Interview de M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, ministre de la justice, à France 2 le 4 avril 2023, sur la lutte contre le trafic de stupéfiants, la violence dans les manifestations, l'action de la police, la communication politique et la prison.

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Média : France 2

Texte intégral

THOMAS SOTTO
Bonjour et bienvenu dans " Les 4v ", Eric DUPOND-MORETTI. Merci d’être là. Vous parlez peu souvent. On va parler de Marseille pour commencer. 14 morts dans les règlements de comptes dans la ville depuis le début de l’année, encore 3 dans la nuit de dimanche à lundi. Les mineurs ne sont plus épargnés, Monsieur le garde des Sceaux. La police et la justice française ont-elles perdu la bataille à Marseille ?

ERIC DUPOND-MORETTI
Gérald DARMANIN a considérablement renforcé le nombre de policiers à Marseille. C’est une des façons de répondre à la délinquance. J’ai considérablement renforcé le nombre de magistrats, de greffiers, de juristes assistants à Marseille, j’avais parlé d’un plan Marshall, et les chefs de juridiction ont d’ailleurs souligné cet effort remarquable. Pour autant, on le sait, le combat contre les stupéfiants, n’est pas un combat qui date d’hier. On n’est pas résolu au fatalisme, nous n'avons jamais saisi autant de produits stupéfiants, les peines prononcées n'ont jamais été aussi lourdes, et je voudrais vous dire monsieur Thomas SOTTO, que je fais un lien direct entre les trafiquants et les consommateurs. Le confort festif, eh bien ça donne aussi des règlements de comptes, et tous ceux qui consomment le petit pétard le samedi soir, devraient s'en souvenir.

THOMAS SOTTO
Il faut durcir la loi contre les consommateurs alors, pour essayer d'assécher tout ça ou pas ?

ERIC DUPOND-MORETTI
Alors, il y a vous le savez, des amendes forfaitaires contre les consommateurs. Moi je suis personnellement contre la libéralisation de la consommation de produits stupéfiants, d'abord parce que sur notre jeunesse ça a des effets délétères que nous connaissons, et notamment des pathologies psychiatriques parfois lourdes, donc je pense qu'il faut interdire et maintenir cette interdiction. Mais nous avons aussi un certain nombre de résultats notables en termes de saisies, nous avons récemment, au ministère de l'Intérieur d'ailleurs communiqué, avec Gabriel ATTAL, sur les résultats. Je le dis, ils sont impressionnants, mais c’est une longue…

THOMAS SOTTO
Tout ça est vrai, Eric DUPOND-MORETTI, les moyens supplémentaires c'est vrai, les 150 millions annoncés par Emmanuel MACRON en 2021 c'est vrai, les policiers supplémentaires c'est vrai, et en même temps au bout du compte on a 3 morts dans la nuit de dimanche à lundi, on a une procureur qui parle d'une logique de vendetta, et on a une avocate marseillaise dont le frère a été tué en 2016, qui disait hier : " Marseille est devenue une zone de non-droit. Aujourd'hui les affaires sont classées sans suite, on peut tuer sans risquer la prison ".

ERIC DUPOND-MORETTI
Non, pardonnez-moi, quand une affaire est élucidée et quand on a des coupables, ils sont évidemment jugés, et je le dis parce que c'est une réalité, je tiens les chiffres à votre disposition, jugés sévèrement. J'ai moi-même d'ailleurs pris un certain nombre de circulaires, pour lutter contre le trafic de stupéfiants. C'est un combat qui ne s'arrête jamais, malheureusement.

THOMAS SOTTO
Mais qu'est-ce qu'il faut faire de plus ou de différent ? Est-ce qu'on a une idée de réponse, est-ce qu'on a une idée de solution ou est-ce que là on est condamné à subir ?

ERIC DUPOND-MORETTI
Mais non n'est pas condamné à subir ! Il y a, je le dis, et il faut que vous m'entendiez, des saisies de plus en plus importantes. On a par exemple réglé la question des mules de Cayenne, vous savez ces très jeunes gens qui prenaient l'avion pour importer des produits stupéfiants, souvent cachés in corpore…

THOMAS SOTTO
Qui les ingèrent.

ERIC DUPOND-MORETTI
Bien sûr. On a réglé cette question. Il y a 100% de contrôles aujourd'hui. Ça ne s'arrête jamais. Ça génère beaucoup d'argent. Je vais vous dire que nous avons développé aussi la saisie des avoirs criminels. Aujourd'hui on peut saisir des immeubles, et on le fait. On peut saisir des biens et on le fait, et on peut même les redistribuer…

THOMAS SOTTO
Donc vous nous dites quoi ? Il faut continuer et ça va payer ?

ERIC DUPOND-MORETTI
Et on peut même, pardonnez-moi, je voudrais terminer ma phrase, les redistribuer à des associations caritatives. Donc il faut continuer cette lutte, elle est incessante et il faut évidemment renforcer les moyens, ce que je compte faire bientôt d'ailleurs, parce que nous avons un programme pour renforcer considérablement les moyens de la justice et de façon historique, vous le savez, 1 500 magistrats de plus, 1 500 greffiers, des juristes assistants, nous en avons embauché récemment 300, et c'est comme ça que nous parviendrons à mieux combattre ce trafic de stupéfiants.

THOMAS SOTTO
La violence dans le pays, c'est aussi depuis plusieurs semaines celle des manifestants les plus radicalisés, des casseurs et aussi parfois de quelques policiers qui visiblement perdent leurs nerfs. Qu'est-ce que cette situation, ces tensions, inspirent au garde des Sceaux que vous êtes ?

ERIC DUPOND-MORETTI
D'abord qu'il ne faut pas tout mélanger, et qu'il faut remettre, c'est l'occasion et vous me permettez de le faire, l'église au milieu du village. Partons de Sainte-Soline, puisqu’on en a beaucoup parlé. Voilà des bassines qui ont été discutées par des élus, de tous bords, la justice a validé la création de ces bassines. Alors, on peut être pour, on peut être contre, on peut manifester, c'est un droit constitutionnel, sauf que là les manifestations étaient interdites. Donc, des gens, en dépit de cette interdiction, sont venus sur place…

THOMAS SOTTO
Y compris des élus.

ERIC DUPOND-MORETTI
Y compris des élus, ceints de leur écharpe tricolore, et un certain nombre de casseurs, qui ne venaient pas, comme l'a dit monsieur MELENCHON, pour se promener dans les champs, puisqu'ils étaient armés de boules de pétanque, il n’y avait pas de concours de pétanque ce jour-là ; ils avaient des cocktails Molotov, ils avaient des cagoules, ils avaient des haches, je pense que ni vous ni moi nous nous promenons dans la campagne de cette façon. Là, on s'en est pris violemment aux forces de l'ordre qui étaient là pour sécuriser ce lieu. Au fond, monsieur Thomas SOTTO, demain des casseurs souhaitent saccager les bâtiments de France 2, vous êtes ravi j'en suis convaincu qu'il y ait des forces de l'ordre pour protéger votre bâtiment et votre outil de travail. On a tout mélangé, et je pense que dans les expressions publiques, il y a un certain nombre de choses qui sont dites, notamment par monsieur MELENCHON, ce sont des choses qui sont Irresponsables et qui sèment la confusion.

THOMAS SOTTO
Est-ce qu'il n’y a pas des mots qui sèment la confusion aussi chez le ministre de l'Intérieur quand il parle de " terrorisme intellectuel de l'extrême gauche " ?

ERIC DUPOND-MORETTI
Ecoutez, il y a 1 093 blessés, chez les policiers, les gendarmes, les sapeurs-pompiers. Et vous avez monsieur MELENCHON qui vous explique que la police tue, vous avez monsieur MELENCHON et les siens qui nous expliquent que les violences ne sont, selon eux, que policières…

THOMAS SOTTO
D'accord, mais on a eu droit à l'écoterrorisme, maintenant on a le terrorisme d'extrême gauche, est-ce que ce mot terrorisme vous choque, est-ce que ce n’est pas dangereux de le mettre à toutes les sauces ? Est-ce que c'est du terrorisme qu’il y a eu à Saint-Soline ?

ERIC DUPOND-MORETTI
Monsieur, les discours, la sémantique, m'intéressent peu. Gérald DARMANIN a raison de dire les choses, on ne peut pas tout mélanger. Il y a ceux qui nous protègent…

THOMAS SOTTO
Donc c'est une forme de terrorisme ou pas ?

ERIC DUPOND-MORETTI
… et qui protègent, pardonnez-moi, les manifestants. Oui, les manifestants d'ailleurs, qui avec les syndicats ont manifesté pacifiquement ; et vous avez là un certain nombre de voyous, qui viennent casser. Et moi, pardon de vous le dire, à 01h00 du matin, si je me promène dans Paris, ce que mon ministère m'interdit aujourd'hui, je préfère rencontrer des forces de l'ordre, que des casseurs. Voilà la réalité.

THOMAS SOTTO
Je pense que tout le monde sera d'accord là-dessus, mais je vous pose une question sur ce mot de « terrorisme ». La France a payé pour savoir ce qu'est le terrorisme, est-ce que ce n'est pas mettre de l'huile sur le feu que d'utiliser ce mot pour parler d'une opposition politique ou de comportements qui ne semblent pas être pénalement du terrorisme ?

ERIC DUPOND-MORETTI
Non mais c'est aussi dire les choses. Gérald DARMANIN s'exprime avec beaucoup de liberté, beaucoup de franchise, on en a un peu ras-le-bol que nous soyons désormais dans la confusion de tout. Je vais vous dire autre chose monsieur, pardon, on évoque aujourd'hui une démocratie qui serait dévoyée…

THOMAS SOTTO
Ce n’est pas le cas ?

ERIC DUPOND-MORETTI
Mais, le garde des Sceaux, puisque vous m'interrogez en cette qualité, doit vous dire qu’une démocratie est dévoyée quand elle ne respecte plus l'Etat de droit. Ce n’'est pas plus compliqué que ça. Le 49.3 appartient à la Constitution, c'est notre règle fondamentale, adoptée en 58 par 80% de nos compatriotes. Le droit de manifester est aussi garanti par la Constitution, la même. La liberté syndicale est aussi garantie par la Constitution. La même…

THOMAS SOTTO
Ça veut dire quoi ? Que l’on vit une crise politique et pas une crise démocratique aujourd’hui ?

ERIC DUPOND-MORETTI
Non, ça veut dire que certains, en permanence, jettent de l'huile sur le feu pour abattre la République. Ce n'est pas plus compliqué que ça. Vous voulez un dernier exemple ? On a caricaturé le président de la République, il apparaît sur un mur près d'Avignon, en nazi…

THOMAS SOTTO
En HITLER.

ERIC DUPOND-MORETTI
En nazi. Monsieur BOMPARD, LFI, est interrogé, et il dit, mais vraiment du bout des dents, " je ne crois pas que le président de la République soit un nazi ". On ne peut pas y aller un peu plus fort ? On ne peut pas dire les vraies choses ? Moi, si l'on disait demain que monsieur MELENCHON est STALINE, je dirais " non, monsieur MELENCHON n'est pas STALINE ". Je ne dirais pas " Je crois que peut-être ", en minaudant. Vous voyez ? Alors, à force de semer la confusion, naturellement on récolte quoi au fond ? On récolte un climat de violence, un climat délétère, qui profite à qui ? Qui profite à une extrême droite silencieuse. Voilà la réalité dans laquelle nous nous trouvons.

THOMAS SOTTO
J'ai une question à vous poser sur ce que certains appellent des violences policières, d'autres des dérapages de certains policiers. Vous avez demandé au procureur une réponse pénale systématique et rapide à l'encontre des personnes interpellées, des manifestants, pour trouble graves à l'ordre public, atteinte aux personnes et aux biens et actes d'intimidation et menaces contre les élus. Est-ce que vous attendez, Monsieur le Ministre de la Justice, la même célérité de la part de la justice pour ces quelques policiers qui auraient dérapé ?

ERIC DUPOND-MORETTI
Naturellement oui, mais préalablement, vous voyez, on est toujours proche des amalgames et ils sont dangereux. Je n’ai pas demandé de la fermeté à l'encontre des manifestants. Les manifestants ils ont droit de manifester…

THOMAS SOTTO
Non, les manifestants interpellés, c'est ce que j’ai dit, pour trouble grave à l’ordre public.

ERIC DUPOND-MORETTI
D’accord. Moi j’ai demandé de la fermeté contre les casseurs. Je n’ai rien contre les manifestants, je le redis, manifester est un droit constitutionnel, comme le 49.3, c'est le même texte…

THOMAS SOTTO
Est-ce que vous demandez la même sévérité contre les policiers qui agiraient hors des clous ?

ERIC DUPOND-MORETTI
Mais pardon, on a entendu récemment des propos, qui ont été enregistrés, semble-t-il, et le préfet de police, monsieur NUNEZ…

THOMAS SOTTO
Le préfet de police de Paris.

ERIC DUPOND-MORETTI
Le préfet de police de Paris, a immédiatement dit : " Je saisis la justice, je saisis l'Inspection générale de la police nationale ". Ces propos ont choqué. Bien sûr que chaque fois qu'il y a un dérapage, il doit être sanctionné. Mais de là à dire, comme le fait monsieur MELENCHON, " la police tue ", et faire de ces violences quelque chose de systémique, ça, monsieur Thomas SOTTO…

THOMAS SOTTO
Vous êtes très remonté contre monsieur MELENCHON, parce qu’à chaque question vous répondez MELENCHON.

ERIC DUPOND-MORETTI
Non mais c'est insupportable, pardonnez-moi.

THOMAS SOTTO
Je dis : à chaque question vous répondez MELENCHON et LFI, ce matin.

ERIC DUPOND-MORETTI
Mais, je réponds MELENCHON, parce qu’il y a de la confusion qui est savamment entretenue par lui, qui d'ailleurs a été définitivement condamné par la justice de notre pays, pour avoir violenté des policiers et bousculé un procureur de la République. Quelqu’un qui voulait accéder à la magistrature suprême et ensuite devenir Premier ministre, ça fait beaucoup. Je dis, monsieur, que nous avons besoin de dialogue, nous avons besoin d'apaisement, nous avons besoin de redire les choses. J'entends partout que notre démocratie, enfin partout, à l'extrême gauche, que notre démocratie est dévoyée, je le redis : la Constitution est respectée. Et sur les gardes à vue par exemple, vous savez ce que c’est qu’une garde à vue ? Eh bien la garde à vue elle est possible, dès qu'une raison plausible de suspecter existe. Et ensuite la justice fait son travail. C'est pour ça qu'il y a plus d'interpellations que de déferrements, et plus de déferrements que de …

THOMAS SOTTO
Donc pour vous, c'est un signe de bon fonctionnement de la justice.

ERIC DUPOND-MORETTI
Mais ça veut dire que nous ne sommes pas dans un état policier, contrairement à ce que certains nous racontent.

THOMAS SOTTO
Alors, tout le monde n’est pas aussi tendu qu'on veut bien le dire, et notamment Marlène SCHIAPPA qui fait la Une de Playboy. Je ne vais pas vous demander si vous auriez fait la Une de Playboy, mais est-ce qu'elle a raison de faire ça Marlène SCHIAPPA ? Est-ce que dans le contexte actuel, elle a raison de faire ça ?

ERIC DUPOND-MORETTI
Moi je ne juge pas de la communication de mes collègues. Premier point.

THOMAS SOTTO
Oui, ça c'est une esquive.

ERIC DUPOND-MORETTI
Deuxième point, Marlène SCHIAPPA n'est pas une péronnelle, c'est quelqu'un qui s'est totalement engagée, notamment à la suite du Grenelle. Et, ce qu'elle a fait pour les femmes, peu de responsables politiques l'ont fait.

THOMAS SOTTO
Elisabeth BORNE a trouvé ça pas très approprié, a fortiori dans la période.

ERIC DUPOND-MORETTI
Non mais voilà, qu'il y ait une difficulté quant à la temporalité, c'est ce qu'a exprimé la Première ministre. La Première ministre c'est le chef du gouvernement, la cheffe du gouvernement, ce qui n'est pas mon cas. Pour le reste, je dois vous dire que je n'ai pas lu cette interview.

THOMAS SOTTO
Elle n’est pas encore sortie.

ERIC DUPOND-MORETTI
L’avez-vous lue ?

THOMAS SOTTO
Non, parce qu'elle n'est pas encore sortie.

ERIC DUPOND-MORETTI
Alors, attendons de lire ce qu'il contient. Parfois il y a des communications disruptives qui sont porteuses. Je pense que…

THOMAS SOTTO
Oui mais quand même…

ERIC DUPOND-MORETTI
Je pense que…

THOMAS SOTTO
Avec Marlène SCHIAPPA en Une de Playboy, Olivier DUSSOPT, le ministre du Travail, qui choisit de faire son coming-out dans Têtu, Emmanuel MACRON qui dans Pif Gadget, il y a quand même un truc bizarre, ça ressemble à une tentative de diversion, ou on a l'esprit mal tourné ?

ERIC DUPOND-MORETTI
Mais enfin, écoutez, que le président de la République s'adresse aux enfants, une fois, ce n’est pas si mal que ça, non ?

THOMAS SOTTO
Oui…

ERIC DUPOND-MORETTI
Ce sont des citoyens de demain. Qu'il parle aux enfants, moi, ça ne me choque pas.

THOMAS SOTTO
Mais vous, on ne vous voit pas dans ce genre de publications.

ERIC DUPOND-MORETTI
Mais moi je viens aux " 4V ", voyez. Mais certains critiqueront cela dans doute. On peut tout critiquer monsieur Thomas SOTTO. Voilà. Moi je n'ai rien d'autre à dire là-dessus, je ne distribue pas les bons points, et je ne souhaiterais d'ailleurs que l'on critique ma communication, même si elle est sans doute à quelques égards critiquables.

THOMAS SOTTO
Est-ce que la politique et la pression, parfois fait perdre la tête ? Je fais allusion à ce que vous avez, à ce qui vous est arrivé à l'Assemblée avec ces bras d'honneur.

ERIC DUPOND-MORETTI
Ecoutez, je regrette ce geste et je l'ai dit. Je l’ai dit publiquement, je l'ai dit à l'Assemblée. J'ai mal vécu le fait que l'on évoque la présomption d'innocence. Et il y a eu ce geste, une fois encore je le regrette, et il y a eu les mots qui ont été prononcées autour de ce geste, et les mots c'était : voilà comment vous avez traité la présomption d'innocence. Ça n'était pas adéquat, je vais essayer de rencontrer et monsieur MARLEIX, je veux le lui dire les yeux dans les yeux…

THOMAS SOTTO
… du groupe LR.

ERIC DUPOND-MORETTI
Je lui ai déjà dit, je trouve que voilà, on a polémiqué là-dessus, je me suis expliqué…

THOMAS SOTTO
L'affaire est close pour vous. Eric DUPOND-MORETTI, après cette interview, vous allez partir la maison d'arrêt de Bois-d'Arcy, prison surpeuplée, avec des conditions de détention souvent décrites comme indignes, et vous allez y emmener une soixantaine de patrons, dont certains grands patrons et des représentants du MEDEF. Quel est le but de ce déplacement ?

ERIC DUPOND-MORETTI
Mettre en valeur le contrat que j'ai mis en place et qui permet à des patrons de faire travailler des détenus.

THOMAS SOTTO
On peut faire quoi comme métier en prison ?

ERIC DUPOND-MORETTI
On peut tout faire en prison. L'idée c'est que la peine ne soit pas un moment inutile. La peine c'est une punition et il faut l'assumer avec fermeté, et c'est aussi permettre la réinsertion. Et le travail permet la réinsertion. Le sens de l'effort n'est pas un sens interdit, même en prison, et d'ailleurs j'ai supprimé les réductions automatiques de peines. Je les ai conditionnées…

THOMAS SOTTO
… travail aujourd'hui.

ERIC DUPOND-MORETTI
Oui, bien sûr.

THOMAS SOTTO
Quel est le pourcentage de prisonniers qui travaillent aujourd'hui, de détenus ?

ERIC DUPOND-MORETTI
Un peu plus de 30%. On a gagné 5 points depuis que je suis garde des Sceaux, et moi je souhaite qu’on dépasse largement ce chiffre. Pourquoi ? D’abord parce que c'est bon pour la formation du détenu et c'est le gage d'une absence de récidive. C'est bon pour toute la société, parce que s'il n’y a plus de récidive, il n'y a plus de sécurité naturellement.

THOMAS SOTTO
Et les patrons, il faut les convaincre ou pas ?

ERIC DUPOND-MORETTI
Alors, il faut bien sûr les convaincre. C'est bon pour les patrons, parce que c'est 45% du Smic, nous prenons en charge toutes les formalités administratives. On peut aller très vite, ça évite des délocalisations à l'étranger. Et enfin, et enfin, c'est bon pour les victimes, parce qu'une partie de ce salaire est prélevée pour indemniser les victimes. C'est 4 fois gagnant, voyez-vous ?

THOMAS SOTTO
Merci beaucoup Eric DUPOND-MORETTI, d’être venu dans " Les 4V ".


source : Service d’information du Gouvernement, le 4 avril 2023