Interview de M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, à RMC/BFMTV le 18 avril 2023, sur la politique économique.

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Média : BFM - RMC

Texte intégral

APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour Bruno LE MAIRE.

BRUNO LE MAIRE
Bonjour Apolline de MALHERBE.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous êtes le Ministre de l’Economie bien sûr. 100 jours d’apaisement qui commencent donc aujourd'hui nous dit Emmanuel MACRON, 100 jours d’essai en quelque sorte puisqu’un premier bilan sera tiré le 14 juillet avec trois chantiers : un nouveau pacte de vie au travail, un chantier justice et ordre républicain et un chantier progrès pour mieux vivre. On va tenter de les décliner avec vous et de parler aussi de l’inflation qui était quand même assez absente hier du discours d’Emmanuel MACRON. Ça ne vous a pas surpris qu’il ne parle pas des prix quand même ?

BRUNO LE MAIRE
Non. Je crois qu’il a reconnu très clairement les inquiétudes et les difficultés de nos compatriotes. Il a parlé des courses que chacun devait faire et qui sont de plus en plus pénalisantes, de plus en plus lourdes pour chacun d’entre nous. Il a parlé d’apaisement, il a parlé aussi d’élan. Je ne voudrais pas qu’on oublie ce mot-là qui me paraît absolument essentiel. Vous savez, les autres pays ne vont pas nous attendre. Les autres pays européens, les autres pays développés ne vont pas nous attendre pour investir, pour réindustrialiser, pour décarboner leur économie et donc il faut que la France reste dans la course, il faut qu’elle garde son élan, qu’elle garde sa puissance.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous en doutez ?

BRUNO LE MAIRE
Je vois ce que proposent nos opposants. Dans le fond, c’est le grand sommeil, c’est on revient en arrière. Marine LE PEN qui vous dit : je reviendrai sur la réforme des retraites, je reviendrai sur les autoroutes, je les nationaliserai, je dépenserai 40 à 50 milliards d’euros pour renationaliser les autoroutes et, dans le fond, je ne ferai pas grand-chose d’autre. Ce grand sommeil que proposent nos opposants, pas de réforme des retraites, pas de transformation du modèle économique, pas de réforme du marché de l’emploi parce que ce serait trop difficile se transformera en grand cauchemar pour nos compatriotes. Nous ce que nous proposons, je sais que c’est difficile, je sais qu’il faut convaincre sans relâche. Oui comme ç’a été dit il y a quelques instants sur votre chaîne, il faut que nous travaillions davantage tous collectivement pour payer notre modèle social. Oui, il faut que nous investissions dans la décarbonation de notre économie pour être la première économie décarbonée. Oui, il faut que nous fassions des investissements dans les transports. Oui, il faut que nous renforcions notre système de sécurité, que nous luttions avec plus d'efficacité contre l'immigration illégale. La mise à l'arrêt du pays n'est pas une option. Le statu quo n’est pas une option.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais c’est super [comme] programme électoral, Bruno LE MAIRE. Sauf qu’Emmanuel MACRON est là depuis six ans. Est-ce qu'il n’y avait pas un peu décalage de ce point de vue-là à lancer des projets comme si on arrivait au pouvoir ?

BRUNO LE MAIRE
On n n'arrive pas au pouvoir, nous y sommes depuis six ans…

APOLLINE DE MALHERBE
Justement !

BRUNO LE MAIRE
Et nous avons dans le domaine qui est le mien des résultats que le président de la République a rappelés très clairement. 1,7 million d'emplois créés avec une croissance, comme partout dans les pays développés, qui est plutôt faible. Pour la première fois de son histoire récente, la France a une croissance qui crée de l'emploi. Souvenez-vous de ce qu'on disait : la France a de la croissance mais elle ne crée pas de l'emploi. Nous avons une croissance qui est solide et qui crée de l'emploi. Nous ouvrons des usines, nous sommes arrivés à lutter avec plus d'efficacité contre l'inflation que beaucoup d'autres pays européens, donc les résultats ils sont là. Simplement il faut continuer à accélérer. Je le redis, le grand sommeil n'est pas une option et se transformera en cauchemar. Il faut que nous continuions à travailler et à transformer notre modèle économique.

APOLLINE DE MALHERBE
On va revenir en détail sur ces perspectives et d'ailleurs aussi sur les perspectives de la dette parce qu'on sent bien quand même que c'est aussi une des toiles de fond. Vous évoquiez les oppositions qui ne proposeraient qu'un grand sommeil. Les réactions, ce sont celles-là, notamment du côté de Marine LE PEN : Emmanuel Macron toujours coincé dans un monde parallèle n'a pas eu un mot sur l'inflation qui asphyxie les Français et leur pouvoir d'achat qui s'effondre. Elle propose à nouveau qu’au lieu de faire ce panier anti-inflation qui, dans les faits, n'a pas l'air d'avoir beaucoup beaucoup de réalisations concrètes pour les Français, elle dit : on aurait dû supprimer toute la TVA sur les produits de première nécessité.

BRUNO LE MAIRE
Mais c’est faux et comme toujours les solutions de Marine LE PEN ne marchent que lorsqu'on ne les a pas essayées. Ça fait des années qu'elle vous répète qu'il faut baisser la TVA. Si nous reprenions la proposition de Marine LE PEN, baisser la TVA sur les carburants et sur les produits alimentaires ça coûterait 20 milliards d'euros. Vous pensez, Apolline de MALHERBE, que ça irait dans la poche de qui ? Moi je vais vous dire, pas dans la poche des Français, dans la poche des distributeurs et les Français ne verraient que quelques miettes, que quelques centimes d'euros.

APOLLINE DE MALHERBE
Pourquoi ? Parce que vous pensez que les distributeurs remonteraient en face les prix ?

BRUNO LE MAIRE
Mais évidemment.

APOLLINE DE MALHERBE
Comme ç’avait été le cas sur la TVA sur la restauration.

BRUNO LE MAIRE
On sait bien que lorsqu'on baisse la TVA, ça ne va pas dans la poche des consommateurs, ça va dans la poche des distributeurs, des industriels ou de ce qui peuvent en bénéficier directement. Je vais vous donner un exemple très concret, ça a été essayé en Espagne. Ils ont baissé la TVA, quel est le résultat ? Baisse de la TVA en janvier, augmentation des produits alimentaires : 14,6 en janvier, 15,7 en février, 16,3 en mars. Joli résultat ! Mais c'est les solutions de Marine LE PEN, elle répète sans cesse mais ça n'en fait pas des vérités pour autant, la réalité c'est qu’elles marchent tant qu'on ne les a pas essayées. Je rappelle juste que nous sur l'inflation, nous avons pris des décisions concrètes qui sont allées directement dans la poche des consommateurs. Le bouclier sur l'énergie, le plafonnement des prix de l'électricité et le gel des prix du gaz, ça a coûté 46 milliards d'euros à l'Etat mais ces 46 milliards d'euros ils sont allés directement dans la poche du contribuable et dans la poche du Français qui a vu que sa facture d'électricité et sa facture de gaz, qui aurait dû augmenter de 180 à 200 euros par mois, n'a pas augmenté. C'est la différence entre Marine LE PEN et cette majorité : des mensonges, des illusions, faire prendre des vessies pour des lanternes, voilà la politique de Marine LE PEN ; et des réalités concrètes, efficaces qui se soldent par des résultats dont j'ai bien conscience qu’ils sont toujours insuffisants pour nos compatriotes, mais c'est des résultats en espèces sonnantes et trébuchantes, près de 200 euros de dépenses en moins pour chacun de nos compatriotes.

APOLLINE DE MALHERBE
De l'autre côté on a la France insoumise et Jean-Luc MELENCHON qui eux appellent à bloquer les prix. Est-ce que ça, ça n’aurait pas été efficace ?

BRUNO LE MAIRE
Je vais passer d'un bout à l'autre du territoire européen, parce que je regarde attentivement les solutions, je cherche des solutions qui peuvent être les plus efficaces pour nos compatriotes, mais je ne vois dans les oppositions, une fois encore, que des mensonges, des illusions et la répétition de même vieilles recettes qui n'ont jamais marché. La TVA, je l’ai montré, ça ne marche pas. Le blocage des prix ç’a été essayé en Hongrie. Taux d'inflation sur les produits alimentaires : 35%. Super ! C'est vraiment ça qu'on veut ? Enfin, c'est des recettes qui sont totalement éculées. Les oppositions n'ont rien d'autre à proposer que des recettes qu'on entend depuis des années, qui ne marchent pas, c'est le grand bond en arrière. Nous, nous préférons avancer.

APOLLINE DE MALHERBE
Alors pour autant Bruno LE MAIRE, vous leur faites comme un peu des petits clins d'oeil, en tout cas au RN. Hier cette grande fermeté promise sur l’immigration, et ce matin Gabriel ATTAL, le ministre des Comptes publics, qui revient sur l'idée d'intensifier la traque de ceux qui bénéficient d'aides sociales ou fiscales et notamment en vérifiant qu'ils ne passent pas trop de temps à l'étranger, plus de temps à l'étranger que sur le territoire. Bercy qui va travailler dit-il avec les compagnies aériennes pour tracer les allées et venues de ceux qui bénéficient d'aides, avec une autre mesure forte et on comprend bien donc à qui ça s'adresse : pas d'allocations retraite sur un compte à l'étranger, au Portugal ou au Maghreb.

BRUNO LE MAIRE
On ne fait de clin d'oeil personne, on veut juste que l'ordre républicain soit défendu. Nous cherchons juste des solutions qui marchent. Je reviens une seconde sur le panier anti-inflation. Les produits qui sont dans le panier anti-inflation distribués par les distributeurs en France, c'est des produits qui sont moins 5 à moins 7 % moins chers alors que l'inflation a augmenté de 1,8% au mois de mars. Et d'ailleurs les Français se ruent, nos compatriotes se ruent sur ces produits du panier anti-inflation, donc c'est bien la preuve que c'est une solution qui, elle, est concrète, efficace, qui donne des résultats et qui est d'ailleurs plébiscitée par nos compatriotes.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais je ne vois pas le rapport avec la lutte contre la fraude sociale au Maghreb.

BRUNO LE MAIRE
Le rapport, c’est que nous cherchons des solutions efficaces qui sont plébiscitées pas nos compatriotes. Nos compatriotes légitimement en ont ras-le-bol de la fraude, ils en ont ras-le-bol de voir des personnes qui peuvent toucher des aides qu'ils payent eux-mêmes - c'est le contribuable qui le paye, c’est l'entrepreneur, c'est le salarié qui paye ces aides – ce n'est pas mon argent, c'est l'argent du contribuable. Il n’a aucune envie de voir que des personnes peuvent en bénéficier, le renvoyer au Maghreb ou ailleurs alors qu'ils n'y ont pas droit. Ce n’est pas fait pour ça le modèle social. Le modèle social est fait pour protéger les plus modestes, pour protéger contre les accidents de la vie tous nos compatriotes, certainement pas pour envoyer de l'argent de manière illégale à l'étranger.

APOLLINE DE MALHERBE
Alors sur l'inflation, restons-y, cette question de l'inflation on découvre des chiffres ahurissants. 42% des plus modestes qui renoncent à un repas, qui sautent un repas. De plus en plus de Français qui renoncent à des produits d'hygiène, qui n'achètent plus de savon, qui n'achètent plus de dentifrice, qui n'achètent plus de déodorant. Vous aviez lancé une grande enquête pour savoir à qui profite le crime en quelque sorte, c'est-à-dire est-ce que c'est vraiment uniquement dû à l'augmentation des prix de l'énergie, à la guerre en Ukraine ou est-ce qu’il y en a qui s'en mettent quand même un petit peu dans les poches au passage ? La conclusion de Bercy, c'était que tout le monde jouait le jeu et que personne n'en profitait particulièrement. Ce n'est pas l'idée que s'en fait la députée LFI mais aussi économiste Aurélie TROUVE qui, chiffres à l'appui, estime que les grands groupes industriels prennent au passage. Je voudrais que vous l’écoutiez, elle était mon invitée mercredi dernier sur RMC.

AURELIE TROUVE, DEPUTEE LA FRANCE INSOUMISE
Je vais prendre un exemple : votre plaquette de beurre Président, c’est la grande multinationale de lait LACTALIS qui la produit, votre plaquette de beurre Président elle est à 3-4 euros, celle de 500 grammes, elle est aujourd'hui à 5 euros. D'où provient la différence ? Bruno LE MAIRE nous explique : ah oui, c'est les coûts de production voire les salaires. En fait pas du tout, ce qu'on observe c'est qu'aujourd'hui l'essentiel de cette montée des prix, elle est liée à l'augmentation des profits des industriels agro-alimentaires.

APOLLINE DE MALHERBE
Qu’est-ce que vous répondez à ça Bruno LE MAIRE ?

BRUNO LE MAIRE
Plusieurs choses. D'abord la transparence, on va continuer à la faire régulièrement. J'ai promis que nous ferions la transparence sur les marges des distributeurs, des industriels régulièrement, nous continuerons à la faire. La deuxième chose, est-ce que des grands industriels aujourd'hui voient leurs marges remonter ? La réponse est oui. Il ne m’arrivera pas très souvent d'être en accord avec un député LFI, mais oui, j'estime qu’aujourd'hui les grands industriels doivent revenir à la table de négociation avec les distributeurs. Je leur laisse quelques semaines pour engager ces discussions avec les distributeurs, pour répercuter les baisses de prix que l’on voit sur le marché de gros. Déjà que chacun comprenne bien qu'aujourd'hui, on voit les prix du blé qui baissent, on voit les prix du fret maritime qui baissent…

APOLLINE DE MALHERBE
Enfin on le voit sur les grands panneaux de la Bourse mais on ne le voit pas dans le caddie.

BRUNO LE MAIRE
On le voit sur les grands panneaux de la Bourse, j'aimerais qu'on le voie dans le caddie. J'aimerais qu'on le voie lorsqu’on passe payer ses courses au supermarché du coin, et je voudrais que la répercussion à la baisse soit aussi rapide que la répercussion à la hausse.

APOLLINE DE MALHERBE
J’aime beaucoup le conditionnel : je voudrais. Mais sauf que dans les faits, et Dominique SCHELECHER par exemple, le patron de SYSTEME U le dit, il dit : ils ne reviennent pas. Le problème c'est que les industriels, et c’est dans une interview qu’il donne à La Tribune, les industriels ne veulent pas se mettre autour de la table.

BRUNO LE MAIRE
J'ai lu l’interview de Dominique SCHELCHER, qui est comme très souvent une voix raisonnable. Je leur laisse quelques semaines, d'ici la fin du mois de mai. Si jamais les négociations n'ont pas repris, je convoquerai au Ministère de l'Economie et des Finances distributeurs et industriels pour qu'ils reprennent leurs négociations. Nous ne laisserons pas des grands industriels faire des marges indues ou faire des rentes sur des prix de gros qui sont en train de baisser. Je ne veux pas qu'ils refassent leurs marges au moment où les prix baissent sur le dos des consommateurs. Et croyez-moi, nous avons montré notamment sur les énergéticiens que nous étions capables de reprendre la rente quand il y avait de la rente. C'est comme ça que nous ont financé le bouclier énergétique. J’examinerai toutes les solutions à ma disposition pour que les grands industriels reviennent à la table des négociations et répercutent à la baisse les coûts de production où les coûts aujourd'hui des produits de gros sur les produits alimentaires.

APOLLINE DE MALHERBE
Ça veut dire que vous utiliserez éventuellement des moyens fiscaux pour récupérer l'argent s’ils ne jouent pas le jeu ?

BRUNO LE MAIRE
Je pense avoir montré, Apolline de MALHERBE, depuis plus de six ans que je tiens très à coeur mon rôle de garant de l'ordre public économique. L’ordre public économique, c'est la justice. Si les prix de gros baissent, il faut qu'ils se répercutent sur les produits à la consommation. Quand ça n'a pas été le cas pour les énergéticiens, on a récupéré la marge. Si ça n’est pas le cas pour les grands industriels, s’ils ne reviennent pas négocier à la table de négociation avec les distributeurs, j'examinerai toutes les options à ma disposition. Je termine juste avec un petit point. Malgré tout, je pense que l'exemple n'est pas très bien choisi en prenant l'exemple d'un producteur de lait, en l'espèce c'est LACTALIS.

APOLLINE DE MALHERBE
Là vous répondez à nouveau à ce que disait Aurélien TROUVE.

BRUNO LE MAIRE
Oui, parce qu'il ne faut pas oublier que derrière il y a aussi des agriculteurs français, qu'il y a des producteurs de lait. J’ai été trois ans ministre de l'Agriculture ; avoir un prix de la tonne de lait autour de 400 euros c'est déjà très juste pour beaucoup de producteurs de lait en France, il ne faut pas non plus que ce soient eux les perdants. Soyons vigilants à ce que nos producteurs agricoles soient eux aussi protégés.

APOLLINE DE MALHERBE
Il y a évidemment aussi la question des retraites parce que ce serait peut-être un peu trop facile de se dire en deux minutes hier sur treize minutes d’interview que les retraites globalement, ça y est, c'est bon, on peut passer à autre chose. Dans la décision du Conseil constitutionnel, il y a un certain nombre de choses qui ont été retoquées et notamment le fait que les médecins devaient normalement en fin de carrière s'assurer que les salariés n'étaient pas trop cassés, abîmés, qu'ils n'avaient pas besoin de partir plus tôt. Ça, ç’a été retoqué. Est-ce que vous allez d'une manière ou d'une autre remettre ça dans la loi ? Est-ce que vous pouvez dire aux Français : écoutez, le Conseil constitutionnel l’a retoqué donc tant pis, on ne vérifiera pas que votre dos est encore vaillant ?

BRUNO LE MAIRE
Je vous donne ma position personnelle mais qui engage aussi mon ministère. Moi je le souhaite ardemment, je le souhaite ardemment que sur les questions de pénibilité, sur les questions de difficultés au travail, sur les questions d'organisation du travail, sur la question dont j'ai parlé je crois à de multiples reprises depuis des années de l'emploi de ce qu'on appelle les seniors - je déteste ce mot mais des personnes – mais des personnes qui ont plus de 55 ans - j'en approche rapidement - on fasse le maximum, que les entreprises fassent le maximum. Il faut que nous demandions aux entreprises de faire le maximum pour garder les personnes qui ont plus de 55 ans.

APOLLINE DE MALHERBE
C'est un peu des cris d’orfraie parce que la réalité, c’est que tout le monde savait en mettant cet indice senior qui n’était déjà pas follement contraignant qu’il ne passerait pas le Conseil constitutionnel.

BRUNO LE MAIRE
Eh bien moi, je vous réponds que je pense que c'est un des plus grands gâchis de la vie économique française que d'avoir des personnes qui ont de l'expérience, du savoir-faire, la compétence, qui ne le transmettent pas aux plus jeunes. Il n’y a pas de plus grand gâchis que de voir des personnes de plus de 55 ans, c'est cette espèce de vieux modèle des années 80 que je refuse catégoriquement. On fait partir à la retraite le plus tôt possible, on se prive d'expérience, de compétences mais si on veut y arriver, il faut que les entreprises jouent le jeu. Que les entreprises s'engagent pour les plus de 55 ans, qu'elles aient leur place dans le monde du travail, qu’elles transmettent leurs compétences.

APOLLINE DE MALHERBE
Comment vous allez faire ? Vous allez faire revenir l’indice ?

BRUNO LE MAIRE
Moi vous savez, je n’ai pas la prétention d'avoir des solutions toutes faites. Je dis simplement que déjà identifier un des problèmes de la société française, qui est cette façon de mettre de côté les gens qui ont de l'expérience, déjà identifier le sujet comme cela avait été dans le cadre de la réforme des retraites avec l’index seniors, travailler ensemble notamment avec les entreprises notamment avec leurs représentants patronaux…

APOLLINE DE MALHERBE
En fait vous invitez les entreprises à publier un index seniors même s'ils n'y sont pas contraints ?

BRUNO LE MAIRE
Mais un index seniors ou autre chose. Mais je pense que ça doit être au coeur de la discussion que le président de la République a demandé d'ouvrir dès maintenant, que les partenaires sociaux et notamment les chefs d'entreprise s'engagent pour les plus de 55 ans, qu’ils gardent leur place dans l'entreprise, qu'ils gardent leur place dans le monde du travail. Je suis convaincu que pour la société française, ce sera une amélioration considérable. Ce sera un apaisement, pour reprendre le mot du président de la République, et ce sera un gain de compétences et de savoir-faire.

APOLLINE DE MALHERBE
Bruno LE MAIRE, les perspectives de la dette, parce que tout ça ça coûte beaucoup d'argent, la France est très endettée et les perspectives de la dette c'est justement à la fin de la semaine prochaine. Le 28 avril, le fameux Fitch dont on avait beaucoup parlé sous François HOLLANDE, qui est l'une de ces entreprises qui disent si oui ou non les dettes des Etats sont solides ou pas solides, si les perspectives sont solides ou pas solides, et puis Moody’s, pareil, ça c'est le 21 avril. Le 2 juin ça c'est une autre de ces entreprises qui classent donc les dettes. Aujourd'hui, je le redis, la dette de la France elle a des perspectives au mieux stables, au pire négatives. Est-ce que le fait que la semaine prochaine ces entreprises vont dire si oui ou non on peut emprunter, donner de l'argent à la France, prêter à la France ou non en étant rassurés, est-ce qu'en fait ce n'était pas pour ça qu'il y avait urgence à promulguer ?

BRUNO LE MAIRE
Absolument pas puisque…

APOLLINE DE MALHERBE
Ah bon ?

BRUNO LE MAIRE
Non, absolument pas pour une raison qui est simple : ça fait à peu près un an que je dis que la France est à l'euro près. Ça fait un an que je dis et que je répète avec gravité ce matin que les conditions financières ont radicalement changé. Avant les élections présidentielles, nous empruntions, le Trésor public français empruntait pour financer sa dette à 0%. Au moment de l'élection présidentielle, on était aux alentours de 1 %. Aujourd'hui on est aux alentours de 3%. Nous avons pris, pour parler techniquement, 200 points de base, 2 points de taux d'intérêt.

APOLLINE DE MALHERBE
Tout le monde comprend quand il a un emprunt à rembourser pour sa maison que c’est exactement le même système.

BRUNO LE MAIRE
Exactement. Qu’est-ce que ça veut dire ? Je vous donne un dernier chiffre : un point de taux d'intérêt en plus sur la dette française, c'est à horizon 2027 15 milliards d'euros de charges supplémentaires sur la dette publique française.

APOLLINE DE MALHERBE
Oui, mais je voudrais comprendre si tout ça a un rapport. C'est-à-dire quand Emmanuel MACRON avait invoqué, je le cite, les risques financiers et économiques trop grands, et ça justifiait le fait qu'il ne pouvait pas abandonner la réforme des retraites, ça justifiait à ses yeux l'idée d'utiliser le 49.3.

BRUNO LE MAIRE
Mais ça justifie d'avoir une réforme des retraites qui garantit l'équilibre du régime des retraites par répartition à horizon 2030. Ce n’est pas la décision…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais est-ce que ça veut dire… Vous vous dites, voilà, on a rendez-vous avec les banquiers. En gros ce qui se passe, c'est comme si vous aviez rendez-vous avec les banquiers la semaine prochaine et vous vous dites : avant, il faut bien tout ranger, il faut mettre une cravate et avoir l’air…

BRUNO LE MAIRE
Je ne vais pas vous parler de ma vie personnelle, Apolline de MALHERBE, mais il se trouve que ma fonction de ministre des Finances fait que les agences comme Moody's, comme Standard & Poor's, comme Fitch, nous les voyons régulièrement. Nous expliquons comment nous finançons notre dette, nous expliquons qu’elle est notre trajectoire.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais c’est qui le patron ? C’est vous ?

BRUNO LE MAIRE
Le patron, c'est la politique économique que nous menons mais au bout du compte, vous devez rendre des comptes à vos créanciers, ça fait partie de la vie. Quand vous empruntez de l'argent, vous rendez des comptes à vos créanciers. Quand vous êtes une grande nation, vous devez aussi avoir des comptes publics qui sont bien tenus. C'est pour cela, en raison de ces nouvelles conditions financières dont j'ai parlé depuis un an - je ne prends personne par surprise - que nous allons accélérer le désendettement de la France.

APOLLINE DE MALHERBE
Comment ?

BRUNO LE MAIRE
Jeudi, je présenterai le programme de stabilité de la France avec les perspectives de réduction des déficits et de réduction de la dette, et nous allons accélérer cette réduction de la dette française. Tout simplement parce que les conditions financières ont changé et que moi, je vais vous dire très sincèrement, je n'ai aucune envie de jeter l'argent par les fenêtres parce que c'est l'argent du contribuable. Et que claquer de l'argent pour la charge de la dette uniquement parce que les taux d'intérêt ont augmenté, je trouve que c'est autant d'argent qui aurait pu aller vers les hôpitaux, vers les collèges, vers les crèches, vers les universités, vers les investissements verts, vers la décarbonation de notre économie, et que je préfère dépenser de l'argent public pour investir dans nos services publics ou investir dans la décarbonation plutôt que dans la charge de la dette.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais je ne comprends pas parce que dans votre phrase, Bruno LE MAIRE, vous nous dites plutôt : on va dépenser moins et en même temps vous nous dites qu’on va mettre de l’argent là-dedans.

BRUNO LE MAIRE
Mais l'objectif, c'est justement d'arriver à économiser l'argent là où il est le moins utile et le moins efficace, pour pouvoir garder des marges de manoeuvre, de l'argent public là où il est efficace, les services publics et les investissements.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous nous annoncez donc ce matin que vous allez réduire le taux d'endettement de la France.

BRUNO LE MAIRE
Je vous annonce ce matin que nous allons accélérer le rythme de désendettement de la France et que je présenterai ces éléments-là jeudi, lors de la présentation de ce qu'on appelle le programme de stabilité, c'est-à-dire la trajectoire de baisse de la dette et de la baisse des dépenses…

APOLLINE DE MALHERBE
Vous avez évoqué au passage la question de la décarbonation de l'industrie. Vous voulez mettre un plan d'épargne verte pour les moins de 18 ans. Je suis un peu surprise parce que les moins de 18 ans n'ont pas beaucoup de sous alors je ne vois pas comment ils peuvent mettre de côté.

BRUNO LE MAIRE
Non, il y a des moins de 18 ans qui ont des livrets A qui peuvent être financés par leurs parents. Il y a des parents qui peuvent vouloir mettre de l'argent de côté pour leurs enfants. Nous avons mis à l'étude, parce que tout ça est soumis à l'appréciation des Français, c'est consultable sur le site Internet du ministère, la possibilité d'ouvrir un livret qui ne serait pas vraiment un livret d’épargne. Ce n’est pas la même rémunération garantie qu'un Livret A mais où on donnerait l'assurance aux parents que chaque euro qu'ils auront mis de côté pour leur enfant ira au financement de la décarbonation de l'économie française et de l'industrie.

APOLLINE DE MALHERBE
De la décarbonation. Merci Bruno LE MAIRE, Ministre de l'Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, d'avoir été mon invité ce matin sur RMC et BFM TV.

BRUNO LE MAIRE
Merci Apolline de MALHERBE.


Source : Service d’information du Gouvernement, le 19 avril 2023