Déclaration de M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, sur la revalorisation du salaire des enseignants, à l'Assemblée nationale le 5 avril 2023.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Pap Ndiaye - Ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Circonstance : Débat sur la revalorisation du salaire des enseignants, à l'Assemblée nationale le 5 avril 2023.

Texte intégral

Mme la présidente
L’ordre du jour appelle le débat sur la revalorisation du salaire des enseignants.
La conférence des présidents a décidé d’organiser ce débat en deux parties. Dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le Gouvernement ; nous procéderons ensuite à une séquence de questions-réponses.

(…)

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

M. Pierre Cordier
Et des fermetures de classes !

M. Maxime Minot
Ce n’est pas facile d’être ministre, n’est-ce pas ?

M. Pierre Cordier
Si on me le proposait, je dirais non ! (Sourires.)

M. Pap Ndiaye, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse
La revalorisation des enseignants est une priorité pour le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse. Tout ce que fait l’école, tout ce que nous voulons faire, repose sur l’engagement des centaines de milliers de professeurs qui, chaque jour, assurent la mission essentielle de transmission des savoirs et de formation des citoyens.

M. Pierre Cordier
Pour l’instant !

M. Pap Ndiaye, ministre
L’école, ce sont avant tout les hommes et les femmes qui la constituent, et il se trouve que je suis moi aussi professeur, madame Keloua Hachi. Or, nous le savons, la reconnaissance due à ces hommes et à ces femmes ne se traduit pas par une rémunération à la hauteur de leur engagement. C’est un fait, les enseignants français ont connu une diminution relative de leur salaire par rapport aux enseignants des autres pays de l’OCDE. Ce phénomène dure depuis plusieurs décennies et était déjà constaté avant 2012, lorsque votre formation politique était au pouvoir, monsieur Di Flilippo, ou même lorsque la vôtre l’était, madame Keloua Hachi. Que n’avez-vous, les uns et les autres, augmenté alors les rémunérations des enseignants à hauteur de ce que vous réclamez aujourd’hui avec tant d’insistance ?

M. Pierre Cordier
Cela fait six ans qu’Emmanuel Macron est au pouvoir quand même !

M. Pap Ndiaye, ministre
Les promesses de l’opposition, nous le savons bien, ne sont jamais celles de ceux qui gouvernent.

M. Pierre Cordier
L’héritage, on ne peut pas en parler pendant vingt ans !

M. Maxime Minot
Cela fait plus de quinze ans que nous ne sommes plus au pouvoir !

M. Pap Ndiaye, ministre
Des efforts substantiels ont été faits sous le quinquennat précédent pour rehausser le salaire des nouveaux entrants, mais il est indispensable de prolonger et d’intensifier cet effort si nous voulons continuer à attirer des candidats compétents et motivés, mais aussi à retenir les enseignants tout au long de leur carrière.

Mme Sarah Legrain
Vous ne l’avez pas fait !

M. Pierre Cordier
C’est bizarre, les professeurs ne faisaient pas grève à l’époque de Nicolas Sarkozy !

M. Pap Ndiaye, ministre
Le chantier de la revalorisation, annoncé par le Président de la République lors de la campagne présidentielle, a donc été engagé il y a près d’un an. Nous avons tout d’abord dégagé les moyens budgétaires nécessaires à travers la préparation du projet de loi de finances pour 2023. La revalorisation débutant en septembre, nous disposons, pour les quatre derniers mois de l’année, d’une enveloppe de 635 millions d’euros pour la partie socle et de 300 millions d’euros pour la rémunération des missions associées au nouveau pacte. Une concertation a été lancée à l’automne dernier avec les organisations syndicales représentatives. Je me réjouis de la richesse et de la qualité des échanges qui se sont tenus pendant plus de quatre mois et qui ont permis d’enrichir notre projet. Alors que la concertation s’achève, nous sommes près d’aboutir : les revalorisations seront ainsi effectives en septembre, comme je m’y suis engagé.
La revalorisation se présente en deux volets. Tout d’abord, comme je l’ai indiqué à l’instant, il s’agit de rehausser le salaire des enseignants pour garantir l’attractivité du métier et mieux reconnaître le travail réalisé. J’ai déjà eu l’occasion d’insister sur l’importance de porter une attention particulière aux premières moitiés de carrière, qui souffrent le plus de la comparaison internationale. De fait, nous allons tenir cet engagement et revaloriser substantiellement la prime d’attractivité pour les premiers tiers de carrière.
Les échanges de ces derniers mois nous ont par ailleurs permis d’élargir le sujet : dans le projet que je serai prochainement amené à présenter, c’est l’ensemble des enseignants qui bénéficieront d’une revalorisation significative grâce à la hausse de la prime statutaire pour tous les enseignants du premier et du second degré. Ce choix permettra à toute la profession de connaître une hausse substantielle de son pouvoir d’achat dès septembre prochain. Nous ajoutons à cette revalorisation financière des mesures d’amélioration de carrière qui permettront à davantage d’enseignants d’atteindre les grades supérieurs : elles auront des effets concrets pour les enseignants expérimentés, madame Keloua Hachi, puisqu’ils pourront accéder plus rapidement à des niveaux de rémunération intéressants.
Je tiens à insister sur l’ampleur de ces mesures, qui représenteront 1,9 milliard d’euros, en année pleine, en 2024. Elles concerneront tout le corps enseignant, y compris les stagiaires et les contractuels. Nous y intégrons également les conseillers principaux d’orientation (CPE) et les psychologues de l’éducation nationale (PsyEN).

M. Maxime Minot
Et les inspecteurs de l’éducation nationale et les conseillers pédagogiques ?

M. Pap Ndiaye, ministre
Bref, il s’agit d’un acte global de reconnaissance des équipes pédagogiques, qui nous permettra de continuer à attirer des candidats de qualité et de les retenir tout au long de leur carrière. Outre cette hausse, nous allons rémunérer l’exercice de missions nouvelles à travers la mise en place du nouveau pacte. Les échanges sur ce sujet ont été particulièrement riches et je tiens ici à clarifier certains points qui sont connus des organisations syndicales, mais qui ont pu être mal interprétés.
La vocation du pacte est de proposer des missions nouvelles – ou déjà remplies mais de manière bénévole –, qui seront spécifiquement rémunérées, aux enseignants qui le souhaiteront. J’insiste : l’adhésion se fera exclusivement sur la base du volontariat. Tous les enseignants qui le voudront, dans le premier et dans le second degré, pourront s’engager dans ce pacte, selon des modalités qui ont été présentées lors de la concertation et que je détaillerai prochainement.
Ces missions, quelles sont-elles ? Il s’agit de travailler sur des sujets qui sont prioritaires pour la réussite des élèves et dont les familles attendent que nous nous en saisissions. Elles seront de deux types : des missions de face-à-face pédagogique (Mme Sarah Legrain s’exclame) , où les enseignants réaliseront des tâches supplémentaires face à des élèves, qu’il s’agisse de remplacer des collègues absents – dans sa propre discipline, bien entendu – ou d’apporter une aide individualisée aux élèves qui en ont besoin. Elles seront quantifiées en nombre d’heures à réaliser, et les enseignants qui souhaiteront s’y engager sauront à l’avance le nombre d’heures dont ils devront s’acquitter. Il y aura également des missions non quantifiables en nombre d’heures, correspondant à des tâches de coordination, de conduite de projet ou de tutorat. On y trouvera par exemple les classes de découverte que vous évoquiez, monsieur le député Walter.

M. Léo Walter
C’est une bonne nouvelle.

M. Pap Ndiaye, ministre
Les enseignants pourront choisir de s’engager sur une mission ou sur plusieurs, ce qui donnera lieu à une rémunération adaptée. Un pacte complet, correspondant à trois missions, donnera ainsi lieu à une prime de 3 750 euros. Cette rémunération viendra s’ajouter au régime indemnitaire existant et aux différents dispositifs de rémunération accessoire que sont les heures supplémentaires – je précise que la rémunération du pacte sera bien plus élevée que celle des heures supplémentaires – et les indemnités pour mission particulière. J’insiste : il s’agira de moyens nouveaux, qui permettront aux enseignants volontaires de bénéficier d’une nouvelle forme de revalorisation.
En bref, le Gouvernement va tenir sa promesse :…

M. Maxime Minot
Ce sera bien la première fois !

M. Jean-Pierre Vigier
On ne veut pas des paroles, on veut des actes !

M. Pap Ndiaye, ministre
…il s’apprête à mieux rémunérer nos enseignants grâce à une revalorisation d’ampleur. Près de 3 milliards d’euros en 2024 : oui, c’est tout à fait considérable. Cette revalorisation s’accompagnera d’une amélioration du service public de l’éducation au bénéfice de nos élèves, en particulier les plus fragiles, qui perdront moins d’heures de cours et qui seront mieux accompagnés. Je suis heureux d’en parler avec vous aujourd’hui pour préciser les modalités de ce projet. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

Mme la présidente
Nous en venons aux questions. Je vous rappelle que la durée des questions ainsi que celle des réponses est limitée à deux minutes, sans droit de réplique.
La parole est à Mme Martine Etienne.

Mme Martine Etienne (LFI-NUPES)
Quand on parle de rémunération des enseignants, il faut évidemment évoquer leurs conditions de travail. Elles sont liées au désengagement de l’État et à la dégradation de l’offre scolaire, que le Gouvernement a minutieusement organisée depuis des années, souvent au profit du privé – je pense plus particulièrement aux territoires ruraux et aux banlieues, à toutes ces communes que vous privez de services publics. Alors que le ministre et Emmanuel Macron avaient promis le contraire, chaque jour, des classes sont supprimées et des écoles sont fermées ou fusionnées. Les enseignants du primaire se retrouvent contraints d’enseigner à deux classes, parfois à trois, et d’enchaîner les heures supplémentaires non payées. Dans ma circonscription de Meurthe-et-Moselle, à Landres, la région vient d’acter la fermeture d’un lycée professionnel d’ici 2025. Ses effectifs seront répartis partout sur le territoire, et les enseignants concernés vont devoir parcourir des dizaines de kilomètres chaque jour pour se rendre sur leur lieu de travail, toujours sans compensation.
Partout en France, les enseignants n’ont plus le temps de prendre en charge chaque élève individuellement ; ils sont épuisés, exténués, poussés à bout et n’arrivent plus à percevoir le sens de leur métier. Vous avez fait de l’éducation un marché, de l’élève et des parents des clients, et des enseignants des exécutants.

Mme Andrée Taurinya
Exactement !

Mme Martine Etienne
L’augmentation drastique du coût de la vie, toujours pas compensée, et le quasi-gel du point d’indice ont précarisé les enseignants. La proportion de personnels contractuels sous-payés, qui ne peuvent s’investir dans des projets éducatifs sur plusieurs années, ne cesse de croître. Alors, quand allez-vous engager un véritable plan de titularisation des précaires de l’éducation nationale ? Quand allez-vous revaloriser le traitement des personnels d’au moins 15 %, pour enfin rattraper le gel du point d’indice ? Quand allez-vous revaloriser uniformément les grilles indiciaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.

M. Pap Ndiaye, ministre
La première partie de votre propos fait allusion à des fermetures de lycées, de collèges ou d’écoles, mais ce n’est pas le ministère de l’éducation nationale qui ferme des lycées, des collèges ou des écoles. (Murmures sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) En revanche, il y a des fermetures de classe qui correspondent à des baisses significatives – et d’ailleurs inquiétantes – des effectifs scolaires : nous allons perdre entre 80 000 et 95 000 élèves à la rentrée 2023, et il en sera de même dans les années à venir.

M. Jean-Pierre Vigier
Les élèves ne sont pas des chiffres !

M. Pap Ndiaye, ministre
Il faut donc aussi repenser la carte scolaire, et j’ai indiqué il y a quelques jours que nous allions nous engager pour la première fois dans une démarche pluriannuelle, pour permettre aux collectivités d’avoir de la visibilité en la matière.
Vous faites également allusion à la titularisation de certains enseignants contractuels. C’est ce que nous avons fait, puisque nous avons organisé un concours exceptionnel pour les enseignants contractuels de trois académies particulièrement en tension, celles de Créteil, de Versailles et de Guyane. Et je peux vous dire, puisque ce concours est en train de se dérouler, qu’il a rencontré un très vif succès parmi les contractuels, qui vont ainsi pouvoir devenir professeurs des écoles titulaires – tel était bien l’objectif !
Enfin, la hausse de rémunération dont j’ai parlé, de même que le travail que nous avons engagé sur certains éléments participant de l’attractivité du métier, vise à faire en sorte que le beau métier d’enseignant retrouve du lustre, si je puis dire, et que le ratio entre le nombre…

Mme la présidente
Vos deux minutes sont écoulées, monsieur le ministre.

M. Pap Ndiaye, ministre
Excusez-moi ; c’est entendu. Je poursuivrai plus tard.

Mme la présidente
La parole est à M. Maxime Laisney.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES)
J’ai été professeur des écoles pendant quinze ans avant de devenir député,…

M. Pierre Cordier
Ah ? C’est intéressant.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES)
…et ce que vous proposez-là ne me donne aucune envie de retourner en classe.

M. Pierre Cordier
Quand tu seras battu, il faudra bien y retourner !

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES)
Dans le primaire, les enseignants sont mal payés : il a fallu que j’attende quinze ans pour atteindre 2 000 euros de salaire net : 2 000 euros pour faire la classe à vingt-cinq, vingt-sept, voire vingt-neuf élèves ; 2 000 euros pour apprendre à nos enfants à lire, à écrire, à compter et à se respecter, mais aussi pour enseigner l’histoire, la géographie, l’éducation physique et sportive, la musique, l’anglais, et j’en passe. Après quinze ans d’expérience, nos professeurs des écoles gagnent 20 % de moins que la moyenne de l’OCDE.
Dans le primaire, les enseignants travaillent déjà trop : une année, j’ai compté précisément chaque semaine mon temps de travail réel – temps en classe, activités pédagogiques complémentaires le midi, corrections et préparations le soir, le mercredi et le week-end, réunions d’équipe, rencontres avec les parents, formations :…

M. Pierre Cordier
35 heures !

M. Maxime Laisney
…chaque semaine, je comptais environ 45 heures, ce qui correspond à peu près à ce qu’ont révélé plusieurs études. Cela fait que deux semaines de congé sont en fait deux semaines de RTT, qui seront finalement pour partie travaillées.
Dans le primaire, les enseignants sont déjà acculés à « travailler plus pour gagner plus » : malgré ces semaines chargées, de nombreux et nombreuses professeurs et professeures des écoles font déjà des heures supplémentaires – l’étude le soir, la cantine le midi – qui sont autant de temps en moins pour sa classe ou pour soi, et représentent de la fatigue en plus. Alors, je me demande bien sur quel créneau ils et elles vont pouvoir aller assurer une heure de soutien au collège.
Dans le primaire, les enseignants sont souvent à bout. Parce que les Rased – réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté – ont quasiment disparu, on doit affronter seul la grande hétérogénéité rencontrée dans les classes ; parce que les AESH – accompagnants d’élèves en situation de handicap – sont souvent l’arlésienne, l’accueil des élèves en situation de handicap reste un défi quotidien.
Malgré tout cela, le pacte que vous proposez aux professeurs des écoles, c’est de travailler encore plus pour gagner trois fois rien. La situation actuelle se traduit déjà par une diminution inquiétante du nombre de candidats au concours…

M. Pierre Cordier
C’est exact !

M. Maxime Laisney
…et par une augmentation significative du nombre de démissions. J’ai donc deux questions, monsieur le ministre : où sont les 10 % d’augmentation inconditionnelle promis (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES) , et ne craignez-vous pas que votre pacte se termine en « travailler plus pour craquer plus » ? C’est ce que semble indiquer l’occupation de votre ministère, en ce moment même, par des enseignants. (Mêmes mouvements. – M. Jean-Claude Raux applaudit également.)

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.

M. Pap Ndiaye, ministre
Ce n’est pas moi qui vais nier le fait que les enseignants travaillent beaucoup : je le sais pertinemment et c’est le cas aussi bien dans le premier degré que dans le second. J’ai également dit que nous avons assisté à plusieurs décennies de glissement relatif des salaires, de telle manière que les rémunérations des enseignants ne sont aujourd’hui plus attractives ; c’est un fait et c’est pourquoi nous nous mobilisons sur ce sujet, en proposant des augmentations significatives que je vous ai présentées dans leurs grandes lignes à l’instant. (Haussements de sourcils sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Il faut aussi préciser que le pacte, bien entendu, se présentera sous forme facultative et ne s’adressera qu’aux enseignants du premier degré qui voudront s’y engager. Nous sommes attentifs à deux choses : d’une part à garantir l’égalité, en ce qui concerne la rémunération de ces tâches supplémentaires, entre les enseignants du premier degré et ceux du second degré ; et d’autre part à l’égalité entre les femmes et les hommes – les professeurs des écoles étant très majoritairement des femmes, il faut en tenir compte.

M. Léo Walter
Oui, et donc ?

M. Pap Ndiaye, ministre
Ce que nous allons préciser dans quelques jours auprès des organisations syndicales tient compte de tout cela et s’appuie d’ailleurs sur des expériences qui sont menées à l’échelle locale ou académique. Je pense en particulier aux « sixièmes tremplin » à l’essai dans l’académie d’Amiens, dont les enseignements sont assurés par des professeurs des écoles en classe de sixième : tout cela est calibré, en volume horaire, pour être compatible avec la semaine de travail des enseignants. Encore une fois, cela sera proposé de manière facultative.

Mme Sarah Legrain
Il faut créer de nouveaux postes !

Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Pierre Vigier.

M. Jean-Pierre Vigier (LR)
La dynamique de rattrapage des salaires enseignants va dans le bon sens, mais elle ne compense que partiellement l’érosion dans le temps de leur pouvoir d’achat.

M. Maxime Minot
Eh oui ! Il a raison !

M. Jean-Pierre Vigier
À titre d’exemple, le salaire d’un professeur des écoles en début de carrière – vous le savez – représentait 1,8 fois le Smic en 1990, contre 1,5 fois en 2020.

M. Pierre Cordier
Intéressant, comme chiffre !

M. Jean-Pierre Vigier
Face à l’incapacité chronique de l’éducation nationale à assurer tous les remplacements de professeurs, cette revalorisation relevait de l’urgence. Personne ne peut tolérer que des enseignants ayant passé des concours difficiles après cinq années d’études supérieures puissent gagner moins de 2 000 euros par mois.

M. Maxime Minot
Eh oui ! Cette revendication est légitime !

M. Jean-Pierre Vigier
Au-delà de l’aspect financier, il y va aussi de la considération sociale et de la reconnaissance que l’État doit à nos professeurs.

M. Pierre Cordier
La reconnaissance, c’est le mot !

M. Jean-Pierre Vigier
Je souhaitais plus spécifiquement souligner les différences d’attractivité entre les territoires, et surtout les différences de pouvoir d’achat entre les affectations. Il est temps d’engager une vraie réflexion sur les possibilités de modulation de la rémunération dans les territoires les moins attractifs, notamment en zone rurale.

Mme Mélanie Thomin
Et en Seine-Saint-Denis !

M. Jean-Pierre Vigier
Des efforts ont déjà été fournis dans les REP – réseaux d’éducation prioritaire – et dans les territoires d’outre-mer, où des primes ont été accordées. Mais la carte de l’éducation prioritaire oublie, voire efface des territoires entiers qui devraient s’y trouver.

M. Pierre Cordier
Il faut revoir la carte !

M. Jean-Pierre Vigier
C’est le cas de la ruralité, où les longues distances kilométriques dissuadent de nombreux enseignants d’assurer des remplacements. Monsieur le ministre, la ruralité ne doit pas devenir le parent pauvre des politiques éducatives.

M. Maxime Minot
Ce n’est pas la variable d’ajustement !

M. Jean-Pierre Vigier
Ainsi, ma question est simple : comptez-vous mieux reconnaître les difficultés des territoires ruraux dans la fixation des rémunérations des enseignants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mmes Caroline Parmentier, Fatiha Keloua Hachi et Mélanie Thomin applaudissent également.)

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.

M. Pap Ndiaye, ministre
Vous avez fait allusion à l’érosion dans le temps du pouvoir d’achat des enseignants, et je crois que nous pouvons unanimement nous mettre d’accord sur ce sujet : c’est un fait mesurable, il n’y a aucun doute là-dessus…

M. Maxime Minot
Nous sommes d’accord !

M. Pap Ndiaye, ministre
…et c’est pourquoi nous nous y attaquons. S’agissant des néotitulaires, aucun ne sera rémunéré moins de 2 000 euros net par mois ; c’est un progrès significatif. Mais j’insiste sur le fait que tous les enseignants verront leur rémunération s’accroître, de manière à éviter des faux plats au bout de quelques années et des rémunérations stagnantes entre la cinquième et la quinzième année – ce qui est assez largement le cas aujourd’hui, il faut le reconnaître.
Vous faites ensuite allusion à la ruralité. La Première ministre, que j’accompagnais dans la Nièvre la semaine dernière, a présenté un plan Ruralité comportant notamment un engagement pluriannuel, de manière à donner aux élus de la visibilité dans leurs relations avec l’éducation nationale, ce qui est absolument nécessaire.
Ce plan prévoit également un soutien aux territoires éducatifs ruraux, de même qu’aux regroupements intercommunaux pédagogiques qui permettent à des communes de regrouper leurs écoles. À ce sujet, nous avons présenté l’idée d’un bonus en termes de ressources humaines, que l’éducation nationale apportera aux communes qui souhaitent s’engager en la matière.
La question du pouvoir d’achat se pose sans doute de manière moins aiguë en zone rurale que dans la région parisienne. Du reste, nous rencontrons plus de difficultés de recrutement dans les académies urbaines que dans les académies les plus rurales. Quoi qu’il en soit, sachez que les questions de ruralité sont prioritaires pour le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse.

M. Jean-Pierre Vigier
Je l’espère !

Mme la présidente
La parole est à M. Luc Geismar.

M. Luc Geismar (Dem)
Revaloriser signifie rendre son pouvoir d’achat à un salaire, selon le dictionnaire Le Robert. En euros constants, c’est-à-dire une fois l’incidence de l’inflation prise en compte, les enseignants français ont perdu entre 15 et 25 % de rémunération au cours des vingt-cinq dernières années, selon la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, la Depp, malgré l’effort d’augmentation des professeurs débutants d’environ 10 %. Durant la même période, le nombre total de candidats présents au concours du Capes a diminué de 63 %, passant de plus de 50 000 en 1999 à moins de 20 000 en 2021. Il est fort probable que ces deux données soient liées.
Peut-être serait-il intéressant de s’inspirer de nos voisins européens qui payent davantage leurs enseignants, d’autant que les professeurs français travaillent souvent plus que leurs homologues – en moyenne 720 heures par an, contre 610 pour les enseignants allemands, par exemple ?
Au vu de ces éléments, quelle est votre stratégie afin de revaloriser les rémunérations et tenter ainsi de pallier la pénurie des professeurs qualifiés ?

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.

M. Pap Ndiaye, ministre
Concernant l’incontestable perte d’attractivité du métier, je voudrais apporter une précision. Le rendement des concours n’est pas aussi bon qu’on le souhaiterait, s’étant dégradé au fil des ans pour tomber à environ 83 %, ce qui signifie que pour 100 postes mis au concours, nous recrutons environ 83 enseignants. Néanmoins, nous avons observé fin 2022 des signaux encourageants pour la première fois depuis longtemps : une hausse de 11 % des inscriptions au concours du Capes et de 9 % des inscriptions au concours de professeur des écoles. Alors que les écrits viennent de se terminer, nous voyons un autre signal encourageant : le taux de présence aux écrits augmente de 6 % par rapport à celui de l’année dernière. Si une hirondelle ne fait pas le printemps, je note une inversion de tendance qui mérite d’être soulignée.
Cela étant, la réponse de fond au manque d’attractivité passe par une meilleure rémunération pour tous les professeurs, j’en suis persuadé et nous pouvons nous accorder sur ce point. À l’avenir, nous devons améliorer notre vision globale des carrières car certains jeunes enseignants n’envisagent pas nécessairement d’être professeur toute leur vie, tandis qu’un nombre croissant de candidats se présente à l’âge de 40 ans ou plus, après avoir effectué une première moitié de carrière dans un autre métier. Nous allons donc nous attacher à mieux prendre en considération l’ancienneté, y compris quand elle a été effectuée le privé, afin de rendre le métier plus attractif pour ces enseignants plus âgés que la moyenne.

Mme la présidente
La parole est à Mme Mélanie Thomin.

Mme Mélanie Thomin (Soc)
Travailler dans l’enseignement, la perle du service public, est une vocation. Or l’enseignement rime désormais trop souvent avec crises et bouleversements. La professeure de lettres que je suis peut témoigner de la crise des vocations, consécutive à la dégradation des rémunérations et à la détérioration des conditions de travail.
Lors de la campagne pour les élections présidentielles de 2022, Emmanuel Macron avait assuré qu’aucun enseignant ne commencerait sa carrière en étant payé moins de 2 000 euros. Nous attendons des annonces imminentes, mais beaucoup d’incertitudes demeurent. Le décrochage de la rémunération des enseignants appelle un rattrapage, pas une logique transactionnelle. Le recyclage du « travailler plus pour gagner plus » serait complètement déconnecté de la réalité que vivent des milliers d’enseignants dans notre pays.
Une fois que les enseignants seront justement rémunérés, considérés et accompagnés, nous pourrons discuter de l’organisation du travail. Il ne faut pas inverser les choses. Faire passer la rémunération d’heures supplémentaires pour une revalorisation serait un trompe-l’œil.
Comment envisagez-vous de revaloriser non seulement les nouveaux entrants, mais surtout de revoir l’attractivité globale de la carrière ? Une mesure trop ciblée risquerait de tasser l’échelle des rémunérations et manquerait sa cible. De même, se concentrer sur les primes n’apporterait pas la même revalorisation financière et sociale pour nos enseignants qui méritent des rémunérations pérennes et – hommage ou pied de nez à l’actualité – des retraites de bon niveau. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.

M. Pap Ndiaye, ministre
En effet, aucun enseignant néotitulaire ne commencera sa carrière à moins de 2 000 euros, et les stagiaires verront aussi leur rémunération augmenter. Cependant, je répète qu’il nous faut aussi augmenter la rémunération de tous les enseignants, y compris ceux qui sont en fin de carrière, afin que le métier soit attractif dans la durée.
Comme je l’ai indiqué dans mon propos liminaire, les enseignants en fin de carrière bénéficieront d’un accès facilité aux catégories hors classe et classe exceptionnelle, ce qui correspond à des augmentations de salaire tant indemnitaires qu’indiciaires – il est important de le signaler. Le passage à ces catégories hors classe et classe exceptionnelle, attendu par de nombreux enseignants expérimentés, se fera dans des conditions très largement facilitées et avantageuses pour les enseignants concernés.
Conscients du fait que l’augmentation des rémunérations devait se faire sur toute la carrière, nous y travaillons en concertation avec les organisations syndicales qui ont très tôt appelé notre attention sur l’importance des fins de carrière. Je peux donc vous confirmer que nous allons dans cette direction.

Mme la présidente
La parole est à Mme Agnès Carel.

Mme Agnès Carel (HOR)
Engagée dès 2021, la politique de revalorisation globale pour tous les enseignants se poursuit par des concertations avec les différents partenaires. Les mesures prises à l’automne dernier en faveur de la revalorisation des salaires mettaient particulièrement l’accent sur les nouveaux enseignants, afin de rendre ce si beau métier plus attrayant.
Aussi ma question portera-t-elle sur la reconnaissance et la revalorisation salariale des enseignants plus âgés, nos fameux experts aux cheveux blancs comme j’aime les appeler, dont la rémunération moyenne était de 3 061 euros nets en 2020.
Alors que la loi sur les retraites tend à prolonger la carrière des enseignants, il est grand temps de mettre à plat leur évolution de salaire, mais aussi de créer de nouvelles missions qui pourront leur être proposées pour valoriser leur expérience, les motiver ou remotiver dans leur parcours. À partir d’un certain âge, il est compréhensible qu’un professeur des écoles ou de l’enseignement secondaire n’ait plus l’énergie de se retrouver devant une classe de vingt-huit élèves, voire plus en lycée. Pourtant, son expérience, son expertise, ses connaissances didactiques sont précieuses et indispensables pour l’éducation nationale.
Il est donc urgent de proposer d’autres missions à ces experts de l’enseignement qui souhaitent exercer d’autres fonctions et évoluer dans leur carrière. Avec le recul, on imagine aisément un enseignant expérimenté œuvrer dans un groupe d’une douzaine d’élèves à profils et besoins particuliers, par exemple, en développant des projets spécifiques. On imagine facilement cet enseignant former les plus jeunes au sein d’un institut national supérieur du professorat et de l’éducation (Inspe) ou intervenir pour faire de la remédiation en milieu scolaire. On imagine également des missions de mentorat, si précieuses pour les jeunes enseignants qui sont démunis face à certaines situations rencontrées durant leurs premières années de métier.
Les exemples ne manquent pas – j’en ai encore beaucoup dans ma poche. Mais ce qui manque cruellement, c’est la revalorisation salariale qui différencie un jeune en début de carrière d’un enseignant ayant quarante ans et plus de bons et loyaux services. Quelles mesures envisagez-vous de prendre afin de faire en sorte que ces experts de l’enseignement soient valorisés financièrement et que nous n’ayons plus à nous priver de leur savoir-faire ?

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.

M. Pap Ndiaye, ministre
Dans la droite ligne de mon intervention précédente, je vous confirme que les enseignants expérimentés verront leur rémunération augmenter. Nous avons été très attentifs à reconstruire de la progressivité de carrière, afin d’éviter les faux plats de rémunération, objectivement démoralisants et démotivants pour les enseignants concernés. Si nous nous étions contentés d’augmenter les enseignants en tout début de carrière, nous aurions précisément étiré les faux plats que l’on retrouve à partir de la cinquième ou huitième année d’enseignement.
En réponse à la deuxième partie de votre question, j’indique que les enseignants expérimentés peuvent faire bénéficier leurs jeunes collègues de leurs connaissances et de leur travail de différentes manières, en particulier par la formation des enseignants stagiaires. Nous réfléchissons à une réforme du recrutement et de la formation des professeurs des écoles. Devant la commission des affaires culturelles et de l’éducation, j’ai eu l’occasion d’indiquer que mon souhait allait vers un recrutement des professeurs des écoles à bac + 3 au lieu de bac + 5, tout en conservant l’enveloppe de la mastérisation.
Les deux années comprises entre bac + 3 et bac + 5 seront des années d’élèves professeurs, ce qui pouvait exister jadis dans les écoles normales et existe actuellement dans les Écoles normales supérieures (ENS). Cette période permet un contact plus important avec la réalité du métier et des stages sur le terrain, tout ce qui valorise l’expérience des enseignants en milieu ou fin de carrière. C’est dans cette direction que nous souhaitons aller : formation des jeunes enseignants et valorisation de l’expérience.

Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Claude Raux.

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES)
Une augmentation salariale pour un ou une prof, c’est un budget en plus pour aller chez le psy. Ce n’est pas une affirmation de ma part, mais une formule qui circule chez les enseignants et les enseignantes parce que, dans le fond, à quoi sert une augmentation de salaire quand le problème est en réalité l’ensemble des conditions de travail ?
On a beaucoup parlé de crise de recrutement dans l’enseignement, mais la crise est généralisée. C’est une crise de sens, de vocations, d’attractivité et reconnaissance à laquelle s’ajoute un manque de moyens humains et matériels. Nous ne parvenons pas à recruter, mais nous ne parvenons pas davantage à garder les équipes éducatives. Les départs volontaires définitifs augmentent de façon inquiétante : en dix ans, le taux a été multiplié par cinq parmi les enseignants du premier degré, et par trois parmi ceux du second degré.
Ces démissions sont-elles le symptôme de perte de sens dans les missions, le signe de l’épuisement des professionnels ou la marque de l’inadéquation de la formation aux réalités du métier ? Vous le savez, monsieur le ministre, on ne s’engage jamais dans un métier de l’enseignement par hasard, on le fait par conviction avec du cœur et du professionnalisme, sans compter ses heures. Sans l’engagement de ses personnels d’éducation, l’école ne tiendrait pas : ils et elles en sont les fondations.
Pourtant, j’ai l’impression qu’on méconnaît encore leur travail, notamment leur travail invisible. C’est ainsi en faisant preuve d’une certaine suspicion que le Gouvernement a choisi non pas d’accorder une augmentation, méritée et attendue, à tous, mais de conditionner une partie de la revalorisation salariale à l’exécution de nouvelles missions – lesquelles n’ont fait que proliférer ces dernières années, ce qui nous ramène à la question du sens.
Vous assurez que toutes les équipes pédagogiques seront enfin récompensées pour leur investissement à la rentrée, mais j’ai toujours du mal avec ces nouvelles missions et avec le pacte dont vous vous prévalez. L’existence d’un pacte suppose qu’un contrat, un accord ait été conclu entre l’État et ses fonctionnaires. Dès lors, deux questions se posent : peut-on parler d’accord quand seule une partie est présente à la table des négociations – puisque les organisations syndicales l’ont quittée ? Peut-on parler de contrat quand ses clauses reposent sur la défiance plutôt que sur la confiance ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.)

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.

M. Pap Ndiaye, ministre
Loin de moi l’idée de nier le fait que les conditions de travail, le sens du métier et la reconnaissance sociale importent et jouent un rôle dans la perte d’attractivité du métier. Néanmoins, le fait de commencer par accorder des augmentations de salaire est significatif : si nous ne l’avions pas fait, vous nous l’auriez reproché – c’est bien que la rémunération constitue un élément important. Elle présente aussi une dimension symbolique en ce qu’elle marque l’importance et la reconnaissance que la nation et l’État accordent au corps enseignant, en lui versant une rémunération à la hauteur de son travail. Cet élément est décisif.
Vous faites également référence à la hausse du nombre de démissions parmi les enseignants. Si le taux de démission a certes augmenté, il reste très faible au regard du nombre d’enseignants : seuls 0,2 % d’entre eux démissionnent. Si ce phénomène est plus marqué dans les cinq premières années d’exercice du métier, le taux étant deux fois plus élevé pour cette catégorie d’enseignants, il reste marginal. Cette tendance, à l’évidence, n’en reste pas moins préoccupante. C’est notamment pour cette raison que nous travaillons à améliorer les rémunérations.
Enfin, vous avez mentionné le pacte enseignant. Je précise que nous prévoyons des augmentations sans condition : il s’agit de la revalorisation socle, que nous avons déjà évoquée à de multiples reprises. Le pacte, quant à lui, a fait l’objet de longues discussions avec les organisations syndicales. S’il est vrai que ces dernières critiquent le projet, à tel point qu’elles ont quitté la table des négociations le 6 mars dernier, nous avons au préalable échangé et négocié avec elles pendant des dizaines d’heures, sur la revalorisation socle comme sur le pacte.

Mme Sophia Chikirou
Si vous négociez comme vous le faites pour la réforme des retraites…

Mme la présidente
La parole est à Mme Soumya Bourouaha.

Mme Soumya Bourouaha (GDR-NUPES)
Comme nous l’avons indiqué précédemment, le groupe GDR-NUPES soutient l’ensemble des organisations syndicales de l’éducation nationale, qui réclament des revalorisations de traitement sans condition, afin de rattraper le retard accumulé depuis des décennies du fait du gel de leur rémunération. C’est donc l’ensemble de la logique qui sous-tend la composante « pacte » des revalorisations que nous dénonçons.
Les enseignants sont très inquiets de l’instauration d’un modèle qui créerait de nouvelles missions obligatoires, comme des heures de soutien en mathématiques et en français pour les professeurs des écoles, ou des remplacements dits de courte durée pour les professeurs de collège et de lycée absents pendant moins de quinze jours. Alors que les enseignants assurent déjà un nombre d’heures supplémentaires important et que leurs nouvelles missions obligatoires nécessiteront des heures de préparation qui s’ajouteront aux heures engagées pour leurs propres cours, ces pistes de réflexion sont inadmissibles. Elles ne constituent en rien une revalorisation des salaires. Comment espérez-vous fidéliser les enseignants dans ces conditions ?
Ma deuxième question porte sur les missions supplémentaires que vous souhaitez confier aux CPE et aux PsyEN pour leur permettre de bénéficier d’une revalorisation plus forte de leur traitement. Ces missions sont visiblement difficiles à identifier. Pouvez-vous les détailler ?
Je m’inquiète enfin du calendrier de la revalorisation des traitements des personnels non titulaires – assistant d’éducation (AED) et AESH – réclamée par les organisations syndicales : comptez-vous engager très rapidement des mesures concrètes à leur intention ?

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.

M. Pap Ndiaye, ministre
Les nouvelles missions dont il est question sont purement facultatives. J’insiste sur ce point : le pacte qui sera proposé aux enseignants ne comporte aucune dimension obligatoire. De nouvelles missions seront en effet proposées aux PsyEN et aux CPE, qui bénéficieront ainsi à la fois de la revalorisation socle et de nouvelles tâches liées au pacte. Ils sont donc inclus dans le travail que nous avons mené et dans les propositions que nous comptons formuler.
Pour ce qui est des AED et des AESH, vous n’êtes pas sans savoir que les AESH peuvent se voir proposer un CDI au bout de trois ans – c’est d’ailleurs le fruit d’une initiative parlementaire ; qu’ils bénéficient depuis le 1er janvier d’une indemnité d’éducation prioritaire, qui sera versée rétroactivement à partir du mois d’avril ; et, élément important, qu’ils seront augmentés de 10 % à partir du 1er septembre. Dans le même temps, nous présenterons, dans le cadre de la Conférence nationale du handicap (CNH) qui se tiendra à la fin du mois d’avril, une remise à plat de l’école inclusive, car nous sommes parfaitement conscients des difficultés actuelles, tant dans le recrutement des AESH – nous en embauchons quelque 4 000 par an et la France en compte actuellement 132 000, soit le deuxième métier de l’éducation nationale – que, plus largement, dans l’accueil des enfants en situation de handicap. Dans ce contexte, la Conférence nationale du handicap complétera le travail que nous avons mené pour améliorer les conditions salariales des AESH et des AED et pour permettre à ceux qui le souhaitent de travailler 35 heures par semaine.

M. Rodrigo Arenas
Tout cela était déjà prévu sous le précédent quinquennat !

Mme la présidente
La parole est à M. Michel Castellani.

M. Michel Castellani (LIOT)
Malgré leur dévouement et leur engagement – qui reflètent souvent leur passion –, les enseignants éprouvent des difficultés à préserver ne serait-ce que leur moral et leur motivation. Leurs conditions de travail sont difficiles, leurs salaires sont peu attractifs et, pour présenter les choses simplement, ils doivent assumer un éventail des rôles allant du psychologue au policier. Ces enseignants se retrouvent souvent bien isolés et démunis. Dans ces conditions, ne nous étonnons pas de voir nombre d’établissements manquer de personnel. La revalorisation socle de 10 % annoncée est une bonne chose, mais, vous le savez, les syndicats s’opposent fermement à la logique de revalorisation supplémentaire à la tâche,…

M. Rodrigo Arenas
Ils ont raison !

M. Michel Castellani
…d’autant que les enseignants réalisent déjà de très nombreuses heures supplémentaires. Vous avez également fait part de votre volonté de remplacer au pied levé l’ensemble des enseignants absents en rémunérant mieux les remplaçants. Toutefois, nous ne savons que trop bien que les contractuels sont souvent envoyés dans les classes sans aucune formation, sans aucun accompagnement et sans aucun contrôle.
Pouvez-vous indiquer – je reviens à mon tour sur ce point – dans quelle proportion les salaires des enseignants seront revalorisés à temps de travail constant ? Quelles stratégies entendez-vous mettre en œuvre pour constituer un vivier de personnel réellement apte à assurer des remplacements ?
Je tiens aussi à évoquer les enseignants des territoires éloignés de la métropole. Comme vous le savez, les enseignants des territoires ultramarins bénéficient, à l’instar de l’ensemble des fonctionnaires travaillant dans ces territoires, d’une majoration de leur traitement, afin de tenir compte de la cherté de la vie qui y prévaut. Or la vie en Corse est elle aussi marquée par des surcoûts structurels, estimés à 9 % par l’Insee pour les prix des produits alimentaires. Vous semble-t-il envisageable – je reste prudent dans ma formulation – d’établir une majoration de traitement des enseignants en Corse, sur le modèle des pratiques en vigueur dans les territoires ultramarins ? Une telle mesure répondrait à la demande exprimée avec constance par les syndicats en Corse.

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.

M. Pap Ndiaye, ministre
L’attractivité du pacte auquel vous faites référence se mesure à un fait simple : la rémunération des missions prévues par ce dispositif sera financièrement beaucoup plus intéressante que celle des heures supplémentaires à leur tarif actuel. Si l’éducation nationale a effectivement recours à un volume d’enseignants contractuels supérieur à ce que nous souhaitons, c’est bien l’attractivité du métier qui est en jeu. Comme je l’indiquais, nous prévoyons de titulariser un certain nombre de personnels…

Mme Sophia Chikirou
Combien ?

M. Pap Ndiaye, ministre
…qui deviendront professeurs des écoles, dans trois académies.

Mme Sophia Chikirou
Versailles, Neuilly…

M. Pap Ndiaye, ministre
Par ailleurs, la grande masse de ces enseignants contractuels ne sont pas, contrairement à ce que certains prétendent, embauchés à la dernière minute : 87 % de ceux qui ont commencé leur travail à la rentrée enseignaient déjà l’année précédente. Il se trouve que – c’est d’ailleurs un des sujets dont nous discutons avec les élus ultramarins – certains enseignants choisissent, par défaut, le statut de contractuel, par exemple pour rester dans une académie très demandée plutôt que d’être mutés très loin de chez eux. C’est le cas des enseignants ultramarins. Nous avons fait aux élus de ces territoires plusieurs propositions visant à ajuster la prise en considération du centre des intérêts matériels et moraux (CIMM).
Enfin, la question des remplacements se pose en effet de façon évidente, d’où les propositions que nous faisons à travers le pacte enseignant et les mesures que nous prenons pour améliorer l’attractivité du métier. Car à quoi servirait-il de créer des postes dans telle ou telle académie ou dans telle ou telle discipline, s’ils ne sont pas pourvus ? Notre priorité est donc l’attractivité du métier.

Mme la présidente
La parole est à M. Bastien Marchive.

M. Bastien Marchive (RE)
En France, école et République sont indissociables, tant la première a contribué à promouvoir et à consolider les valeurs de la seconde. Égalité entre les citoyens, méritocratie, laïcité, tolérance : voilà des principes fondateurs auxquels les professeurs donnent corps au quotidien. Pour nos enfants, le rôle de l’école est crucial : elle pose les bases de notre avenir. À ce titre, les attentes de nos concitoyens sont nombreuses. Les enseignants en sont le fer de lance et la reconnaissance que nous leur témoignons doit être à la hauteur des exigences et des espoirs qu’ils incarnent.
En s’engageant à accorder une augmentation moyenne de 10 % à l’ensemble des enseignants et en garantissant une rémunération minimale de 2 000 euros par mois en début de carrière, la majorité est au rendez-vous.

Mme Sophia Chikirou
Celle-là il faut l’archiver !

M. Bastien Marchive
Ces revalorisations historiques sont rendues possibles par une augmentation budgétaire de 3,6 milliards d’euros en 2023. Comme d’autres l’ont souligné, ces mesures peuvent faire craindre un phénomène de tassement de la rémunération à mesure que les enseignants avancent dans leur carrière. C’est pourquoi je souhaite savoir comment vous entendez garantir la régularité de l’évolution de la rémunération des enseignants, notamment en seconde partie de carrière.

M. Rodrigo Arenas
Flagorneur !

M. Bastien Marchive
Parce que la force de l’école tient également au travail collaboratif de toute une équipe éducative, les moyens alloués à l’éducation nationale dans son ensemble sont évidemment déterminants. Je songe notamment aux AESH, qui jouent un rôle clef dans l’inclusion scolaire et dont le statut demeure souvent précaire, avec des contrats courts, à temps partiel et souvent peu rémunérateurs. Quelles sont les perspectives envisagées pour pérenniser cette profession, désormais devenue un rouage essentiel de l’école de la République ?

M. Rodrigo Arenas
La perche est tendue : nous attendons maintenant la réponse téléphonée !

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.

M. Pap Ndiaye, ministre
Vous avez raison : il faut – et nous travaillons en ce sens – éviter les faux plats ou le risque de tassement des rémunérations. Les grilles indiciaires actuelles prévoient d’ailleurs de telles périodes de stagnation, lesquelles, comme je l’indiquais, sont peu motivantes et même démoralisatrices,…

Mme Sophia Chikirou
Il faut des sous pour les AESH et pas un plat de lentilles !

M. Pap Ndiaye, ministre
…à tel point qu’elles peuvent d’ailleurs provoquer des démissions parmi les enseignants directement concernés. Nous avons donc veillé à ce que les grilles affichent une meilleure progressivité qu’à l’heure actuelle.
S’agissant des AESH, il faut reconnaître que les recrutements, c’est-à-dire la réponse purement quantitative aux besoins de l’école inclusive, ne suffisent pas. J’ai évoqué les améliorations de rémunération dont ces personnels bénéficieront. Nous nous orientons en outre vers l’emploi des AESH qui le souhaitent pendant 35 heures par semaine, grâce à une circulaire publiée le 4 janvier dernier, laquelle permet au ministère de l’éducation nationale de les rémunérer non seulement sur le temps scolaire, mais aussi sur le temps périscolaire,…

Mme Sophia Chikirou
C’est désespérant, de vous écouter parler des AESH !

M. Pap Ndiaye, ministre
…quitte à ce que la collectivité concernée le rembourse ensuite au titre de la part périscolaire – car nous devons bien entendu nous conformer à la décision du Conseil d’État, qui impose de disjoindre temps scolaire et temps périscolaire.

M. Rodrigo Arenas
Vous voulez les épuiser !

M. Pap Ndiaye, ministre
Tous ces chantiers sur lesquels nous avons travaillé ne constituent cependant pas l’unique réponse. J’ai par exemple mentionné tout à l’heure la Conférence nationale du handicap qui se tiendra prochainement.

Mme Sophia Chikirou
On peut en parler, de l’autisme ?

M. Pap Ndiaye, ministre
Elle fournira des réponses structurelles aux difficultés, notamment aux besoins des enfants autistes, lesquels représentent 10 % des enfants en situation de handicap.

Mme Sophia Chikirou
Ces gamins ne sont même pas scolarisés ! C’est terrible, ce que vous leur faites !

Mme la présidente
Monsieur Arenas et madame Chikirou, je vous demande de laisser les orateurs s’exprimer.

Mme Sophia Chikirou
C’est dur, madame la présidente ! Nous nous devons de tirer la sonnette d’alarme !

Mme la présidente
Pour moi aussi, c’est difficile.
La parole est à M. Philippe Fait – et à lui seul.

M. Philippe Fait (RE)
Vous avez tout à fait raison, madame la présidente. Ce débat porte sur l’école. Or je suis navré de constater que le respect que l’on exige de la part des enfants est malheureusement absent de cet hémicycle.

M. Rodrigo Arenas
Entre nous, cela vous arrive aussi !

M. Philippe Fait
À l’occasion de la réunion de rentrée des recteurs d’académie à la Sorbonne en août dernier,…

M. Rodrigo Arenas
Ne donnons pas de leçon !

M. Philippe Fait
Je ne donne pas de leçon !

Mme la présidente
Je note au passage que de jeunes élèves sont présents dans les tribunes du public cet après-midi. Je vous prie donc, chez collègues, de respecter chaque orateur.

M. Philippe Fait
Nous essayons au moins de donner l’exemple.
Je reprends. Lors de la réunion à la Sorbonne, le Président de la République a confirmé la poursuite des revalorisations salariales. Il s’est notamment engagé à ce qu’aucun enseignant ne perçoive moins de 2 000 euros net par mois en début de carrière d’ici à la rentrée 2023.
La concertation, portant sur l’attractivité et la revalorisation du métier d’enseignant, que vous avez lancée en janvier 2023, visait à préciser la mise en œuvre du pacte à la rentrée 2023. Celui-ci comprend deux étages : une revalorisation socle et une revalorisation conditionnelle. Dès lors, l’augmentation totale pourrait atteindre en moyenne 20 % pour les enseignants volontaires.
J’échange régulièrement avec les inspectrices de l’éducation nationale de ma circonscription, qui travaillent à Hesdin, à Montreuil-sur-Mer ou à Étaples-sur-Mer. Enseignant moi-même, je tiens à entretenir un lien avec toutes les équipes pédagogiques.
Alors que de nombreuses informations, souvent fausses, circulent – entre autres l’idée que le pacte serait moins rémunérateur que les heures supplémentaires –, pourriez-vous rassurer le monde enseignant en dissipant ces doutes ? En outre, pourriez-vous revenir sur le contenu dudit pacte, notamment sur l’articulation entre les missions à accomplir et la possibilité d’effectuer des heures supplémentaires ?

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.

M. Pap Ndiaye, ministre
En effet, le pacte sera plus rémunérateur que les heures supplémentaires – et pour cause, c’est dans l’intérêt du ministère de l’éducation nationale –, sinon il n’attirerait pas les professeurs. Or il est nécessaire que ces derniers adhèrent au pacte. Celui-ci doit être financièrement attractif et je peux vous affirmer qu’il le sera.
J’en arrive aux missions qui seront proposées aux enseignants, du premier comme du second degré, en commençant par les missions de base. D’une part, les enseignants du premier degré dispenseront une ou plusieurs heures de soutien et d’approfondissement en français et en mathématiques dans les classes de sixième, selon le modèle des classes tremplin de l’académie d’Amiens. D’autre part, les enseignants du second degré assureront des remplacements de courte durée, en faisant bien sûr cours dans leur discipline. Si, par exemple, un professeur de mathématiques est absent, le trou ainsi créé dans l’emploi du temps de la classe pourra être comblé par un cours d’anglais assuré par un professeur d’anglais, quitte à ce que les élèves concernés aient davantage de cours d’anglais que de mathématiques cette semaine-là – une compensation sera bien sûr prévue au cours des semaines suivantes.
À ces missions de base s’ajoutent la généralisation du dispositif « devoirs faits » – qui a fait ses preuves – à l’ensemble des classes de sixième ainsi que des missions qui pourront être définies au sein des projets pédagogiques des établissements dans le cadre du Conseil national de la refondation (CNR). Les directeurs et chefs d’établissement disposeront d’une certaine souplesse dans le choix de ces missions.

Mme la présidente
La parole est à Mme Cécile Rilhac.

Mme Cécile Rilhac (RE)
Je souhaite aborder une question qui m’est chère : la situation des directeurs d’école. Ces personnels, qui appartiennent au corps des enseignants, ont de grandes responsabilités. Nous ne pouvons nier leurs missions spécifiques. Je tiens à le dire une nouvelle fois : ce ne sont pas des enseignants comme les autres. Acteurs incontournables de notre système éducatif, ils méritent que leur fonction soit reconnue à part entière. C’est l’un des combats que je mène depuis 2017.
Vous le savez, notre majorité a engagé des mesures de revalorisation financière de cette fonction, comme l’instauration, à la rentrée 2020, de l’indemnité exceptionnelle – à la suite, notamment, de leur extraordinaire mobilisation au plus fort de la crise sanitaire. Cette indemnité a, depuis, été pérennisée. Par ailleurs, lors des rentrées 2021 puis 2022, le régime de décharge a été amélioré pour 80 % des directions d’école.
Je salue naturellement ces avancées. Cependant nous devons aller plus loin pour soutenir cette fonction et renforcer son attractivité. Cela doit passer notamment par l’entrée en vigueur de plusieurs dispositions de la loi créant la fonction de directrice ou de directeur d’école – texte dont j’ai été rapporteure. Ainsi, à ce jour, la bonification indiciaire n’a toujours pas été appliquée.
Pouvez-vous tout d’abord nous indiquer si des dispositions spécifiques sont prévues en faveur des directeurs d’école dans le cadre de la revalorisation socle et du pacte enseignant ?
Par ailleurs, puisque revalorisation et reconnaissance du travail et de l’engagement vont de pair, la loi du 21 décembre 2021 prévoyait également la mise en place d’une aide administrative dans certains cas et l’octroi de décharges supplémentaires en fonction des spécificités de l’école. En outre, une accélération de carrière était promise. Pouvez-vous nous dire où en sont les décrets d’application relatifs à l’avancement accéléré des carrières des directeurs d’école et si les autres questions seront abordées au cours du débat budgétaire de fin d’année ?

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.

M. Pap Ndiaye, ministre
Les décrets d’application prévus par la loi n’ont pas tous été publiés, en accord avec les organisations syndicales, lesquelles nous avaient demandé d’attendre les élections professionnelles qui se sont tenues en décembre dernier. Deux décrets doivent encore être pris ; l’un porte sur les missions des directeurs, l’autre sur leur recrutement, leur formation et leur carrière, une question que vous avez directement évoquée. Ce second projet de décret comporte une disposition très intéressante financièrement puisqu’elle vise à valoriser la responsabilité du directeur d’école en lui accordant une bonification d’ancienneté de trois mois par année d’exercice.
Ces textes ont été présentés la semaine dernière aux organisations syndicales qui les ont bien accueillis. Ils doivent encore faire l’objet de consultations institutionnelles – le Conseil d’État doit ainsi bientôt les examiner.
Nous prévoyons une publication de ces décrets au début de l’été prochain. Les dispositions qui y figurent seront applicables à compter de la prochaine rentrée scolaire.

Mme la présidente
La parole est à Mme Caroline Parmentier.

Mme Caroline Parmentier (RN)
Ils sont écœurés par la manière dont l’institution les traite et démoralisés par des salaires minuscules au regard des années d’études effectuées et de la responsabilité attachée à leur métier. Je parle de ceux à qui nous confions la prunelle de nos yeux, ce que nous avons de plus cher.
Pour les enseignants français, la décennie écoulée s’est déclinée en différentes phases : déclassement, dévalorisation, déconsidération, démotivation mais aussi agressions et atteintes à la laïcité. La conditionnalité de la revalorisation que vous proposez – qui remet en cause l’idée même de revalorisation – s’apparente plutôt à une ultime humiliation.
Payer des personnes pour du travail supplémentaire, ce n’est pas de la revalorisation. Les enseignants ne veulent pas travailler plus. Les heures qu’ils assurent actuellement ne sont déjà pas suffisantes pour leur permettre d’accomplir leur mission. On ne peut pas leur demander de contrepartie, et surtout pas dans le cadre de cette usine à gaz. Comme la réforme des retraites, le pacte est imposé à marche forcée parce que Macron l’a décidé au mépris de toutes les considérations de terrain.
Par ailleurs, comment admettre une nouvelle injustice à l’encontre des femmes alors que nul n’ignore les raisons sociales et culturelles qui expliquent pourquoi elles accéderont plus difficilement que les hommes aux tâches donnant droit à la revalorisation ? Comment pouvez-vous envisager de démultiplier les missions de nos enseignants plutôt que de revaloriser, grâce à une augmentation de salaire, les missions qui existent déjà, et cela alors même que celles-ci sont de plus en plus difficiles à accomplir – apprendre à lire, à écrire et à compter, former le jugement et le sens critique, enseigner et transmettre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.

M. Pap Ndiaye, ministre
Si j’ai bien compris votre question, vous faites référence aux hausses de rémunération prévues dans le cadre du pacte enseignant. Vous avez toutefois compris, bien entendu, que l’essentiel du budget serait consacré à la revalorisation socle, c’est-à-dire une revalorisation sans condition, pour tous les enseignants, depuis les stagiaires et néotitulaires jusqu’aux enseignants en fin de carrière.

Mme Caroline Parmentier
Elle est trop faible ! Elle est infime !

M. Pap Ndiaye, ministre
Le rapport entre le socle et le pacte est du simple au double puisque nous consacrons, en année pleine, 1,9 milliard d’euros au premier et 900 millions au second. Le socle pèse donc bien plus lourd que le pacte d’un point de vue budgétaire.
Vous avez par ailleurs évoqué une possible inégalité entre les femmes et les hommes. J’ai fait allusion à ce sujet lorsque j’ai parlé des missions spécifiques que nous avons imaginées pour les enseignants du premier degré – qui sont, à 88 %, des enseignantes.
Vous avez enfin mentionné les socles fondamentaux de l’apprentissage du français et des mathématiques. Nous souhaitons justement que ce travail se poursuive au cours du cycle 3 en insistant sur l’écriture en CM1 et en CM2 et en proposant une heure supplémentaire de français et de mathématiques en sixième.

Mme Caroline Parmentier
Une heure seulement ?

M. Pap Ndiaye, ministre
Ces heures d’enseignement, qui seront proposées dans le cadre du pacte, s’ajouteront aux cours existants afin de remédier aux faiblesses et fragilités de certains élèves.

Mme la présidente
La parole est à M. Roger Chudeau.

M. Roger Chudeau (RN)
Vous affirmez vouloir revaloriser les rémunérations du corps enseignant. Réglons d’emblée le sort des 10 % d’augmentation pour tous. Avec une inflation qui s’élève en moyenne à 6 %, l’augmentation réelle sera de 4 %, ce qui correspond à environ 60 euros net par mois.

M. Pap Ndiaye, ministre
Non !

M. Roger Chudeau
On peut donc parler d’une aumône – presque d’une injure.
J’en arrive aux 20 % promis aux signataires du pacte. Et d’abord, qu’est-ce qu’un pacte dans la fonction publique d’État ? Nous savons qu’il existe des statuts particuliers ou des obligations réglementaires de service mais nous ne connaissons point de pacte. Votre ligne politique est bien, en tous points, la déconstruction.
Les professeurs qui obtiendront une revalorisation de 20 % de leur traitement devront – avez-vous expliqué – accepter des tâches supplémentaires : accompagnement à l’orientation, remplacement ou encore participation au projet d’établissement. Ces tâches ont toujours existé – vous le savez – et ont toujours été valorisées, sous la forme d’heures supplémentaires payées ou d’indemnités. Dès lors, il suffirait tout bonnement de revaloriser ces heures supplémentaires et ces indemnités. En revanche, nous n’avons pas besoin d’un pacte.
S’agissant des remplacements, dont le chef de l’État a souhaité qu’ils interviennent dans la minute – je vous souhaite bon courage ! –, je vous signale tout de même, monsieur le ministre, que les remplacements sont prévus dans chaque établissement par un décret du 26 août 2005 que vos collaborateurs pourront vous mettre sur les yeux si vous le souhaitez. Évidemment, ce décret n’est pas appliqué, ce qui est bien dommage. Il suffirait en effet qu’il le soit pour que les remplacements de courte durée soient assurés dans l’établissement avec l’accord des personnels.
Avec votre pacte, vous créez une opposition totalement factice entre des professeurs qui n’ont qu’un statut de base et des « superprofs pactés ». Vous avez choisi une revalorisation sous condition alors que vous auriez dû l’accorder à l’ensemble du corps enseignant pour reconnaître leur dignité. Vous passez à côté du vrai problème.
Ma question est la suivante : pensez-vous que c’est en vous attaquant au statut du corps enseignant et en divisant celui-ci que l’on rétablira l’autorité du maître et la considération sociale qui lui est due ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.

M. Pap Ndiaye, ministre
Nous ne touchons pas au statut des professeurs. Celui-ci reste intact. Si nous avions dû y toucher – vous le savez pertinemment –, la procédure, autrement plus complexe, aurait duré plusieurs années.
Je récuse également la formule que vous utilisez à propos des « superprofs » puisque le pacte sera proposé à tous les professeurs, quel que soit leur corps – professeurs des écoles, professeurs certifiés, professeurs agrégés –, ainsi qu’aux conseillers principaux d’éducation et aux psychologues de l’éducation nationale. Il n’y aura donc pas de hiérarchie créée par le pacte puisque celui-ci sera ouvert à toutes et tous. De surcroît, un professeur pourra s’engager dans le pacte une année, et se désengager plus tard en fonction de telle ou telle circonstance.
Bref, le dispositif est souple, d’autant plus que les 3 750 euros seront divisés en trois blocs et que chaque professeur pourra prendre une, deux ou trois missions. Le pacte est ouvert à tout le monde et plus rémunérateur que le régime des heures supplémentaires actuel. C’est bien pourquoi, comme je l’indiquais, nous avons créé ce pacte, de manière à attirer un nombre suffisant de professeurs et à pouvoir construire des ensembles cohérents de missions, ce que le régime des heures supplémentaires ne peut pas permettre actuellement. Je suis donc tout à fait confiant : le pacte permettra d’améliorer le service scolaire, ce service que nous devons à nos élèves.

Mme la présidente
La parole est à Mme Véronique Besse.

Mme Véronique Besse (NI)
Nul besoin de constater tous les ans le décrochage de la France au classement Pisa, le Programme international pour le suivi des acquis des élèves, pour se rendre compte que l’école française est en grande difficulté, que le niveau scolaire baisse drastiquement et que c’est dramatique. Prenons-en toute la mesure.
Dans la voie de l’amélioration, une des pierres de l’édifice passe, certes, par la revalorisation des salaires des professeurs. Nous nous accordons tous sur la nécessité de revaloriser de façon importante leur salaire, c’est un juste retour des choses au regard de leur rôle clef dans la société, à savoir l’instruction des jeunes Français. Cependant, monsieur le ministre, permettez-moi un pas de côté pour ne pas répéter ce qu’ont excellemment dit certains collègues avant moi : j’évoquerai donc l’affectation des professeurs, notamment par le biais du système de points.
Comment se fait-il que les jeunes professeurs soient envoyés dans les établissements les plus difficiles – si je puis dire – alors qu’il s’agit de procéder à l’instruction des élèves et de leur inculquer le respect de la fonction professorale ? Il serait pertinent que les jeunes professeurs ne soient pas, au début de leur parcours, dépendants des choix de carrière de leurs aînés. En effet, on constate que les professeurs aguerris n’enseignent guère dans les établissements où il y aurait bien besoin de leur expérience puisque le système aboutit à ce que les enseignants expérimentés soient les premiers à pouvoir faire le choix de leur affectation – et, logiquement, ils choisissent les établissements les plus calmes. Les jeunes professeurs tout juste diplômés se retrouvent donc assez souvent mis à l’épreuve par certains élèves.
Outre la revalorisation du salaire des professeurs, il s’agit donc de savoir si vous envisagez une évolution du système à points afin que les établissements dits difficiles puissent bénéficier de l’enseignement de professeurs expérimentés.

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.

M. Pap Ndiaye, ministre
Madame la députée Besse, vous soulevez en effet une question importante, celle de l’affectation des professeurs. Il se trouve que les académies qui ont besoin du plus grand nombre de professeurs, en ce qui concerne le second degré, ne sont pas toujours attirantes – je pense à celle de Créteil et à celle de Versailles… –, et que nous devons y faire venir des enseignants qui viennent parfois de loin, y compris d’outre-mer comme j’y ai fait allusion précédemment. Néanmoins, deux éléments permettent d’apporter un bémol à ce tableau.
Tout d’abord, les primes d’éducation prioritaire ainsi que le dédoublement des classes, que ce soit dans les REP ou dans les réseaux d’éducation prioritaire renforcés (REP+), ont permis, ces dernières années, de fidéliser des enseignants, notamment des enseignants très expérimentés.

M. Rodrigo Arenas
Ce n’est pas la question !

M. Pap Ndiaye, ministre
Par conséquent, y compris dans des zones très défavorisées et réputées difficiles, il y a des équipes d’enseignants dont le renouvellement n’est pas aussi élevé qu’on pourrait le penser.
Le second élément, c’est l’existence de postes à profil, un dispositif qui permet de recruter des enseignants non pas indépendamment du mouvement national, mais d’une manière qui ne tient pas seulement compte du nombre de points acquis et de l’ancienneté. C’est particulièrement vrai pour les ultramarins et je souhaite développer les postes à profil afin sinon d’éviter du moins de limiter des déplacements qui peuvent se révéler très difficiles pour ces professeurs et pour leurs familles.

Mme la présidente
Le débat est clos. 


Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 13 avril 2023