Interview de M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention, à RMC/BFMTV le 19 avril 2023, sur l'engagement d'Emmanuel Macron sur le "désengorgement des urgences" avant fin 2024.

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Média : RMC - BFM TV

Texte intégral

APOLLINE DE MALHERBE
7h40, on parle de votre santé sur RMC. Parce que l’invité du jour, c’est vous, François BRAUN, bonjour.

FRANÇOIS BRAUN
Bonjour.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous êtes ministre de la Santé. Merci d’avoir accepté notre invitation, et de rester tout à l’heure pour répondre aux questions des auditeurs, ce sera à 8h10. Je voudrais commencer par cet engagement, qu’on a entendu dans la bouche du président, Emmanuel MACRON, lundi soir, devant près de dix millions de téléspectateurs et devant tous les Français. Ecoutez.

EMMANUEL MACRON, PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE FRANÇAISE (EXTRAIT DE LUNDI SOIR)
D’ici la fin de l’année prochaine, nous devrons avoir désengorgé tous nos services d’urgences.

APOLLINE DE MALHERBE
C’est vraiment possible ça ?

FRANÇOIS BRAUN
Oui, c’est possible, en tout cas, c’est indispensable, c’est nécessaire, on ne peut pas se contenter de dire : ça ne va pas, ça ne va pas, et ne rien faire, en tout cas, ce n’est pas la volonté du Président, on l’a bien entendu, ce n’est pas mon caractère ni ma volonté non plus. Donc oui, c’est possible, on connaît les problèmes des urgences depuis trop longtemps, entre trop de patients qui viennent aux urgences alors qu’il pourrait y avoir d’autres solutions, et puis, des patients qui sont aux urgences qu’on n’arrive pas à mettre dans un lit d’hospitalisation, si je peux m’exprimer ainsi. Donc c’est à ces deux niveaux qu’il faut agir, ma prédécesseure…

APOLLINE DE MALHERBE
Et on a de nombreux médecins qui ont réagi depuis lundi soir, vous l’avez sans doute entendu, des médecins assez emblématiques, mais on a par exemple, eh bien, le docteur Christian ADAMSKI qui nous a écrit pour vous demander comment vous comptiez faire, il dit : vous a-t-il confié, le Président, une baguette magique pour y arriver, parce que ça m’inquiète sur sa connaissance ou sa méconnaissance des réalités.

FRANÇOIS BRAUN
Eh bien, écoutez, moi, je pense connaître les réalités de l’hôpital, je n’ai pas de baguette magique, je l’ai dit depuis que je suis arrivé, par contre, il y a un panel de solutions à mettre en place, ce ne sera pas les mêmes solutions partout, là aussi, je le dis depuis que je suis arrivé, mais réguler l’entrée des services d’urgences, cela fonctionne, mettre en place des lits d’hospitalisation en aval des urgences, pour que les patients ne restent pas des heures et des heures sur des brancards, ça fonctionne.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais alors, attendez, j’aimerais qu’on essaie d’imaginer le parcours de quelqu’un qui a besoin d’aller aux urgences, qu’on comprenne ce que ça veut dire désengorger les urgences, ça veut dire quoi, ça veut dire que quand vous avez, je ne sais pas, votre enfant qui s’est vraisemblablement cassé la jambe ou je ne sais quoi, au foot, habituellement, votre premier réflexe, c’est d’aller aux urgences, vous, vous nous dites, en fait, il va falloir qu’on passe par, quoi, le 15, qu’on appelle avant d’y aller, et on n’y va pas direct ?

FRANÇOIS BRAUN
Oui, oui, vous avez utilisé le bon mot qui est le besoin d’aller aux urgences, c’est quoi ce besoin d’aller aux urgences, si vous avez mal dans la poitrine, c’est quoi, c’est une crise d’angoisse ou c’est un infarctus, donc, nous avons…

APOLLINE DE MALHERBE
Eh bien, dans le doute, on va aux urgences quand même, non ?

FRANÇOIS BRAUN
Oui, mais dans le doute, on appelle le 15, dans le doute, on appelle le SAMU, qui est en train de devenir progressivement ce service d’accès aux soins que nous généralisons sur tout le territoire national qui couvre la moitié…

APOLLINE DE MALHERBE
En fait, vous rajoutez un sas, quoi…

FRANÇOIS BRAUN
Ce n’est pas ça un sas, c’est déjà quelque chose qui existe, vous savez, quand vous avez un problème, une urgence, c’est quoi, une urgence, c’est quand vous avez l’apparition d’un symptôme, de quelque chose qui va vous inquiéter, et vous ou votre entourage, et qui dit : j’ai besoin d’un avis médical urgent, eh bien, cet avis médical urgent, on l’a sur tout le territoire national, déjà aujourd’hui, en faisant le 15. Et le 15 va dire : il faut que je vous envoie une équipe de réanimation, parce que c’est peut-être un infarctus, ou alors, va vous donner un conseil, c’est un médecin que vous avez au téléphone, un médecin spécialiste, va vous donner un conseil en disant : prenez du paracétamol…

APOLLINE DE MALHERBE
En fait, ce que vous nous dites, c’est que les urgences, la porte des urgences, ce ne sera plus à l’entrée de l’hôpital, quand on est devant la porte vitrée qui s’ouvre, ce sera le téléphone, au fond, c’est ça la vraie entrée des urgences désormais ? 

FRANÇOIS BRAUN
Il y a les deux, bien entendu, les urgences ne refusent pas quelqu’un qui se présenterait spontanément, mais pour avoir la réponse la plus adaptée à votre problème, oui, il faut passer par le 15.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous nous aviez dit, il y a 15 jours, le 3 avril dernier, vous étiez à mon micro à 08h30, et vous nous aviez dit, alors que vous veniez de prendre cette décision de ne pas rémunérer de manière aussi décalée, ceux qui viendraient de manière intérimaire débloquer les problèmes de planning de l’hôpital, vous nous aviez dit que ça ne poserait pas de problème et qu’il n’y aurait pas de fermeture d’urgences, écoutez.

FRANÇOIS BRAUN (INTERVIEW DU 3 AVRIL 2023)
Et nous avons, là, à l’heure où je vous parle, des solutions pour le mois d’avril, déjà, les premières trois semaines d’avril, pour tous les services, il n‘y a pas de service qui va fermer de façon sèche.

APOLLINE DE MALHERBE
Il n’y a pas de service qui va fermer de façon sèche. Qu’est-ce que vous dites à ceux qui habitent en Gironde, l’hôpital Sainte-Foy-la-Grande, les urgences sont fermées pour dix jours, Oloron-Sainte-Marie, l’accès est régulé aux urgences, parce qu’il y a un manque de médecins. A Manosque, fermeture des urgences la nuit du 15 au 25 avril. A Aubenas, l’accès est régulé par le 15 la journée et fermé carrément la nuit, sauf urgences vitales. A Pontivy, en Mayenne, partout, on reçoit des messages pour nous dire qu’ils ne savent même plus… en fait, on se retrouve finalement, quand on a une urgence, à devoir regarder pratiquement sur ce qu’aurait été le Minitel, sur Internet, pour se dire, est-ce que c’est ouvert ou pas, ça crée une angoisse folle !

FRANÇOIS BRAUN
Je dis ce que j’ai dit depuis le début, déjà, dans toutes ces situations que vous présentez, c’est des situations qui étaient en difficulté avant la mise en application de la loi Rist. Je crois que ça c'est important de le dire, certes, il y a un focus qui arrive sur ces services, mais ces services étaient déjà en difficulté, avaient déjà des périodes de fermeture. Ensuite, je dis que la solution, on a mis en place des solutions partout, c'est pour ça que je dis : il n'y a pas eu de fermeture sèche, je m'étais engagé, je m'engage encore, à ce qu'on ait mis en place des solutions partout, et ces solutions, ça passe entre autres par la régulation médicale qui effectivement peut vous demander de faire 10 kilomètres de plus pour aller voir un médecin ou pas, mais, vous savez, ce qui est important, moi, ce qui m'importe le plus dans l'immédiat, c'est que les urgences vitales, comme on dit, les urgences graves soient prises en charge et qu'on préserve cette prise en charge, c'est vrai, c'est vrai que pour un traumatisme de cheville, une entorse, eh bien, peut-être que vous allez attendre un petit peu plus, peut-être que vous allez faire quelques kilomètres de plus, mais là aussi, j'ai toujours eu, et je continue à avoir un langage de vérité, nous n'avons pas le nombre de médecins suffisant, nous n'en aurons pas demain plus, il va falloir attendre plusieurs années..

APOLLINE DE MALHERBE
On en aura quoi, après-demain, enfin, je veux dire après après-demain, quoi ?

FRANÇOIS BRAUN
Après après-demain, et il va falloir attendre une dizaine d'années…

APOLLINE DE MALHERBE
François BRAUN, je voudrais vous faire part du témoignage qu'on a eu ce matin, Benjamin, il a 41 ans, c'est un ancien infirmier, il se ressent toujours comme infirmier aujourd'hui, parce que ça a été vraiment un métier passion, c'est comme ça qu'il le dit, il a fait 4 ans d'études pour y arriver, il l'a fait pendant des années, il touchait 1.680 euros par mois, et puis, à un moment, il n'en pouvait plus, et il a quitté le monde de l'infirmier, il était infirmier au bloc, il est devenu ouvrier aux 3/8, et il gagne 800 euros de plus par mois, et il dit, en plus, ma vie, je suis beaucoup plus soulagé, j'arrive à avoir des perspectives, je sais où je vais, même s'il regrette évidemment le monde de l'infirmier dans lequel il était intellectuellement, physiquement, heureux, parce que c'était un métier qu’il avait choisi. Est-ce que ce n’est pas un gâchis monumental ça ?

FRANÇOIS BRAUN
C'est un gâchis monumental, bien sûr, vous avez raison, c'est dramatique que quelqu'un qui a cette passion de se dévouer aux autres, parce que c'est ça ce métier du soin, c'est une passion pour se dévouer aux autres, abandonne, mais, vous savez, les conditions de travail, dans l'hôpital, mais même d'une façon générale, au niveau de la médecine de ville, par exemple, des infirmiers en ville, se sont dégradées, au cours des 10, 20 dernières années…

APOLLINE DE MALHERBE
En fait, il ne faut pas plus de médecins, il faut envoyer moins de patients, c’est un peu ce que vous nous dites…

FRANÇOIS BRAUN
Non, il faut il faut réorganiser notre système, je crois que, là, aussi, avoir toujours un langage de vérité, je crois que c'est important, faire croire que nous aurons plus de médecins demain, ce n'est pas vrai, faire croire qu'on pourra les mettre partout, ce n'est pas vrai.

APOLLINE DE MALHERBE
Donc en attendant, en effet, on va réguler, un mot sur les pénuries de médicaments, on avait parlé, et vous étiez venu à ce micro, parler des pénuries de Doliprane, des pénuries d'antibiotiques, aujourd'hui, on parle d'une pénurie de la pilule abortive qui manque dans un certain nombre de pharmacies, est-ce que vous pouvez nous dire ce matin qu'est-ce qu'il en est, et s'il y a un retour à la normale prévu ?

FRANÇOIS BRAUN
Alors, déjà, ce que je veux vous dire, c'est que l'accès à ce misoprostol, cette pilule abortive est possible partout, je crois qu’il faut…

APOLLINE DE MALHERBE
D’accord, il n’y a pas de pénurie ?

FRANÇOIS BRAUN
Il y a une tension, il n'y a pas de pénurie, c'est-à-dire que si on ne le trouve pas en pharmacie, sans entrer dans le détail, les pharmaciens ont des conditionnements, des boîtes d’un comprimé parfois deux, par contre, les boîtes de 16 comprimés sont toujours disponibles à l'hôpital, si on ne trouve pas, si votre pharmacien n'a pas la possibilité d'en avoir, ce qui est le cas, puisque, on a moins de boîtes qui sont consommées que de nombre de pharmacies sur le territoire, tous les pharmaciens n'en ont pas. Les difficultés qu'ils ont actuellement, c’est, s’ils veulent en commander, on leur dit : c'est difficile, il y a des tensions. Par contre, les centres qui pratiquent l'interruption volontaire de grossesse ont à disposition des boîtes de 16 comprimés. Donc, ce médicament est disponible…

APOLLINE DE MALHERBE
Donc il n’y a pas de grossesse non-désirée ou d'accès qui devrait pouvoir être autorisé à la pilule abortive qui ne pourrait pas aboutir, faute de médicament, non ?

FRANÇOIS BRAUN
Il n'y a pas de rupture par rapport à ce médicament, il y a ce qu'on appelle des tensions c’est-à-dire que, effectivement, c’est un peu plus difficile…

APOLLINE DE MALHERBE
Et il y aura un retour à la normale ?

FRANÇOIS BRAUN
Là, déjà, aujourd'hui, on peut considérer qu'il y a un retour à la normale, depuis le début du mois, nous avons réabondé l'ensemble du marché, il y a maintenant 3 mois de stock, donc ce retour à la normale aujourd'hui, c'est le cas, mais en tout cas, il n'y a jamais eu d'impossibilité d'accéder à ce médicament, ça a été un peu plus difficile dans certains endroits, mais en tout cas, nous avons anticipé depuis que nous savons qu'il y avait des problèmes, c'était fin 2022, et nous avons maintenu la disponibilité de ce médicament.

APOLLINE DE MALHERBE
François BRAUN, vous restez avec nous, vous restez avec nous parce que juste après le journal, vous répondrez directement aux questions des auditeurs. Vous nous appelez au 32 16, on reviendra aussi, tiens, sur les parkings d'hôpitaux publics qui sont désormais payants, on a eu de nombreux témoignages depuis ce matin de l'inquiétude que cela crée, vos réponses donc, François BRAUN, c’est dans un instant.


Source : Service d’information du Gouvernement, le 21 avril 2023