Interview de M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des Outre-mer, à BFMTV le 5 avril 2023, sur le trafic de stupéfiants, le terrorisme et les violences policières.

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Média : BFM TV

Texte intégral

APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour Gérald DARMANIN.

GERALD DARMANIN
Bonjour.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous êtes le ministre de l’Intérieur, bien sûr, de nombreuses questions à vous poser ce matin, dans une demi-heure précisément, vous serez auditionné à l’Assemblée nationale, puis, au Sénat, sur votre gestion du maintien de l’ordre, après les affrontements à Sainte-Soline, mais aussi les affrontements en marge des manifestations, mais je voudrais qu’on commence par parler de Marseille ; Marseille où il y a eu des morts en pleine rue, trois morts ce week-end, le plus jeune a 16 ans. 8 blessés graves. Nos reporters RMC ont été dans la cité de la Paternelle, ils ont rencontré des dealers. Et quand ils ont su que je vous recevais ce matin, l’un d’eux s’est adressé directement à vous.

UN HABITANT DE LA CITE PATERNELLE A MARSEILLE
DARMANIN, il parle beaucoup, mais il n’agit pas, et tu as vu pour arrêter les réseaux, ça ne sert à rien d’envoyer les CRS dans les quartiers et de mettre des amendes ou à nos soeurs, à nos mères, de mettre la voiture de nos papas en fourrière parce qu’ils n’ont pas d’assurance, ils ne savent pas ça, les CRS, les tueurs, ils ne sont pas dans le quartier, ils sont enfermés dans des apparts, guitare à la main. Vous voulez les trouver, vous n’avez qu’à faire des enquêtes, ce n’est pas qu’en contrôlant des voitures qui rentrent, qui sortent que vous allez trouver des tueurs, que vous allez cesser le réseau, parce que les seuls gens qui rentrent qui sortent, c’est des gens qui habitent là, on n’a pas le choix, nous.

APOLLINE DE MALHERBE
Alors, je le précise pour que tout le monde comprenne bien, quand il dit : les tueurs, ils sont clairement tranquillement enfermés dans leurs apparts, la guitare à la main, la guitare à la main, c’est la kalachnikov, jouer de la guitare, c’est tirer des rafales. Qu’est-ce que vous répondez ?

GERALD DARMANIN
Que le trafic de drogue est très important dans notre pays, qu’à Marseille, il est particulièrement important, chacun le sait, qu’il gangrène, il gangrène la ville de Marseille, il gangrène notre pays, la consommation est très forte dans notre pays, et les trafics sont très importants. Et que pour lutter contre l’insécurité de manière générale, la mère des batailles, c’est le trafic de drogue. Alors, il y a des efforts qui sont faits par la police, par la justice, depuis le 1er janvier par exemple, à Marseille, en moins de trois mois, c’est 1,2 tonne de cannabis rien qu’à Marseille qui a été saisie, c’est plus de 500 dealers qui ont été interpellés, mais ce n’est pas assez ; il est évident que ce n’est pas assez. Et bien sûr, il n’y a pas que des CRS à mettre dans des quartiers, il y a de la police judiciaire, il y a du fisc, il y a de la douane, il y a de la justice. Mais il y a à faire beaucoup plus dans la lutte contre la drogue. Et chacun en a une part, bien sûr, le gouvernement, qui doit mettre encore plus de moyens, c’est ce que nous faisons à la demande de la Première ministre et du président de la République, on aura l’occasion d’en reparler. Mais c’est aussi ce qu’on doit tout faire, collectivement, notamment le fait que…

APOLLINE DE MALHERBE
Ça veut dire quoi tous collectivement ?

GERALD DARMANIN
Eh bien, la consommation s’est débridée dans notre pays, que ce soit pour le cannabis ou pour la cocaïne, et lorsqu’il y a une demande, il y a une offre, s’il y avait moins de consommation, moins de consommation de cannabis, moins de consommation de cocaïne, et ce n’est pas le fait que des quartiers, parce que, que ce soit les quartiers Nord de Marseille, ce n’est pas que les gens des quartiers Nord de Marseille qui consomment de la drogue.

APOLLINE DE MALHERBE
Et d’ailleurs, ça touche désormais beaucoup plus de villes, beaucoup plus de territoires, Nantes, Orléans, Rennes, mais au fond, vous reprenez les propos, j’imagine que vous étiez d’accord, du ministre de la Justice, qui, hier, disait : en fait, celui qui fume un joint le samedi soir, il est complice, au fond.

GERALD DARMANIN
Alors, vous avez raison, ou celui qui prend son rail de coke festif dans une boîte de nuit, dans un beau quartier, et encore une fois, les quartiers populaires subissent, non seulement les trafics, mais les consommateurs qui viennent consommer…

APOLLINE DE MALHERBE
Parce que vous voulez dire quoi, c’est qu’il y aurait les quartiers populaires qui se retrouvent dans les trafics, et puis, les quartiers bourgeois qui consomment ?

GERALD DARMANIN
C’est caricatural, mais c’est un peu ça. Je prends l'exemple de Nanterre, pas très loin d'ici, il y a un quartier, il y a des tours Pablo Picasso, c'est un quartier très populaire, pour m’y être rendu plusieurs fois, il n’y a pas très longtemps, il a fait d'ailleurs la Une des journaux, c'est les gens de La Défense qui viennent…

APOLLINE DE MALHERBE
Donc La Défense, quartier des affaires…

GERALD DARMANIN
Qui viennent consommer…

APOLLINE DE MALHERBE
La cité Picasso à Nanterre, quartier populaire…

GERALD DARMANIN
Exactement…

APOLLINE DE MALHERBE
Et donc, il y a l’offre dans la cité populaire, et il y a la demande du côté des cols blancs, comme on dit, ou de ceux qui travaillent dans les tours de La Défense.

GERALD DARMANIN
Oui, il y a aussi des livraisons à domicile, un Uber Shit, ça existe, c'est-à-dire, pardon pour la société, mais ça veut dire que des scooters, des voitures, parfois des drones livrent de la drogue, y compris dans des quartiers plus bourgeois. Ce que je veux dire, c'est que les quartiers populaires payent deux fois, ils payent les trafiquants de drogue, les règlements de comptes, et ce qui se passe à Marseille est évidemment dramatique, et ils payent aussi le fait que des gens plus aisés viennent consommer, viennent récupérer…

APOLLINE DE MALHERBE
Allez-vous sanctionner des consommateurs, aujourd'hui, la réalité, c'est que les sanctions, elles existent officiellement, il y a 200 euros d'amende par exemple si on fume du cannabis, sauf que, on a des policiers qui nous le disent, jamais ça n'est appliqué.

GERALD DARMANIN
Alors, ce n’est pas tout à fait vrai, si je peux me permettre, il y a 2 ans, nous avons créé pour la première fois, c'est ce gouvernement-ci, à la demande du président, qui a créé une sanction pour les consommateurs, ça n'existait pas auparavant, c'est donc une amende pénale, à la fois, vous devez payer, mais en plus, c'est sur votre casier judiciaire, ce n'est pas une simple amende. Cette amende, elle est recouvrée, plus de 50 % des gens la payent. C'est aussi un outil de police, l'amende, ça permet de faire les contrôles d'identité, ça permet aussi de dire que quelqu'un a consommé, et donc, après, lorsqu’on fait un certain nombre d'actions de justice ou de police, on peut savoir que cette personne a déjà consommé du cannabis…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais est-ce qu’il faut sanctionner davantage ?

GERALD DARMANIN
En tout cas, il faut qu'on y réfléchisse, aujourd'hui, cette amende, elle ne concerne pas les moins de 18 ans, et elle ne concerne pas les gens qui sont en récidive. Donc elle est forcément limitée, elle est importante, mais elle est forcément limitée…

APOLLINE DE MALHERBE
Vous pourriez l’étaler aux mineurs…

GERALD DARMANIN
Nous y travaillons. Alors, la question des mineurs pose une question sans doute constitutionnelle, mais la question de la récidive ou la question de l'augmentation des peines de cette amende est sans doute à l'ordre du jour, on y travaille beaucoup avec le Garde des sceaux, je veux dire quand même que la lutte contre la drogue, même si elle est très difficile, et qu'on y met beaucoup de moyens et que c’est la mère des batailles, a quand même quelques succès, d'abord, il y a moins de points de deal, ça ne veut pas dire qu'il y a moins de drogues, ça veut dire qu’il y a moins de drogues sur l’espace public, c'est déjà une première chose, à Marseille, c'est 20% de points de deal en moins en 2 ans. Toutes les demi-heures, les CRS à Marseille font des opérations anti-deal…

APOLLINE DE MALHERBE
Oui, mais le problème, Gérald DARMANIN, ce n’est pas qu’ils le fassent, c'est : qu'est-ce que ça devient derrière, vous venez de dire qu'il y avait eu 500 dealers interpellés, mais ils sont où, là, ils sont revenus pour la plupart d’entre eux…

GERALD DARMANIN
Non, une très grande partie d'entre eux sont en prison ou sont en préventive, incontestablement, après, la réponse pénale est la réponse pénale, il manque un certain nombre de magistrats pour suivre le travail de la police et de la gendarmerie. Eric DUPOND-MORETTI crée beaucoup de postes de magistrats, c'est plus d’une cinquantaine rien qu'à Marseille.

APOLLINE DE MALHERBE
Oui, mais on a parfois l'impression que c'est le flux et reflux et que c’est au rythme presque des règlements de comptes, de vos venues à Marseille, des annonces de plus de policiers, j'ai regardé, depuis que vous avez pris votre poste, décembre 2021, vous annoncez un renfort, 3 compagnies de CRS seront présentes désormais tous les jours, soit 200 policiers fidélisés à Marseille, et puis, vous ouvrez de nouveaux commissariats, vous annoncez un hôtel de police, le 25 février 2021, vous allez à Marseille en tant que ministre de l'Intérieur après une série de règlements de comptes, et là, vous annoncez 300 policiers supplémentaires en 2 ans. Août 2022, vous êtes à nouveau à Marseille, vous accueillez 65 nouveaux policiers avec l'objectif précis de lutter contre le trafic de drogue. Le mois dernier, février 2023, déjà des règlements de comptes et déjà les CRS 8…

GERALD DARMANIN
Mais il y a beaucoup de règlements de comptes à Marseille…

APOLLINE DE MALHERBE
Ils sont venus, ils sont restés 5 jours, ils sont repartis…

GERALD DARMANIN
Non, ce n’est pas vrai. Si je peux me permettre, à Marseille, depuis que je suis ministre de l'Intérieur, à la demande du président, il y a 300 policiers de plus…

APOLLINE DE MALHERBE
Non, mais les CRS 8, ils sont venus, ils sont repartis, comme ils vont le faire cette fois-ci…

GERALD DARMANIN
Il y a 300 policiers de plus en 2 ans. Par ailleurs, il y a 200 CRS qui restent fidélisés, il y a 3 unités de compagnies de CRS à Marseille, donc il y a 500 policiers de plus…

APOLLINE DE MALHERBE
De manière permanente…

GERALD DARMANIN
De manière permanente à Marseille, aucune ville de France ne connaît ça, et ça n'a pas de précédent. Chacun sait que Marseille, depuis très longtemps, c'est une ville absolument magnifique, et en même temps, c’est une ville qui connaît des trafics très importants, avec des quartiers très difficiles, bon, qu'il faut aider à sortir. La réponse n'est pas que policière, d'ailleurs, Madame DE MALHERBE, c'est l'urbanisme, c'est la politique du logement, c'est une politique de transport, c'est ce que font les élus de Marseille, aidés par le gouvernement. Il n’y a pas que des policiers qui règlent le problème de la drogue, vous le savez bien, c'est très important, mais ce n'est pas que ça. Et c'est 20% de points de deal en moins, et c’est 500 trafiquants arrêtés depuis le 1er janvier. Si vous voulez me faire dire qu'il faut faire davantage pour lutter contre le trafic de drogue, bien sûr, vous avez raison, mais je pense que ce qu’il faut bien comprendre, parce qu'on pourrait se dire, c'est une mer que l'on vide à la bouteille ou à la cuillère, parce que tous les pays autour de nous ont ce genre de difficultés, les Pays-Bas connaissent des difficultés extrêmement fortes, la Belgique connaît des difficultés extrêmement fortes, l'Espagne connaît des difficultés extrêmement fortes…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais nous sommes les premiers consommateurs…

GERALD DARMANIN
Alors, vous aurez constaté que pour la première fois en 2021 (sic)… en 2022, pardon, la consommation de cannabis a baissé dans notre pays. Ce sont des études scientifiques qui le disent. Ça n’a pas baissé fortement, mais pour la première fois depuis 20 ans ça a baissé…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais c’est un signal.

GERALD DARMANIN
En revanche, exactement, la consommation de cocaïne semble avoir augmenté. Donc les Français, pour une partie d'entre eux, consomment de la drogue, en consommant de la drogue, même de manière festive, même de manière, pardon, je mets les guillemets, bourgeoise, même de manière sympathique, ils font naître des trafics. Ces trafics, vous savez, ils font naître beaucoup d’autres trafics, d'abord, de l'argent sale qui finance le terrorisme pour une partie d'entre eux, la prostitution, des actes de tortures, des assassinats ciblés, et effectivement, quand on fume du cannabis, ou quand on prend son rail de coke, eh bien, on est un petit peu responsable aussi de ce qui se passe dans les règlements de comptes.

APOLLINE DE MALHERBE
On va revenir d’ailleurs, vous venez de prononcer le mot de terrorisme, on va y revenir dans un instant, mais encore une question, parce que ce n'est pas que Marseille, la justice le dit, il y a de plus en plus d’enquêtes qui sont menées à Nantes, à Rennes, à Orléans, on a eu une course poursuite en pleine rue, la semaine dernière, avec un mort, est-ce que vous avez le sentiment que cette guerre-là des territoires, elle s'est désormais étalée sur toute la France, et que de ce point de vue-là, c'est quand même très inquiétant, parce que vous ne pouvez pas mettre la compagnie de CRS partout à la fois.

GERALD DARMANIN
Alors, on crée davantage d’unités de police, parce qu'on sait qu'il y a beaucoup à faire, évidemment…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais les CRS 8, là, ils vont repartir.

GERALD DARMANIN
Alors les CRS 8, c’est une unité d'urgence, c'est comme si vous appeliez le SAMU, le SAMU, il ne reste pas, ce qui compte, c'est votre médecin généraliste, donc, il y a des médecins généralistes, pardon de ce parallèle…

APOLLINE DE MALHERBE
Il n’y en a pas beaucoup en France justement…

GERALD DARMANIN
Mais les 500…

APOLLINE DE MALHERBE
Il y a beaucoup de déserts médicaux, la comparaison n’est pas forcément la meilleure, mais…

GERALD DARMANIN
Les 500 policiers… eh bien, en tout cas, il y a plus de policiers et de gendarmes, il y a 500 policiers de plus qu'il y a à Marseille, et puis, il y a, lorsqu'il y a des grosses difficultés, on envoie des unités d'élite, le RAID, le GIGN, la BRI pour ce qui est du terrorisme, ou la CRS 8 par exemple, pour ce qui est des violences urbaines, donc la CRS 8, sa vocation, c'est d'être une unité d'urgence qui vient quelques jours pour calmer tout le monde, mais ça ne règle pas structurellement le problème, on en est bien d'accord. Pour répondre à votre question, oui, le trafic de drogue est très important. Et vous savez, ces règlements de comptes, ils sont aussi dus au fait que lorsqu'on interpelle des gens, lorsqu’on met fin à un trafic, lorsqu'on démantèle des points deal, 20 % de points de deal en moins depuis 2 ans, d'autres essayent de prendre le marché, parce qu'un point de deal, c’est entre 30.000 et 100.000 euros d'argent liquide. Donc ils essaient de prendre le marché, celui qui a été interpellé chez lui, qui est en prison, essaie de reconquérir, y compris par procuration son point de deal aussi. Et ça fait des règlements de comptes. Il y a ceux qui parlent aussi à la police et à la justice, et ça fait des règlements de comptes, les règlements de comptes, malheureusement, qui sont un drame à chaque fois, c'est aussi la conséquence du travail de la police et de la justice. Si vous ne voulez pas de règlement de comptes, si vous ne voulez pas de problème dans les quartiers…

APOLLINE DE MALHERBE
C'est le fait d'avoir donné un coup de pied dans la fourmilière…

GERALD DARMANIN
Oui, mais si vous ne voulez pas de problème, ce que je veux dire également aux Français, vous ne faites pas de travail de police, vous laissez comme ça a été le cas pendant de nombreuses années, cahin-caha, les trafics de drogue continuer, vous fermez les yeux, alors, là, c'est sûr que les trafiquants de drogue, ils n’ont pas envie de voir la police, et quand il n’y a pas de police, en général, eh bien, c'est plus calme, et ont fait plus de business, eh bien, ce n'est pas le choix qu'on a fait, on donne des coups dans la fourmilière, c'est difficile, il y a beaucoup à faire. Je veux dire que le gouvernement doit faire encore plus, bien évidemment, je salue les policiers pour leur travail très difficile et très risqué, il y a eu un policier qui est mort, rappelez-vous, à Avignon du règlement de comptes de la drogue, je veux dire aussi que les consommateurs, les Français, ont une part de responsabilité.

APOLLINE DE MALHERBE
Gérald DARMANIN, terrorisme islamiste, ça faisait longtemps qu'on n'avait pas prononcé ce mot, on espérait ne plus avoir à le prononcer, il y a une arrestation hier dans le Haut-Rhin, un jeune de 14 ans suspecté de vouloir commettre un attentat terroriste islamiste, est-ce que vous pouvez nous en dire plus sur son profil, son projet, et sur l'état de la menace ?

GERALD DARMANIN
Alors, il y a le Parquet national antiterroriste qui est ouvert, c'est une situation très sérieuse, là, c’est la DGSI, donc les services de renseignements, le ministère de l'Intérieur, que je salue pour leur travail, ont réussi à interpeller cette personne. Ce que je peux vous dire, c'est qu'il y a eu 41 attentats déjoués depuis 2017, à peu près petite dizaine depuis 2020, la menace terroriste islamiste, elle est extrêmement forte, la menace d’ultradroite, elle est très forte aussi. Il y a eu 9 attentats déjoués d’ultradroite depuis 2017, et la menace d’ultragauche, elle est forte aussi, fin 2020, il y a eu, et ces personnes sont devant la justice, une menace d'ultra-gauche de personnes qui voulaient s’en prendre aux forces de l’ordre. La menace terroriste, en général, et islamiste, en particulier, est très forte. Au mois de mars, c'est-à-dire, il y a un mois, il y a déjà eu, ça n’a fait peut-être pas la Une des journaux, mais il y a déjà eu une interpellation pour quelqu'un qui voulait commettre manifestement des attentats. Donc oui, la police, la gendarmerie, les services de renseignements sont très attentifs à ce qui se passe…

APOLLINE DE MALHERBE
Vous avez de vous-même évoqué le terrorisme d’ultradroite, le terrorisme d’ultragauche, ce week-end, vous disiez : je refuse de céder au terrorisme intellectuel de l'extrême gauche, est-ce qu'on peut vraiment utiliser le mot de terrorisme ?

GERALD DARMANIN
Le terrorisme, ça a plusieurs significations, et la terreur, c'est le fait que par la démonstration de force, y compris par la démonstration de force morale, ou la répétition d'images, ou la répétition de choses fausses, de vous faire reculer politiquement. Et moi, j'ai constaté que depuis 15 jours, sans évidemment le lier à des attentats terroristes, la terreur existait pour des policiers et des gendarmes.

APOLLINE DE MALHERBE
Oui, mais est-ce que vous iriez jusqu’à dire qu’aujourd’hui, une partie politique de l’extrême gauche est tentée de basculer dans une forme de terrorisme pour le coup, comme il y a eu Action Directe en Italie ? Est-ce que c’est ce que vous essayez d'installer comme idée ?

GERALD DARMANIN
Alors, moi, j’essaie de décrire la réalité que je vois politiquement, on est tout assez libre, bien sûr, de ne pas être d'accord avec ce que je dis, mais je constate qu'une partie de l'extrême gauche, évidemment, est dans une forme de violence.

APOLLINE DE MALHERBE
L’extrême gauche politique, vous pensez à ceux qui siègent à l’Assemblée nationale ?

GERALD DARMANIN
Moi je crois que lorsqu’on coupe la tête symboliquement d’un ministre, qu’on le met sur un ballon de foot et qu’on l’écrase en public, et qu’on le revendique…

APOLLINE DE MALHERBE
Ce qu’a fait un des députés de la France insoumise.

GERALD DARMANIN
Voilà, je pense que ça ne permet pas l’apaisement des esprits.

APOLLINE DE MALHERBE
Ils seront devant vous ces députés tout à l’heure, dans 20 minutes maintenant, parce que vous êtes auditionné…

GERALD DARMANIN
Je serai plutôt devant eux, c’est à moi d’être devant eux.

APOLLINE DE MALHERBE
Voilà, c’est vous qui serez devant eux puisque vous serez auditionné sur la question d’arrestations abusives, d’usage proportionné de la force, de pétitions aussi autour de la BRAV-M, toutes ces questions aussi de maintien de l’ordre, vous allez devoir défendre votre gestion après les affrontements en fins de manifestations et Sainte-Soline. Il y a d’abord eu quatre plaintes déposées contre les forces de l’ordre, c’est ce qu’a donné comme indication le procureur hier, il dit « qu’il appartient désormais à l’institution judiciaire de vérifier si l’usage de la force a été conforme ou non aux exigences de la loi. » Est-ce que vous vous dites que potentiellement, potentiellement, les policiers ont effectivement abusé de leur droit à usage de la force ?

GERALD DARMANIN
D’abord moi mon rôle de ministre de l’Intérieur, par conviction et par rôle, c’est de soutenir les forces de l’ordre, ils font un travail difficile et chacun a vu, sur leurs écrans de télévision, l’hyper violence auquel ils avaient fait face, notamment à Sainte-Soline.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous avez vu aussi les vidéos de l’autre côté.

GERALD DARMANIN
Moi il n’y a pas deux camps qui s’affrontent, il y a celui de la République, celui des policiers, des gendarmes, que nous embauchons, ce sont des fonctionnaires qui appliquent la loi et qui ont des armes pour se défendre, et pour défendre la République, et puis il y a de l’autre côté des casseurs, donc moi je ne fais pas de signe = entre les deux. Qu’il y ait des policiers, ou des gendarmes, qui de manière individuelle ne respectent pas, soit les ordres, soit la déontologie, ça existe bien sûr, et il faut les sanctionner, bien évidemment, mais a priori le corps social de la police et de la gendarmerie ne sont pas à mettre à l’équivalent des gens qui jettent des cocktails Molotov sur eux, ça c’est mon premier point. Deuxièmement, il est tout à fait normal, dans une grande démocratie comme la France, d’abord comme ministre de l’Intérieur, rendre compte, rendre compte aux médias évidemment, mais rendre compte devant le Parlement, je suis moi-même parlementaire, le temps que je suis ministre je ne le suis pas, mais il est tout à fait logique d’être contrôlé par les deux commissions des lois et donc j’ai évidemment dit oui tout de suite dès que l’on m’a invité à m’expliquer, et c’est normal que ce soit le ministre de l’Intérieur qui concentre les critiques lorsque les policiers, les gendarmes, peuvent être critiqués, ou en tout cas on peut regarder ce qu’ils font, c’est tout à fait classique, et c’est tout à fait normal que la justice soit saisie. Moi je comprends très bien que les personnes qui ont leurs enfants, leur conjoint, leurs parents, dans un état de blessure grave, ou qui luttent pour la vie comme ils le font aujourd’hui, j’ai évidemment une pensée pour eux, cherchent à savoir ce qui s’est passé.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais au fond c’est toujours la même question, c’est la question ensuite de l’effectivité, c’est-à-dire vous nous disiez tout à l’heure il y a 500 dealers qui ont été arrêtés, moi j’ai envie de savoir aussi, à la fin, où est-ce qu’ils sont ces 500 dealers, une fois qu’ils ont été arrêtés…

GERALD DARMANIN
Il faut inviter le ministre de la Justice.

APOLLINE DE MALHERBE
La question c’est aussi, quand des policiers sont suspendus, voire même sanctionnés, est-ce véritablement effectif ? d’après nos informations, et notamment celles de Guillaume BIET du service police/justice de RMC, il y a eu des images qui étaient restées, comme une séquence emblématique des violences policières lors des manifestations des Gilets jaunes, c’était le 1er décembre 2018, avec l’Arc de Triomphe. En fin de journée il y a des manifestants qui s’étaient réfugiés dans un Burger-King, on se souvient tous de ces images, ils avaient été violemment délogés, matraqués par des CRS, et l’IGPN avait conclu que l’usage de la force n’était pas proportionné, je cite, sur la totalité des coups de matraques ou des pieds assénés, aucun ne semblait justifié, voilà l’avis de l’IGPN. Eh bien à ce jour, à ce jour, alors que ces sanctions ont été prononcées, aucune n’a été appliquée.

GERALD DARMANIN
D’abord vous aurez constaté que je ne suis pas d’accord avec le mot violences policières. Qu’il y ait des violences commises par des policiers, des violences qui ne sont pas légitimes, c’est vrai…

APOLLINE DE MALHERBE
Vous n’êtes donc pas d’accord avec le ministre de l’Education nationale ?

GERALD DARMANIN
Moi je ne suis pas d’accord avec le mot violences policières.

APOLLINE DE MALHERBE
Donc vous n’êtes pas d’accord avec le ministre de l’Education nationale.

GERALD DARMANIN
Je n’ai pas entendu ce qu’a dit mon collègue Pap NDIAYE.

APOLLINE DE MALHERBE
Eh bien je vais vous dire ce qu’il a dit Pap NDIAYE, il a dit « il y a bien des violences policières en France, on est dans le déni, cela ne me surprend pas parce que l’attitude de déni en ce qui concerne les violences policières en France est classique et depuis longtemps. Il n’y aurait de violences policières qu’aux Etats-Unis, mais non, en France il n’y en n’a pas nous dit-on, on nous dit qu’il n’y en n’a pas, et c’est parce qu’on nous dit qu’il n’y en n’a pas qu’il n’y aurait pas, et d’ailleurs nous sommes en République, c’est à peu près ce qu’on nous dit », voilà ce que disait Pap NDIAYE en juin 2020.

GERALD DARMANIN
Oui, mais moi je n’ai pas entendu Pap NDIAYE et si jamais il a tenu ces propos je ne suis pas d’accord avec lui, je ne suis pas d’accord avec le mot violences policières, mais pourquoi, c’est un débat très intéressant, parce que violences policières ça voudrait dire que les policiers structurellement pourraient être violents, ils le sont parce que nous leur demandons de l’être, d’utiliser la force, au nom de la loi, parce qu’il faut rétablir l’ordre public, parce qu’il faut protéger un bâtiment public. Lorsque les policiers protègent la mairie du 11e arrondissement et qu’ils utilisent la force pour empêcher que cette mairie du 11e arrondissement, c’était le cas voilà quelques jours, soit brûlée par les casseurs, eh bien ils utilisent la force bien évidemment. Après qu’individuellement des policiers aient un comportement qui soit violent, disproportionné, non conforme à la déontologie, bien sûr qu’il faut les sanctionner. Je donne un exemple. Depuis que je suis ministre de l’Intérieur l’année dernière j’ai sanctionné 111 policiers et gendarmes…

APOLLINE DE MALHERBE
111 en 2021.

GERALD DARMANIN
Voilà.

APOLLINE DE MALHERBE
Combien en 2022 ?

GERALD DARMANIN
On doit être à peu près à une centaine, on doit être à 108 ou 109, le problème c’est que, vous savez comment ça se passe, je saisis l’Inspection générale de la police nationale, où d’ailleurs j’ai mis une magistrate à sa tête, pour la première fois il y a une magistrate, il n’y a pas un policier, qui fait des enquêtes sur les policiers, souvent la justice se saisit en parallèle, et ça met un an, un an et demi, comme toute décision de justice, pour arriver. Nous avons, depuis le Burger-King…

APOLLINE DE MALHERBE
Oui, mais une fois que la décision est arrivée, là elle est arrivée en l’occurrence en mars 2022 et à ce jour les neuf CRS sanctionnés ne sont toujours pas sanctionnés.

GERALD DARMANIN
Madame Apolline de MALHERBE, vous avez raison sur le fait que, hier encore, comme dirait le chanteur, ce n’était pas tout à fait parfait, ce que j’ai fait, rappelez-vous, c’était…

APOLLINE DE MALHERBE
Et demain ce sera parfait ?

GERALD DARMANIN
Non, on essaye, on essaye de tendre à la perfection parce que la police et la gendarmerie c’est évidemment des armes démocratiques extrêmement importantes et en même temps on comprend bien qu’elles font naître beaucoup de questions, et c’est tout à fait logique, en démocratie on se les pose. Depuis que je suis ministre de l’Intérieur, et c’était notamment le cas lorsque je suis allé devant la commission des lois, rappelez-vous, au moment de l’affaire ZECLER, mais c’était aussi le cas - j’avais parlé des péchés capitaux – c’était aussi le cas lors de la loi que j’ai fait adopter, nous avons changé beaucoup de choses, par exemple désormais…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais est-ce qu’il y a un déni de violences policières ?

GERALD DARMANIN
Non.

APOLLINE DE MALHERBE
Pap NDIAYE disait ça avant d’être ministre, mais enfin j’imagine qu’il le pense toujours, il avait l’air de le dire avec beaucoup de conviction, il disait qu’il y avait un déni de violences policières.

GERALD DARMANIN
D’abord les policiers et les gendarmes sont vraiment des bouc-émissaires, de temps en temps, pour une partie de l’opinion…

APOLLINE DE MALHERBE
Vous en avez parlé avec lui, avec le ministre de l’Education, vous avez déjà eu cette discussion ?

GERALD DARMANIN
Je vois souvent le ministre de l’Education, mais…

APOLLINE DE MALHERBE
Vous vous voyez, mais ma question c’est est-ce que vous en parlez ?

GERALD DARMANIN
Non, on n’en n’a jamais parlé, mais encore une fois je n’ai pas la même conception…

APOLLINE DE MALHERBE
Ce n’est pas parce qu’il y a un déni justement que vous n’en parlez pas ?

GERALD DARMANIN
Non, je ne le crois pas. Vous savez, les policiers, les gendarmes, c’est des gens qui ne s’engagent pas dans la police et la gendarmerie…

APOLLINE DE MALHERBE
Non, mais y compris un déni aussi de ceux qui en parlent, c’est-à-dire qu’en fait personne ne se parle dans cette histoire.

GERALD DARMANIN
Si, si, les policiers, les gendarmes, ils en parlent. Vous savez, il faut les voir le matin dans les commissariats, ou la nuit, faire leur travail. Qui est allé avec eux à Sainte-Soline, qui a été voir la BRAV ? moi je suis allé prendre un café avec les gens de la BRAV, vous pensez que ce ne sont pas des femmes et des hommes, pères de famille, mères de famille, qui se font insulter, caillasser, menacer, on menace leurs enfants à l’école, vous trouvez que c’est normal pour un policier qui est payé 2000 euros par mois de se faire menacer ses enfants à l’école, c’est les policiers et les gendarmes de la République qui sont les premiers menacés par les attentats terroristes.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais est-ce que ça excuse ou est-ce que ça explique…

GERALD DARMANIN
Ça n’excuse rien, mais ce sont des femmes et des hommes qu’il faut respecter.

APOLLINE DE MALHERBE
Bien sûr, bien sûr…

GERALD DARMANIN
Et quand Monsieur MELENCHON…

APOLLINE DE MALHERBE
Chaque homme et chaque femme qui emmène ses enfants à l’école…

GERALD DARMANIN
Mais quand Monsieur MELENCHON dit qu’il faut les soigner, là personne n’interroge Monsieur MELENCHON pour dire, il faut soigner, il faut rééduquer…

APOLLINE DE MALHERBE
Si, moi j’adorerais l’interroger, mais il ne répond plus.

GERALD DARMANIN
Ce n’est pas moi, je peux vous donner son numéro de téléphone…

APOLLINE DE MALHERBE
Je l’ai.

GERALD DARMANIN
Mais je ne suis pas sûr que je sois le meilleur porte-parole pour Monsieur MELENCHON, mais quand Monsieur MELENCHON dit qu’il faut soigner les policiers, psychologiquement, psychiatriquement, vous pensez que les pères et mères de famille qui sont policiers, qui nous écoutent, trouvent ça bien ? alors si le ministre de l’Intérieur, dans des moments difficiles, n’est pas là pour protéger parce qu’il est le chef, à quoi ça sert qu’il soit ministre de l’Intérieur, si c’est pour avoir les honneurs pour être ministre de l’Intérieur et après battre sa coulpe pour dire « holà là, c’est terrible », ce n’est pas la peine d’être ministre de l’Intérieur. Moi mon boulot de patron de la police et de la gendarmerie c’est dans le vestiaire parmi eux, quand il n’y a pas de caméra, de leur dire ce que je pense, ce que j’ai encore fait hier à la préfecture de police, sans témoin et sans caméra, mais quand je suis à l’extérieur je dois protéger l’honneur des femmes et des hommes de la police nationale.

APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que vous êtes inquiet de la journée de demain ?

GERALD DARMANIN
Non je ne suis pas inquiet, d’abord parce que les manifestations syndicales se sont toujours bien passées, je rappelle qu’il y a eu huit grandes manifestations, avec beaucoup de gens, qui se sont bien passées de l’avis même des syndicats, il y a, en dehors de ces manifestations, en dehors des carrés syndicaux, des moments de tension, j’ai constaté qu’à la dernière journée, c’est-à-dire la semaine dernière, les choses s’étaient correctement passées, nous serons là demain pour que les gens qui veulent manifester contre la réforme des retraites puissent le faire en nombre s’ils le souhaitent, et protégés par les policiers de la République.

APOLLINE DE MALHERBE
Gérald DARMANIN, il est 8h51, je vous laisse partir puisque dans 9 minutes maintenant vous serez devant l’Assemblée nationale, merci d’être venu dans ce studio.

GERALD DARMANIN
Merci à vous.


Source : Service d’information du Gouvernement, le 12 avril 2023