Texte intégral
THOMAS SOTTO
Bonjour et bienvenue dans "Les 4V", Geneviève DARRIEUSSECQ.
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Bonjour.
THOMAS SOTTO
Il y aura tout à l’heure une Conférence sur le handicap, la 6e à l’Élysée, sujet ô combien important, car privées de fait de certains droits, de certains accès, les personnes handicapées se retrouvent bien souvent traitées comme des citoyens de seconde zone dans notre pays. Sous tous les gouvernements, sous tous les présidents, de toutes les couleurs politiques, de gauche, de droite ou d’ailleurs, c'est toujours très bien fait ce genre de conférence, c’est plein de bonnes intentions, qui sont sincères, mais qui trop souvent ne se traduisent pas dans le quotidien des personnes handicapées. Moi j’ai une question toute simple pour commencer : est-ce que l’on est sûr que le Palais de l’Élysée est accessible aux personnes handicapées ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Oui, bien sûr, il a été rendu accessible pour cette Conférence nationale du Handicap, avec des aménagements simples, qui sont mis en œuvre chaque fois qu’il y a des grandes manifestations à l’Elysée.
THOMAS SOTTO
Mais ça veut dire que si demain nous élisons un président, une présidente en fauteuil roulant, il pourra avoir accès au bureau du président à l’étage, ou pas ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Ecoutez, je ne suis pas suffisamment au courant de la géographie parfaite de l’Élysée, des plans de l’Elysée, ce que je sais c'est que le rez-de-chaussée sera accessible.
THOMAS SOTTO
Bon, c'est déjà ça, c'est déjà mieux que rien. Parce que l'accessibilité, Geneviève DARRIEUSSECQ, c'est la base de tout. La loi du 11 février 2005, ça ne date pas d'hier, donnait 10 ans pour que ce principe de l'accessibilité pour tous soit accompli. Là on a déjà presque 10 ans de retard sur la date limite, le Conseil de l'Europe a reconnu la violation des droits des personnes handicapées par l'État français, il estime que notre pays ne respecte pas leurs droits fondamentaux. Est-ce qu'aujourd'hui vous êtes d'accord avec ça ? Est-ce qu’aujourd’hui on a encore énormément de chemin à faire ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Je suis d'accord sur le fait que nous avons du retard, sur les sujets d'accessibilité. Dès 2014 il y a eu des préconisations données aux communes en particulier, données également au privé qui reçoit du public, les établissements recevant du public, les commerces, les restaurants, les cabinets médicaux etc., de mettre en accessibilité tous leurs espaces publics et tous cet environnement recevant du public. La date limite est fin 2024, pour mettre en accessibilité. Et je pense que nous avons du retard. Alors, il y a eu le Covid, mais ça n’est pas…
THOMAS SOTTO
Oui, ça n’explique pas tout.
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Ça n'explique pas tout. Et vous avez raison, les sujets d'accessibilité, en fait sont… Il n’y a pas que l'Etat. L'Etat est responsable de ses infrastructures, mais nous avons aussi les transporteurs, nous avons aussi donc les privés, nous avons également les communes, donc tout un panel de responsables, qui doivent aller vers l'accessibilité complète pour pouvoir avancer mieux.
THOMAS SOTTO
On va prendre la journée type. On commence par prendre les transports le matin, c'est souvent une tannée, je le disais tout à l'heure, à Paris, le métro est ancien, 3 % de stations qui sont accessibles, à 500 jours des Jeux paralympiques ça ne fait pas beaucoup. Sur le point des transports, au-delà même du métro parisien, de quelle manière allez-vous prendre le taureau par les cornes ? Qu'est-ce qui va changer, qu'est-ce que vous allez annoncer ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Par exemple, nous avons des gares nationales. Toutes les gares nationales doivent être accessibles. Il y en a…
THOMAS SOTTO
Ce n’est pas le cas aujourd'hui.
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
… près de 160 à peu près. La moitié sont aujourd'hui accessibles, totalement. Alors, accessibles, ce sont les quais, c'est l'accès aux quais, mais c'est aussi la billetterie, c'est aussi l'accessibilité sonore, visuelle, pour tous les types de déficits, parce qu'il n'y a pas que des déficits moteurs…
THOMAS SOTTO
Bien sûr.
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
… il y a aussi des déficits sensitifs. Et donc l'objectif pour nous c'est que toutes les gares nationales, soient mises en accessibilité complète en 2027. Et cela sera traduit…
THOMAS SOTTO
Donc dans 3 ans, 4 ans, il n’y aura plus de problème d'accès dans les gares en France, dans les grandes gares, nulle part, ni pour arriver au quai, ni pour monter dans le train, ni pour accéder, nulle part, ce sera fini ça.
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Absolument.
THOMAS SOTTO
Ça coûtera combien ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Ecoutez, il y a une enveloppe qui est prévue, qui avait été annoncée d'ailleurs de 400 millions d'euros, qui va être utilisée pour cela, et je crois que… En fait, l'accessibilité ce n'est pas utile que pour les personnes en situation de handicap moteur, c'est utile pour toute la population…
THOMAS SOTTO
C'est accessible pour les poussettes, les anciens.
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
…et une population avec les séniors, avec les parents avec des poussettes, donc ça rend en fait la vie plus facile à tout le monde. Donc c'est un investissement pour une vie plus agréable et plus facile.
THOMAS SOTTO
Autre sujet problématique, c'est l'école. Alors on a progressé, il y a 430 000 élèves handicapés scolarisés en 2023, je crois qu'il y en avait 320 000 en 2017, donc presque 100 000 de plus aujourd'hui. Combien restent sur la touche aujourd'hui ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Il n'y a pas… Il y a des enfants qui sont aussi dans les établissements médico-sociaux, à peu près 100 à 150 000, mais ils ne sont pas sur la touche, ils sont aussi scolarisés dans les établissements médico-sociaux. Ce qui est, la critique qui est faite, c'est qu’il y a des scolarités imparfaites, c'est-à-dire des enfants qui n'ont que quelques heures d’école, voire une demi-journée par semaine, pour certains, parce que l’accueil ne peut pas être réalisé dans les meilleures conditions.
THOMAS SOTTO
Alors, là-dessus, est-ce qu'il y a des choses qui vont changer ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Nous allons continuer à mettre le paquet sur l'école, parce que pour moi c'est un droit fondamental, les enfants de la République doivent aller à l'école de la République, quelles que soient leurs différences.
THOMAS SOTTO
Alors, mettre le paquet, ça veut dire quoi Geneviève DARRIEUSSECQ ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Mettre le paquet, ça veut dire continuer à travailler pour une école inclusive qui soit, qui prenne mieux en charge les enfants et ce qu'il manque aujourd'hui dans l'école. Il y a bien entendu les professeurs qui sont formés, il y a les aides, les AESH qui entourent les enfants, mais il nous manque…
THOMAS SOTTO
C’est toujours très compliqué pour les parents, pour les AESH, c’est…
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Parce qu'il nous manque aussi un chaînon, qui devra être un peu plus présent, ce sont tous les professionnels du médico-social. Et le médico-social ce sont des psychomotriciens, ce sont des éducateurs spécialisés, ce sont es ergothérapeutes, ce sont…
THOMAS SOTTO
Et alors, vous allez les faire rentrer dans l’école ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Ils pourront rentrer dans l'école pour aider la communauté éducative à prendre en charge ces enfants et mieux accompagner ces enfants.
THOMAS SOTTO
C’est-à-dire qu’ils seront au quotidien à l’école ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Alors, certains pourront être… C'est déjà le cas, dans certaines unités autistes par exemple, il y a des professionnels du médico-social en permanence dans les écoles, et d'ailleurs ça…
THOMAS SOTTO
Mais ça c'est dans les établissements spécialisés, mais dans…
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Non. Non non non…
THOMAS SOTTO
Dans tous les établissements ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Non, dans les écoles maternelles ou primaires, il y a des unités pour accueillir des enfants autistes, où des professionnels du médico-social sont présents, et d'ailleurs cela rejaillit un petit peu, leur expérience permet de sécuriser un petit peu tout l'écosystème de l'école, pour tous les enfants, et je trouve que c'est un bon moyen.
THOMAS SOTTO
Mais, ces professionnels, ils vont être recrutés par l'Education nationale, par un ministère ou ils seront, ils viendront en complément de leur activité à côté ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Non, ils viendront, ce seront des équipes dédiées et qui pourront intervenir dans les écoles pour aider les enseignants et les professionnels qui sont dans les écoles, à accompagner ces enfants de la meilleure des façons.
THOMAS SOTTO
Ils seront combien et ce sera à partir de quand ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Combien, nous avons beaucoup d'écoles, de collèges et de lycées dans notre pays, ce qui est certain c'est que ces équipes seront déployées progressivement. Nous allons commencer dans certains départements et le déployer ensuite, l'objectif étant quand 2027, dans 3 ans, nous ayons pu déployer cela dans une majorité d’écoles.
THOMAS SOTTO
A chaque âge de la vie son problème, quand on est handicapé, Madame la Ministre. La recherche d'un travail n'est pas le moindre, et l'administration ne fait rien pour leur simplifier la vie. Aujourd'hui, si une personne travaille plus qu'un mi-temps, elle perd son allocation adulte handicapé. Est-ce que vous trouvez ça juste, est-ce que ça va changer ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Non, je ne trouve pas ça, c'est même ridicule. Il faut que…
THOMAS SOTTO
C’est 950 €, l’allocation adulte handicapé.
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Il faut inciter à reprendre le travail, inciter à travailler. Et vous savez, le travail, c'est un objectif pour les personnes qui vivent avec un handicap, et d'ailleurs nous avons eu d'excellents résultats ces dernières années, puisque le taux de chômage a nettement diminué, on est passé de 19 % chez les personnes…
THOMAS SOTTO
C’est quasiment quand même le double de la population globale.
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Mais c'est le double de la population. Donc notre objectif c'est le plein emploi aussi pour les personnes en situation de handicap, et…
THOMAS SOTTO
Mais pardon, mais sur cette question de l’allocation adulte handicapé et du travail à mi-temps, est-ce que vous allez revenir là-dessus ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Et sur cette question-là, il faut effectivement que nous favorisions, incitions à reprendre le travail dans de bonnes conditions, et on doit gagner plus d'argent quand on travaille que quand on ne de travaille pas.
THOMAS SOTTO
Mais, est-ce que demain, pardon je vous repose ma question, quand on travaille à mi-temps, on pourra garder son allocation adulte handicapé, sachant que ce sont des gens qui ne roulent pas sur l'or ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Je pense que oui, nous allons…
THOMAS SOTTO
Vous le souhaitez.
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Le président de la République annoncera cela cet après-midi je l'espère, nous pourrons agir dans ce sens, ça fait partie quand même des évolutions qui sont, je vais dire logiques et évidentes qu’il faut porter.
THOMAS SOTTO
Parmi les évidences aussi, il n’y a pas de blocs opératoires adaptés au handicap dans tous les hôpitaux, dans tous les CHU de la ville, même pas dans toutes les régions. Est-ce que là-dessus il y a un effort qui va être fait ou pas ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Oui, l'accès à la santé est une priorité, pour le ministre de la Santé également, c'est une priorité. Aujourd'hui, ce droit à l'accès aux soins n'est pas parfaitement respecté, donc nous devons multiplier les handi-blocs, c'est-à-dire des blocs opératoires en capacité de prendre en charge…
THOMAS SOTTO
C’est-à-dire qu’il y en aura quoi, dans tous les CHU, dans tous les départements, dans toutes les régions ? C'est quoi ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
D’abord, un par région.
THOMAS SOTTO
Un par région.
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Et que nous ayons dans chaque département les capacités à accueillir des personnes en situation de handicap. Beaucoup de handicaps sont des handicaps invisibles, 80 %, qui nécessitent des prises en charge particulières, qui nécessitent des consultations plus longues, qui nécessitent de préparer les interventions, donc qui nécessitent des formations des professionnels de santé, et nous avons véritablement la volonté d'avancer dans ce domaine-là.
THOMAS SOTTO
Et le handi-bloc, ce sera 2027 aussi, c'est la même échéance ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Oui, c'est… Les échéances que nous donnons avec cette Conférence nationale du handicap, ce sera 2028. Nous ferons un plan pluriannuel sur 5 ans.
THOMAS SOTTO
D’accord.
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Et je pense que c'est ce qu'attendent les associations, elles ont raison, il nous faut…
THOMAS SOTTO
Elles seront là, les associations, ou pas ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Bien sûr qu’elles seront là.
THOMAS SOTTO
Elles seront là cet après-midi ? Parce qu'elles ont menacé de boycotter la réunion, elles ont dit : pas assez de concertation. Le Collectif handicap, il sera là cet après-midi ?
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Alors, le Collectif handicap représente, enfin est composé d'une cinquantaine d'associations, dont une très grande partie sera présente cet après-midi. Alors, nous avons travaillé depuis 6 mois, il y a eu des groupes de travail, 500 personnes qui se sont concertées. Tout ce qui va être annoncé aujourd'hui est le fruit de cette concertation qui a été rigoureuse, comme toujours dans le handicap, puisque c'est une des politiques qui depuis toujours se construit avec les personnes concernées et les associations.
THOMAS SOTTO
Eh bien merci beaucoup. Je termine en disant qu’il y a quelques jours la Défenseure des droits a noté une hausse de réclamations en matière de lutte contre les discriminations, ce qui a fait dire à l'ancien des Nuls, le producteur Dominique FARRUGIA sur Instagram, ceci : "Le handicap reste le premier motif des discriminations en France, depuis 6 ans on espère que ça pourra changer". Merci à vous d'être venue Madame la Ministre et bonne journée.
GENEVIEVE DARRIEUSSECQ
Merci beaucoup, au revoir.
Source : Service d’information du Gouvernement, le 27 avril 2023