Déclaration de M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la Justice, sur l’importance du travail en détention, à Bois d’Arcy le 4 avril 2023.

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Circonstance : Lancement du tour de France du travail pénitentiaire

Texte intégral

Monsieur le préfet,
Monsieur le Haut-Commissaire à l’emploi et à l’engagement des entreprises, cher Thibaut,
Mesdames, messieurs les parlementaires,
Monsieur le maire,
Mesdames, messieurs les élus,
Messieurs les chefs de cour,
Madame, monsieur les chefs de juridiction,
Mesdames et Messieurs les présidents directeurs généraux,
Mesdames et Messieurs les présidents,
Mesdames et Messieurs les directeurs généraux,
Madame la Présidente de l’Association France Victimes,
Messieurs les présidents d’associations,
Mesdames, Messieurs,


C’est un grand honneur pour moi de vous recevoir ici, dans un lieu pour le moins insolite, dans ce centre pénitentiaire de Bois d’Arcy.

J’aimerais introduire mon propos par une anecdote : il y a quelques années, pour promouvoir le travail en détention, le gouvernement belge avait réalisé une publicité, fidèle à cet humour qui a fait la réputation des Belges, où l’on pouvait voir un patron habillé en costume-cravate et muni d’un attaché case, avec derrière lui des rayures suggérant le milieu carcéral, avec comme légende " les patrons n’ont plus peur d’aller en prison ".

Je suis donc très fier ce matin de pouvoir dire également que " les patrons n’ont plus peur d’aller en prison ".

Je veux tout d’abord vous remercier chaleureusement de votre présence ici. Je sais que vous agendas sont au moins aussi chargé que le mien, et que si vous avez décidé de passer 2 heures de votre temps ici derrière les barreaux si j’ose dire, c’est parce que vous avez une conscience de l’importance du sujet qui nous rassemble ce matin.

Car en effet, et je n’irai pas par quatre chemin, si j’ai souhaité organiser ce grand évènement sur le travail en détention, c’est parce que j’ai besoin de vous.

J’ai besoin que vous, chefs d’entreprises, associations et structures d’insertion par l’activité économique, vous vous implantiez en détention.

Aujourd’hui je souhaite donc à la fois sensibiliser le plus grand nombre sur l’importance du travail en détention, en tant que levier contre la récidive, mais également vous sensibilisez, vous, chefs d’entreprise, aux avantages que vous pourrez retirer d’employer des détenus.

Mon action en matière pénale et pénitentiaire est guidée par une idée fixe : faire du temps de la peine un temps utile, redonner sens et efficacité à la sanction.

Je me suis forgé deux convictions, que le temps et l’expérience ne cessent de renforcer :

- Le sens de l’effort n’est pas, même en détention, un sens interdit ;
- Et la réinsertion des personnes un temps détenues passe, en premier lieu, par leur insertion professionnelle.

Et c’est justement dans ce cadre que j’ai supprimer les remises de peine automatique pour les conditionner à cette notion d’effort !

En clair, un détenu qui travaille en détention, c’est un détenu qui décuple ses chances de travailler en sortant de détention et qui a donc beaucoup, beaucoup moins de risques de récidiver.

Je souhaite donc âprement développer la formation professionnelle et le travail en détention.

L’objectif que je poursuis est clair : au moins 50% des personnes détenues doivent avoir une activité professionnelle rémunérée.

Alors comment attendre cet objectif ?

Tout d’abord, j’ai signé une convention avec Régions de France pour que les exécutifs régionaux, développent la formation professionnelle, dont elles ont la charge, au profit des personnes placées sous main de justice.

Je soutiens, grâce à l’essaimage des structures d’insertion et des entreprises adaptées, comme vous avez pu le voir avec YOTI, le développement de l’insertion par l’activité économique pour que nos publics, même les plus éloignés de l’emploi, accèdent au travail en détention.

Nous développons aussi, au travers de l’agence du travail d’intérêt général et de l’insertion professionnelle (ATIGIP), l’ouverture de nouveaux ateliers en régie, autour de métiers qualifiés, pour permettre l’acquisition de compétences valorisables à l’issue de la détention.

Enfin, et c’est sans doute le point qui vous intéresse le plus, nous avons donné un véritable cadre au travail pénitentiaire en mettant en place un contrat d’emploi pénitentiaire.

Je veux, à cet égard, remercier Elisabeth Borne, tant en sa qualité d’ancienne ministre du Travail que de Première Ministre, qui m’a aidé et soutenu pour l’élaboration de ce contrat.

Ce cadre normatif rénové fait une place centrale aux donneurs d’ordre, aux patrons, afin de créer une relation de travail qui se rapproche le plus possible de celle que les personnes détenues connaîtront une fois libérées.

Si ce contrat protège mieux le détenu, il est aussi très attractif pour les entreprises.

Les cotisations patronales pour les assurances vieillesse et chômage sont désormais à la charge de l’Etat.

A cela s’ajoute un seuil minimal de rémunération à 45% du SMIC, pour tenir compte des contraintes inhérentes à la détention.

Enfin, les locaux de production sont mis à disposition gracieusement.

Les ateliers en détention, au nombre de 600 et avec de réelles capacités de stockage, offrent une solution de proximité et la possibilité d’une production " made in France " dont la crise sanitaire et les tensions internationales nous ont rappelé de manière aiguë tout l’intérêt.

J’ai veillé, aussi, à ce que les démarches administratives soient réduites et le plus possible dématérialisées. C’est donc l’administration qui établit les contrats d’emploi pénitentiaire et qui gère la paye ainsi que les déclarations aux organismes sociaux.

Au-delà d’une forme de flexibilité, grâce à une main d’oeuvre d’appoint et une capacité à s’adapter à l’évolution de vos carnets de commande, le travail pénitentiaire est une opportunité, pour les entreprises, de se constituer des viviers de recrutement sur des métiers qui peuvent être en tension.

Nous avons cette chance, je le disais, de disposer de véritables compétences au sein de nos établissements pénitentiaires. Je le dis et je le redis : on fait de tout en prison !

Vous trouverez une kyrielle de savoir-faire, même les plus techniques, passant notamment par les métiers de traitement du son, du dessin assisté par ordinateur, de l’aéronautique, des centres d’appel, mais également de la boulangerie, de la menuiserie, de la métallerie, de la confection d’appareil de détection des risques chimiques et bactériologiques, de l’imprimerie, de la restauration des mobiliers ou encore de la confection, du façonnage et du conditionnement d’articles et de nombreux autres métiers à découvrir et solliciter.

Je vous rappeler enfin l’existence d’un site " travail-prison.fr " qui vous permet de disposer de toutes les informations utiles.

Je veux également vous dire qu’il existe au sein de chaque direction interrégionale des services pénitentiaires un référent travail et Relation-Entreprises qui saura vous guider dans vos démarches. Et dans la plaquette qui vous sera distribuée, figureront leurs coordonnées pour les contacter.

Le travail pénitentiaire vous permet enfin d’exercer pleinement votre responsabilité sociétale en participant très directement à la lutte contre la récidive par une meilleure insertion des personnes détenues.

Alors oui, j’ai besoin, nos concitoyens, nous tous, avons besoin de votre investissement en faveur du travail en détention et de l’embauche à l’issue.

Deux possibilités s’ouvrent à vous pour faire appel au travail pénitentiaire :

- Passer des commandes aux ateliers de l’ATIGIP ou des prestataires de gestion déléguée qui vous offriront, en sous-traitance, des productions de qualité ;
- Implanter une partie de vos activités en détention, en encadrant vous-mêmes la production.

Dans les deux cas vous accéderez à tous les avantages du travail en détention que je viens de vous rappeler et même à un dernier que j’ai fait ajouter récemment : l’accès aux marchés réservés pour les productions réalisées en détention à savoir, donc, le bénéfice d’une réduction de la concurrence pour les commandes publiques.

Ensemble, grâce à vous, nous pouvons susciter un mouvement vertueux quatre fois gagnant :

- Gagnant pour la personne détenue, qui peut se constituer un pécule de sortie, et surtout se projeter vers l’avenir avec une possibilité réelle d’insertion professionnelle et sociale.
- Gagnant pour la victime que le détenu peut mieux indemniser
- Gagnant pour l’entreprise, qui y trouve un intérêt économique et la possibilité d’exercer sa responsabilité sociétale
- Gagnant pour la société, puisqu’on participe ainsi à la lutte contre la récidive.

Je vous propose donc sans attendre davantage, d’entendre certains acteurs déjà engagés dans le travail pénitentiaire.


Je vous remercie encore une fois pour votre forte présence ici.


Source http://www.justice.gouv.fr, le 13 avril 2023