Texte intégral
ROMAIN DESARBRES
Bonjour Sonia BACKES.
SONIA BACKES
Bonjour.
ROMAIN DESARBRES
Merci d'être avec nous, secrétaire d'Etat à la Citoyenneté. Beaucoup de sujets à aborder avec vous bien sûr, merci d'être là tôt ce matin dans La Matinale de CNews pour les téléspectateurs de CNews. On va parler de la loi séparatisme dans un instant en application depuis un an et demi en France, mais tout d'abord je voulais vous entendre sur les chiffres de cette étude de l'INSEE sur l'immigration en France. Il y a en France plus de 10% d'immigrés, soit 6 millions 960 000 personnes nés étrangers à l'étranger, on ne parle pas des Français nés à l’étranger, nés étrangers à l'étranger. Qu'est-ce que ça vous inspire comme commentaire déjà tout simplement ?
SONIA BACKES
Effectivement on voit bien que les choses évoluent, on voit bien qu'elles évoluent aussi sur qui sont ces étrangers en France. On a beaucoup d'étudiants maintenant mais on voit bien aussi que les choses doivent évoluer. C'est pour ça que le ministre de l'Intérieur et des Outre-mer porte un projet de loi qui se transformera sans doute en plusieurs, parce qu’effectivement il faut faire évoluer les questions d'immigration familiale etc.
ROMAIN DESARBRES
Quel impact ça a sur la société française ? On voyait qu’en 1968, 6,5% de la population en France, qui vivait en France était immigrée et aujourd'hui 10%, donc il y a plus en nombre et plus en pourcentage. Quel est l'impact que ça a sur la société française ?
SONIA BACKES
Plusieurs impacts. Moi je suis fille d'immigrés dont le père est devenu professeur de lettres donc je vois bien qu'il y a une vraie problématique d'intégration. Il faut que notre société s'adapte en fait pour que les gens qui n'ont pas vocation à rester sur le territoire national repartent, et que celles qui ont vocation à rester s'intègrent le mieux possible. Donc il faut qu'on adapte nos dispositifs pour effectivement choisir ou en tout cas décider qui part et qui reste.
ROMAIN DESARBRES
41% des immigrés viennent d'Afrique, c'est plus qu'avant, quand l'immigration venait plus des pays européens et méditerranéens que sont l'Espagne, l’Italie ou le Portugal. Qu'est-ce que ça change dans la façon d'accueillir les immigrés en France ?
SONIA BACKES
D'abord c'est lié beaucoup à la question de l'immigration familiale, c'est pour ça qu’encore une fois le ministre a proposé qu'on durcisse les critères d'immigration familiale. La famille doit être entendue au sens français du terme, on ne doit pas ouvrir la famille aussi largement qu'elle était peut-être ouverte jusqu'à présent. L'intégration linguistique, je crois qu'on a vraiment besoin quand même de faire évoluer et d'avoir des gens, quand ils viennent sur le territoire national, qui s'intègrent et la question linguistique est absolument essentielle, donc ça change plein de choses. Et en particulier, vous l'avez dit, il y a une grande concentration dans les centres urbains : dans la région parisienne en Seine-Saint-Denis, c'est 32%. Il faut que nos dispositifs s'adaptent pour que finalement on soit capable d'absorber ce qui arrive.
ROMAIN DESARBRES
Désormais le nombre d'étudiants étrangers dépasse celui de l'immigration familiale. Est-ce que tout ça, c’est une question que je me posais en préparant cet entretien, est-ce qu'on le subit ou est-ce que c'est le choix de la France ? Est-ce que la France a décidé ça ou est-ce que c'est subi ? C'est un état de fait ?
SONIA BACKES
Et l'un et l'autre. En fait effectivement, il y a une partie qui arrive mais enfin à chaque fois qu'il y a soit une demande d'asile, soit une demande de titre de séjour, on a une décision à prendre. Et les parlementaires, donc la représentation des Français, doit décider de l'évolution de notre dispositif législatif, en gros qui on décide d'accueillir ou pas. Donc au final effectivement, les Français par la représentation parlementaire sont associés.
ROMAIN DESARBRES
Est-ce que vous seriez favorable à l'instauration de quotas d'immigration ? Dire cette année on accueille tant de personnes et pas une de plus ?
SONIA BACKES
Le ministre l’a dit, je crois que sur la question de l'immigration on doit faire évoluer les choses. Donc on est très ouvert sur toutes les discussions.
ROMAIN DESARBRES
Mais faire évoluer les choses, ça veut tout dire et rien dire.
SONIA BACKES
Non mais faire évoluer les choses, ça veut dire quoi ? Ça veut dire, je l’ai dit…
ROMAIN DESARBRES
Ça veut dire réduire l'immigration ?
SONIA BACKES
J’ai rencontré les ministres lors d'une réunion des pays européens, il faut d'abord qu'on durcisse nos frontières extérieures. On ne peut pas finalement laisser des frontières qui laissent passer tout le monde.
ROMAIN DESARBRES
Donc ce que vous nous dites, c’est qu'il faut réduire l'immigration.
SONIA BACKES
En tout cas il faut la choisir, c'est-à-dire qu'il faut décider, nous, .de qui on décide de faire rester ou pas, simplement.
ROMAIN DESARBRES
Mais il faut plutôt la réduire ou l’augmente ?
SONIA BACKES
Je ne crois pas que qui que ce soit dise qu'il faille l’augmenter.
ROMAIN DESARBRES
Bon. Il faudrait un référendum ?
SONIA BACKES
Non, je crois qu’on a beaucoup de problématiques à régler, des problématiques européennes et, vous le savez, on a une position très dure avec les pays européens en disant : si vous ne durcissez pas les frontières extérieures, on ne pourra pas accueillir plus de monde, et puis on a une évolution encore une fois de notre dispositif législatif. Il faut qu’on décide là aussi qu'est-ce qu'on fait en matière d'immigration familiale. On a la main, on peut décider, c'est le Parlement qui peut décider donc à nous de décider maintenant.
ROMAIN DESARBRES
Ce chiffre qui touche à l'immigration et à la citoyenneté, le nombre de femmes musulmanes qui portent le voile a augmenté de 55% en dix ans. C’est un autre chiffre de cette étude. Qu'est-ce que ça dit de notre société, vous qui êtes secrétaire d'Etat à la Citoyenneté ?
SONIA BACKES
Encore une fois, la société française est laïque donc on a le droit de croire dans ce qu'on veut et c'est aussi notre liberté. La question et le risque c'est le communautarisme, c'est le repli communautaire et c'est sur ça effectivement qu'on doit se battre. Parce que le repli communautaire qui donne lieu à du séparatisme finalement alimente la radicalisation et alimente le terrorisme. Alors toutes les personnes, tous les séparatistes ne sont pas à la fois des terroristes, mais en tout cas souvent les terroristes sont issus de la radicalisation et du séparatisme.
ROMAIN DESARBRES
Est-ce que c'est du séparatisme porter le voile ? Est-ce que ça peut l'être ?
SONIA BACKES
Non, non. C'est effectivement un marqueur religieux, ce n’est pas du séparatisme en soi. Le problème, c'est que le problème arrive finalement quand on ne vit plus qu'avec des personnes qui sont dans un repli communautaire.
ROMAIN DESARBRES
Oui, oui. La loi séparatisme en application depuis un an et demi, le bilan. Puisqu’on parle de vêtements religieux, certains maires défendent le burkini dans les piscines, c'est le cas à Grenoble avec le maire écologiste Eric PIOLLE. Est-ce qu'avec la loi séparatisme, ça a réglé le problème ?
SONIA BACKES
Oui, alors en grande partie. C'est-à-dire qu'en fait il y a eu un déféré laïcité sur le burkini, c'est-à-dire qu'en fait la décision du maire a été cassée par ce déférés laïcité. Il n’a pas eu le droit d'autoriser dans le règlement intérieur de la piscine le fait de porter des burkinis mais tout n'est pas réglé. On doit rester, et c'est vraiment l'objectif et le résultat de cette loi, c'est qu'on doit rester extrêmement vigilants. C'est pour ça qu'en fait maintenant, il y a dans chaque département des commissions qui en fait regardent sur le plan associatif, sur le plan des écoles, sur les lieux de culte, sur les financements - les financements c'est un élément essentiel, c'est le nerf de la guerre - regardent en fait sur tous ces aspects comment les organisations séparatistes se mettent en place et comment on peut mieux lutter contre.
ROMAIN DESARBRES
Quel est l'objectif des islamistes en France ? Est-ce qu'ils en ont un et quel est cet objectif ?
SONIA BACKES
L'objectif des islamistes radicaux est très clair à mon sens, c'est de mettre la République à genoux. C'est de démontrer que les lois de la religion sont supérieures aux lois de la République. Et là on parle de l'islamisme radical mais c'est également le cas d'un certain nombre de mouvements d'ultra-gauche ou d'ultra-droite.
ROMAIN DESARBRES
Et est-ce qu'aujourd'hui avec la loi séparatisme, anti-séparatisme, on est armé juridiquement pour lutter contre des individus qui veulent mettre la République à genoux ? C’est pas rien, mettre la République à genoux.
SONIA BACKES
Oui. Vraiment cette loi séparatisme qui a été très largement adoptée nous donne les outils. On a aujourd'hui des outils pour lutter sur tous les plans. En fait ça a désinhibé les services de l'Etat, c'est-à-dire qu'avant on n'osait pas aller… Finalement vous avez parlé tout à l'heure de Lunel, de ces classes d’enseignement qui ont été fermées dans une structure coranique, là on a les moyens. Finalement on va les chercher sur quoi ? Sur les autorisations pour l'accueil des mineurs, mais il y en a qu'on va chercher sur la manière dont ils enseignent. Est-ce que le programme est bien assuré ? Il y en a qu'on va chercher pour savoir s'ils respectent les règles en matière d'établissement recevant du public. On va les chercher sur les financements. Bref on va les chercher partout pour finalement déconstruire les structures qui sont à visées séparatistes, et donc qui veulent mettre la République en difficulté.
ROMAIN DESARBRES
Les chiffres parlent et sont forts. Début des années 2000, il y avait 5 000 salafistes, on les estime à 100 000 aujourd'hui. Est-ce que vous confirmez ces chiffres ?
SONIA BACKES
Oui, c’est effectivement les chiffres qui ont rendus publics.
ROMAIN DESARBRES
100 000 salafistes et Frères musulmans en France quand ils étaient quelques milliers au début des années 2000.
SONIA BACKES
Je n’ai pas le chiffre aujourd'hui mais on sait clairement…
ROMAIN DESARBRES
Et c’est de cet ordre.
SONIA BACKES
C’est de cet ordre-là.
ROMAIN DESARBRES
Donc vingt fois plus en vingt ans.
SONIA BACKES
Les choses ont diminué. En fait je crois que vraiment, vous savez, il y a eu un avant et un après discours des Mureaux, discours du président des Mureaux, Samuel PATY et loi séparatisme. C'est-à-dire qu'en fait aujourd'hui, on ne voit plus de prêches radicaux dans les mosquées sans conséquence immédiate. C'est-à-dire qu'on a fermé un certain nombre de lieux de culte parce qu’effectivement on avait des prêches radicaux, donc les choses ont changé. Vous savez bien que ça ne va pas évoluer du jour demain. Ce qu'on est en train de faire aujourd'hui en fait, vous avez parlé des années 2000, va permettre de changer finalement les choses sur une génération. Parce que ce qu'on fait sur l'instruction en famille, vous savez on avait un certain nombre d'enfants qui étaient finalement déscolarisés, les parents les mettaient à part pour petit à petit leur faire passer des messages en matière d'islam radical, et ça on va avoir les effets dans une génération, on ne va pas voir les effets maintenant. Et donc ce travail-là, les choses ont changé, l'Etat a les moyens de le faire, ça va évoluer petit à petit. On fait quand même des choses très fortes puisqu'on a fermé 7 mosquées, on a fermé 11 écoles, établissements hors contrat, on a fait réduire l'instruction en famille de 29%, on a dissous des associations qui alimentaient des discours radicaux, on a fermé des fonds de dotation etc etc.
ROMAIN DESARBRES
Merci beaucoup Sonia BACKES.
SONIA BACKES
Merci.
ROMAIN DESARBRES
Secrétaire d'Etat à la Citoyenneté d'être venue ce matin sur le plateau de La Matinale. Merci à vous, bonne journée.
SONIA BACKES
Merci.
Source : Service d’information du Gouvernement, le 3 avril 2023