils nous disent, c'est qu’ils ne peuvent, je vais le dire comme ça, déshabiller … pour habiller la France, c'est-à-dire qu’ils ont aujourd'hui plutôt des produits qui sont en perte de vitesse. Transférer la production d’un autre produit, c'est à Caudry, pardon, c’était évidemment fermer un autre site. Je les crois sur parole. En revanche, ce que je ne crois pas et ce que je ne laisserai pas faire, c'est laisser tomber. Vous savez, la SPAC, la Société de Production Alimentaire de Caudry, c’est comme ça que s’appelle cette usine, elle existait avant NESTLE, elle existera après NESTLE, elle survivra à NESTLE et les salariés y travailleront, y fabriqueront des aliments. Moi je m’y engage, parce que NESTLE s'est engagé, ils le doivent, ils le doivent au territoire, ils le doivent aux salariés.

HELENE FROMENTY
Vous le disiez, NESTLE s'engage donc à chercher et à trouver un repreneur. Est-ce que, Roland LESCURE, vous êtes en mesure de dire ce matin qu'il y a des industriels intéressés ? Est-ce que vous avez des pistes ?

ROLAND LESCURE
Alors, le travail commence aujourd'hui, vraiment, donc je ne veux pas aujourd'hui je dirais mettre la charrue avant les boeufs. On va, comme on l’a fait sur CARELIDE, passe des dizaines de coups de fil, rencontrer des repreneurs potentiels, leur présenter à la fois la qualité de l'usine, la qualité des salariés, le potentiel du territoire. Moi je suis confiant aujourd'hui, je suis déterminé, mais bon voilà, chaque chose en son temps, on commence le travail aujourd'hui et on va s’y mettre à fond.

HELENE FROMENTY
Roland LESCURE, le patron des Hauts-de-France, Xavier BERTRAND, envisage de faire de la mauvaise pub à NESTLE. C'est aussi votre ligne ? Vous appelez à boycotter les Chocapic, les Kit Kat ou le Perrier ?

ROLAND LESCURE
Non, moi ma ligne politique elle est claire, c'est de mettre NESTLE face à ses responsabilités. Ils s’engagent…

HELENE FROMENTY
C’est-à-dire ?

ROLAND LESCURE
Eh bien il y a trois choses. D'abord, un, il s'engage à payer les salaires jusqu'à la fin de l'année, tant qu'un repreneur n’est pas repris.

HELENE FROMENTY
Ça, vous vérifierez.

ROLAND LESCURE
Non seulement je vérifierai, mais je vérifierai que c'est bien fait. Vous savez qu’il y a du travail de nuit dans les usines BUITONI, il y a du travail posté. Donc moi je souhaite que ce soit l'ensemble de la rémunération qui soit maintenu jusqu'à la fin de l'année. Deux, engagement, je l’ai dit mais j'insiste, de trouver un repreneur. Vous l'avez dit d'ailleurs, on ne cherche pas un repreneur, on le trouve, et on va le trouver. Et trois, moi j'ai annoncé il y a 15 jours 3 millions d'euros. L'Etat va s'engager pour le territoire, dans le cadre d'un programme qu'on appelle Rebond industriel, qui vise à accompagner le territoire dans son industrie. NESTLE s’est engagé à matcher, comment dit à 1 € pour 1 € d'argent public. Et donc il s'engage d'ores et déjà à matcher les 3 millions d'euros que je mets pour accompagner le territoire, moi je dis évidemment aux collectivités territoriales quelles sont les bienvenues pour contribuer à ce front. NESTLE est prêt à y investir jusqu'à 5 millions d'euros, avec 3 millions d'euros de l’Etat, peut-être de l'argent des collectivités locales, de l'argent des industriels dont NESTLE, il faut qu'on passe en mode action pour revitaliser de ce territoire industriel, il le mérite, et moi je m’y engage.

HELENE FROMENTY
Est-ce que le 4e point, Roland LESCURE, ce pourrait être que NESTLE affirme haut et fort, publiquement en tout cas, que les salariés de de Caudry, de BUITONI Caudry ne sont pas responsables ? Parce qu'ils disent, on les a entendus ce matin, voilà, ils ont maintenant cette étiquette, ceux qui vont devoir chercher du travail ailleurs, ont cette étiquette alors qu'ils n'ont rien fait ?

ROLAND LESCURE
Ça c'est indispensable. Moi je l’ai dit il y a 15 jours, je le redis sur votre antenne aujourd'hui, il est hors de question que les salariés de la SPAC soient jugés comme responsables, ou pire, coupables, d’un drame sanitaire dans lequel ils n’ont aucune, aucune responsabilité.

HELENE FROMENTY
Donc il faut que NESTLE le formule, peut-être.

ROLAND LESCURE
En tout cas, je pense que ça serait bienvenu que NESTLE le dise. Moi je vous le dis avec force, et on va tout faire pour que les salariés de la SPAC retrouvent espoir. Là encore je vous dis, que je comprends la tristesse, je comprends la colère, maintenant il faut qu’on se projette en avant qu’on se serre les coudes, nous, le territoire, les salariés, pour trouver des solutions pour chacun d'entre eux.

HELENE FROMENTY
Roland LESCURE, ministre délégué à l'Industrie, merci d'avoir été avec nous ce matin sur France Bleu Nord.

ROLAND LESCURE
Merci à vous.

HELENE FROMENTY
Je rappelle donc vous allez à la rencontre des syndicats de l'usine BUITONI de Caudry ce matin, en sous-préfecture de Cambrai. Vous allez aussi rencontrer les syndicats de TEREOS, c'est la sucrerie d’Escaudoeuvres, usine voisine qui va elle aussi fermer. Très bonne journée à vous.

ROLAND LESCURE
Merci.


Source : Service d’information du Gouvernement, le 3 avril 2023