Texte intégral
Merci beaucoup, Monsieur le ministre.
Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Messieurs les ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs les chefs d’entreprise et entrepreneurs,
Je suis très heureux également de vous retrouver physiquement aujourd’hui. Et je me souviens, je crois que c’était dans cette même salle en 2018, de la réunion qui se tenait. C’est en effet la 5ème réunion mais pendant trois ans il y a eu cette interruption des réunions physiques. La dernière fois que nous nous étions retrouvés, c’était à Shanghai en novembre 2019 avec un rendez-vous ô combien important sur le plan économique.
Mais aussi vrai que la mise en place de ce Conseil avait été un élément structurant de la relation bilatérale sur le plan économique, comme vous l'avez rappelé et comme le ministre vient de le redire, cette réunion d'aujourd'hui ne doit pas être vue comme la reprise d'un processus qui deviendrait routinier. C'est une véritable relance dans des temps ô combien incertains et avec des perspectives qu'il nous faut regarder lucidement, mais avec l'esprit de responsabilité et l'ambition. Nous relançons des projets communs, nous voulons relancer les relations interpersonnelles, nous voulons relancer et nous relançons physiquement les relations institutionnelles. Mais au fond, nos chefs d'entreprise font plus qu'accompagner. Ils illustrent, démultiplient cette ambition que nous portons.
Alors le premier message que je voudrais ici partager avec vous, et vous l'avez évoqué Monsieur le président à l'instant, c'est justement un message d'ambition car notre responsabilité à tous dépasse en quelque sorte la seule relation bilatérale. Le ministre vient de le rappeler en évoquant les secteurs de coopération, et vous le savez toutes et tous ici mieux que quiconque, nous avons des défis qui sont mondiaux. Nos diplomaties d'ailleurs se concertent et avancent, et qu'il s'agisse de la biodiversité, du changement climatique ou de la sécurité alimentaire, nous multiplions les initiatives pour essayer d'avoir et même tâcher d'avoir un agenda commun. Et en matière de biodiversité, nous avons encore réussi ces derniers mois, ensemble, à faire avancer les choses. Le changement climatique, la préservation de la biodiversité, la sécurité alimentaire, le financement soutenable des économies en développement, la santé mondiale, la paix en Ukraine et dans le monde, ce sont autant d'impératifs, en effet, qui fondent ma conviction profonde selon laquelle il nous faut renforcer la coordination et les échanges pour parvenir à pas simplement un diagnostic commun, mais des solutions communes. Et à ce titre, nombre de vos entreprises sont engagées dans ces secteurs et traduisent des solutions concrètes communes au service de cette vision et de notre volonté de servir un agenda de paix, de stabilité, de coopération pour une ambition accrue de notre ordre international.
Donc beaucoup des sujets qui ont été signés dans le transport, dans l'hydrogène et les nouvelles formes à la fois source d'énergie et de manière de transporter, de véhiculer l'énergie, ce qui est signé dans le renouvellement des eaux ou la gestion des villes durables, le nucléaire civil, etc. etc., mais également en matière de finances et de finances durables sont au service de cet agenda. Et je pense que les ouvertures réciproques, les coopérations que nous signons à l'occasion de ce déplacement, sont au service de cet agenda.
Mon deuxième message, c'est notre volonté très claire de poursuivre les partenariats engagés et de les approfondir. Nous sommes très conscients que nous avons encore beaucoup à faire. Et au fond, la période ne nous a pas aidés et la pandémie a été un moment de re-fermeture des économies et parfois de renationalisation des équipes dirigeantes et de tentations de repli. Donc au moment où nous sortons de l'épidémie, il est très important d'être très vigilant sur la nature des relances et de ne céder à aucune, au fond, fatalité. Il nous faut, dans tous les domaines, véritablement relancer les choses et poursuivre les partenariats et les approfondir. Cela vaut sans doute d’abord des échanges humains. Je me félicite des réouvertures en matière de transport et de visas, Mais je pense qu’il est tout à fait nécessaire, et vos entreprises portent aussi cet agenda, de retrouver le plus vite possible, et le plus tôt sera le mieux, les niveaux d’intégration d’échange d’avant pandémie, et d’essayer même de les dépasser.
Nous en sommes loin. Nous avons certes rouvert les lignes aériennes, elles n'ont pas retrouvé le niveau d'avant-crise et d'avant-pandémie. Les visas repartent, mais pas encore suffisamment. Et au niveau des équipes dirigeantes, il est aussi très important de réouvrir les échanges et la présence de part et d'autre de Français ici en Chine, de Chinois en France, parce que c'est comme ça que se construit une intimité stratégique dans la durée et nos partenariats. Donc je pense qu'il est très important qu'on y veille parce qu'on a tous en ligne de mire 2024, dont vous en avez rappelé l'importance. Les 60 ans de nos relations diplomatiques contemporaines ; cette année du tourisme culturel franco-chinois et les Jeux olympiques et paralympiques en France. Et donc, c'est en quelque sorte l'acmé, enfin, il faut le préparer et donc réamorcer beaucoup de pompes.
Au-delà de cela, nous voulons aussi redynamiser la relation économique dans à peu près tous les secteurs, parce que je pense que c'est là aussi au cœur de cet agenda, celui de la diversification des sources d'approvisionnement, de constitution de chaînes de valeur résilientes, qui suppose de maintenir justement un canal ouvert sur le plan politique, un agenda partagé, mais également de relancer avec force tous ces partenariats. Nous avons su le faire en matière d'agroalimentaire ces dernières années, avec beaucoup d'ouverture et de succès ; il faut aller plus loin encore. Mais dans le luxe, les cosmétiques, la finance, la santé évidemment, dans les sujets d'énergie, qu'il s'agisse du nucléaire civil jusqu’à l'hydrogène, qu'il s'agisse des technologies de batteries et de tout ce qui les accompagne, qu'il s'agisse de l'aéronautique avec là encore, des annonces importantes aujourd'hui ou de l'automobile et des équipementiers du secteur, nous avons beaucoup à relancer et à faire avec.
Avec là aussi, et je le dis devant vous toutes et tous, une connaissance des uns et des autres et de ce que nous sommes. Et je crois que rien n'est plus solide que les amitiés éprouvées par le temps et la constance stratégique qui est la nôtre. Il est évident aussi qu'on doit identifier de nouveaux champs de coopération dans lesquels il y a de l'expertise, fabrications additives, nanomatériaux, biologie synthétique, systèmes autonomes, composants, industrie photovoltaïque, etc, sur lesquels nous souhaitons avancer, là aussi sans tabou.
Et ce sera mon troisième et dernier message : tout cela suppose de la franchise, de la prévisibilité, un respect de l'innovation dans un contexte très difficile, beaucoup plus difficile qu'il y a cinq ans, quand nous étions tous ensemble. Plus difficiles, pourquoi ? Parce que nous avons été éprouvés par la pandémie. Il est plus difficile parce que nous sommes bousculés par le désordre international. La guerre en Ukraine lancée par la Russie et ses conséquences directes et indirectes. Il est plus difficile parce qu'on sent monter une conflictualité entre les États-Unis d'Amérique et la Chine, et celle-ci n'est pas bonne pour le doux commerce et la bonne intégration de toutes les chaînes de production et en quelque sorte la vie normale des affaires.
Et on ne peut pas faire comme si ça n'existait pas. La question, c'est comment on ne tombe pas dans le piège ou dans les pièges ? Il y a un premier piège qui est celui de la prophétie autoréalisatrice qui est de dire : ça va devenir, et donc on fait tout en quelque sorte en le dénonçant pour que ça advienne. C'est l'escalade verbale. Ce sont des comportements qui renationalisent ou rerégionalisent et c'est finalement une logique de bloc à bloc. Je pense que ce serait une funeste erreur. Le monde a besoin d'ouverture, de paix et de stabilité. Et donc la France et l’Union européenne feront tout pour éviter toute escalade, pour construire une paix et une stabilité durable en Europe, c'est-à-dire respectueuse de la Charte des Nations Unies et aux conditions évidemment du peuple ukrainien, mais plus largement, nous ferons tout pour qu'il n'y ait pas une montée des tensions.
Le deuxième élément, et vous noterez aussi la constance avec laquelle nous l’abordons, c'est qu'au fond, nous avons tous redécouvert que les affaires appartenaient aussi à la géopolitique, et qu'on ne peut pas faire comme si ça n'avait aucune conséquence. Et qu'il y a des domaines qui ont très peu de conséquences en géopolitique, et il y en a qui en ont une. C'est comme ça. Et quand on parle de certaines chaînes de valeur, quand on parle de télécommunications, évidemment, de systèmes qui peuvent être duaux, quand on parle de ce qui bouscule notre système politique, qu'il s'agisse des réseaux sociaux ou de l'intelligence artificielle, on ne peut pas faire comme si c'était la même chose que vendre des produits de consommation courante, même si la sécurité alimentaire est un sujet ô combien important dont nous avons toujours relevé les standards. Et donc, plutôt que de se le cacher, il faut le partager.
Donc, ce que nous avons décidé de faire ensemble avec le Président, c'est dans le cadre de notre dialogue stratégique et de notre dialogue économique et financier, de pouvoir partager une approche commune. Et au fond, j'ai envie de vous dire, nous avons la même approche de ces sujets sur un point, même si nous avons des tas de différences, nous nous respectons sur nos différences. On n'a pas la même histoire, on n’a pas la même civilisation, mais nous avons le même désir de nous comprendre.
Mais il y a une chose, je le sais très bien : aucun dirigeant, ni aucun entrepreneur chinois ne respecterait des dirigeants qui expliqueraient que dans leur pays, tout est ouvert et n'a pas de valeur. Parce que pour vous, quand il s'agit de la sécurité de votre pays, de la sécurité nationale, des intérêts souverains, de ce qui en va de la stabilité, vous dites " là, pas touche ". Et vous n'ouvrez d'ailleurs pas à des étrangers, qu'il s'agisse de Français ou de tout autre étranger. Vous dites " ça, on doit le maîtriser, cette part de la chaîne de valeur, ce secteur, cet élément ".
Les Européens doivent faire pareil. Et je sais que vous le comprendrez et que vous le savez. Ils doivent faire pareil parce que nous ne sommes pas qu'un marché, nous sommes une puissance géopolitique et que je pense que c'est l'intérêt de la Chine qu'il y ait une autonomie stratégique européenne, c'est-à-dire une Europe qui se pense comme puissance, qui défende ses industriels et qui sur certains secteurs, disent : " à cet endroit-là, on doit pouvoir se protéger, on veut faire du commerce avec vous, on veut s'entendre, on veut qu'il y ait des échanges, mais là, c'est stratégique dans le sens où nous devons maîtriser telle partie de la chaîne ". Et donc, nous allons devoir construire un ordre où il ne faut pas, vous l'avez très bien dit, Président, décorréler la totalité de nos économies, ce serait une folie et il ne faut pas découpler nos économies, mais où il va nous falloir regarder scrupuleusement et le partager dans un dialogue stratégique sincère.
Il faudra sans doute dupliquer des parts de notre chaîne de valeur et accepter que dans certains secteurs, il faille de la souveraineté, au moins européenne, parfois nationale. C'est absolument fondamental et vous êtes en train de faire la même chose. Et au fond, la réciprocité, elle commence là, dans un partage de l'analyse stratégique. Donc, la feuille de route que je veux bâtir avec vous dans l'avenir et qui est très importante pour vous tous, c'est d'avoir cette franchise qui ne doit jamais donner lieu à des attaques ou à des joutes verbales ou à des attaques, ou de l'imprévisibilité sur des entreprises de part et d'autre. Ça, c'est le pire des comportements, c'est celui que nous ne voulons ni vous, ni moi. Mais nous devons bâtir une feuille de route commune qui est de dire : " on veut plus d'ouverture, on veut plus d'échanges, on veut consolider, relancer avec force en sortie de pandémie. Avec ces échanges, on veut bâtir de nouveaux secteurs, mais on doit le faire dans cette nouvelle géopolitique et compte tenu des enjeux, en partageant une feuille de route respectueuse, sincère et stratégique ".
C'est sur la base de cette feuille de route stratégique et avec de la prévisibilité qui sera ensuite partagée avec nos entrepreneurs et tous les grands groupes que vous êtes là, que d'abord nous pourrons éviter la séparation de nos économies et ne tomber dans aucune facilité ou fatalité, et que nous pourrons nous engager résolument en transparence de part et d'autre sur certains secteurs et bâtir des stratégies compatibles en acceptant des limites dans d'autres. C'est cette franchise et cette lucidité, en refusant le discours du pire et la montée des tensions, qui est notre responsabilité à tous, les dirigeants que nous sommes, les entrepreneurs que vous êtes.
Nous devons rester des économies ouvertes, nous devons continuer les échanges, nous devons continuer à accompagner l'innovation parce qu'elle sera au service des solutions que nous voulons apporter pour nos pays et pour la planète, aux défis mondiaux. Mais nous devons le faire avec beaucoup d'exigence, de lucidité et de franchise entre nous. Précisément pour le faire dans la durée et ne pas tomber dans les risques du moment.
Voilà les quelques mots que je souhaitais apporter en cette conclusion de vos journées de travaux. Et en vous remerciant, Président, pour votre engagement. Nous serons demain à Canton qui est aussi une très grande place économique de votre pays, mais je tiens à vous remercier vraiment de votre engagement du temps et de l'énergie que vous mettez au service de cette feuille de route commune. Je crois très profondément à l'amitié entre la Chine et la France et je crois très profondément à la coopération entre nos entreprises, nos entrepreneurs, à la relance de celle-ci, mais aussi à la construction d'une phase nouvelle au service de notre vision de l'avenir et au service de nos peuples. Je vous remercie.