Texte intégral
APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour François BRAUN.
FRANÇOIS BRAUN
Bonjour.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous êtes le ministre de la Santé, merci d’être dans ce studio pour répondre à mes questions ce matin parce qu’il y a des questions essentielles à vous poser, j’oserais même dire vitales. On va parler de la fin de vie, on va parler de la vaccination des soignants, on va parler de la sauvegarde de l’hôpital, des déserts médicaux, et je voudrais qu’on commence avec la pénurie de médicaments parce qu’on avait longuement parlé de la question du doliprane, de la question des antibiotiques, certes, mais il y a aussi des médicaments sans lesquels certains malades ne peuvent pas vivre et qui sont, pour certains, en rupture de stock, voire en pénurie, c’est une question de vie ou de mort. Maxime a 15 ans, il est atteint de mucoviscidose, il doit suivre un traitement composé de dix médicaments et il y en a quatre, quatre de ces dix médicaments, qui sont en tension, voire en rupture, il vous a écrit en février et voici son témoignage.
MAXIME
Monsieur le ministre de la Santé, je m’appelle Maxime, j’habite à Moyon dans la Manche…
JOURNALISTE
Cette lettre, Maxime l’a envoyée à François BRAUN début février, un appel à l’aide au ministre de la Santé car depuis le mois de décembre quatre des dix médicaments qu’il doit prendre pour lutter contre la mucoviscidose sont en pénurie totale ou partielle, parmi eux des hormones de croissance indispensables à l’adolescent, sans ces médicaments la croissance l’enfant pourrait être affectée, il devrait être opéré tous les ans à cause de complications, ces pénuries font craindre le pire à Maxime pour le futur.
MAXIME
Un médicament que je prends matin et soir, si je n’ai plus ce médicament-là je décède clairement, une vie de collégien peut basculer pratiquement à l’horreur presque !
APOLLINE DE MALHERBE
Vous entendez l’angoisse évidemment de Maxime, vous lui avez répondu, mais vous lui avez répondu qu’au fond c’était la question de l’Agence du médicament et qu’elle allait s’occuper de son dossier, ça c’était il y a un mois et demi, il n’a aucune nouvelle depuis.
FRANÇOIS BRAUN
Alors bien sûr j’entends l’angoisse de Maxime et de ses parents, c’est évident, je veux les rassurer, les médicaments dont il a besoin nous les aurons, nous les avons, ils ne sont pas toujours disponibles à la pharmacie de chez eux, mais en tout cas…
APOLLINE DE MALHERBE
Ils ont déjà fait jusqu’à 50 kilomètres pour aller à d’autres pharmacies de la Manche.
FRANÇOIS BRAUN
On a un vrai problème sur l’ensemble des médicaments, on l’a vu également cet hiver par rapport à ces pénuries, en tout cas ces tensions. C’est difficile de parler de pénuries, sèches si je peux me permettre, en fait ce sont des tensions puisqu’on surveille les médicaments avec des délais d’un mois, deux mois, trois mois, en fonction des types de médicaments. Plus jamais ça, c’est ce qu’avec Roland LESCURE nous avons dit aux industriels…
APOLLINE DE MALHERBE
Le ministre de l’Industrie.
FRANÇOIS BRAUN
Du médicament début février. Alors, plus jamais ça, encore faut-il mettre en place ce qui est nécessaire, c’est un grand plan sur les pénuries de médicaments qui se met en place, avec tout d’abord déterminer quels sont les médicaments essentiels, on parle de médicaments critiques, c’est-à-dire les médicaments dont personne ne peut se passer. Les Américains, à titre d’exemple…
APOLLINE DE MALHERBE
C’est ça pour Maxime !
FRANÇOIS BRAUN
C’est ça pour Maxime ; les Américains, par exemple, ont 173 médicaments qu’ont ont considéré comme essentiels, nous sommes en train de finaliser cette liste, pour le mois de mai elle sera finalisée, avec l'ensemble des spécialités médicales. Deuxième étape pour cette liste, et nous sommes déjà en train de le faire, nous définissons tous les points de fabrication du médicament, depuis le principe actif, c'est-à-dire ce principe essentiel dans le médicament, jusqu'à la mise en flacon, la mise en comprimés, pour bien vraiment contrôler toute la chaîne de production, c'est ça le plan, pour s'assurer que ces médicaments essentiels seront toujours disponibles.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc, un, vous faites la liste, elle devrait être prête dans un mois, si j’ai bien compris…
FRANÇOIS BRAUN
Un peu moins d’un mois.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc vous faites la liste et j’imagine qu’on va arriver à peu près au même chiffre que les Américains parce qu'on a la même chose…
FRANÇOIS BRAUN
A peu près 200 médicaments, il y a aussi ce qu’on les dispositifs médicaux, vous savez des tubulures à perfusion, des choses comme ça bien sûr.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc la liste, et ensuite s'assurer qu'on a un lien avec les principes actifs qui n'est pas rompu. Beaucoup de ces principes actifs ils viennent de Chine, ils viennent d'Inde…
FRANÇOIS BRAUN
Des Etats-Unis aussi.
APOLLINE DE MALHERBE
Des Etats-Unis, est-ce que vous avez moyen aussi de rapatrier ces principes actifs, est-ce qu'on va réussir à ne plus être dépendant ?
FRANÇOIS BRAUN
C’est tout l'enjeu, le président de la République a annoncé que pour 2030 la France serait souveraine et la plus innovante en termes de médicaments, c'est l'enjeu que je partage avec mes collègues européens, que j'ai rencontrés à Bruxelles il y a moins d'un mois, où nous voulons rapatrier, en France bien sûr, mais en Europe également, les principes actifs de ces médicaments essentiels.
APOLLINE DE MALHERBE
Moi je me mets quand même à la place de la famille de Maxime, et vous leur dites non, non, mais ça va aller, on aura les médicaments, sauf que concrètement chaque semaine ils sont dans l'angoisse, leur pharmacien leur dit « mais moi je passe des coups de fil, y compris directement au laboratoire, pour essayer de me fournir », une fois il a réussi à récupérer la boîte depuis le laboratoire PFIZER, et puis le mois d'après il n'a pas réussi, il a donc appelé toutes les pharmacies de la région pour savoir qui avait encore une boîte dans un fond de tiroir, et la mère a été le chercher, mais jusqu'à quand, c'est-à-dire que quand vous dites il y en aura, mais ça veut dire quoi, ça veut dire que chaque mois ils vont devoir se débrouiller, ils vont devoir passer leurs coups de fil tout seuls, comment ça va marcher ?
FRANÇOIS BRAUN
Ça veut dire qu’effectivement nous allons améliorer cette chose, j'en profite d'ailleurs pour saluer les pharmaciens, vous avez dit ce pharmacien qui se…
APOLLINE DE MALHERBE
Qui se démène.
FRANÇOIS BRAUN
Qui se plie en quatre pour réussir à trouver ce médicament. On a aussi un petit souci de traçabilité, c'est-à-dire qu'il y a effectivement les laboratoires, il y a également les grossistes, ce qu'on appelle les grossistes répartiteurs, qu’on a besoin de savoir, à un instant T, où sont ces boîtes de médicaments. Si vous vous souvenez cet hiver j'avais été un peu interpellé par les pharmaciens quand je disais « nous avons récupéré de l'Amoxicilline », les pharmaciens me disaient « mais nous on n'en a pas », et effectivement on en avait chez le fabricant, on en avait chez les grossistes…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais ils n’étaient pas acheminés.
FRANÇOIS BRAUN
Mais ils n’étaient pas acheminés, donc voyez, c'est bien toute cette chaîne qu’il faut regarder pour tous les médicaments.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais du coup qui la famille de Maxime doit appeler, c'est-à-dire que si le pharmacien n’en trouve pas, ils ne vont pas vous appeler sur votre portable ?
FRANÇOIS BRAUN
Pour l’instant c’est leur pharmacien, leur pharmacien, c'est lui qui connaît le mieux les choses, le mieux les rendements, mais en tout cas spécifiquement, pour ce qui est de la famille de Maxime, mon équipe qui s'est encore plus mise sur ce dossier, effectivement c'est l'ANSM, donc l'Agence de sécurité du médicament qui gère cette pénurie, ou cette tension d’approvisionnement.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous allez aller plus loin.
FRANÇOIS BRAUN
Mais on va avoir une réponse très précise pour Maxime.
APOLLINE DE MALHERBE
François BRAUN, il y a combien de médicaments, au moment où on se parle, qui manquent ?
FRANÇOIS BRAUN
Il n'y a pas de médicaments en rupture absolue, il y a des médicaments, ce qu'on appelle en tension, c'est-à-dire qu'on a moins d'un mois de stock, et effectivement on n'en trouve pas dans toutes les pharmacies, mais je n'ai pas d'alerte sur des médicaments en rupture totale de stock.
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que vous dites que l'Etat a une forme de responsabilité s'il y a une perte de chance, un niveau de stress élevé, voire même des décès liés à ce problème de rupture de la chaîne au minimum ?
FRANÇOIS BRAUN
C’est bien pour cela que nous travaillons sur cette liste de médicaments essentiels et critiques, pour que nous en ayons en permanence. Vous savez, nous avons déjà certains médicaments, moins nombreux, ce qu'on appelle les stocks stratégiques, on en a parlé lors de la vaccination contre le monkeypox, donc nous avons déjà des médicaments pour les risques biologiques graves, pour les risques nucléaires, les risques chimiques, on n’imaginait pas que ce soit autant pour le reste, mais…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais on n’imaginait pas qu’on doive avoir des stocks d'Amoxicilline.
FRANÇOIS BRAUN
L’ Amoxicilline est un bon exemple. Dans la suite du plan, je vous ai parlé des deuxièmes premières étapes, il y a deux autres étapes, la troisième étape c'est… l'hiver c'est tous les ans, c'est tous les ans à la même époque et c’est tous les ans où on a besoin d’Amoxicilline et de paracétamol, donc si les industriels ne peuvent pas nous garantir ces produits et ce volume, eh bien je ne m’interdis pas de faire des stocks de ces médicaments pour l'hiver prochain. Et enfin, la troisième partie, c'est ce qu'on appelle un plan blanc du médicament, vous savez le plan blanc tout le monde commence à savoir un peu ce que c'est, c’est un plan un petit peu catastrophe, c'est que s'il y a une rupture d'un produit de façon totalement inopinée, ce qui peut arriver, un incendie dans une usine ou des choses comme ça, eh bien la possibilité de compenser par des produits équivalents, ou en tout cas de garder nos stocks en France.
APOLLINE DE MALHERBE
714.000 Français sont sans médecin traitant, soit parce qu'ils n'ont pas rempli le formulaire, soit, la plupart des cas, parce qu'ils n'en trouvent tout simplement pas, où est-ce qu'on en est de cette situation et est-ce qu’enfin tous les Français pourront avoir accès à un médecin quand ils sont malades ?
FRANÇOIS BRAUN
Alors, 714.000, vous avez raison, ce sont des patients qui n'ont pas de médecin traitant, mais qui en plus ont une affection chronique, une maladie chronique comme un diabète, une pathologie cardiaque, un cancer ou une pathologie de santé mentale, donc c’est 714.000…
APOLLINE DE MALHERBE
Prioritaires.
FRANÇOIS BRAUN
On appelle ça en ALD, en affection de longue durée, les gens savent bien ce que c'est quand ils ont cette ALD…
APOLLINE DE MALHERBE
Ceux qui auraient plus besoin encore de médecin.
FRANÇOIS BRAUN
Voilà, ceux qui en ont le plus besoin, parce que là, pour le coup, vous parliez tout à l'heure de perte de chance, c'est une véritable perte de chance parce que parmi ces patients en plus ils ne vont pas voir de médecin dans l'année, alors qu'ils devraient voir un médecin régulièrement, ça ce n’est pas acceptable, c'est une situation qui n'est pas acceptable, c'est pour ça que j'ai demandé à l'Assurance maladie, à la Sécu, de mettre en place un plan pour ces 714.000 patients en ALD, qui vont tous être contactés individuellement, ça a déjà commencé, d'abord par courrier, ensuite par contact téléphonique, pour qu'on puisse, grâce à la mobilisation des médecins généralistes, au niveau de chaque territoire, leur proposer un médecin traitant avant la fin de l’année.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc vous nous dites ce matin qu’avant la fin de l'année, ça veut dire quoi, ça veut dire on est 1er avril…
FRANÇOIS BRAUN
Ça veut dire en décembre ils auront tous été contactés, on leur aura tous déjà demandé s’ils veulent un médecin traitant…
APOLLINE DE MALHERBE
Il y a des gens qui n’en veulent pas ?
FRANÇOIS BRAUN
Il y en a qui n’en veulent pas, j’ai pu constater ça lorsque j'étais en déplacement, là en région parisienne, un patient diabétique qui est suivi régulièrement par son spécialiste et qui disait « je n’ai pas besoin de médecin traitant », alors il a tort, il faut un médecin généraliste traitant, mais bon, on ne va pas non plus forcer les gens, c'est la liberté des gens, la liberté des médecins…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais ça veut dire que vous allez trouver des médecins, que vous allez convaincre de rajouter des patients ?
FRANÇOIS BRAUN
C’est l’enjeu, mais vous savez les médecins généralistes, sur le terrain, ils sont extrêmement mobilisés pour leurs patients…
APOLLINE DE MALHERBE
Bien sûr, même parfois ils font des journées qui sont déjà bien remplies.
FRANÇOIS BRAUN
Il y en a qui font des journées insupportables, et eux on ne va pas leur demander de faire plus, bien entendu, c'est sur la base du volontariat, mais ils ont la volonté de répondre au besoin.
APOLLINE DE MALHERBE
Les intérimaires, à l'hôpital, ça fait des mois, des années maintenant que l'hôpital crie à la tension, aux risques de fermetures, de nombreuses urgences qui ont dû fermer, et vous avez donc pris la décision de plafonner le paiement des soignants intérimaires à l'hôpital. Alors, à long terme c'est bien, parce que c'était visiblement un cercle vicieux, il y avait parfois des nuits de garde qui étaient payées jusqu'à 4000 euros, et donc forcément ceux qui étaient sur place étaient de plus en plus découragés par cette concurrence qui leur paraissait déloyale, ce sera désormais 1390 euros maximum la garde de 24 heures, mais à court terme il y a de nombreux hôpitaux qui sont très angoissés et qui disent qu'ils n'ont plus de médecins, qu'ils ne vont plus pouvoir payer donc ces intérimaires et qu’ils vont se retrouver avec parfois des urgences à nouveau à fermer.
FRANÇOIS BRAUN
Alors, de quoi parle-t-on ? Vous dites, très gentil pour moi, que j'ai décidé, non j'ai simplement décidé d'appliquer la loi, c'est une loi qui date de 2016, de Marisol TOURAINE, puis une nouvelle loi, qu'on appelle la loi Rist, de 2021, ces lois n'étaient pas appliquées. Bien sûr je n’ai rien contre les intérimaires, ni contre l'intérim médical, mais ce sont bien les dérives de cet intérim, vous l'avez très bien dit, avec des sommes qui deviennent astronomiques et complètement en discordance. C’est un système qu'il faut condamner, ce ne sont pas les médecins eux-mêmes, bien entendu, mais c'est ce système qui est un système de marchandisation de la santé, et c’est contre ça, pour des raisons aussi éthiques, contre ça que je me bats et que je veux refonder notre système de santé. Alors, pour ce qui concerne, à court terme…
APOLLINE DE MALHERBE
A court terme qu’est-ce que vous dites aux hôpitaux qui, de fait, employaient ces intérimaires pour pallier à des manques ?
FRANÇOIS BRAUN
A court terme, écoutez j'ai fait… nous travaillons, avec les agences régionales de santé depuis le mois de décembre, de façon extrêmement intense, vous imaginez bien, depuis deux semaines avec l'ensemble des directions du ministère, et nous avons là, à l'heure où je vous parle, des solutions pour le mois d'avril, déjà les trois premières semaines d'avril, pour tous les services, il n'y a pas de service qui va fermer de façon sèche, si je peux m'exprimer ainsi, là au mois d'avril, grâce à la mobilisation aussi des établissements, la mobilisation des médecins, ce que j'appelle la solidarité territoriale, c'est-à-dire la responsabilité que prend un gros centre hospitalier, un centre hospitalier universitaire, qui envoie des médecins vers ces plus petits hôpitaux pour maintenir l'activité.
APOLLINE DE MALHERBE
Aucun service ne fermera au mois d'avril, François BRAUN ?
FRANÇOIS BRAUN
Aujourd’hui… vous savez, on suit l’affaire deux fois par jour, et je vais cet après-midi dans le Jura voire l'hôpital de Lons-le-Saunier, où il y a aussi des difficultés, mais les plannings sont remplis, ils ont réussi à remplir les plannings.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais ils sont parfois remplis parce que certains médecins ont renoncé à leurs vacances, ont repoussé leurs vacances, donc vous remettez quand même un peu la poussière sous le tapis, on fait quoi en mai ?
FRANÇOIS BRAUN
Non, mais c’est bien sûr une situation, là, qui est une situation d'extrême urgence, je ne doute pas que les intérimaires, et de nombreux intérimaires, reviennent, viennent vers l'hôpital, et puis vous savez il y a deux jambes, si je peux m'exprimer comme ça, sur cette décision, condamner ces dérives de l'intérim, mais en même temps je veux valoriser les médecins, ces praticiens hospitaliers, qui travaillent à l'hôpital, qui tiennent la première ligne, et je veux les revaloriser, dans le cadre de la pénibilité, dans le cadre de leur carrière, c'est pour ça que j'ai pris des mesures en ce sens et que je discute avec les syndicats des médecins hospitaliers.
APOLLINE DE MALHERBE
A court terme, c'est rassurant, vous dites « au mois d’avril il n’y aura pas de fermeture de services », on sait qu’il y avait 170 services qui se disaient menacés, mais qu'est-ce que vous dites…
FRANÇOIS BRAUN
Les intérimaires disaient, le syndicat des intérimaires disait qu’il y avait 170 services.
APOLLINE DE MALHERBE
Il gonflait un peu le chiffre, François BRAUN.
FRANÇOIS BRAUN
En tout cas, ce n’est pas le cas aujourd'hui.
APOLLINE DE MALHERBE
Qu'est-ce que vous dites à ceux qui nous écoutent, qui ont peut-être des opérations prévues en mai, est-ce qu'ils doivent s'inquiéter ?
FRANÇOIS BRAUN
Ils ne doivent pas s'inquiéter, tout va être fait pour que l'activité soit permanente et qu'on n'ait pas ce souci. Vous savez, c'est une période difficile et je le redis, je remercie les médecins hospitaliers, les hôpitaux, les agences régionales de santé, qui se sont mobilisés. C'est un cap à passer, mais nous devons ce cap pour reconstruire correctement notre système de santé.
APOLLINE DE MALHERBE
Je le disais, il y a de nombreux dossiers qu'on doit aborder ensemble ce matin, je voudrais que l’on parle aussi évidemment de la prévention et de la question de la fin de vie. Mais un mot aussi sur cette décision de la Haute autorité de santé qui a donné donc un avis favorable à la réintégration des soignants non vaccinés au Covid. Ils vont être réintégrés, quand, comment ?
FRANÇOIS BRAUN
Alors, l'avis de la Haute autorité de santé, si on veut être très précis, c'est un avis scientifique, indépendant. C'est moi qui leur avais demandé en novembre de se prononce. Ils se sont prononcés pour la non-obligation de la vaccination Covid pour les soignants, aujourd'hui, et la non-obligation d'autres vaccination, diphtérie, tétanos, poliomyélite. Donc c'est un avis global sur les vaccinations obligatoires pour les soignants. Il se fait qu’aujourd'hui, vu l'évolution de la crise Covid, la Haute autorité de santé a jugé que cette vaccination n'était plus obligatoire pour les soignants. Je prends acte de cette décision. La loi qui a été votée dans le cadre de l'urgence sanitaire m'impose de prendre en compte cette décision de la Haute autorité de santé…
APOLLINE DE MALHERBE
Quand ?
FRANÇOIS BRAUN
Je vais réunir, là, très prochainement, les fédérations hospitalières, les syndicats bien entendu, les ordres professionnels, pour qu'on voit quelle est la meilleure façon de voir la récupération de ces soignants…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais ça pourrait être sans tarder ? Ils pourraient revenir sans tarder ?
FRANÇOIS BRAUN
Ça va être rapidement, mais vous savez, il faut le faire aussi dans de bonnes conditions, parce qu'il ne faut pas non plus…
APOLLINE DE MALHERBE
Pour ne pas décourager ceux qui eux, avaient fait l’effort de se vacciner.
FRANÇOIS BRAUN
Voilà. Et il ne faut pas se dire que ça va se passer facilement, il y a beaucoup de soignants qui eux ont tenu la ligne, eux se sont fait vacciner, eux ont sauvé des vies pendant cette phase initiale, qui ne les voient pas forcément venir d'un bon oeil, donc nous allons les réintégrer bien entendu, mais nous allons faire ça de façon la plus la plus simple et la plus commode possible.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc ça ne sera pas demain, on l'a bien compris. François BRAUN, est-ce qu'il faut ou non autoriser le suicide assisté et l'euthanasie ?
FRANÇOIS BRAUN
C'est une question de société, j'allais dire. Ce n’est pas une question médicale. C'est comment notre société voit la fin de vie, voit cette période particulière. Alors les 184 citoyens de la Convention citoyenne se sont prononcés, je vais tout à l'heure à l'Elysée, auprès du président de la République, pour recevoir leur contribution et savoir, qu’ils nous expliquent un petit peu…
APOLLINE DE MALHERBE
Ce n’est pas une question médicale, mais enfin c'est quand même une question qui vous concerne.
FRANÇOIS BRAUN
C'est une question qui me concerne totalement, oui ça il n’y a aucun sujet autre que celui-là bien entendu. Mais ce que je veux dire c'est que…
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que vous porterez la loi, François BRAUN ?
FRANÇOIS BRAUN
Déjà, on va voir si le président de la République décide s'il doit y avoir une nouvelle loi ou pas. Une des questions était : est-ce que la loi Claeys-Leonetti répond à tous les problèmes. Cette Convention citoyenne qui est un des éléments de réponse, c'est un des éléments essentiels de la réponse, mais vous savez comme moi qu’il y a l'avis aussi du Conseil consultatif national d'éthique. Il doit y avoir l'avis des parlementaires, si jamais on veut partir sur une loi. Donc le président de la République a annoncé cette deuxième de réflexion, et s’il y a une loi, eh bien cette loi va être travaillée, bien entendu.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc, ce que vous nous dites ce matin, François BRAUN, c'est que la décision, le Conseil, le rapport de ces 184 citoyens de la convention fin de vie, ne sera pas mécaniquement automatiquement retranscrit.
FRANÇOIS BRAUN
Non, ça n'a jamais été ce qui a été annoncé, c'est un avis de citoyens, qui entre dans la réflexion globale. On voit bien qu'il y a des sujets qui sont très consensuels, quand on parle d'augmenter la réponse de soins palliatifs, bien sûr, ne peut être contre…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais ça, on est quand même un peu sidéré François BRAUN, de se dire que ce n’est toujours pas le cas. Enfin, je veux dire, la loi Claeys-Leonetti devait permettre, pardon mais c'est toujours le même sujet, c'est toujours la même question, de l'accès non seulement aux soins mais aussi au soulagement de la douleur. Que les Français qui sont en extrême souffrance n'aient pas systématiquement accès aux soins palliatifs, alors qu'on sait faire, alors qu'en France on sait soulager la douleur, avouez que c'est quand même sidérant.
FRANÇOIS BRAUN
C'est sidérant, c'est ce qu'il faut corriger bien entendu. Nous avons ses soins palliatifs…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais ça, on n’avait pas besoin d'une convention avec 184 citoyens pour le savoir.
FRANÇOIS BRAUN
Non, mais c'est bien que ça insiste aussi là-dessus, qu'on ait des témoignages. Je crois que ce mode démocratique finalement, puisque c'est ça cette Convention citoyenne. Vous savez, ça a été beaucoup décrié quand il y a eu la convention climat, donc tout le monde en a tenu compte des éventuelles critiques qu’il y a eu à l'issue de cette convention climat, et là nous avons une convention citoyenne sur un sujet de société majeur, qui s'est tenue de façon remarquable avec des débats de haut niveau et qui a abouti à une réflexion de ces 184 citoyens, réflexion qui entre dans la réflexion globale sur ce sujet de fin de vie.
APOLLINE DE MALHERBE
J'imagine que vous avez vu les propos de votre « prédécétrice », Agnès BUZYN, qui dit : « Face à des maladies cancéreuses, je me suis aperçue, en 20 ans d'exercice, que plus les patients se rapprochent de la mort, moins ils demandent à mourir, et plus ils demandent qu'on trouve un traitement pour les soulager et prolonger leur vie. J'ai vu malheureusement des centaines de personnes en fin de vie, et je n'ai pas le souvenir de malades qui m’aient demandé à mourir ». Est-ce que vous tiendrez compte des doutes, de la prudence extrême d'Agnès BUZYN ?
FRANÇOIS BRAUN
Je tiendrai compte bien entendu de l’avis des soignants. Agnès BUZYN s'exprime comme une soignante qui a été au contact de ces patients en fin de vie. Vous savez, moi-même dans mon métier d'urgentiste j'ai vu beaucoup beaucoup, beaucoup trop de gens mourir, des jeunes, des vieux, des maladies chroniques, des morts brutales. Ce n’est jamais quelque chose de simple. Mais la souffrance est quelque chose d'intolérable, bien entendu.
APOLLINE DE MALHERBE
Et qu’est-ce que vous en pensez, vous, François BRAUN ?
FRANÇOIS BRAUN
Mon avis importe peu aujourd'hui…
APOLLINE DE MALHERBE
Ah si quand même, vous êtes ministre de la Santé.
FRANÇOIS BRAUN
Oui, mais on a besoin de ce débat, de ce débat citoyen, on a besoin de prolonger cette discussion…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais est-ce que votre rôle, ça n’est pas à un moment aussi, de dire ce que vous pensez ?
FRANÇOIS BRAUN
Oui mais pas aujourd'hui.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous le direz un jour. Qu'est-ce qui vous retient ?
FRANÇOIS BRAUN
Je le dirai un jour. Je n'ai pas à influencer dans un sens ou dans un autre. Je pense qu’en ce qui concerne l'avis médical, si je voulais me placer d'un point de vue médical, mes collègues sont tout à fait, mes anciens collègues sont tout à fait à même de s'exprimer pour cela. Et un ministre n'a pas à donner son avis tranché maintenant, alors même que la discussion est dans le cadre de ce grand débat au niveau national.
APOLLINE DE MALHERBE
Ce qui est sûr c'est que les médecins eux-mêmes sont plutôt majoritairement contre, en tout cas l'Ordre des médecins s'est prononcé contre l'avis que remettent donc les 184 membres de la convention de vie. Un dernier mot sur la question de la prévention sur la drogue. On s'est rendu compte tristement à nouveau, à la faveur de l'affaire Palmade, qu’il n’y avait toujours pas de prévention, notamment sur le fait de prendre de la drogue et de conduire, on entend des spots sur boire ou conduire mais pas sur la drogue. C'est une forme d'hypocrisie, non, est-ce qu'il ne faut pas y remédier ?
FRANÇOIS BRAUN
Non, je crois que la prévention est un enjeu majeur pour notre société, qui est insuffisamment développé. Il y a des campagnes bien sûr de prévention contre la drogue, qui sont plus dans les milieux de personnes qui utilisent ces produits. La prévention est beaucoup plus large, mais moi ce qui m'interpelle par rapport à toutes ces addictions, puisque finalement ce sont des addictions, bien sûr il y a des campagnes, campagne contre le tabac, campagne contre l'alcool, campagne contre l'usage de drogues, et c'est normal, et il faut le faire, contre les écrans, mais moi ce qui m'importe c'est de lutter contre les racines de ce mal. Pourquoi un jeune aujourd'hui tombe dans une addiction quelle qu'elle soit…
APOLLINE DE MALHERBE
Et donc vous ferez une prévention plus jeune encore…
FRANÇOIS BRAUN
Encore plus jeune, encore plus globale, sur quels sont les risques d'avoir une addiction.
APOLLINE DE MALHERBE
Et c'est d'ailleurs votre titre, puisque François BRAUN vous êtes à la fois ministre de la Santé et de la Prévention.
Source : Service d’information du Gouvernement, le 4 avril 2023