Interview de M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, à BFMTV le 6 avril 2023, sur la mobilisation contre la loi sur la réforme des retraites.

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Média : BFM TV

Texte intégral

BENJAMIN DUHAMEL
Mon invité ce matin dans le "Face à face" c'est Olivier DUSSOPT, ministre du Travail, évidemment en charge de la réforme des retraites, bonjour Olivier DUSSOPT.

OLIVIER DUSSOPT
Bonjour.

BENJAMIN DUHAMEL
Alors, 11e journée de mobilisation aujourd'hui et tout paraît encore bloqué, vous étiez hier matin autour de la table à Matignon avec l'intersyndicale, rien n'a bougé, même désaccord, même unité des syndicats contre la réforme, c'est encore un échec du gouvernement, ça n'a servi à rien ?

OLIVIER DUSSOPT
Ah non, je ne pense pas que ça n'ait servi à rien, je pense même que c'est une étape importante. C'est une étape importante puisque la Première ministre souhaitait rencontrer l'intersyndicale, après que le texte, d'abord fait l'objet d'une concertation, il faut le rappeler, quatre mois. A l'automne, au mois de septembre, il faut aussi s'en souvenir, nous avions eu des discussions pour savoir comment cette réforme, annoncée pendant la présidentielle, annoncée pendant les législatives, devait avancer. Les organisations syndicales, les partenaires sociaux, au sens le plus large, voulaient du temps, nous l'avons pris, nous avons ajouté du temps en décembre, et ensuite…

BENJAMIN DUHAMEL
Mais vous avez entendu ce que dit l'intersyndicale en sortant, qui parle d'échec, qui dit que ça n'a servi à rien ?

OLIVIER DUSSOPT
Si vous me permettez j'y viens mais…

BENJAMIN DUHAMEL
On a l'impression que vous n'avez pas assisté à la même réunion en fait !

OLIVIER DUSSOPT
Si vous me permettez j'y viens, mais il faut aussi rappeler comment les choses se sont passées. Cette réforme elle n'est pas tombée du ciel, elle n'est pas tombée du ciel ni hier, ni il y a 15 jours, elle a été défendue pendant la campagne présidentielle, et législative, j'ai moi-même été élu, comme le président de la République, avec cet engagement dans mon programme, et nous avons eu des mois de concertation. Il y a eu un temps parlementaire, un temps parlementaire parfois difficile, puisque la coalition, autour de la France insoumise, a tout fait pour bloquer le débat, mais à la fin la réforme est adoptée par le Sénat…

BENJAMIN DUHAMEL
Olivier DUSSOPT, on ne fait pas refaire l'histoire de cette réforme des retraites, là sur la réunion, en l'espèce, d'hier, à quoi cela a servi à partir du moment où au bout de 55 minutes les syndicats sortent en disant "ça n'a servi à rien, on nous a répété que de toute façon les 64 ans il n'était pas question d'y toucher", à quoi ça sert ?

OLIVIER DUSSOPT
D'abord ça n'a pas servi à rien parce qu'il est toujours utile de dialoguer, et chaque organisation syndicale a pu s'exprimer, nous avons constaté, avec la Première ministre, la persistance, nous le savons, d'un désaccord sur la question de l'âge, d'autres sujets ont été évoqués, sur la pénibilité, sur les carrières longues, sur la gestion des carrières, et évidemment, là aussi je le dis très clairement, cela a été dit par les organisations syndicales en sortant, la profondeur du désaccord sur l'âge n'a pas permis d'approfondir ces sujets et nous avons dit aux organisations syndicales que dès qu'elles seront prêtes à en discuter nous le ferons. Et d'ailleurs…

BENJAMIN DUHAMEL
Et vous entendez ce qu'ils vous répondent, ils disent "pas question d'aborder les autres sujets tant que la réforme des retraites n'a pas été retirée" ?

OLIVIER DUSSOPT
Pardonnez-moi, mais j'ai aussi entendu ce que Monsieur CHABANIER, qui a parlé au nom de l'intersyndicale en sortant de cette réunion, a dit, il a dit qu'il y avait un certain nombre de sujets qui devront être regardés et examinés ultérieurement. Aujourd'hui nous sommes toujours dans un désaccord sur la question de l'âge, et nous avons aussi pu répéter, ou redire, si on peut le dire ainsi, à ces mêmes organisations syndicales, la conviction du gouvernement d'une réforme qui est nécessaire, notamment pour des aspects financiers, et pour équilibrer le système, mais c'était une étape importante que de pouvoir renouer une forme de dialogue avec, un désaccord qui persiste, mais avec la volonté…

BENJAMIN DUHAMEL
Mais c'est un échec, rien n'en sort, la situation n'est pas moins bloquée, il n'y a pas moins d'impasse après cette réunion.

OLIVIER DUSSOPT
Il y a toujours un désaccord, mais il y a des perspectives, et des perspectives quand ça sera le temps de travailler sur un certain nombre de sujets qui sont très importants pour la vie des salariés.

BENJAMIN DUHAMEL
Comment est-ce que vous réussissez à sortir de l'impasse là maintenant, pour ceux qui nous écoutent, qui nous regardent. Laurent BERGER hier soir sur BFM dit "peut-être qu'il n'y aura pas de porte de sortie", l'intersyndicale répète "nous refusons de tourner la page", comment est-ce que vous sortez de la crise ?

OLIVIER DUSSOPT
Quelle crise ?

BENJAMIN DUHAMEL
Eh bien la crise sociale, il n'y a pas de crise sociale ?

OLIVIER DUSSOPT
Il y a une crise sociale, il y a un conflit social, mais j'entends parfois qu'il y a une crise politique, une crise démocratique, il n'y a pas de crise démocratique, le texte il a suivi un cheminement parlementaire, parfois empêché…

BENJAMIN DUHAMEL
Vous n'entendez pas ce que disent les Français sur le recours au 49.3, sur une forme de, comment dire, de distorsion du lien entre eux les représentants politiques, le peuple, vous êtes totalement aveuglés et sourds à tout cela ?

OLIVIER DUSSOPT
Personne n'est aveugle, personne n'est sourd, mais il faut aussi rappeler les responsabilités. Qui a bloqué le débat à l'Assemblée nationale, ce n'est pas l'exécutif, ce n'est pas le gouvernement, c'est la NUPES, c'est la coalition autour de la France insoumise avec 20.000 amendements et la volonté, je reprends un terme devenu à la mode, de bordéliser les débats, ce n'est pas le gouvernement qui a souhaité cela, et d'ailleurs au Sénat nous sommes allés au bout du texte, chaque article a été examiné, chaque article a été battu, le texte a été voté, il a été confirmé en commission mixte paritaire, il a été confirmé par le Sénat, et il a même été confirmé…

BENJAMIN DUHAMEL
Alors, Olivier DUSSOPT, je vais la poser différemment.

OLIVIER DUSSOPT
Moins directement, par le rejet des motions de censure.

BENJAMIN DUHAMEL
Qu'est-ce qui va mieux après cette réunion, quel bilan positif vous pouvez tirer de cette réunion après plus qu'avant, honnêtement c'est assez incompréhensible là ?

OLIVIER DUSSOPT
Il y en a un qui pour moi est manifeste, c'est qu'au-delà du désaccord, persistant je le répète, il y a des expressions, il y a une volonté, ultérieurement, je ne sais pas vous dire la date parce que nous ne sommes pas là pour faire un agenda, ultérieurement de travailler sur des sujets. Beaucoup de ceux qui se sont exprimés hier, pas tous, mais beaucoup, ont dit que, oui il y a un désaccord, oui il y a un désaccord profond sur la question de l'âge, mais qu'ils ne veulent pas évacuer l'intérêt de tel autre sujet, ils disent…

BENJAMIN DUHAMEL
Quand vous dites, pas tous, ça veut dire que vous faites distinction hier entre la façon dont se sont comportés les réformistes et d'autres syndicats, vous avez vu des différences de comportement ?

OLIVIER DUSSOPT
Je ne suis pas l'arbitre des élégances entre les organisations syndicales…

BENJAMIN DUHAMEL
Non, mais vous étiez à une réunion, vous pouvez nous raconter.

OLIVIER DUSSOPT
Mais eux-mêmes disent qu'il y a un certain nombre de différences dans leurs positions respectives, que ces différences ne sont pas nouvelles, c'est d'ailleurs pour ça qu'il y a autant d'organisations syndicales, s'ils pensaient tous la même chose il n'y en aurait qu'une.

BENJAMIN DUHAMEL
Un exemple de ce blocage c'est l'état de tensions entre le patron de la CFDT Laurent BERGER et le président de la République. Pour bien comprendre le contexte, en sortant de la réunion hier Laurent BERGER parle de "crise démocratique" précisément, réponse quasi immédiate de l'entourage du président, je cite, "les mots ont un sens et si on les galvaude on fait monter les extrêmes, on ne peut pas parler de crise démocratique", voilà ce que répond l'entourage du chef de l'Etat, réaction hier soir à ces mots de Laurent BERGER visiblement exaspéré, sur BFM TV, écoutez.

LAURENT BERGER
J'en ai assez là, ça fait deux fois, il n'y en n'aura pas trois, ça fait deux fois qu'on pointe la CFDT en termes de responsabilités, ça suffit maintenant, et donc je ne pointe personne, mais ce qui est sûr c'est que, ce qui est en train de se passer aujourd'hui dans notre pays, oui ça fait monter le Rassemblement national.

BENJAMIN DUHAMEL
On parlera plus tard du Rassemblement national, mais là l'état de tensions entre les deux hommes est incroyable, si l'objectif c'était d'apaiser, c'est raté.

OLIVIER DUSSOPT
Enfin, je ne pense pas que ce soit des tensions personnelles d'abord, pour commencer, et par ailleurs, on le disait tout à l'heure, vous vous m'avez dit il ne faut pas refaire l'histoire, mais malgré tout, malgré tout quelle est l'histoire, pas des relations entre le président de la République et la CFDT, mais des relations entre le président de la République et le mouvement social ou les organisations syndicales, et on reste que sur une période très récente. Lorsqu'il est élu au mois de mai dernier, la première chose qu'il fait c'est d'inviter les organisations syndicales, elles répondent toutes présentes, sauf la CGT, au mois de septembre il convoque un Conseil national de la refondation, une partie des organisations syndicales, dont la CFDT, accepte d'y participer, et d'ailleurs leurs représentants participent au groupe de travail, c'est la même chose au mois de décembre, donc…

BENJAMIN DUHAMEL
Évitons de refaire le match, là sur ce que dit Laurent BERGER, sur les mots, quand il dit "deux fois, pas trois", comment est-ce que vous qualifiez cet agacement manifeste de Laurent BERGER/

OLIVIER DUSSOPT
C'est une période de conflit, peut-être une période de tension, je n'entre pas là-dedans, je n'entre pas dans ces questions de conflit ou de tension, je dis que le président de la République, dans sa politique, dans sa manière d'être, dans la manière dont il considère le mouvement syndical et le mouvement social en France, n'est pas dans un procès en légitimité, au contraire, ils les respectent, parfois même…

BENJAMIN DUHAMEL
Et pourtant il les provoque, il dit "il n'y a pas de crise démocratique", en tout cas son entourage…

OLIVIER DUSSOPT
Parfois même, pardon mais, provocation pour provocation, et là aussi ça ne concerne pas la CFDT, il respecte la légitimité des organisations syndicales alors que, parmi les mêmes organisations syndicales, et plus largement parmi les partenaires sociaux, certains ne se privent pas de remettre en cause la légitimité, et du président, et des parlementaires, donc le président de la République est dans son rôle…

BENJAMIN DUHAMEL
Donc il ne faut pas faire baisser la tension là entre Emmanuel MACRON et Laurent BERGER, non, il n'y a rien, l'extrait qu'on vient de voir ?

OLIVIER DUSSOPT
Mais, d'abord, je vous l'ai dit, je n'entre pas dans une logique de tension ou de conflit, je considère que lorsqu'on est en désaccord on n'est pas en guerre, et ce qui m'intéresse c'est de pouvoir continuer à avancer, il y a une situation sur la réforme des retraites qui fait que cette réforme pour nous est absolument fondamentale, qu'elle est essentielle, qu'elle est nécessaire, que nous l'avons conduite avec le maximum de concertation et que le texte, le texte qui a été adopté par le Parlement, par le Sénat, par le rejet des motions de censure à l'Assemblée, est un texte qui a évolué deux fois, une fois avec la concertation avec les partenaires sociaux, nous avons intégré des choses sur les carrières longues, sur la pénibilité, sur le minimum de pension, sur l'emploi des seniors, et une seconde fois avec le débat parlementaire. Le débat parlementaire, et particulièrement au Sénat, il a permis d'avancer sur la situation des femmes, et notamment des mères de famille…

BENJAMIN DUHAMEL
Et on en a beaucoup parlé, mais par exemple, Olivier DUSSOPT…

OLIVIER DUSSOPT
Et il a permis d'avancer sur des dizaines de points.

BENJAMIN DUHAMEL
Quand Laurent BERGER propose une conférence sociale sur les retraites, le travail, pourquoi là ne pas saisir cette main tendue, ce n'est pas une demande totalement déraisonnable une conférence sociale ?

OLIVIER DUSSOPT
Alors, pour être tout à fait précis, Laurent BERGER demande la suspension, voire le retrait de la réforme, et ensuite une conférence sociale, nous nous considérons que cette réforme doit être mise en œuvre et nous attendons, avant qu'elle soit mise en œuvre, la décision du Conseil constitutionnel, mais il y a un certain nombre de chantiers…

BENJAMIN DUHAMEL
Et sur la conférence sociale c'est niet ?

OLIVIER DUSSOPT
Il y a un certain nombre de chantiers, de réflexions qui sont ouvertes, et qui ont été ouvertes, parfois, en reprenant des demandes de la CFDT. Depuis fin novembre, début décembre, j'ai ouvert les Assises du travail, c'était une des demandes exprimées par les partenaires sociaux, et notamment la CFDT, lors du premier Conseil national de la refondation du mois septembre, ces assises travaillent, il y a trois groupes de travail, les garants que j'ai désignés…

BENJAMIN DUHAMEL
Ce n'est pas exactement ce qu'il demande, il dit conférence sociale.

OLIVIER DUSSOPT
Attendez, Monsieur SENARD, Madame THIERY, vont nous remettre des recommandations, nous sommes prêts au dialogue social et nous avons d'hier être ouverts à un travail, un dialogue, sur l'ensemble des sujets, chaque chose en son temps, mais ce que je répète…

BENJAMIN DUHAMEL
Donc conférence sociale, est-ce que c'est exclu ou est-ce que c'est une possibilité ?

OLIVIER DUSSOPT
Je ne vais pas vous dire non par principe, oui par principe, je vous dis que dans la demande qu'il porte aujourd'hui…

BENJAMIN DUHAMEL
Si c'est ni non, ni oui, il n'y a pas de réponse là !

OLIVIER DUSSOPT
Je vous dis que dans la demande qu'il porte aujourd'hui, ce n'est pas la demande d'une conférence sociale qui permettrait de régler un désaccord, il demande à ce qu'on retire le texte, avant d'organiser une conférence sociale, ce n'est pas tout à fait la même méthode. Je ne suis pas convaincu, mais je ne suis pas son porte-parole, je ne suis pas convaincu que si j'annonçais ce matin une conférence sociale ça changerait la position de la CFDT sur la réforme des retraites telle qu'elle a été votée, je suis même convaincu de l'inverse.

BENJAMIN DUHAMEL
Un mot sur une autre de vos interlocutrices, Sophie BINET, la nouvelle patronne de la CGT, elle aussi elle a eu des mots très durs, elle a parlé d'un gouvernement radicalisé, obtus, ça vous fait regretter Philippe MARTINEZ ou pas ?

OLIVIER DUSSOPT
Je ne suis pas là pour choisir les dirigeants de la CGT, Madame BINET a été élue, la Première ministre et moi-même l'avons félicitée, nous lui avons souhaité réussite dans ses fonctions, et je souhaite, comme avec tous les partenaires sociaux, qu'elle puisse s'inscrire, avec le gouvernement, dans un dialogue qui sera très certainement exigeant, qui certainement tracera peut-être, désignera, permettra de définir des désaccords, mais il y a 100 sujets dans le dialogue social sur lesquels nous pouvons tous avancer.

BENJAMIN DUHAMEL
Il paraît que vous avez essayé de l'appeler pour discuter avec elle et qu'elle ne vous a pas répondu.

OLIVIER DUSSOPT
Je pense que Madame BINET installe son équipe, qu'elle s'installe dans ses fonctions…

BENJAMIN DUHAMEL
Vous ne répondez pas exactement à ma question, est-ce que vous avez essayé de l'appeler, vous et la Première ministre, sans qu'elle ne réponde ?

OLIVIER DUSSOPT
Pour ma part ce n'est pas un appel, c'est un SMS.

BENJAMIN DUHAMEL
Et elle vous a répondu ?

OLIVIER DUSSOPT
Non, mais elle était là hier, c'est ce qui compte le plus.

BENJAMIN DUHAMEL
Un tout dernier mot sur la rencontre d'hier, Emmanuel MACRON, son entourage, a promis de recevoir l'intersyndicale après la décision du Conseil constitutionnel, quand on voit le résultat de la réunion hier ça sert vraiment à quelque chose ou pas ?

OLIVIER DUSSOPT
Je pense que oui, je pense que toutes les rencontres sont utiles.

BENJAMIN DUHAMEL
Olivier DUSSOPT, 11e journée de mobilisation aujourd'hui, je le disais, dans les transports c'est moins perturbé que d'habitude, 3 TGV sur 4, un trafic à la RATP quasi normal, est-ce que le mouvement s'essouffle ?

OLIVIER DUSSOPT
Je ne sais pas s'il s'essouffle, nous verrons ce soir, nous verrons ce soir, et j'ai en tête avoir été sur ce plateau avec vous, avec Apolline de MALHERBE, pour des journées de mobilisation où il y avait 1,1 million, 1,2 million personnes, et j'ai toujours regardé cela avec à la fois beaucoup de respect, un peu de distance, je considère que ce n'est pas au gouvernement, ni de se précipiter en commentaires, ni de faire la météo du climat social, nous verrons ce soir…

BENJAMIN DUHAMEL
Oui, mais est-ce que vous constatez, dans la tendance, dans les chiffres de grévistes, qu'il y a une forme d'essoufflement, est-ce que vous pariez là-dessus aussi ?

OLIVIER DUSSOPT
J'ai les mêmes chiffres que vous, j'ai vu que…

BENJAMIN DUHAMEL
Ça s'explique par quoi alors, cette baisse de grévistes, cette baisse de la mobilisation ?

OLIVIER DUSSOPT
Qu'un certain nombre de services comme la RATP, la SNCF, les prévisions de trafic sont meilleures que d'autres journées de mobilisation, nous verrons ce soir, chaque organisation syndicale est libre d'organiser des mouvements de grève, des mouvements de manifestation, ils l'ont très bien fait, avec le concours des forces de l'ordre, le concours, à Paris, de la préfecture de police et du ministère de l'Intérieur, comme dans toutes les villes de France, on verra ce soir, chacun est libre de le faire. Peut-être qu'un certain nombre d'arguments sont entendus, peut-être aussi qu'il y a une forme de lassitude ou de fatigue, je ne suis pas là pour en juger…

BENJAMIN DUHAMEL
Lassitude des Français, vous pensez ?

OLIVIER DUSSOPT
De celles et ceux qui se mobilisent et qui se mobiliseraient moins, mais attendons ce soir.

BENJAMIN DUHAMEL
Et donc vous pariez là-dessus, au fond il y a une sorte de stratégie du pourrissement jusqu'à la décision du Conseil constitutionnel le 14 avril ?

OLIVIER DUSSOPT
Il n'y a pas de stratégie du pourrissement, je considère qu'il faut continuer à expliquer et à convaincre à chaque fois…

BENJAMIN DUHAMEL
Précisément le 14 avril, date de la décision du Conseil constitutionnel, si elle est validée, si la loi est validée, est-ce que vous vous attendez que par exemple la CFDT dise à ce moment-là "on arrête, parce qu'on est légitimiste et que la loi a été validée" ?

OLIVIER DUSSOPT
Que la CFDT se légitimiste et respectueuse de la loi ce n'est pas une nouveauté, ça a toujours été le cas, ça sera, je crois, toujours le cas, j'attends la décision du Conseil constitutionnel, nous l'attendons tous, avec évidemment une forme de sérénité, ce sont nos institutions, c'est le process démocratique, et nous verrons comment chacun réagit dans la suite.

BENJAMIN DUHAMEL
Mais est-ce qu'il serait légitime de continuer à se mobiliser après la décision du Conseil constitutionnel ?

OLIVIER DUSSOPT
Je pense que la décision du Conseil constitutionnel, si elle était favorable au gouvernement, et là aussi je ne préjuge de rien, je ne présage de rien, je respecte leur compétence et cette institution, mais si cette décision venait confirmer la loi, l'essentiel de la loi, ça n'effacerait pas les désaccords, chaque organisation syndicale en tirera les conséquences, les conclusions qu'elle souhaite, mais je sais très bien qu'une décision de droit n'efface pas un désaccord politique. Ça donnerait une légitimité supplémentaire à la loi, mais ça n'efface pas un désaccord.

BENJAMIN DUHAMEL
Olivier DUSSOPT, l'actualité politique c'est aussi ce sondage ELABE pour BFM TV, si la présidentielle de 2022 se rejouait aujourd'hui Marine LE PEN gagnerait au second tour avec 55 % des voix contre 45 % pour Emmanuel MACRON, là encore, quel échec pour un président qui avait fait du combat contre le RN une sorte de raison d'être de son combat politique.

OLIVIER DUSSOPT
Moi ce que je vois ce sont des choses très factuelles, mais je reviendrai sur votre sondage. Emmanuel MACRON a battu Marine LE PEN et a battu l'extrême-droite à deux reprises, c'est lui qui a battu l'extrême droite à deux reprises…

BENJAMIN DUHAMEL
Et il n'y a jamais eu autant de députés Rassemblement national au Parlement et ce sondage donne aujourd'hui Marine LE PEN gagnante.

OLIVIER DUSSOPT
Et aujourd'hui vous avez un sondage qui porte sur une question qui n'existe pas, parce que le président de la République a été réélu et que nos institutions font qu'il ne peut pas se représenter.

BENJAMIN DUHAMEL
Donc ce sondage ne veut rien dire ?

OLIVIER DUSSOPT
Je ne dis pas qu'il ne veut rien dire, je dis qu'il porte sur une question qui n'existe pas et sur une situation qui ne peut pas exister. Le président de la République est élu, justement il est élu avec cette impossibilité constitutionnelle de solliciter un troisième mandat, il met en œuvre une politique sur laquelle il s'est engagé, il le fait avec responsabilité, il ne le fait pas en se demandant si ça va lui permettre ou non sa réélection…

BENJAMIN DUHAMEL
Non mais…

OLIVIER DUSSOPT
Et pour cause, il ne peut pas se représenter. Nous savons que cette réforme des retraites, et le président de la République l'a dit lui-même, il a dit qu'il prenait sa part dans l'impopularité de la réforme, c'est une responsabilité de…

BENJAMIN DUHAMEL
Non mais attendez, la question-là pour la première fois Marine LE PEN arrive en tête dans ce contour et donc potentiellement gagne et avec toutes les limites inerrantes à ce type de sondage.

OLIVIER DUSSOPT
De mémoire je ne crois pas que ce soit la première fois.

BENJAMIN DUHAMEL
A ce type de sondage, vous n'avez aucune part de responsabilité dans cette progression du Rassemblement national ?

OLIVIER DUSSOPT
Tous ceux qui exercent ou ont exercé des responsabilités ont une part de responsabilité, je crois qu'il serait trop facile de la limiter aux cinq dernières années parce que c'est une part de responsabilité bien plus large et bien plus connective que la simple majorité qui exerce aujourd'hui les responsabilités. Donc je n'évacue pas cela, je n'évacue ni la montée du Front national dans les études d'opinions, ni la montée d'une ultra gauche et d'une radicalité autour de la France insoumise de l'autre côté du prisme politique. Ce que je dis c'est que ce sondage porte sur une question qui ne pourra être posée aux Français parce que le président de la République ne peut pas être candidat et qu'il mène une politique en responsabilité qu'il juge nécessaire sans se demander si elle plait ou si elle déplaît particulièrement mais parce qu'il la juge nécessaire pour le pays. Il y a ensuite un paysage politique et il y a un enjeu qui est le combat contre les extrêmes. Ce combat nous allons continuer à le mener et ce que je crois pour revenir à la réforme des retraites, ce que je crois c'est que la meilleure façon de mener le combat contre les extrêmes, c'est de préserver notre système par répartition parce que le jour où le Front national, le jour où tous les extrêmes de France pourront le plus progresser, c'est le jour où ne seront plus capables de verser des pensions de retraite correctes à nos retraités.

BENJAMIN DUHAMEL
Vous dites les extrêmes, fin février dans les colonnes du Monde que Marine LE PEN était, je cite, plus républicaine que la France Insoumise.

OLIVIER DUSSOPT
Alors vous faites, pardon mais je veux bien corriger cette affirmation.

BENJAMIN DUHAMEL
Vous l'avez dit.

OLIVIER DUSSOPT
Je vais la préciser. Je n'ai pas dit que Marine LE PEN était plus républicaine que la France Insoumise.

BENJAMIN DUHAMEL
Quelle avait été plus républicaine dans le contexte de l'affaire d'Aurélien SAINTOUL vous traitant d'assassin dans le Parlement.

OLIVIER DUSSOPT
J'ai dit j'ai dit que sa réaction dans l'hémicycle à cette insulte qui m'a été lancée dans l'hémicycle avait été pour sa réaction plus républicaine que certaine.

BENJAMIN DUHAMEL
Donc est-ce que vous ne la dédiabolisez pas en expliquant qu'elle est plus républicaine que la France Insoumise.

OLIVIER DUSSOPT
Parce que je pense au fait que la France Insoumise n'avait pas condamné les propos de son député, c'était sur un aspect. Le combat contre le Front national, c'est le sens de mon engagement en politique et il va un peu au-delà, c'est le combat contre les extrêmes, parce qu'il y a une extrême droite en France mais il y aussi une ultra gauche.

BENJAMIN DUHAMEL
Attendez Olivier DUSSOPT, mais on vous a beaucoup plus vous et collectivement au gouvernement entendu taper matin, midi et soir sur Jean-Luc MÉLENCHON sur la France Insoumise que sur le Rassemblement national.

OLIVIER DUSSOPT
Dans la période récente…

BENJAMIN DUHAMEL
Vous avez choisi votre cible.

OLIVIER DUSSOPT
Dans la période récente, qui a organisé l'obstruction ? La France Insoumise et dans la période récente, c'est eux qui ont tout fait pour délégitimer nos institutions. Et donc c'est un combat que nous menons.

BENJAMIN DUHAMEL
Elle est plus républicaine que la France Insoumise Marine LE PEN ?

OLIVIER DUSSOPT
Mais je vous ai dit que ça ne portait que sur sa seule réaction, donc vous ne me ferez pas dire ça, je combats les deux extrêmes.

BENJAMIN DUHAMEL
Est-ce que vous mettez un signe égal entre les deux ?

OLIVIER DUSSOPT
Sur certains propos, certains aspects ?

BENJAMIN DUHAMEL
Oui les deux.

OLIVIER DUSSOPT
Lorsqu'il s'agit de remettre en cause nos institutions ça peut arriver.

BENJAMIN DUHAMEL
Donc ça veut dire que vous renvoyez dos à dos, Gérald DARMANIN dit, le choix entre Marine LE PEN et Jean-Luc MÉLENCHON, c'est le choix entre la peste et le choléra, est-ce que vous diriez la même chose ?

OLIVIER DUSSOPT
Ça peut arriver sur certains aspects, mais je vous le dis, c'est un combat contre les extrêmes et vous ne me ferez pas dire que le front national s'est banalisé, vous ne me ferez pas dire que le Front national est devenu un partisan ou un partenaire de la République, ça reste un adversaire de la République.

BENJAMIN DUHAMEL
D'accord mais vous dites de la même manière que c'est à peu près la même chose et vous les renvoyez dos à dos.

OLIVIER DUSSOPT
Dos à dos, je ne sais pas mais je considère qu'une partie de la France Insoumise ne respecte pas le cadre républicain dans lequel nous sommes.

BENJAMIN DUHAMEL
S'il y avait un second tour entre Jean-Luc MÉLENCHON et Marine LE PEN, qu'est-ce que vous feriez ?

OLIVIER DUSSOPT
Ça n'arrivera pas et je vous ai dit tout à l'heure que je ne répondais pas à un sondage qui porte sur une question qui ne se pose pas. Je ne réponds pas aux questions qui portent sur la politique-fiction. Mon objectif, c'est de faire en sorte que la majorité présidentielle telle qu'elle existe aujourd'hui puisse perdurer.

BENJAMIN DUHAMEL
Olivier DUSSOPT, vous venez de la gauche, vous venez du Parti socialiste. Normalement on aurait posé cette question il y a 5 ans, vous n'auriez pas hésité une seule seconde à dire qu'il fallait faire barrage à Marine LE PEN.

OLIVIER DUSSOPT
Je vous dis que je ne réponds jamais à des questions qui relèvent de la politique-fiction. Nous ne savons même pas si les deux candidats que vous avez évoqués seront eux-mêmes candidat à la présidentielle.

BENJAMIN DUHAMEL
Donc quand Edouard PHILIPPE dit par exemple que Marine LE PEN est la favorite pour 2027, vous ne pensez pas que ce soit le cas ?

OLIVIER DUSSOPT
Si elle est candidate, les sondages que vous avez évoqués et d'autres peuvent le souligner, peuvent le montrer.

BENJAMIN DUHAMEL
Olivier DUSSOPT, le fameux entretien - il nous reste peu de temps - le fameux entretien de Marlène SCHIAPPA dans Playboy à paraître aujourd'hui dans les kiosques avec les photos qui vont avec, on les a beaucoup commentées, et voilà ce que dit Isabelle ROME, ministre chargée de l'Égalité femmes-hommes, de l'initiative de sa collègue. Je cite : "Playboy est un condensé de stéréotypes sexistes, défendre les droits des femmes dans Playboy reviendrait à lutter contre l'antisémitisme en accordant un entretien à Rivarol". Comme disent les jeunes, le groupe vit bien ?

OLIVIER DUSSOPT
Je ne suis pas lecteur de Playboy, ça ne surprendra pas grand monde. Je ne suis pas lecteur de Playboy, je n'ai pas lu l'interview que donne Marlène. Je sais que et Marlène et Isabelle sont toutes les deux extrêmement engagées sur l'égalité femmes-hommes, chacune avec leur caractère, chacune avec leur méthode et je trouve que toutes les deux sont courageuses.

BENJAMIN DUHAMEL
Attendez, là c'est de la super langue de bois !

OLIVIER DUSSOPT
Non, ce n'est pas de la langue de bois.

BENJAMIN DUHAMEL
Si, si, c'est de la super langue de bois.

OLIVIER DUSSOPT
C'est de l'amitié pour les deux.

BENJAMIN DUHAMEL
On a deux ministres au sein du gouvernement, une qui pose dans Playboy et une autre qui dit : "parler du féminisme dans Playboy, c'est la même chose que de lutter contre l'antisémitisme dans Rivarol" qui est un hebdomadaire d'extrême-droite.

OLIVIER DUSSOPT
Elles ont chacune leur engagement, chacune leur méthode et les deux sont courageuses.

BENJAMIN DUHAMEL
Il y a une sorte d'impression de délitement incroyable de tout ça, c'est-à-dire des ministres qui se tapent dessus, une secrétaire d'État qui pose dans Playboy. Non, il n'y a rien ?

OLIVIER DUSSOPT
D'abord, on ne va peut-être pas rentrer dans le fait de juger, de porter un jugement moral sur le fait que Marlène ait répondu à une interview de Playboy.

BENJAMIN DUHAMEL
Vous, ça ne vous gêne pas ? Il n'y a pas de sujet ?

OLIVIER DUSSOPT
Je ne l'aurais pas forcément fait mais je dis que Marlène est une femme extrêmement engagée, extrêmement forte, elle a des méthodes et un caractère qui ne sont pas complètement les miens. Ça aussi, ça n'a échappé à personne.

BENJAMIN DUHAMEL
Donc ce n'est pas une erreur politique dans le contexte d'avoir fait ça ?

OLIVIER DUSSOPT
Non. La Première ministre s'est exprimée, je n'ai pas à ajouter.

BENJAMIN DUHAMEL
Toute dernière question. Jean-Luc MÉLENCHON dimanche parlait précisément à cette occasion d'une provocation de Marlène SCHIAPPA. Il ajoutait l'interview du président à Pif Gadget et la vôtre à Têtu où vous réveillez votre homosexualité. Je cite Jean-Luc MÉLENCHON :" Olivier DUSSOPT vient dire qu'il est homosexuel, tout le monde s'en fout" disait le leader de la France insoumise. Ça vous agace d'être mis sur le même plan que les photos de Marlène SCHIAPPA ?

OLIVIER DUSSOPT
Deux choses. D'abord il a raison et si tout le monde n'en a rien à faire, c'est très bien. Ça signifie que tout ça ne gêne plus personne et c'est parfait. Deuxième chose, je n'ai rien révélé du tout. Ce n'est ni une révélation ni un aveu. Et ensuite, je considère que Têtu est un magazine qui existe depuis des dizaines d'années, que c'est aussi un journal, un magazine politique. Si vous avez lu l'interview, vous avez pu voir que les questions qu'ils m'ont posées sur les retraites étaient des questions sans concession.

BENJAMIN DUHAMEL
C'est sûr que c'est plus politique que l'interview de Marlène SCHIAPPA dans Playboy, ça il n'y a pas de doute.

OLIVIER DUSSOPT
Je ne l'ai pas lue, celle-ci en tout cas. Et je trouve que considérer, ç'a été fait par Monsieur MÉLENCHON, ç'a été fait par Madame ROUSSEAU, considérer que Têtu comme magazine qui est aussi un magazine politique ne devrait s'intéresser finalement qu'à des questions concernant la communauté ou les LGBT et ne pas s'intéresser à la politique en général, finalement c'est assez réducteur, c'est assez conservateur et c'est même assez méprisant de leur part.

BENJAMIN DUHAMEL
Merci Olivier DUSSOPT.

OLIVIER DUSSOPT
Merci.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 13 avril 2023