Déclaration de Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur le thème "Errements de Parcoursup et difficultés de l'enseignement supérieur", à l'Assemblée nationale le 4 avril 2023.

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Circonstance : Débat sur le thème "Errements de Parcoursup et difficultés de l’enseignement supérieur", Assemblée nationale le 4 avril 2023

Texte intégral

Mme la présidente
L’ordre du jour appelle les questions sur les errements de Parcoursup et les difficultés de l’enseignement supérieur.
Je rappelle que la conférence des présidents a fixé à deux minutes la durée maximale de chaque question et de chaque réponse, sans droit de réplique.

(…)

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche
Vos questions, qui concernent l’avenir de nos jeunes, sont évidemment pertinentes.
Vous avez évoqué « un algorithme qui nous surprend ». Je le répète, ce n’est pas un algorithme qui fait le choix pour les élèves et les étudiants. Le seul algorithme qui existe est un algorithme non obligatoire et non automatique, qui est à la disposition de la commission d’examen des vœux et peut être paramétré par les enseignants composant celle-ci. Il s’agit d’un algorithme d’aide à la décision, qui ne finalise pas les choix. Le classement des étudiants est réalisé in fine par la commission d’examen des vœux, donc par les enseignants. Je vous rejoins sur un point : si les gens pensent que c’est un algorithme qui décide de l’avenir de leurs enfants, c’est une source de stress supplémentaire.
Je vous communique quelques chiffres : 93 % des lycéens reçoivent au moins une proposition par l’intermédiaire de la plateforme Parcoursup, une fois leur dossier étudié par la commission d’examen des vœux. En 2022, 160 lycéens sont restés sans solution après avoir saisi la commission d’accès à l’enseignement supérieur (Caes). Ils ont fait l’objet d’un suivi individuel, afin que l’on continue à leur proposer des solutions dans l’enseignement supérieur. De mémoire, seule une trentaine d’entre eux sont restés jusqu’au bout sans solution.
Parcoursup permet d’avoir accès à toute l’offre de formation, soit 21 000 formations nationales, et de déposer un dossier de chez soi, sans avoir à faire la queue ni subir le tirage au sort pratiqué auparavant. Ce sont bien des personnes, siégeant dans les commissions d’examen des vœux, qui décident de l’avenir de nos jeunes – je suis d’accord avec vous, le côté humain est important.

Mme la présidente
La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel (LR)
En France, les établissements de l’enseignement supérieur privé accueillent une part croissante des étudiants, contribuant à absorber la hausse générale des effectifs de l’enseignement supérieur. En 2020, 560 000 étudiants étaient inscrits dans un établissement d’enseignement supérieur privé en France ; cela représente 21 % des étudiants, soit un cinquième.
En faisant un petit zoom arrière, l’on s’aperçoit que les pratiques trompeuses de certains établissements de l’enseignement supérieur privé, après avoir suscité un certain nombre d’interrogations, ont conduit à un meilleur encadrement de l’enseignement privé par l’État. Le législateur a décidé d’une labellisation claire des établissements privés dont la qualité des formations est évaluée et certifiée par l’État en leur conférant le statut d’EESPIG, établissement d’enseignement supérieur privé d’intérêt général, label qui indique que les établissements ont passé un contrat avec l’État.
La question que je veux vous poser est double. Que faites-vous pour créer une relation privilégiée entre l’État, et plus précisément votre ministère, et les EESPIG, qui disposent d’un label les distinguant des autres établissements de l’enseignement supérieur privé ? Quels moyens spécifiques avez-vous fléchés vers ces établissements comparativement aux établissements privés qui n’ont pas ce statut ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvie Retailleau, ministre
Nous entretenons des relations privilégiées avec les EESPIG et, plus largement, avec les établissements privés conventionnés ainsi qu’avec les établissements privés ayant reçu la certification qualité Qualiopi, pour la partie apprentissage. Nous les recevons régulièrement.
La direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle a formé un groupe de travail dans le but de faciliter l’identification, par les élèves et leurs parents, de ces établissements privés qui, contrairement à ceux qui ne remplissent pas les critères nécessaires pour bénéficier du label Eespig, de la marque Qualiopi ou d’un autre type d’habilitation, bénéficient d’un financement de l’État, avec un fléchage particulier, et avec lesquels nous sommes en relation permanente. Je pense que ce point est encore plus capital aujourd’hui qu’il ne l’était auparavant.

Mme la présidente
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz (LR)
« Parcoursup reste un problème pour nous, les lycéens. » Ce constat, c’est celui dressé par des milliers de lycéens français. Les témoignages en ce sens se multiplient dans nos permanences dès la fin juin, et jusqu’à la fin juillet. Interroger les élèves de terminale sur leurs choix, c’est se heurter à leurs angoisses : la crainte de l’échec et la pression de choisir sa voie, sans maîtriser les rouages du système. Les futurs étudiants, qui représentent l’avenir de notre société, se retrouvent ainsi démunis face au fonctionnement de Parcoursup.
Des améliorations étaient attendues avec la nouvelle version proposée en 2023, mais les changements de design et autres gadgets ne répondent pas aux attentes des élèves, lesquels dénoncent l’opacité d’une procédure qui creuse des inégalités sociales et démographiques déjà prégnantes dans le milieu scolaire. En 2022, sur 936 000 candidats, dont 622 000 lycéens, près de 182 000 n’ont intégré aucune formation présente sur la plateforme, sans explication. Comment l’attribution des vœux est-elle réalisée ? Sur quels critères ? Mystère.
Derrière ce chiffre qui ne peut nous laisser indifférents se cache une autre réalité, celle de la fracture territoriale. En effet, les lycéens des métropoles étaient globalement plus satisfaits de la prise en compte de leurs vœux que ceux des départements ruraux, enclavés ou périphériques, trop souvent éloignés des grands centres universitaires, lesquels, pour certains, n’ont même plus la capacité d’accueillir leurs étudiants dans de bonnes conditions. Entre le manque de transparence et l’absence de prise en compte des besoins et des réalités des territoires, la communication gouvernementale n’a, une fois de plus, pas été en mesure de masquer les errements d’un système dépassé et profondément inégalitaire.
L’ensemble de ces éléments m’amène à déplorer le manque de moyens et d’investissements engagés dans l’éducation nationale et l’enseignement supérieur dans notre pays. Madame la ministre, à ce stade, quels retours avez-vous de la session 2023 ? Envisagez-vous une nouvelle évolution du dispositif pour sortir de cette errance ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvie Retailleau, ministre
Je ne peux pas vous laisser dire que 182 000 élèves ne se sont pas vu attribuer de place. Ce chiffre correspond à une situation temporaire, mais ce n’est pas le chiffre final ; il y a différentes phases. Chaque année, il y a une évolution dans l’attribution des places. Je le répète, en 2022, après la commission d’accès à l’enseignement supérieur, 160 élèves restaient sans proposition, et nous avons continué à traiter leurs dossiers au niveau du rectorat.
Par ailleurs, même si je comprends le stress des lycéens, l’amélioration de la plateforme n’est pas que cosmétique ; des gens y ont travaillé. Il y a eu de nombreuses réunions avec les enseignants, les lycéens et les associations de parents d’élèves pour améliorer la plateforme. Demandez-leur ! Les associations de parents d’élèves pourront témoigner d’une amélioration concrète, qui doit cependant se poursuivre.
Concernant la transparence des critères de choix des commissions, je voudrais citer un exemple : nous avons, cette année, pour chaque formation, demandé aux enseignants de remplir une fiche définissant leurs critères de choix – ce qui fait beaucoup de travail pour les enseignants du supérieur –,…

Mme Cécile Untermaier
C’est vrai.

Mme Sylvie Retailleau, ministre
…car c’est un pas supplémentaire vers la transparence. Nous comprenons que les élèves et leurs parents doivent pouvoir mieux anticiper les critères de choix dans le supérieur et nous avons apporté des améliorations dès cette année. Nous continuerons à y travailler, pour le bien des élèves et des étudiants.

Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin (LR)
Je souhaite appeler votre attention sur l’inadéquation des nouveaux critères utilisés, dans le cadre de la plateforme Parcoursup, pour sélectionner les futurs élèves des instituts de formation en soins infirmiers, que l’on appelle plus couramment les Ifsi. Comme vous le savez, la combinaison de la loi du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants et des principes internes de fonctionnement de Parcoursup a profondément modifié les modalités générales de sélection dans l’enseignement supérieur. Dans le cas spécifique des Ifsi, ces changements ont été davantage marqués encore : en effet, le concours d’entrée qui prévalait jusqu’alors a été supprimé par l’arrêté du 13 décembre 2018 modifiant l’arrêté du 31 juillet 2009 relatif au diplôme d’État d’infirmier ; désormais, la sélection a lieu après une inscription sur la plateforme Parcoursup pour les candidats titulaires du baccalauréat ou de son équivalent.
Or, si l’on assiste à un nombre record de candidatures, les Ifsi sont confrontés à un nombre croissant d’abandons, ce qui est particulièrement inquiétant au vu de la pénurie de soignants que nous connaissons actuellement. À titre d’exemple, dans la région Grand Est, si 2 717 étudiants ont intégré un Ifsi en 2019, ils ne sont que 1 984 à avoir été diplômés en 2022 ; autrement dit, le taux de non-diplômés s’élève à presque 27 %. Si ces échecs ont évidemment des causes diverses – arrêt de formation, suspension de formation ou encore redoublement –, ils n’en démontrent pas moins de sévères lacunes dans la sélection initiale des étudiants, lesquels sont parfois bien éloignés de leur région d’origine. Le Grand Est ne semble pas être un cas isolé, puisque le ministère de la santé a évoqué, en janvier 2023, un taux d’abandon de 13 % chez les étudiants infirmiers, seulement deux mois après la rentrée. Il faut donc se rendre à l’évidence : la nouvelle méthode de sélection est inadaptée.
Fort de ces éléments et constatant chaque jour davantage l’urgence de former de nouveaux infirmiers pour notre pays, je viens vous demander si le Gouvernement entend rétablir le concours d’entrée aux Ifsi afin de limiter ces abandons. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. François Jolivet applaudit également.)

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvie Retailleau, ministre
Vous avez bien décrit le problème qui se pose dans les Ifsi ; nous avons fait le même constat sur le nombre d’abandons.
Il faut savoir que le concours de recrutement qui existait précédemment avait pour inconvénient que de nombreuses formations restaient non remplies dès le départ ; il avait aussi suscité une multiplication des préparations privées qui en compromettaient le caractère méritocratique. Nous avons désormais un nouveau problème, lequel a été confirmé par un rapport de l’inspection générale.
Ce problème est lié à la motivation des étudiants ; celle-ci étant cruciale dans la formation au métier d’infirmier, nous avons fait évoluer Parcoursup dès cette année pour donner aux élèves et à leurs familles des outils leur permettant de se positionner en connaissant mieux la formation. Nous leur avons notamment laissé la possibilité de rédiger une lettre de motivation plus longue que pour les autres formations afin de pouvoir mieux évaluer leur motivation, laquelle constitue un critère de choix.
Un autre problème a été identifié, celui du stage. Comme vous l’avez dit, les abandons ont lieu deux à trois mois après la rentrée – c’est-à-dire, comme par hasard, juste après le stage. Nous avons donc identifié les terrains de stage qui ne sont pas adaptés au premier stage d’infirmier, comme les Ehpad, et un travail est en cours pour faire évoluer la formation afin d’éviter les abandons.
Enfin, puisque vous avez posé la question de la territorialisation, je précise que nous essayons d’inciter les Ifsi à recruter les étudiants sur leurs territoires respectifs ; néanmoins, il n’y aura pas de retour au concours. Nous visons plutôt l’amélioration des différents points identifiés par les inspecteurs.

Mme la présidente
La parole est à Mme Frédérique Meunier.

Mme Frédérique Meunier (LR)
Je souhaite revenir sur les nombreux dysfonctionnements que connaît Parcoursup depuis son lancement. Entre critères de sélection absurdes, algorithme opaque et absence totale de prise en compte d’autres éléments que les notes, on observe un mécontentement grandissant à l’égard de la plateforme. Et c’est sans compter les nombreux bugs informatiques. Je n’en citerai que quelques-uns.
À l’été 2022, Imea, une école supérieure des métiers du commerce et de la vente, a été victime d’un dysfonctionnement de la plateforme. Il résultait d’un mystère informatique, plus précisément de l’absence de référencement de l’école sur Parcoursup. Disparue malencontreusement du site, Imea a dû chercher en urgence des étudiants. Même si la situation a été rétablie progressivement, elle n’a pas pu être totalement réglée et les promotions n’ont pas fait le plein d’étudiants.
Autre dysfonctionnement : en juillet 2022, 587 étudiants de l’université de Poitiers ont subi les conséquences d’un bug informatique qui a engendré le désistement d’étudiants dont le délai de réponse n’était pas dépassé, ce qui a eu pour conséquence la remontée en cascade sur la liste principale d’étudiants en attente de place : un faux espoir pour ces étudiants déjà stressés par l’incertitude.
Dans mon département, en Corrèze, la ville de Brive-la-Gaillarde a mis en place un service d’aide gratuit qui s’adresse aux lycéens, aux étudiants en réorientation et aux apprentis pour compléter leur dossier d’inscription sur Parcoursup. C’est encore une fois aux communes de pallier les manquements du Gouvernement.
Parcoursup a été mis en service avant la réforme du baccalauréat alors qu’il aurait été plus astucieux de procéder dans l’ordre inverse. Le site devait remplacer le portail d’admission postbac, dit APB, lequel rencontrait de nombreuses difficultés, et permettre aux jeunes d’approfondir dans le supérieur les choix faits au lycée. Face à l’augmentation de la population étudiante, quelles mesures allez-vous prendre pour mieux appréhender les rentrées futures ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvie Retailleau, ministre
Madame la députée, j’ai envie de vous demander : que proposez-vous ?

Mme Frédérique Meunier
Venez chez moi, à Brive !

Mme Sylvie Retailleau, ministre
Vous parlez de bugs informatiques. Mais, au XXIe siècle, sur une plateforme de gestion des candidatures, cela existe dans le monde entier. Proposez-vous de revenir à l’ancien système, où l’on faisait la queue devant le service de la scolarité ? Premier arrivé, premier servi : là, il y aura plus de bugs informatiques ! Proposez-vous de gérer, comme sur APB, les filières en tension par tirage au sort ? Je vous assure que le mécontentement était beaucoup plus grand et que ce procédé engendrait beaucoup plus de stress.
Aujourd’hui, l’un des principaux problèmes de Parcoursup tient à l’augmentation de l’offre de formation – le nombre de formations proposées a atteint 21 000 en quelques années. Au fond, la plateforme souffre de la richesse de son offre, qui complique sa gestion, mais désormais, partout en France, chaque étudiant a la possibilité d’accéder à une formation.
Que des améliorations soient nécessaires, je vous le concède, et nous y travaillons constamment. Toutefois, on ne peut pas dire que le système soit opaque. Vous affirmez qu’il suscite un mécontentement croissant et majoritaire et vous citez des cas particuliers. Pour ma part, je travaille avec des statistiques et non avec des cas particuliers.

M. Marc Le Fur
C’est bien le problème ! Il y a des gens derrière tout cela, madame !

Mme Sylvie Retailleau, ministre
Je le sais bien, monsieur le député, puisque j’ai travaillé quotidiennement avec ces gens-là pendant trente-cinq ans ! Je me suis souvent connectée à la plateforme avec mes élèves et mes étudiants, je vois donc très bien de quoi vous parlez. Nous avons la volonté de les aider à utiliser Parcoursup et d’améliorer l’accès des élèves aux cursus de leur choix. Les chiffres montrent que la situation progresse, mais nous devons continuer de travailler car, vous avez raison, Parcoursup concerne des gens – en l’occurrence, nos enfants. C’est la raison pour laquelle, dans les lycées et dans les établissements de l’enseignement supérieur, les enseignants travaillent quotidiennement à améliorer le fonctionnement de la plateforme.

Mme la présidente
La parole est à M. Laurent Croizier.

M. Laurent Croizier (Dem)
En 2018, la plateforme Parcoursup, destinée à gérer les vœux d’affectation des futurs étudiants, remplaçait le portail APB. Parcoursup a mis fin, fort heureusement, à l’inacceptable recours au hasard du tirage au sort pour départager les candidats à l’entrée des universités.

M. Jean-François Coulomme
Oui, c’est ce que vous racontez aux étudiants !

M. Laurent Croizier
Le dispositif a si bien évolué au fil des ans qu’en 2022, il a accompagné 936 000 candidats, qui ont postulé à 21 000 formations.

M. Rodrigo Arenas
Ça va, le fayotage !

M. Laurent Croizier
Je souhaite appeler votre attention sur un point particulier : les critères géographiques, en particulier pour les formations sélectives. Pour le brevet de technicien supérieur (BTS), le bachelor universitaire de technologie (BUT) ou l’Ifsi, par exemple, aucun critère géographique n’est pris en considération – autrement dit, il n’y a pas de zone de recrutement prioritaire. Cela signifie que les élèves peuvent postuler partout où ils le souhaitent et que les étudiants sont affectés, au gré des choix et des priorités, dans des établissements très éloignés de leur domicile, alors que la même formation se situe dans leur académie ou dans leur département. Or l’affectation des étudiants dans des zones éloignées de leur domicile est source de dépenses financières importantes pour les familles, mais aussi d’inégalité entre elles.
L’ancrage territorial des étudiants diplômés par rapport aux besoins des territoires dans lesquels ils suivent leur formation constitue un autre problème. Ainsi, au sein de l’Ifsi de Besançon, dans ma circonscription, plus de la moitié des étudiants sont originaires de la moitié sud de la France. Or sur les 900 nouveaux diplômés, seuls 300 exercent dans la région Bourgogne-Franche-Comté.
Madame la ministre, envisagez-vous de repenser la variable géographique pour maximiser à la fois les chances de nos étudiants et les besoins de formations de nos territoires ? (Mme Blandine Brocard applaudit.)

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvie Retailleau, ministre
Votre question n’est pas simple, monsieur le député. Je rappelle que d’après la loi, des critères géographiques ne peuvent pas s’appliquer aux formations sélectives. Parcoursup observe les mêmes règles qu’auparavant : pour les formations non sélectives, notamment les licences, le critère géographique est pris en compte ; pour les formations sélectives, il ne l’est pas, conformément à la loi. Reste que ce critère est souvent pris en considération dans l’examen des différentes demandes formulées sur Parcoursup, mais pas de manière systématique. Le sujet mérite donc d’être approfondi.
Quant à la mobilité, elle est attendue des étudiants. Nous devons trouver un équilibre entre une offre de formation de proximité – d’où la nécessité de mailler le territoire d’un grand nombre de formations – et une offre de formation partout en France, car les étudiants doivent avoir le choix du lieu où ils veulent étudier. Cet équilibre, que la loi s’est efforcée de garantir en réglementant l’accès aux formations sélectives, est délicat à trouver. Je rappelle, pour finir, qu’un étudiant qui fait ses études de premier cycle en dehors de son académie d’origine bénéficie d’une aide à la mobilité de 500 euros.

Mme la présidente
La parole est à Mme Cécile Untermaier.

Mme Cécile Untermaier (SOC)
Je veux, pour commencer, saluer notre université, une institution magnifique qui accueille presque gratuitement plus de la moitié des étudiants français. Elle n’est malheureusement pas payée de retour, que l’on pense aux moyens et aux locaux dont elle dispose ou au statut des enseignants-chercheurs.
En ce qui concerne Parcoursup, des améliorations sont en effet notables dans le fonctionnement de la plateforme par rapport aux premières années, en particulier pour les professeurs. Je veux toutefois faire deux observations.
Rappelons, tout d’abord, que si les établissements de formation classent les étudiants, c’est le rectorat qui fixe des quotas à l’entrée de ces établissements. Sa rigidité est souvent dénoncée par les professeurs, qui souhaiteraient davantage de souplesse dans le système. Ils dénoncent le refus opposé par le rectorat aux étudiants non résidents qui souhaitent s’inscrire dans un parcours spécifique de l’académie, unique en France – nous venons d’aborder le sujet. Les professeurs ont beaucoup de mal à faire venir dans leur établissement des jeunes originaires d’autres académies.
Je vous invite, ensuite, à lire l’excellente tribune du président de l’université Jean Moulin Lyon 3, Éric Carpano, parue dans Le Monde le 21 juin 2022. Il souligne dans ce texte que la plateforme n’est pas adaptée aux étudiants en situation de handicap. Il faut plus de temps pour s’organiser dans une ville que l’on ne connaît pas quand on a un handicap. Il est important que Parcoursup évolue sur ce sujet.

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvie Retailleau, ministre
Les sujets que vous soulevez sont au cœur de nos préoccupations. En ce qui concerne les élèves en situation de handicap, cette année, nous avons introduit dans Parcoursup des fiches de suivi qu’ils ont la possibilité d’activer ou non et qui leur permettent de bénéficier automatiquement d’un accompagnement lorsqu’ils sont acceptés dans un établissement d’enseignement supérieur – accompagnement qui vise à faciliter et à accélérer leur accès à cet établissement. Dès que les étudiants en situation de handicap connaissent l’établissement dans lequel ils sont acceptés, ils doivent contacter le recteur ou l’établissement lui-même pour bénéficier d’une gestion personnalisée et, évidemment, de dérogations diverses. Dans les rectorats comme dans les établissements, nous savons gérer les situations de ces étudiants, mais sans doute devrions-nous le faire savoir davantage et améliorer encore le dispositif les concernant.
Quant à votre première observation, il me semble qu’elle porte sur des cas particuliers tels que le BUT, le bac technologique ou le bac professionnel d’histoire-géographie, pour lesquels des objectifs chiffrés, des quotas, sont en effet fixés, dans une optique de territorialisation notamment. Un dialogue s’engage ensuite entre les établissements de formation et le rectorat pour adapter les objectifs chiffrés en fonction des cas spécifiques. Le facteur humain entre alors en ligne de compte car, vous le savez comme moi, on a toujours de bonnes raisons de ne pas atteindre un objectif. Toutefois, les objectifs chiffrés ont le mérite de fixer une direction et de mesurer les résultats obtenus.
Les questions que vous soulevez font l’objet d’un constant dialogue entre tous les acteurs. Sachez que nous y travaillons sans relâche.

Mme la présidente
La parole est à Mme Marietta Karamanli.

Mme Marietta Karamanli (SOC)
Parcoursup n’est pas seulement une plateforme d’orientation – et in fine de sélection – des candidats à une formation d’enseignement supérieur, en particulier de niveau bac + 3, c’est aussi une procédure dont les effets se font sentir tout au long des années de lycée. Dans son rapport au Parlement de 2022, le comité éthique et scientifique de Parcoursup (CESP) a mis en évidence des enjeux d’équité dans trois domaines : les demandes et les parcours des élèves boursiers ; les demandes et les parcours des élèves de terminales professionnelles et technologiques ; l’harmonisation du traitement entre les élèves – l’inégalité dans ce domaine est renforcée par l’effet « premier arrivé, premier servi ».
Les associations de parents d’élèves ont souligné l’impact négatif de Parcoursup sur certains élèves. En effet, la manière de les évaluer varie significativement au sein d’un même établissement, entre les établissements d’un même territoire et entre les établissements de territoires différents. Dans certains cas, l’évaluation est espacée et ponctuelle, et porte sur des connaissances larges. Dans d’autres, elle est régulière et procède d’une vérification étape par étape. Cette disparité est source de stress chez les lycéens et amplifie un mal-être sur lequel s’accordent toutes les enquêtes.
Enfin, notre système fait reposer l’entrée dans l’enseignement supérieur sur une concurrence dont l’issue est cruciale lors de l’obtention du bac, alors que, dans d’autres États de l’Union européenne, l’accès à l’enseignement supérieur est un droit garanti par l’État et financé pendant plusieurs années. Vous connaissez bien sûr toutes ces difficultés, madame la ministre. J’en viens donc à mes questions.
Quels objectifs quantifiés et quels quotas entendez-vous promouvoir pour les élèves boursiers et les élèves de la filière professionnelle ? Quelle méthode utiliserez-vous pour limiter les risques d’inégalité liés à l’évaluation continue des lycéens ? Quelle politique engagerez-vous en faveur d’un droit à la formation pour tous valorisant l’acquisition de compétences et d’expériences, y compris après une période de césure ?

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvie Retailleau, ministre
Ces questions sont importantes pour nos étudiants, madame la députée. Pour garantir l’équité entre les élèves, autrefois assurée par la simple obtention du bac, nous avons introduit cette année, dans le dossier de l’élève sur Parcoursup, les épreuves de spécialité du bac général, ce qui renforce l’objectivation du dossier et valorise l’examen lui-même. Cette évolution était repoussée depuis deux ans en raison de la crise sanitaire. Sa mise en œuvre en 2023 a permis d’enrichir le dossier des élèves sur Parcoursup de manière générale et homogène.
S’agissant des objectifs chiffrés, ils concernent tout d’abord les élèves boursiers et ont augmenté de 5 points depuis le lancement de Parcoursup : ce sont aujourd’hui 25 %, et non 20 %, de boursiers qui sont accueillis dans l’enseignement supérieur et la recherche. Le dispositif des Cordées de la réussite est valorisé et désormais pris en considération par les commissions d’examen des vœux.
Pour les instituts universitaires de technologie (IUT) et les BUT, des objectifs chiffrés sont fixés concernant les élèves issus des bacs technologiques. Les taux varient selon les disciplines, mais ils représentent environ 40 % ou 50 %. De même, des objectifs ont été définis dans les BTS, selon les types de formation, concernant le nombre d’élèves titulaires de bacs professionnels. Pour certains élèves et certaines formations, il existe bien des objectifs chiffrés à atteindre sur Parcoursup, sous le contrôle des commissions d’examen des vœux.

Mme la présidente
La parole est à Mme Anne Le Hénanff.

Mme Anne Le Hénanff (HOR)
D’après un sondage de L’Étudiant , en janvier 2023, 49 % des lycéens étaient « perdus dans leur choix d’orientation » et 19 % ignoraient totalement quoi faire après le bac, quelle que soit leur filière. S’agissant des filières professionnelles et technologiques, plusieurs réformes visant à les revaloriser ont été mises en œuvre au cours des dernières années. Je pense notamment à la réforme des IUT mise en œuvre à la rentrée scolaire 2021. Le BUT propose une formation en trois ans beaucoup plus professionnalisante et favorise l’insertion professionnelle, notamment grâce à l’augmentation de la durée des stages en entreprise et du nombre de mentions.
Toutefois, parmi les élèves qui ont choisi ces filières, certains souhaitent se réorienter, soit après le bac, soit après un diplôme universitaire de technologie (DUT), soit après deux ans de BUT, pour se diriger vers des filières générales. Un grand nombre d’entre eux sont alors confrontés à des difficultés d’adaptation : au-delà des inquiétudes liées à leur réorientation, ces étudiants se sentent moins bien préparés pour réussir au sein de ces filières par rapport aux autres bacheliers.
La note du SIES – systèmes d’information et d’études statistiques – de novembre 2022 concernant les parcours et réussites en licence montre que seuls 3,1 % des 6,4 % d’étudiants issus d’un bac pro ont réussi à obtenir leur licence en trois ans.
Par conséquent, je souhaiterais savoir quelles mesures le Gouvernement pourrait déployer, dans la continuité de la loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants (ORE) de 2018, afin d’accompagner au mieux ces étudiants dans leur réorientation au sein de filières générales.

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvie Retailleau, ministre
Votre question revêt une importance fondamentale sur deux aspects : l’orientation, d’abord, et ensuite le suivi des étudiants tout au long de leur parcours. Je voudrais souligner deux éléments. D’abord, nous sommes en train de travailler pour faire triompher l’idée selon laquelle au XXIe siècle, un parcours dans l’enseignement supérieur n’est pas nécessairement linéaire : certains étudiants n’ont pas ce profil et ne le veulent d’ailleurs pas. Nous souhaitons que les parcours non linéaires soient acceptés et valorisés, parce qu’on n’est pas le même à 18 ans, à 20 ans et à 22 ans ; on a le droit de se tromper et de changer d’avis. Ce droit se concrétise dans la loi « orientation et réussite des étudiants », qui a introduit la possibilité pour les formations de répondre « oui si » à certains candidats. Ceux qui acceptent une telle proposition peuvent avoir une année supplémentaire à valider, mais ce n’est pas grave de faire quatre ans de licence, du moment qu’on finit par obtenir son diplôme ! Cela permet aux étudiants concernés de disposer d’un socle de compétences solide et ainsi de poursuivre leurs études dans de bonnes conditions. En général, les étudiants de premier cycle qui sont accompagnés spécifiquement par l’intermédiaire de ce dispositif « oui si » connaissent une grande réussite.
Ensuite, s’agissant des BUT, qui se préparent au sein d’un IUT, et des BTS, je rappelle que des passerelles sont possibles pour y accéder. Dans la réforme des BUT que nous sommes en train de mener, les étudiants pourront bénéficier soit d’une insertion à bac + 3 – il faut promouvoir cette possibilité ainsi que le droit à la reprise d’études par la suite –, soit de passerelles pour poursuivre leurs études dans une autre filière. Nous travaillons à rendre possibles ces passerelles, qui sont d’ores et déjà identifiées dans nos maquettes.
Il faut aussi mentionner les diplômes universitaires Paréo – parcours pour réussir et s’orienter –, qui offrent aux bacheliers une année supplémentaire soit pour renforcer les prérequis qu’ils doivent remplir s’ils veulent suivre le cursus de leur choix, soit pour définir leur projet professionnel. Ce sont toutes ces formations intermédiaires et ces passerelles que nous cherchons à développer en premier cycle, afin de favoriser les choix de nos étudiants et l’évolution de leur parcours.

Mme la présidente
La parole est à M. François Jolivet.

M. François Jolivet (HOR)
Mes questions porteront sur les métiers de la santé, et je vais commencer par rebondir sur les réponses que vous avez données à ce sujet à mes collègues Thibault Bazin et Laurent Croizier. Vous jouez un rôle éminent, madame la ministre, dans le développement des Ifsi, mais aussi en ce qui concerne la formation des médecins, puisque c’est votre ministère qui produit, si j’ose dire, les personnes qui seront amenées à travailler dans le domaine médical, et il le fait au service d’un autre ministère utilisateur qui est le ministère de la santé. Je m’étonne d’ailleurs – c’est ma marotte – que cette partie de vos fonctions ne soit pas transférée au ministère utilisateur, comme c’est le cas pour le ministère de l’agriculture, qui depuis 1946 supervise tout l’enseignement agricole – à l’époque, on avait dit au ministre concerné qu’il devait sortir la France des tickets de rationnement, et il y était parvenu.
En réalité, deux doctrines s’affrontent. L’une dit qu’il est impossible d’introduire des critères territoriaux parce que la loi l’interdit, ce qui me conduit à vous poser une première question : qu’attend-on pour changer la loi ? Une candidate infirmière qui habite dans mon département de l’Indre peut être prise à Bordeaux si elle a déposé un vœu en ce sens sur Parcoursup, et inversement ; et si elle va à Bordeaux, elle ne reviendra plus jamais dans l’Indre. En revanche, une candidate qui vivait à Bordeaux et va poursuivre ses études dans l’Indre aura tendance à abandonner, c’est en tout cas ce que constatent les professeurs intervenant dans les Ifsi.
Par ailleurs, le ministère de l’enseignement supérieur, lorsqu’il applique les demandes du directeur de l’agence régionale de santé (ARS) Centre-Val de Loire, dit que si l’on veut installer des médecins sur le territoire, il va falloir y créer un CHU – centre hospitalier universitaire – supplémentaire, et donc ajouter une université, ou du moins une antenne universitaire de médecine, à Orléans – c’est très concret ! En effet, toujours selon cette même doctrine, plus on aura de médecins formés en région Centre-Val de Loire, plus il y aura de médecins installés dans cette même région. Mais voilà que l’on propose aux régions de former des infirmières dont on n’est pas certain qu’elles y resteront ! Cela provoque une inquiétude chez les professionnels concernés, alors que nous n’avons jusqu’à présent jamais connu de pénurie d’infirmières.
Je souhaite donc vous entendre sur ces deux points. D’abord, quand est-ce qu’on change la loi, si c’est nécessaire ? Et si ça ne l’est pas, quand donnerez-vous des instructions aux directeurs d’Ifsi pour qu’ils privilégient le recrutement des Berrichons pour l’Indre, des Loirétains pour le Loiret et des Tourangeaux pour l’Indre-et-Loire ?

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvie Retailleau, ministre
Si vous m’avez bien écoutée,…

M. François Jolivet
Je vous ai bien entendue !

Mme Sylvie Retailleau, ministre
…vous savez qu’en ce qui concerne les Ifsi, la loi peut évidemment évoluer – nous sommes bien placés, ici, pour le savoir : les dispositions en vigueur peuvent être discutées et modifiées. Cela dit, je pense qu’au XXIe siècle, il faut que les jeunes concernés aient le choix : c’est cet équilibre que nous devons rechercher. Mais une fois que nous aurons résolu les problèmes relatifs aux Ifsi, d’autres problèmes subsisteront, qui ne pourront être réglés uniquement par la territorialisation de la santé, car ils sont liés avant tout à l’absence d’accessibilité et à l’abandon de certains territoires. Nous sommes donc en train d’étudier tout cela en prenant en compte différents aspects, afin que les jeunes puissent accéder soit à la formation de leur choix, soit à une formation de proximité.
S’agissant de la formation des médecins, puisque vous en avez parlé en regrettant que ce ne soit pas le ministère de la santé qui en soit chargé, j’observe tout de même que la France n’est pas un cas à part ! Je rappelle qu’à l’étranger, dans le monde entier, les formations qui mènent aux métiers de la santé sont, comme beaucoup d’autres d’ailleurs, dispensées au sein des universités, ce qui montre bien que c’est possible. Nous travaillons en coopération avec les autres ministères « utilisateurs », comme vous les appelez, en particulier le ministère de la santé, mais aussi le ministère de l’agriculture ; c’est très important.
Par ailleurs, il y a des filières qui ne sont pas sélectives, en particulier les Pass – parcours d’accès spécifique santé – et les LAS – licences accès santé. Le système qui guide notre politique de santé a donc évolué en matière de territorialisation, mais aussi de sélection, puisque l’équilibre entre formations sélectives et non sélectives a été revu.
Pour résumer, comme je l’ai dit tout à l’heure, le système des Ifsi a changé récemment. Il doit sans cesse être amélioré parce qu’il dépend de plusieurs facteurs eux-mêmes évolutifs, et c’est ce que nous sommes en train de faire en travaillant sur ces différents facteurs, que ce soit la situation de chaque territoire, le fonctionnement de Parcoursup ou les modalités du stage du premier semestre.

Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Claude Raux.

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES)
Les problèmes inhérents à Parcoursup sont désormais bien connus : tri des élèves, manque de places, opacité de l’algorithme et des critères de sélection. Finalement, Parcoursup sert-il d’abord à l’orientation des élèves ou bien à effectuer une sélection parfois impitoyable ? Son fondement même nous semble inégalitaire, et il l’est d’autant plus que dès le départ, les postulants et postulantes ne disposent pas du même accès à l’information sur l’orientation.
Parmi les 21 000 formations disponibles, comment choisir celles qui correspondront le mieux à ce que l’étudiant ou l’étudiante imagine pour son avenir ? Certains et certaines, bien accompagnés par leur famille, vont pouvoir se diriger vers des formations bien choisies et valorisantes. Mais pour celles et ceux qui ne bénéficient pas d’un tel soutien ou qui n’ont pas encore de projet professionnel assez abouti, s’engage non pas un parcours « sup », mais bien un parcours du combattant, les menant parfois dans une véritable impasse. (Mme Anne Brugnera proteste.)
L’enseignement scolaire n’est malheureusement pas capable de pallier de telles carences, du fait de ses insuffisances : trop peu de conseillers ou de conseillères d’orientation et de psychologues, et des programmes trop chargés qui empêchent les professeurs d’effectuer correctement les heures d’accompagnement à l’orientation.
Ici aussi, nous faisons face, semble-t-il, à un système à deux vitesses : d’un côté, ceux qui détiennent l’information nécessaire pour choisir les « bonnes » filières sur Parcoursup, et qui poursuivront un cursus pleinement choisi ; et puis les autres, qui y vont à l’aveugle, si j’ose dire, et s’engageront dans une formation par défaut, voire par dépit.
C’est une rupture d’égalité, un tri social qui s’effectue dès le collège et se poursuit au lycée jusqu’à l’entrée en master ; un tri clairement renforcé par Parcoursup. Je n’ai donc qu’une question, madame la ministre : comment faire en sorte que Parcoursup n’accentue pas ces inégalités d’accès à l’information sur l’orientation ?

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvie Retailleau, ministre
Croyez-moi, l’accès équitable à l’enseignement supérieur – et à l’enseignement tout court – est un objectif que je poursuis depuis longtemps. Cependant, même si je peux vous rejoindre sur le fait que certains points méritent largement d’être améliorés, je ne suis pas d’accord avec tout ce que vous dites. D’abord, vous faites endosser la responsabilité de ces inégalités à une plateforme qui a été créée justement pour donner à tout élève, de n’importe quelle famille et n’importe où en France, la possibilité d’accéder à toute l’offre de formation. Il y a donc 21 000 formations disponibles, ce qui rend effectivement le choix plus complexe. Mais l’existence de cette plateforme garantit à mon sens l’équité d’accès, car elle donne le choix final au futur étudiant, après que ses vœux ont été examinés par une commission d’enseignants-chercheurs, donc par une entité humaine. Parcoursup, ce n’est pas un algorithme qui choisit l’avenir de l’étudiant : comme avant, ce sont les étudiants du supérieur qui vont étudier les dossiers.
Ensuite, tout tient à l’orientation, qui doit faire l’objet d’un accompagnement. C’est là que je vous rejoins, même si Parcoursup n’y joue aucun rôle : des améliorations doivent être apportées pour éclaircir l’information et pour rendre moins opaques les critères d’admission. Mais c’est bien pour cela, je le répète, que nous avons créé ces fiches qui expliquent les critères retenus par les commissions pour chacune des formations, ainsi qu’un numéro vert. C’est également la raison d’être des journées qu’organisent les recteurs pour fournir des explications aux élèves sur ce sujet complexe ; au sein même des lycées, les professeurs principaux peuvent aussi être sollicités à ce propos. Nous devons renforcer cet accompagnement et, pour cela, renforcer notre collaboration avec le ministre de l’éducation nationale – nous avons déjà entrepris de le faire – sur les questions d’orientation. Des pistes d’amélioration existent, que nous nous employons à explorer, et nous sommes particulièrement attentifs à ce que l’équité soit assurée entre nos élèves et qu’il n’y ait pas de différences qui se créent en fonction du contexte familial. Là-dessus, je partage votre préoccupation.

Mme la présidente
La parole est à Mme Elsa Faucillon.

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES)
Je vais être très directe, madame la ministre : notre groupe ne regrette absolument pas APB. Il n’empêche que nous sommes toujours très opposés à Parcoursup, non parce que nous sommes nostalgiques du tirage au sort, mais bien parce que le nouveau système soutient selon nous une logique de sélection généralisée, qui a été encore renforcée depuis que cette plateforme de sélection a été couplée avec la réforme du bac. Un tel dispositif ne peut qu’aggraver les inégalités, a fortiori dans un contexte où vous refusez d’ouvrir des places en nombre suffisant à l’université ou dans l’enseignement supérieur public. Par conséquent, nous continuerons à œuvrer pour la suppression de Parcoursup – et, en attendant, nous cherchons à limiter ses effets pervers.
J’insisterai ici sur l’une de nos propositions : l’anonymisation des lycées d’origine. La Cour des comptes, la Défenseure des droits et la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) ont toutes recommandé l’anonymisation dans le processus de sélection, et je sais d’ailleurs que des discussions à ce sujet ont eu lieu au ministère. Dans son enquête, la Cour des comptes avait révélé que 20 % des formations font du lycée d’origine un critère de sélection ; quand le problème a été soulevé, ce sont les responsables des formations les plus sélectives qui se sont opposés à l’anonymisation en demandant qu’on leur fasse confiance, affirmant qu’ils étaient attentifs à favoriser la mixité. Mais franchement, nous devrions nous méfier d’eux en la matière, d’autant que rien ne prouve qu’ils agissent vraiment en ce sens.
J’ajoute que les dernières réformes ont encore creusé les inégalités entre les lycées, le caractère national et universel du bac ayant laissé place aux spécialités à la carte et au contrôle continu. Il faut vraiment remettre de l’égalité dans le dispositif ! Alors, madame la ministre, allez-vous enfin accéder à cette demande d’anonymisation ?

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvie Retailleau, ministre
Je comprends votre requête, madame la députée, mais il faut savoir que l’indication du lycée d’origine n’est pas un critère : elle se trouve dans la fiche Avenir, qui n’est pas considérée comme un critère, puisqu’elle n’est pas utilisée dans le processus d’examen des vœux.

Mme Elsa Faucillon
Si !

Mme Sylvie Retailleau, ministre
Cette information ne se trouve pas dans la liste des critères susceptibles d’alimenter l’outil d’aide à la décision mis à la disposition des commissions, et il n’est pas possible de l’y intégrer. Ce que vous craignez n’est donc pas possible. Comme vous le dites, ce sont les commissions d’examen des vœux, donc les enseignants qui y siègent, qui peuvent utiliser – ou pas – ce critère. La majorité de ceux qui s’en servent le font pour favoriser l’ouverture sociale, souvent dans le cadre des Cordées de la réussite : pour qu’un tel programme se concrétise, les « têtes de cordée » que sont les établissements d’enseignement supérieur doivent avoir connaissance du lycée d’origine pour savoir s’il fait partie des établissements « encordés ». En général, l’information est donc utilisée, quand elle l’est, en vue d’améliorer la mixité sociale. Vous dites qu’il ne faut pas faire confiance aux collègues…

Mme Elsa Faucillon
C’est un peu restrictif !

Mme Sylvie Retailleau, ministre
…ou du moins qu’il est difficile de leur faire confiance dans certains cas.
En tout état de cause, ces situations ne sont pas les plus nombreuses : dans de nombreux cas, les collègues travaillent en utilisant les Cordées de la réussite, qui est un vrai levier pour favoriser la mixité sociale. Les notes des épreuves de spécialité au baccalauréat vont aussi permettre une objectivation des dossiers. Dans les commissions des vœux, nos collègues prennent tous ces éléments en considération.

Mme la présidente
La parole est à Mme Soumya Bourouaha.

Mme Soumya Bourouaha (GDR-NUPES)
Alors que les ouvrières et ouvriers représentent 21 % de la population active, leurs enfants ne représentent que 12 % des étudiants. Ce chiffre tombe à 8 % des étudiants en master et à seulement 6 % des doctorants. Bien que cette sous-représentation soit le résultat de multiples facteurs, j’aimerais aborder le phénomène d’autocensure dès l’orientation que l’on observe chez les élèves issus de classes populaires. Notre système éducatif conditionne et plafonne leurs ambitions.
Une étude révélatrice de l’Observatoire des inégalités montre ainsi que dès le collège, à notes égales au brevet, la probabilité d’accéder à une seconde générale et technologique est deux fois moins élevée pour les élèves issus des milieux populaires. Nous parlons bien d’élèves aux résultats scolaires identiques, mais qui se voient pourtant réserver des avenirs distincts. C’est un constat : les élèves des classes populaires sont moins incités à être candidats à des formations sélectives ou jugées plus ambitieuses.
J’ai employé le terme d’autocensure pour décrire ce phénomène, mais il ne faut pas croire que la responsabilité est individuelle. Le manque d’information, ainsi que la difficulté pour les élèves concernés de maîtriser les outils de leur propre orientation, tels que Parcoursup, face auxquels ils se retrouvent trop souvent seuls, les dépossèdent finalement de leur avenir. Parcoursup vient aggraver ce phénomène, rendant incontournable une connaissance fine des mécanismes d’orientation que seules certaines familles possèdent. S’ajoute à cela un autre facteur aggravant auquel il convient de remédier : la discrimination à l’adresse que connaissent les lycéens des quartiers populaires.
Comment le Gouvernement compte-t-il réinvestir l’orientation des élèves et faire en sorte qu’elle soit véritablement éclairée et choisie, afin de ne plus faire de l’accès à l’enseignement supérieur un horizon inaccessible ?

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvie Retailleau, ministre
Vous soulevez un problème réel, illustré par des chiffres que je ne vais pas reprendre. Avec le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, nous voulons lutter contre cette autocensure que vous avez décrite dans les collèges et lycées. Pour ma part, je considère que ce phénomène commence dès l’école primaire ; malheureusement, il ne se manifeste pas seulement en classe de seconde et lors de l’inscription sur Parcoursup qui, je le répète, n’est qu’une plateforme.
Par souci d’équité, il nous faut améliorer encore l’accompagnement à l’orientation en lycée, notamment lors des journées d’accueil où un dispositif mobilise les professeurs principaux, l’Office national d’information sur les enseignements et les professions (Onisep) et les conseillers d’orientation.
Quant à l’autocensure, elle vient de la société, des parents et du regard des enfants. Nous étudions plusieurs pistes pour la combattre dès l’école primaire et permettre à l’enfant de croire en ses capacités. Il faut aussi convaincre sa famille qui peut parfois, de bonne foi et au nom de ce qui semble un certain réalisme, freiner ses ambitions plutôt que l’encourager.
Avec le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, nous voulons agir de l’école primaire au lycée, afin de donner envie et de rendre possible, en nous adressant aussi bien aux élèves qu’à leurs parents. Pour assurer l’équité d’accès – à laquelle nous croyons profondément –, nous devons traiter le problème d’autocensure à la racine.

Mme la présidente
La parole est à M. David Taupiac.

M. David Taupiac (LIOT)
Après plusieurs années d’existence, Parcoursup reste une plateforme aléatoire, de plus en plus contestée par les jeunes, et dont les modalités sont révélatrices d’inégalités sociales ou territoriales persistantes. Le principal problème dont il est fait état lorsque je parle aux jeunes de ma circonscription demeure le manque de transparence des critères de recrutement des formations.

Mme Anne Brugnera
Ils sont sur la plateforme !

M. David Taupiac
Malgré plusieurs rapports institutionnels depuis sa création, la plateforme est toujours synonyme de sélection arbitraire pour beaucoup de lycéens. Mis sous pression, les jeunes font des choix par défaut, qui ne correspondent pas toujours à leur vocation. Le taux de réussite, encore inférieur à 50 % en première année de licence, témoigne d’un manque d’adéquation entre les dispositifs d’orientation et les attentes des élèves.
Le milieu social a sans nul doute une incidence. Les candidats sont inégaux face à l’exercice, car il repose sur des règles pas toujours explicites et des normes auxquelles ils sont inégalement formés, ce qui entraîne une surreprésentation des bacheliers non boursiers de la filière générale.
Quoi qu’on en dise, Parcoursup continue à opérer un tri, y compris social, et demeure « le cheval de Troie numérique de la sélection à l’université », comme le décrit Johan Faerber dans son essai Parlez-vous le Parcoursup ? , pour une bonne raison : depuis le plan Université 2000 de Lionel Jospin, qui a permis la création de huit universités et de nombreux IUT, il n’y a eu aucune réelle politique d’investissement dans le supérieur.
Comment répondre aux nombreux débouchés professionnels existants lorsque les places en formation ne suivent pas ? Plutôt que de résoudre ce manque d’investissement qui fait peser l’échec et la culpabilisation sur les élèves, vous étendez le dispositif à l’accès aux masters. Madame la ministre, allez-vous cesser cette maltraitance numérisée et redonner les moyens financiers nécessaires à l’université pour répondre aux attentes de la jeunesse ?

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvie Retailleau, ministre
Monsieur le député, il y a deux choses que je ne peux pas vous laisser dire.
Tout d’abord, je ne peux pas vous laisser dire que la plateforme Parcoursup n’a bénéficié d’aucune amélioration, qu’elle reste encore opaque et ne donne pas les critères de choix.

Mme Anne Brugnera
Tout à fait !

Mme Sylvie Retailleau, ministre
Je vous invite à vous y connecter et vous constaterez que nous nous sommes efforcés d’améliorer la transparence des critères de choix, qui sont publiés depuis des années dans des rapports. Cette année, nous avons fait travailler des centaines de milliers d’enseignants et d’enseignants-chercheurs, qui se sont échinés à entrer leurs critères d’examen des vœux lors de la commission.
La pédagogie étant l’art de la répétition, je me permets de le répéter : non, Parcoursup n’est pas un algorithme qui choisit l’avenir de nos élèves. Il y a des commissions d’examen des vœux. Comme avant, ce sont des gens qui regardent les dossiers. En revanche, contrairement à ce qui se passait avant, tout le monde a désormais accès à toutes les formations en France : il suffit d’un clic pour déposer un dossier pour le lieu de son choix. Il reste certes des améliorations à apporter, surtout dans un domaine que j’estime capital : l’accompagnement à l’orientation.
Ensuite, je ne peux pas vous laisser dire qu’il n’y a pas eu d’investissements dans l’enseignement supérieur et la recherche. Vous pouvez les estimer insuffisants, mais pas inexistants : ainsi, je rappelle qu’en plus de la loi ORE, la loi de programmation de la recherche prévoit 25 milliards d’euros d’investissements supplémentaires au cours de la période 2021-2030, ce qui portera le budget annuel à 20 milliards d’euros en 2030, soit 5 milliards d’euros de plus qu’en 2021 – et cela ne concerne que le volet recherche.
Il faut continuer, je vous l’accorde, car investir dans l’enseignement supérieur et la recherche, c’est investir pour nos jeunes. Nous devons aussi continuer à travailler sur l’orientation et les formations.

Mme la présidente
La parole est à M. Max Mathiasin.

M. Max Mathiasin (LIOT)
Je m’adresse à vous, madame la ministre, pour évoquer les difficultés des étudiants ultramarins, confrontés à Parcoursup alors qu’ils sont très loin de l’Hexagone. Ces étudiants n’ont pas accès aux journées portes ouvertes pour bénéficier des conseils éclairés des professeurs et des étudiants d’un établissement. Ils n’ont pas accès à la semaine de l’orientation, qui est quasi inexistante, et leurs professeurs n’ont reçu aucune formation sur Parcoursup. En résumé, ces étudiants se retrouvent souvent seuls face à la plateforme.
Nos étudiants ultramarins sont particulièrement pénalisés par le manque d’information sur les critères de sélection des unités de formation et de recherche (UFR) situées en métropole, alors qu’ils n’ont souvent pas d’autre choix que de quitter leur territoire, n’y trouvant pas la spécialité souhaitée. Cette année, environ 40 000 étudiants ultramarins sont venus effectuer tout ou partie de leur cursus dans l’Hexagone, dont 8 000 sont arrivés directement après le bac.
Aux difficultés de se trouver seul à des milliers de kilomètres de chez soi, s’ajoutent souvent celles d’un dispositif Parcoursup aux multiples étapes étalées sur des mois, avec des phases d’admission si tardives qu’il n’est plus possible de bénéficier d’une chambre d’étudiant à un prix abordable, ce qui peut conduire certains à renoncer à leur admission.
Que proposez-vous à nos jeunes des outre-mer pour mieux les accompagner dans leur orientation et leur permettre de constituer des dossiers solides, pour assurer la transparence sur les critères de choix des établissements et pour qu’ils puissent bénéficier d’un logement étudiant alors que la décision d’admission est si tardive ? C’est une question d’égalité des chances, qui passe par une meilleure information, plus de transparence et la prise en considération de l’éloignement dans le processus Parcoursup.

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvie Retailleau, ministre
Concernant les étudiants ultramarins, j’aimerais souligner deux points : lorsque la formation de leur choix existe en outre-mer, ils sont prioritaires ; lorsqu’ils souhaitent ou doivent venir étudier en métropole, ils peuvent bénéficier d’aides à la mobilité.
Vous soulevez une bonne question concernant deux calendriers parallèles et indépendants, l’un étant lié à l’organisation de leur venue, l’autre à l’affectation dans la formation souhaitée. Les demandes de bourse et de logement doivent se faire indépendamment et en amont de l’attente de la réponse de Parcoursup puis de la formation. D’où qu’il vienne, l’étudiant ne doit pas attendre la réponse de sa formation pour faire les démarches auprès du centre régional des œuvres universitaires et scolaires (Crous), que ce soit pour une bourse sur critères sociaux ou pour un logement étudiant.
Nous devons améliorer l’information dans ce domaine, étant rappelé que les étudiants ultramarins bénéficient de points de charge supplémentaires pour l’octroi de bourses, en raison de l’éloignement de leur formation en métropole. En ce qui concerne l’orientation et l’accompagnement, que nous essayons d’améliorer en continu, il existe des dispositions spécifiques pour les étudiants ultramarins. Pour ceux-ci, je note qu’il faut améliorer l’information concernant aussi bien les choix de la formation que la vie matérielle – logement, bourse, etc.

Mme la présidente
La parole est à Mme Anne Brugnera.

Mme Anne Brugnera (RE)
En 2018, la loi ORE a permis à Parcoursup de succéder à APB, dont tout le monde semble avoir oublié les dysfonctionnements – et avant APB, faut-il le rappeler, chacun se rendait avec son petit dossier dans la fac du quartier. Si nous nous sommes dotés de nouveaux dispositifs, c’est bien pour simplifier la vie de nos jeunes.

M. Rodrigo Arenas
La fac du quartier ?

Mme Anne Brugnera
Cette nouvelle plateforme a d’abord introduit de nouvelles modalités d’accès à l’enseignement supérieur, en permettant aux lycéens d’être départagés sur la base de leur dossier scolaire, de leurs motivations, tout en leur montrant les attendus, c’est-à-dire ce qu’attendent les formations d’enseignement supérieur de la part de leurs étudiants, afin qu’ils réussissent dans leurs études – c’était une grande nouveauté.
Parcoursup a ouvert le champ des possibles pour nos lycéens, ce qui peut engendrer du stress et donner le vertige. C’est sans doute pour cela que nombre de députés ont insisté sur l’orientation dès le collège et le lycée, sans oublier une aide spécifique pendant l’année de terminale.
Ainsi la sélection après examen du dossier scolaire et la transparence des informations fournies – les attendus, mais aussi les critères sur lesquels les lycéens sont sélectionnés – font-elles de cette plateforme un véritable levier en faveur de l’égalité des chances, tout en remettant l’humain, c’est-à-dire l’enseignant de l’enseignement supérieur, au centre du processus de sélection.
Quelles actions envisagez-vous, notamment en lien avec l’éducation nationale, pour mieux accompagner encore les futurs étudiants, afin que la grande liberté de choix qui leur est offerte ne constitue pas un obstacle dans leur orientation et ne devienne pas une source d’inquiétude ? Surtout – et ce point me paraît très important –, comment leur garantir que Parcoursup ne propose que des formations certifiées et de qualité ?

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvie Retailleau, ministre
Je répondrai d’abord au dernier point que vous avez soulevé : quelles formations trouve-t-on sur Parcoursup et comment garantir leur qualité, et même leur validité, aux élèves et aux parents ? D’abord, je confirme que tous les établissements de formation présents sur la plateforme Parcoursup ont signé une charte spécifique de droits et devoirs et adhéré à ses principes, qu’il s’agisse des EESPIG – que nous avons évoqués tout à l’heure en abordant les formations privées –, des organismes proposant des formations permettant d’obtenir des habilitations ou des prestataires de formation par apprentissage certifiés Qualiopi. De nombreux critères permettent de qualifier les formations proposées sur Parcoursup. Mon ministère les étudie attentivement, afin de garantir que toutes les formations proposées sont conformes à la charte que les organismes se sont engagés à respecter.
Vous avez également évoqué la question, déjà soulevée mais capitale, de l’accompagnement à l’orientation. Merci d’avoir rappelé que Parcoursup est un outil du XXIe siècle, un outil numérique qui permet à toutes les familles et à tous les étudiants d’accéder à l’ensemble de l’offre de formation et de déposer facilement leur dossier. Nous nous efforçons, au quotidien et lors de chaque campagne d’inscription, d’améliorer la transparence des critères appliqués par les commissions d’examen des vœux.
Le ministre Pap Ndiaye et moi-même travaillons tout particulièrement à améliorer l’orientation et l’accompagnement des candidats. Le fait que les épreuves de spécialités du baccalauréat se tiennent en mars permettra ainsi d’utiliser la deuxième partie de l’année non seulement pour mieux préparer les étudiants aux examens, comme le grand oral, qui se dérouleront à l’issue de leur année de terminale, mais aussi pour créer un lien plus fort entre l’enseignement supérieur et le lycée, afin de favoriser l’intégration des étudiants. Enfin,…

Mme la présidente
Veuillez conclure, madame la ministre.

Mme Sylvie Retailleau, ministre
…le travail en amont de l’orientation se poursuit.

Mme la présidente
La parole est à Mme Émilie Chandler.

Mme Émilie Chandler (RE)
Chaque année, nous ne pouvons que constater le retour dans les médias du marronnier que constituent les choix et attributions des places dans l’enseignement supérieur. Depuis que les demandes sont effectuées sur une plateforme numérique – d’abord APB, puis Parcoursup –, des critiques se font jour, notamment au sujet de la satisfaction des lycéens intégrant l’enseignement supérieur. L’incertitude domine chez les lycéens et leurs parents, qui se sentent démunis face à une décision qu’ils n’attendent pas toujours avec sérénité.
Je crois profondément au mérite républicain. L’éducation en est la première expression et l’école, qui doit permettre à chaque enfant de se construire, en est la première pierre. C’est ensuite avec l’université rendue accessible à tous que nous permettons à ceux qui le souhaitent de poursuivre leur chemin. Cependant, les errements de Parcoursup semblent inciter certains de nos concitoyens à privilégier d’autres formations que celles proposées par l’enseignement supérieur public, créant ainsi un sentiment d’injustice et d’inégalité de nature à détériorer le tissu social français.
Ma question est donc simple : comment restaurer la confiance des Français dans Parcoursup ? Comment entendez-vous permettre une meilleure articulation entre l’enseignement public proposé sur Parcoursup et l’enseignement privé, afin que tous les étudiants puissent suivre la formation qu’ils souhaitent ?

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvie Retailleau, ministre
Vous avez prononcé un mot capital : le mot « confiance ». Comment donner confiance et mieux orienter ? La confiance s’acquiert par la transparence. Comme je l’ai déjà souligné, nous avons doté la plateforme d’informations plus riches sur chaque formation. Je rappelle d’ailleurs que Parcoursup, tout en respectant les critères que je viens d’évoquer, propose non seulement des formations publiques – sélectives ou non –, mais aussi des formations privées. Chacune fait l’objet d’une fiche « Caractéristiques » décrivant la nature de la formation – publique ou privée, sélective ou non –, détaillant les frais d’inscription, etc. Ces informations supplémentaires complètent la description de la formation et la fiche détaillant les critères d’admission utilisés pour chaque formation par les commissions d’examen des vœux.
J’ajoute que, depuis plusieurs années, un rapport est rendu public sur la plateforme par les commissions d’examen des vœux, pour tirer le bilan de la campagne écoulée. Chacun peut accéder à ce rapport – environ 10 000 personnes l’ont consulté l’année dernière – pour comprendre comment la campagne Parcoursup se déroule pour chaque formation.
Voilà les informations, assorties d’une meilleure orientation, que nous nous efforçons d’enrichir pour améliorer la confiance dans Parcoursup.

Mme la présidente
La parole est à M. Michel Lauzzana.

M. Michel Lauzzana (RE)
J’appelle votre attention sur les difficultés à pourvoir les postes d’infirmier, par exemple dans mon département du Lot-et-Garonne. Actuellement, le manque d’infirmiers bride fortement l’activité des établissements hospitaliers. Les formations d’infirmier sont intégrées à Parcoursup et le nombre de places ouvertes en première année a connu une augmentation de 15 % entre 2020 et 2022. Ces mesures permettent, d’une part, de stimuler les inscriptions des étudiants et, d’autre part, de favoriser l’égalité des chances, dans la mesure où l’ancien concours pouvait représenter un coût financier important pour les candidats et pour leur famille.
Toutefois, deux freins empêchent toujours de mettre fin aux pénuries d’infirmiers dans les zones rurales.
Le premier concerne le lieu de formation – je rejoins en cela la question posée par mon collègue François Jolivet : dès lors qu’il n’est pas possible de postuler directement dans un institut, plusieurs Lot-et-Garonnais ont été affectés dans d’autres départements, malgré leur souhait d’étudier à Agen. À l’inverse, l’examen de la composition de la promotion de l’institut d’Agen, situé à équidistance de Bordeaux et de Toulouse, met en évidence un taux élevé d’étudiants originaires d’autres départements. Comme il est fréquent que les jeunes issus de métropoles ou de départements voisins retournent dans leur bassin de vie d’origine, le fonctionnement de Parcoursup affecte fortement l’offre de soins des territoires ruraux. Plusieurs propositions peuvent être avancées pour pallier ce phénomène, comme l’ajout d’une composante géographique à la procédure d’admission, en particulier dans les territoires identifiés comme sous-denses.
Le deuxième frein réside dans le nombre d’abandons en cours de formation, phénomène dont vous avez souligné le caractère multifactoriel. Au cours de leur cursus, près de 20 % des étudiants infirmiers choisissent de se réorienter. Cette situation met en évidence l’inadaptation de la sélection par l’algorithme, qui privilégie des profils souvent insuffisamment motivés ou non préparés aux réalités de la formation et du métier. L’entretien de motivation préalable qui existait par le passé pourrait-il être rétabli ? De telles solutions peuvent-elles être envisagées pour faciliter le maintien en zone rurale des jeunes qui souhaitent devenir infirmiers ?

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvie Retailleau, ministre
La question des Ifsi a déjà été évoquée. Nous avons bien entendu les remarques qui ont été formulées. Si je rejoins votre constat, trois points me semblent devoir être soulignés.
D’abord, pour ce qui est du caractère multifactoriel du nombre d’abandons en cours de formation, il convient de ne pas négliger l’importance de la qualité et de la nature des stages proposés : de nombreux abandons interviennent juste après le stage, qui est planifié très tôt dans l’année et peut se révéler très difficile pour des jeunes qui viennent juste d’obtenir leur baccalauréat. Nous travaillons sur ce point.
Ensuite se pose la question de la motivation des élèves et de ses modalités d’évaluation. Vous avez évoqué la possibilité de prévoir un entretien oral. Sur ce point, nous attendons le retour d’expérience sur deux améliorations que nous avons apportées cette année à la plateforme Parcoursup : d’une part, une lettre de motivation plus longue que les 1 500 caractères classiquement exigés peut être rédigée ; d’autre part, un outil a été créé pour permettre aux étudiants souhaitant intégrer un Ifsi de se positionner et de mieux comprendre ce qui est attendu d’eux et ce qu’impliquent la formation et le métier d’infirmier. Nous devons désormais analyser l’éventuelle incidence de ces deux évolutions sur le positionnement des élèves, étant entendu que nous envisagerions bien sûr d’autres pistes si celles que nous explorons actuellement se révélaient insuffisantes.
Enfin, s’agissant de la dimension territoriale, j’ai bien noté votre observation. En l’état actuel du droit, tant que les Ifsi sont sélectifs, la loi ne nous permet pas de définir un tel critère. Nous devons donc étudier comment améliorer la prise en considération de l’aspect géographique pour favoriser le maintien de ces métiers dans les zones rurales. Nous y travaillerons.

M. Michel Lauzzana
Merci.

Mme la présidente
La parole est à M. Fabrice Le Vigoureux.

M. Fabrice Le Vigoureux (RE)
« Il y a deux erreurs sur l’erreur, l’une de la surestimer, l’autre de la sous-estimer », écrivait Edgar Morin. Il en va de même pour les errements, terme choisi par nos collègues du groupe Les Républicains pour qualifier le fonctionnement de la plateforme Parcoursup.
Rappelons-nous d’où nous venons : il n’y a pas si longtemps, avant 2018, APB était sans doute le pire des systèmes conçus pour permettre aux lycéens de postuler à une formation dans l’enseignement supérieur : l’information y était très limitée, les attendus ou prérequis des formations n’étaient pas toujours formalisés et l’accompagnement restait quasiment inexistant. Comble du comble : lorsque le nombre de demandes excédait la capacité d’accueil dans une formation non sélective, le tirage au sort – la pire des injustices – était préféré à tout autre critère, comme le résultat dans une spécialité ou l’exposé d’une motivation.

Mme Anne Brugnera
Très juste !

M. Fabrice Le Vigoureux
Alors que toutes les conditions étaient ainsi réunies pour envoyer de nombreux jeunes dans le mur, nous regardions ailleurs, mettant en péril leur avenir et leur épanouissement, sans grande considération pour le coût que représentent les études pour une famille et pour la collectivité.
Il faut certes rappeler que Parcoursup a connu, durant sa première année de fonctionnement, des défaillances auxquelles ont succédé deux années perturbées par le contexte sanitaire. Désormais, toutefois, même si elle reste perfectible, l’interface Parcoursup est reconnue par beaucoup comme un outil exhaustif et efficace, permettant d’informer les futurs étudiants sur les 21 000 formations disponibles – contre 13 200 en 2018 –, et dont le fonctionnement, plus rapide, est devenu moins anxiogène, le délai de traitement ayant été ramené à 44 jours pour la phase d’admission, contre 108 jours cinq ans plus tôt. Pour autant, des points d’amélioration demeurent, notamment en matière d’accompagnement humain, en amont comme en aval des choix d’orientation. Si la situation s’est beaucoup améliorée d’année en année et continuera de le faire, les heures qu’un jeune consacre à s’informer sur l’étendue de ses possibilités doivent devenir toujours plus efficaces et opérantes, et les raisons du rejet d’une candidature doivent être mieux exposées.
Pouvez-vous rappeler votre action pour que l’accompagnement humain soit systématisé et renforcé et qu’il l’emporte toujours, pour chaque formation, sur le traitement algorithmique des candidatures – lesquelles, rappelons-le, ne sont pas examinées par Parcoursup, mais bien par les commissions d’examen des vœux ?

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvie Retailleau, ministre
Merci d’avoir rappelé une nouvelle fois – c’est important – que, derrière la plateforme Parcoursup, il y a de l’humain ; que ce n’est pas l’algorithme seul qui choisit, même s’il constitue une aide à la décision ; et que les élèves ne sont pas soumis à la décision automatique d’une plateforme : ce sont bien les enseignants et les enseignants-chercheurs qui étudient les dossiers, comme c’était le cas auparavant.
Pour compléter votre intervention, depuis la création de Parcoursup, le taux de réussite de passage de la première à la deuxième année de licence est passé de 41 % à 48 % entre 2017 et 2022 – il a même atteint 53 % en 2020 ou en 2021, mais ce chiffre doit être nuancé par le contexte de covid qui prévalait alors –, le taux de boursiers croissant quant à lui de 20 % à 25 %.
Ces améliorations sont permises par une meilleure orientation des élèves. Or cette orientation comporte une forte dimension humaine, comme en témoignent le travail que nous menons avec l’éducation nationale ; la formation des professeurs principaux ; les nombreux webinaires que nous organisons pour informer ces derniers sur l’utilisation de Parcoursup ; le travail des recteurs, des proviseurs et des professeurs pour accompagner les lycéens : ou encore le numéro vert accessible pendant la procédure Parcoursup à tous les élèves pour donner des informations en temps réel à ceux qui – c’est bien compréhensible – ont parfois des difficultés à utiliser la plateforme.
Nous nous efforçons ainsi de développer différents outils et aides, afin d’anticiper et de permettre aux élèves de connaître Parcoursup en amont, pour éviter qu’ils découvrent en terminale l’existence de la plateforme et ses modalités d’utilisation.

Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Metzdorf.

M. Nicolas Metzdorf (RE)
Je tiens à vous alerter sur la situation des Calédoniens qui vont étudier en métropole. La Nouvelle-Calédonie étant compétente en matière de protection sociale, elle a jugé bon d’attribuer à ses ressortissants des numéros de sécurité sociale qui ne sont pas compatibles avec le système métropolitain. De fait, les étudiants calédoniens qui arrivent en métropole sont considérés comme des enfants étrangers, et doivent entreprendre de longues démarches administratives pour être couverts par l’assurance maladie. Ce problème n’est pas de votre responsabilité, madame la ministre, mais vous pouvez y remédier grâce à Parcoursup : il serait judicieux que tout étudiant calédonien qui s’inscrit sur la plateforme soit repéré, afin que les démarches administratives nécessaires soient enclenchées et qu’il soit couvert par la sécurité sociale à son arrivée. Lors de mes études, j’ai fait la malheureuse expérience de ne pas être couvert par la sécurité sociale pendant six mois ; durant cette période, il peut vous arriver des événements assez graves. Si Parcoursup peut nous aider à éviter ces situations difficiles, ce sera bienvenu.

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvie Retailleau, ministre
Vous avez vécu ce problème personnellement, monsieur le député, et je partage votre souci de mieux anticiper l’arrivée des étudiants calédoniens en métropole. Nous devons sensibiliser à cette difficulté. La caisse locale d’assurance maladie s’est mise en relation avec le vice-rectorat afin que Parcoursup participe à une meilleure orientation des candidats calédoniens en métropole, et les aide à anticiper ces difficultés. L’objectif est qu’ils obtiennent un numéro de sécurité sociale avant leur départ ou très rapidement après leur arrivée, sans rester six mois sans immatriculation comme vous l’avez vécu. Ce problème ne relève pas directement de mon ministère, mais nous l’avons identifié, et je relaierai votre préoccupation auprès de mes collègues. Nous soutiendrons les démarches du vice-recteur et des acteurs locaux afin d’apporter les informations nécessaires aux étudiants calédoniens, à travers Parcoursup, en vue de faciliter leurs démarches. Nous devons également les informer des organismes sociaux habilités à leur délivrer un numéro d’immatriculation. Nous travaillerons avec les ministères concernés pour améliorer la situation et anticiper ces difficultés.

Mme la présidente
La parole est à M. Serge Muller.

M. Serge Muller (RN)
La loi ORE visait initialement un double objectif : d’une part, remédier aux dysfonctionnements du portail APB en vigueur depuis 2009, d’autre part, lutter contre le fort taux d’échec dans le premier cycle. La loi a instauré une nouvelle procédure fondée sur la personnalisation des parcours : Parcoursup. Après quatre années d’existence, son bilan est globalement négatif : non seulement la procédure Parcoursup n’a pas supprimé les anomalies d’admission dans l’enseignement supérieur, mais elle en a créé de nouvelles, d’une autre nature, aux conséquences non moins dommageables. Chaque année, plusieurs dizaines de milliers de bacheliers se voient refuser l’accès à l’enseignement supérieur : à la rentrée 2022, ils étaient près de 140 000 à se retrouver sans affectation, malgré les 21 000 propositions de formation disponibles dans Parcoursup.
Parcoursup affecte de surcroît le bon déroulement de l’année de terminale : les épreuves de spécialités se déroulent ainsi en mars, afin que leurs résultats soient pris en compte dans la plateforme. Dans ces conditions, l’enseignement de spécialité n’est plus que partiel et évalué à la hâte. Quant au baccalauréat, supposé être le premier diplôme universitaire, il n’est plus que l’ombre de lui-même, puisque sa note finale n’est pas prise en compte dans la procédure d’orientation. Parcoursup a vidé de son sens et privé de sa valeur académique et sociale un fleuron de notre enseignement scolaire.
La plateforme n’a pas davantage contribué à réduire de façon significative l’échec en première année d’université. La direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) montre ainsi que seuls 29 % des étudiants inscrits en licence obtiennent leur diplôme en trois ans, et 13 % en quatre ans. Les autres étudiants disparaissent dans le vortex : quel insupportable gâchis !
Qu’envisagez-vous de faire pour réformer Parcoursup de fond en comble ? Quelle politique de remédiation menez-vous pour que les étudiants inscrits en licence n’échouent pas massivement après leur entrée à l’université ?

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvie Retailleau, ministre
Ayant enseigné et ayant été responsable de filière en licence pendant trente-cinq ans, la question de l’accompagnement des étudiants de licence, de leur réussite et de leur échec me touche particulièrement.
Vous assénez une contre-vérité quand vous affirmez que 140 000 bacheliers n’ont pas eu de proposition dans l’enseignement secondaire – je suis prête à étudier ces chiffres avec vous pour comprendre d’où ils proviennent. Pour rappel, la demande d’inscription traverse plusieurs étapes : après la phase principale et la phase complémentaire, l’étudiant peut saisir le rectorat et la commission d’accès à l’enseignement supérieur. Ce parcours peut certes être amélioré, mais il présente des mérites : l’année dernière, seuls 160 étudiants n’avaient pas de proposition dans l’enseignement supérieur à l’issue de la Caes. Les autres ont reçu des propositions ou ont fait savoir qu’ils avaient effectué un autre choix, dans une autre filière ou à l’étranger. Il faut donc cesser de diffuser des chiffres erronés.
Vous parlez par ailleurs d’un insupportable gâchis. Il est vrai que quand un étudiant échoue, surtout à ce niveau, c’est un gâchis insupportable ; mais là encore, vos chiffres sont inexacts. Le niveau de réussite en licence a évolué depuis la loi ORE et depuis Parcoursup : comme je l’ai déjà dit, le taux d’admission en deuxième année de licence est passé de 41 % à 48 % entre 2017 et 2022. Il est toujours utile de rappeler le contenu des indicateurs. Les chiffres que vous citez incluent les étudiants qui étaient inscrits en licence, mais qui se sont réorientés une fois arrivés à l’université – car l’université s’occupe de ses étudiants et les réoriente si nécessaire. L’écart ne s’explique donc pas seulement par des « disparitions », pour reprendre vos termes.
Dans toutes les formations, nous travaillons à améliorer le taux de réussite en licence ; le « oui si » est pour cela un outil parmi de nombreux autres.

Mme la présidente
La parole est à Mme Stéphanie Galzy.

Mme Stéphanie Galzy (RN)
Nombreux sont les étudiants à avoir été confrontés à cette phrase le jour de leur entrée en première année d’études supérieures : « Regardez votre voisin à votre droite, et maintenant, regardez votre voisin à votre gauche ; parmi vous trois, un seul terminera ses trois années de licence. Est-ce que ce sera vous ? » Avec son côté Hunger Games , cette réflexion révèle une triste réalité : nos étudiants sont mal orientés.
Le problème de l’orientation scolaire n’est pas nouveau. Le remplacement d’APB par la plateforme Parcoursup devait, en théorie, faciliter le passage du lycée vers l’enseignement supérieur en apportant de la transparence et de l’efficacité aux processus d’affectation. La réalité est tout autre : une usine à gaz nommée APB a été remplacée par une autre usine à gaz nommée Parcoursup, système opaque où l’avenir des étudiants est décidé par des algorithmes. Le calendrier est lourd, et l’arbitraire se perpétue : certains très bons lycéens sont refusés sans explication dans de nombreuses formations. Angoisse, absurdité et injustice sont les mots qui qualifient le mieux cette plateforme.
Vous avez changé la forme sans vous attaquer au fond du problème. La cause profonde de ces échecs tient notamment à la réforme conduite par Jean-Michel Blanquer, qui a porté le coup de grâce à ce qu’il restait du baccalauréat. Les taux de réussite à cet examen dépassent 90 %, les mentions sont bradées, et le baccalauréat n’est plus qu’une caricature de diplôme. Résultat : 50 % des bacheliers échouent en première année d’enseignement supérieur.
Il est nécessaire de rendre plus juste la procédure d’affectation et d’entrée à l’université. La réussite académique doit redevenir une priorité nationale. C’est pourquoi notre collègue Roger Chudeau, député du Rassemblement national, a déposé une proposition de loi visant à redéfinir un mode d’affectation et d’orientation des bacheliers comportant plus de justice et d’efficience.
Que comptez-vous faire face aux errements et à l’échec de la plateforme Parcoursup ? Comptez-vous instaurer une nouvelle procédure d’entrée à l’université répondant à des critères qualitatifs, afin de permettre une meilleure réussite académique ?

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvie Retailleau, ministre
J’ai déjà répondu à nombre de vos remarques au cours de la séance ; je ne reprendrai donc pas toutes mes explications. L’orientation et la réussite de tous les étudiants sont les enjeux les plus exigeants. Vous citez des exemples isolés – nous en avons tous en tête –, mais sachez qu’indépendamment du dispositif « oui si », un grand nombre d’enseignants passent des heures à remettre les élèves à niveau, à leur proposer des parcours, à leur prodiguer du soutien et à les accompagner, dans le secondaire comme dans l’enseignement supérieur. Il est important de mentionner le travail que mènent ces collègues dans le cadre de la commission d’examen des vœux ou plus tard, dans leurs enseignements, pour accompagner les élèves et les étudiants vers la réussite.
En ce qui concerne l’orientation, j’ai tenu, dès mon arrivée il y a dix mois, à ce que nous continuions à améliorer la plateforme en renforçant la transparence et la richesse des informations, pour que les élèves et leurs familles s’y retrouvent. Nous devons parfaire l’accompagnement et l’orientation dès le plus jeune âge, pour que les jeunes anticipent mieux l’issue de leurs vœux sur la plateforme. Ce sera probablement la prochaine étape : il faut donner les clés aux élèves et à leurs parents pour qu’ils abordent plus sereinement Parcoursup et leurs choix d’orientation.

Mme la présidente
La parole est à Mme Lisette Pollet.

Mme Lisette Pollet (RN)
Le baccalauréat est une institution. Par tradition, il est le premier grade de l’enseignement supérieur, mais également le précieux sésame pour y accéder. L’université doit donc être pleinement impliquée dans cet examen et doit en définir les exigences. Le baccalauréat devrait attester que le lycéen est capable d’entrer dans l’enseignement supérieur et de suivre les formations avec profit.
La réforme Blanquer a fini de détruire ce qu’il restait du baccalauréat. Le contrôle continu, les épreuves organisées en mars et les vœux sur Parcoursup contribuent à rendre cette épreuve inutile, puisque l’avenir des élèves se joue lors des deux premiers trimestres. Le baccalauréat – notamment ses épreuves terminales – devient une simple formalité, car la note finale n’est pas prise en compte par Parcoursup. Le baccalauréat n’est plus qu’un certificat de présence au lycée, et non un examen d’accès à l’enseignement supérieur à caractère académique. Il n’atteste plus de l’aptitude du candidat à intégrer telle ou telle formation supérieure et c’est ce qui explique que la moitié des bacheliers échouent en première année d’université.
Pourtant, l’investissement dans l’université revêt un caractère stratégique pour l’avenir et la prospérité du pays. Se donner une politique ambitieuse pour l’enseignement supérieur et la recherche est la condition préalable pour que la France soit à la hauteur de son rang dans le concert des nations. Telle est la volonté du Rassemblement national. Mon collègue Roger Chudeau a déposé une proposition de loi visant à remettre le baccalauréat au centre de l’année de terminale et à lui rendre la fonction qu’il n’a plus, celle d’un examen de passage dans le supérieur.
Quand ferez-vous enfin en sorte que le baccalauréat retrouve sa qualité et sa fonction initiale d’examen d’entrée à l’université et de premier grade universitaire ? Que comptez-vous faire pour que les universités françaises redeviennent des fers de lance de l’excellence académique ?

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvie Retailleau, ministre
Nous avons tous ici, peu ou prou, le même âge, d’où ma question : quand vous avez postulé dans le supérieur, avez-vous reçu une réponse avant d’obtenir le baccalauréat ? Je suis certaine que oui. Dans la majorité des cas, nous avons été acceptés sous réserve d’obtenir le baccalauréat. L’équivalent de la commission d’examen des vœux intervenait avant les résultats de l’épreuve finale. L’accès à l’enseignement supérieur était validé sous réserve d’obtenir le baccalauréat, voire, pour certaines formations, sous réserve de décrocher une mention. La commission de choix sélectionnait les élèves sur dossier avant le baccalauréat.
La question de la sélection par les établissements d’enseignement supérieur est donc distincte de celle du niveau du baccalauréat, qui doit être suffisamment élevé pour assurer la réussite des élèves dans le supérieur. Il importe donc de clarifier ce point : si Parcoursup assure la gestion des candidatures et des choix d’orientation dans le supérieur, l’accès à l’université reste conditionné à l’obtention du baccalauréat, comme il l’a toujours été, et les dossiers sont sélectionnés en amont en fonction des résultats du contrôle continu. Ne mélangeons pas les questions distinctes que sont l’accès au supérieur, la réussite au baccalauréat et les changements liés à Parcoursup.
Je sais qu’il est tentant de se dire que tout était mieux avant, mais il faut reconnaître les avantages que présente l’évolution des plateformes, au premier rang desquels la faculté de traiter les demandes du nombre considérable de jeunes qui accèdent à l’enseignement supérieur et la variété des choix qui leur sont proposés. Cette profusion même rend indispensable le recours aux outils numériques.

Mme la présidente
La parole est à Mme Angélique Ranc.

Mme Angélique Ranc (RN)
Madame la ministre, je rejoins mes collègues qui vous ont alertée sur le dispositif Parcoursup et sur le baccalauréat et, plus largement, je vous appelle à repenser fondamentalement la difficile phase de transition entre le lycée et les études supérieures. Nous nous devons de répondre au désarroi des nombreux élèves qui vivent cette période comme une pénible épreuve.
Premièrement, nous pensons qu’il faut redonner au baccalauréat sa valeur et sa véritable utilité. Les plaintes des enseignants au sujet des notations bienveillantes imposées chaque année et de l’harmonisation des résultats postérieurement à la correction dénotent une indulgence qui fait des ravages dans le supérieur, encore aggravés par la pandémie. Les réformes du bac y contribuent par l’incohérence des coefficients fixés ou encore par l’intégration dans la note finale du contrôle continu sur deux ans. Il faut préparer les élèves à un baccalauréat qui doit impérativement redevenir un outil de notation fiable et méritant. Le baccalauréat est la porte d’entrée vers les études supérieures : affaiblir cette pierre d’angle revient à laisser s’effondrer progressivement tout l’édifice !
Secondement, les échecs et les inégalités subis par les étudiants devraient être contrés par un travail redoublé d’information et d’aide à la décision quant au choix du parcours en études supérieures. Dans son rapport de 2020 sur le premier bilan de la loi ORE, la Cour des comptes indique en effet que cinquante-quatre heures annuelles censées être consacrées à l’orientation ne le sont pas réellement. En outre, certaines procédures de sélection détournent une partie des bacheliers de parcours qui leur correspondraient mieux, ce qui explique l’absence générale de motivation des jeunes et les nombreux changements de voie qu’eux et leur famille subissent, la plupart du temps, plutôt que de les choisir. Ne vous y trompez pas, la santé psychologique et financière des étudiants est intrinsèquement liée à leur orientation : il nous faut rendre cette phase plus sereine, sans pour autant tomber dans l’écueil de la facilité.
Pour ce qui est des échecs, je rappelle que 20 % des étudiants ayant commencé des études supérieures en sortent sans avoir obtenu de diplôme, et que seuls 40 % des étudiants en première année de licence poursuivent directement la même formation en deuxième année. Le coût collectif de ces accidents de parcours est estimé à 500 millions d’euros. Madame la ministre, avez-vous conscience des lacunes que comporte le chantier de la réforme du bac, et comptez-vous rendre sa fiabilité au diplôme tout en renforçant l’accompagnement des étudiants ?

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvie Retailleau, ministre
Sans reprendre votre question point par point, je tiens à revenir sur les chiffres que vous citez. Le passage direct en deuxième année de licence concernait seulement 40 % des étudiants en 2017, avant la promulgation de la loi ORE, mais ce pourcentage s’élevait à 48 % en 2022. Malgré ces évolutions, le taux de réussite en premier cycle reste insuffisant. Nous devons continuer à l’améliorer, comme y vise l’évolution, pour mieux correspondre à certains profils, des bachelors universitaires de technologie proposés dans les IUT.
Je vous rejoins d’ailleurs sur ce point : il est nécessaire – mais cela n’est pas nouveau – de continuer à travailler pour mieux adapter l’enseignement au profil des étudiants, au lycée comme dans le supérieur. Il s’agit de remettre l’étudiant au cœur de la formation, plutôt que d’en faire le public d’une formation préexistante. Il faut adapter les formations à deux paramètres : les besoins d’insertion professionnelle d’une part, le profil de l’étudiant d’autre part. Ce travail est en cours, en particulier dans le premier cycle, période fondamentale pour construire des passerelles vers l’emploi ainsi que des socles de connaissances et de compétences qui permettront aux jeunes de s’adapter à l’évolution de leur carrière. Nous y œuvrons, en lien avec le ministère de l’éducation nationale. Oui, il s’agit d’un travail de long terme, mais il porte déjà ses premiers fruits, consécutifs à la loi ORE et à la réforme de Parcoursup.

Mme la présidente
La parole est à M. Hendrik Davi.

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES)
Pour surmonter les crises sociales et écologiques que nous traversons, nous devons faire le pari du savoir. C’est pourquoi j’ai déposé une proposition de loi, signée par des députés appartenant aux quatre groupes de la NUPES, visant à redonner des moyens à l’université et à la recherche scientifique.
En effet, madame la ministre, la politique du Gouvernement, qui consiste à renforcer constamment la sélection, n’est pas à la hauteur. Le refus de créer suffisamment de places dans l’enseignement supérieur public suscite chez les élèves et leurs familles une angoisse qui profite au seul secteur privé.
Commençons par décrire le stress qu’il engendre au lycée – et désormais, hélas, dès le collège ! Parcoursup rend l’année de terminale particulièrement éprouvante pour les élèves et leurs familles. Pour satisfaire le calendrier de cette plateforme, ils viennent de passer les épreuves de spécialité, avancées au mois de mars au mépris de toute considération pédagogique. Il leur faudra ensuite finaliser leurs vœux, puis rédiger des lettres de motivation – dont la plupart ne seront même pas lues. L’attente angoissante des résultats durera enfin, pour certains d’entre eux, jusqu’à la fin de l’été, se soldant parfois par une absence de réponse. En effet, en 2022, faute de places, 300 000 bacheliers n’ont pas trouvé de formation qui leur convenait – ce chiffre a été publié par votre ministère en septembre 2022.
La face cachée de ce désengagement de l’État n’est autre que la multiplication d’acteurs privés qui, surfant sur l’angoisse, proposent les places qui manquent dans le public. Parcoursup constitue d’ailleurs un véritable outil publicitaire pour les formations du privé. Ainsi, les lycéens cherchant une formation commerciale en Île-de-France sur le moteur de recherche de Parcoursup verront apparaître treize formations du privé, facturant entre 9 000 et 15 000 euros l’année, avant que n’apparaisse le premier établissement public. Or certaines de ces formations sont de véritables arnaques : par exemple, l’école Campus Academy d’Aix-en-Provence a fermé ses portes en février 2023, laissant une centaine d’étudiants sans formation et sans perspective de diplôme en plein milieu de l’année universitaire. En outre, ces écoles privées bénéficient du financement direct de l’État en proposant des formations en apprentissage dont les frais d’inscription sont partiellement couverts par France Compétences.
Madame la ministre, quand proposerez-vous une vraie loi-cadre pour redonner des moyens au service public de l’enseignement supérieur ? Quand comptez-vous mettre fin aux subventions déguisées accordées aux formations privées et les faire sortir de la plateforme Parcoursup ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvie Retailleau, ministre
Je vous concède que nous devons aux étudiants et à leur famille de garantir la qualité des formations recensées dans Parcoursup – la plateforme doit constituer un label, pour ainsi dire. D’ailleurs, sauf erreur de ma part, la formation Campus Academy que vous avez citée n’est pas sur cette plateforme. De même, d’autres formations n’y figurent pas en raison du fait qu’elles ne satisfont pas aux critères qui permettent de vérifier leur qualité et de leur accorder le label EESPIG ou une accréditation similaire. Nous avons justement formé un groupe de travail afin de renforcer ces qualifications et de vérifier l’absence sur Parcoursup de formations malhonnêtes ou mensongères. Je vous rejoins en cela : il revient au ministère de définir la charte et le cadre auxquels doivent satisfaire les formations figurant dans Parcoursup, qu’elles soient publiques ou privées.
Quant à l’augmentation de places disponibles dans l’enseignement supérieur public, nous travaillons à identifier des formations préparant à des métiers en tension ou à des métiers d’avenir, afin d’ouvrir de nouvelles places dans ces filières. Nous nous intéressons par exemple aux métiers de la santé : le nombre d’étudiants inscrits dans les filières de médecine, de pharmacie, d’odontologie et de maïeutique a augmenté de près de 18 % depuis 2021. Je vous signale que nous avons lancé un appel à manifestation d’intérêt – nous accompagnons les établissements souhaitant y répondre, afin d’éviter qu’il se réduise à un énième appel à projets – nommé « Compétences et métiers d’avenir », dans le cadre duquel 2,5 milliards d’euros seront consacrés à la création de formations correspondant aux filières en tension ou aux métiers nouveaux. Il donnera lieu à un dialogue avec les établissements afin de préparer l’avenir à moyen et long termes.
En un mot, nous menons d’ores et déjà un travail visant à adapter les formations, d’une part aux besoins des étudiants et d’autre part à ceux des filières.

Mme la présidente
La parole est à M. Rodrigo Arenas.

M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES)
Je remercie M. Jérôme Teillard, chef de projet Parcoursup, d’assister à nos échanges. Il n’y a pas un groupe qui n’ait exprimé ses inquiétudes quant à Parcoursup ; certains y manifestent leur opposition, d’autres proposent des pistes d’amélioration. Notre groupe n’est nostalgique ni d’APB ni de l’ancien système Ravel – recensement automatisé des vœux des élèves –, et encore moins de l’époque où l’enseignement supérieur était réservé de facto à une partie de la population. Désormais, l’accès à l’université est un droit universel dès lors qu’on possède le baccalauréat ; pourtant, chacun sait que ce droit est parfois bafoué en raison du territoire où habite l’élève, de la famille où il est né ou encore du parcours scolaire qu’il a accompli – désormais pris en considération dès la classe de troisième.
Il en résulte que plus d’un quart des bacheliers sont insatisfaits des propositions d’affectation que leur offre Parcoursup. Cette plateforme a été créée pour faire face aux tensions entre les moyens alloués à l’enseignement supérieur et la croissance de la démographie étudiante – qui constitue une bonne nouvelle –, afin d’éviter à l’État de créer autant de places dans le supérieur qu’il existe de besoins exprimés. La logique de classement de Parcoursup, qui s’applique également dans les filières non sélectives, répond donc bien à une volonté d’économie de moyens de la part du Gouvernement. D’ailleurs, vous le savez, si nous étions au Gouvernement, vous auriez les milliards dont vous avez besoin !
Le problème du classement réside dans le fait que les bacheliers ne comprennent pas comment leurs dossiers sont étudiés et triés par les établissements. Malgré les efforts de publicité sur les réseaux et sur internet, force est de constater l’existence d’un biais d’accès et de maîtrise de l’information qui confine parfois au délit d’initié. Ainsi, certains enseignants, y compris des professeurs principaux, ne consultent pas les plateformes et, par conséquent, informent mal les élèves et les familles. En outre, les critères de pondération fixés par les commissions d’examen des vœux des établissements du supérieur sont très rarement connus, et les paramètres des algorithmes locaux pour chaque formation ne sont pas publiés afin de préserver le secret des délibérations des commissions. Le sentiment d’opacité ressenti par les élèves s’explique largement par le refus de publier ces paramétrages, malgré les multiples demandes en ce sens du comité éthique et scientifique de Parcoursup.
Ma question est simple : quand rendrez-vous obligatoire la publication des critères de classement, dans le souci de rapprocher l’usager de la puissance publique ?

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvie Retailleau, ministre
Je tiens à préciser que mes réponses ne constituent pas une défense aveugle de Parcoursup ; je plaide au contraire pour l’utilisation à bon escient de cette plateforme, consciente du stress que provoquent ses lacunes et des améliorations qu’il faut encore y apporter. En effet, au XXIe siècle, quel autre moyen qu’une plateforme numérique pourrait-on employer pour gérer une offre de formation si abondante ? Il ne s’agit donc pas de nier la nécessité de perfectionner constamment Parcoursup, mais bien de s’inscrire dans une démarche d’amélioration continue. Nous travaillons en permanence à limiter le stress occasionné, à réduire le délai d’attente des résultats et à répondre aux autres objectifs fixés par le comité éthique et scientifique de Parcoursup.
Je souligne que le rapport du comité fait également état d’améliorations considérables de la plateforme, du point de vue de la gestion de l’information, de la transparence ou encore des critères employés par les commissions d’examen des vœux, publiés dans des rapports généraux et, depuis cette année, dans des fiches qui les définissent plus spécifiquement.
Le Conseil constitutionnel a rappelé l’importance de l’indépendance et de la liberté d’appréciation dont disposent les commissions. Je vous rassure : il ne s’agit pas de promouvoir une décision automatique prise par un algorithme en fonction d’un fichier Excel, mais de maintenir le facteur humain que représentent les commissions qui, constituées en jury, évaluent des dossiers d’élèves très divers. M. Davi a affirmé qu’elles ne prennent pas connaissance des lettres de motivation, mais cela est faux : au contraire, mes anciens collègues lisent très souvent ces lettres, et c’est justement ce facteur humain qu’il importe de préserver.

Mme la présidente
La parole est à M. Bastien Lachaud.

M. Bastien Lachaud (LFI-NUPES)
Depuis quelques années, les lycées militaires défraient la chronique. L’Assemblée nationale a dû s’emparer au sujet et une mission d’information, dont j’étais le rapporteur, a émis des préconisations pour en finir avec les discriminations pouvant s’exercer au sein de ces établissements. Ont-elles été suivies d’effets ? Il est permis d’en douter.
Le 21 mars dernier, un article du Parisien révélait des faits graves s’ils sont avérés. La proviseure adjointe du lycée militaire d’Autun aurait demandé aux professeurs de modifier des appréciations sur le bulletin scolaire d’une élève originaire du Congo-Brazzaville. L’objectif aurait été de la diriger vers une filière professionnelle contre sa volonté, afin de l’exclure du lycée. Était-ce en raison de sa couleur de peau ? Avoir à poser la question, c’est déjà malheureusement y répondre…
Le 14 mars, le Figaro a publié un article sur le Prytanée militaire et ses classes préparatoires d’excellence. L’article indique que « beaucoup d’élèves et de parents, non issus du sérail militaire, jugent la procédure d’admission opaque ».
Quelles sont les qualités, les compétences attendues des candidats ? Des « qualités altruistes », « l’importance accordée aux notions de patrie et de nation ». « Les réservistes, ceux qui ont fait une prépa militaire découverte », les chefs scouts, les délégués de classe ou encore les capitaines d’équipe sportive sont favorisés. Ces critères sont des marqueurs sociaux. Ils entravent l’ouverture du recrutement et favorisent la reproduction sociale.
Mme Laetitia Saint-Paul, spécialiste du sujet, explique que « le recrutement, très endogène, ne reflète pas encore toute la diversité de la nation ». Madame la ministre, nous avons besoin que nos armées soient à l’image de la nation. Quels sont donc les critères réels de Parcoursup pour accéder aux classes préparatoires qui mènent aux concours d’officier ?
Comment garantissez-vous que le recrutement soit le plus divers possible, le plus représentatif de la nation, tant du point de vue du genre que de l’origine sociale ? (M. Rodrigo Arenas applaudit.)

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvie Retailleau, ministre
Ma réponse sera brève : la charte à laquelle les formations doivent souscrire pour figurer sur Parcoursup comprend des exigences quant aux commissions de sélection. Parmi celles-ci figure clairement un critère d’égalité de traitement des candidats, qui exclut toute discrimination, par exemple par rapport au genre ou à la couleur de peau.

M. Bastien Lachaud
Vous ne répondez pas à la question que j’ai posée. Être chef scout est-il un critère pour intégrer ces classes prépa ?

Mme Sylvie Retailleau, ministre
Nous nous pencherons sur le cas que vous mentionnez. Mais dès lors que ces formations sont sur Parcoursup, elles se sont engagées à respecter une charte qui comprend notamment l’égalité de traitement des candidats. Nous devons y être attentifs, je suis d’accord avec vous. Les formations présentes sur Parcoursup se sont engagées à se conformer aux principes définis par la charte. C’est la base des critères indiqués dans les fiches publiées par les établissements dont nous disposons désormais. Nous pourrons donc vérifier ce qu’il en est. Je vous remercie pour cette question.

Mme la présidente
La parole est à Mme Véronique Besse.

Mme Véronique Besse (NI)
Je pourrais moi aussi parler du flou entourant les critères de sélection des candidatures dans les écoles supérieures, mais je préfère m’attarder sur la temporalité de l’ouverture de Parcoursup durant l’année de terminale. En effet, pour cette année scolaire 2022-2023, les lycéens ont jusqu’au jeudi 6 avril pour effectuer leurs vœux sur Parcoursup.
Pour autant, les cours ne seront pas terminés. Tous les témoignages des professeurs font part d’une démotivation certaine de nombreux lycéens après la finalisation de leur dossier sur Parcoursup. Cela peut se comprendre. En effet, dès lors que leurs dossiers de vœux ont été envoyés dans les différentes écoles supérieures, les notes du deuxième semestre n’ont plus qu’une importance relative et l’on assiste à un décrochage manifeste de nombreux élèves, nous expliquent les professeurs.
Ensuite, l’épreuve de philosophie et le grand oral, matières très importantes pour le bac, ont lieu en mai ou juin, après la finalisation des dossiers Parcoursup. Dans ces conditions, motiver les jeunes peut se révéler difficile.
Madame la ministre, ma question est la suivante : le calendrier de Parcoursup peut-il être décalé afin de réduire le délai entre le calendrier d’inscription sur Parcoursup et la fin de l’année scolaire de terminale ?

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvie Retailleau, ministre
Nous comprenons la démotivation que peut engendrer le calendrier. Nous l’avons toujours connue, car le calendrier de dépôt des dossiers n’est pas nouveau. Avant Parcoursup, on n’attendait pas le bac pour postuler à une formation du supérieur. Du reste, le bac est toujours une condition indispensable pour intégrer une formation du supérieur. En effet, un élève pourra intégrer la formation qui l’a accepté sur Parcoursup sous réserve d’obtenir le baccalauréat.
La motivation pour avoir le bac ne doit pas être liée au dépôt du dossier – comme je l’expliquais, cela n’a jamais été le cas, ou cela n’aurait jamais dû l’être. D’autre part, la phase complémentaire de Parcoursup prend en compte les notes du troisième trimestre. Pour les élèves, toutes les notes sont donc importantes. J’insiste sur le fait qu’ils ne pourront intégrer l’enseignement supérieur que sous réserve de l’obtention du baccalauréat.
Ce n’est pas le calendrier de Parcoursup qui pose problème. Ce décalage des calendriers existe depuis très longtemps. Nous continuons de travailler avec le ministère de l’éducation nationale sur la façon d’aborder l’année et de faire le lien entre le secondaire et le supérieur pour donner plus de chances de réussite à nos élèves lors du troisième trimestre, dont je rappelle qu’il compte quand même sur Parcoursup.

Mme la présidente
La séance de questions est terminée. 


Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 13 avril 2023