Texte intégral
YVES CALVI
Bonjour Christophe BECHU.
CHRISTOPHE BECHU
Bonjour Yves CALVI.
YVES CALVI
Vous êtes ministre de la Transition écologique. Et nous avons deux actualités très importantes sur lesquelles nous allons revenir ce matin, la sécheresse qui touche le pays, et puis, votre grand Plan Vélo qui est présenté aujourd’hui. Commençons, s’il-vous-plaît, par la sécheresse, trois départements sont déjà en niveau crise, avec des restrictions extrêmement sévères, je veux parler des Bouches-du-Rhône, du Gard et du Var. Pouvez-vous nous détailler les contraintes mises en place dans ces départements ?
CHRISTOPHE BECHU
On a effectivement une situation qui justifie qu’il y ait des contraintes dès maintenant, et dans quelques jours, c’est les Pyrénées-Orientales qui vont également basculer en niveau crise, un département dans lequel il n’y a pas eu une vraie journée de pluie depuis un an, pour vous donner une ampleur de la situation qui nous attend…
YVES CALVI
Il n’a pas plu sérieusement dans les Pyrénées-Orientales depuis un an ?
CHRISTOPHE BECHU
Pas une journée, depuis un an. Pour se dire les choses, on a une situation qui est contrastée avec un sujet sur tout le pourtour méditerranéen et le couloir Rhodanien, dans le reste du pays, on a eu des pluies en mars qui ont plutôt permis de minimiser la situation, mais les trois quarts du pays, 75% de nos nappes phréatiques sont en dessous de leur moyenne de saison. Pour vous donner un élément de comparaison, l’année dernière, à la même date, c’était 58%, et on sait l’été qu’on a eu. Ce qui explique qu’on ait dès maintenant des situations de crise, et il y a même des communes, par exemple dans les Bouches-du-Rhône, qui ne sont pas sorties de la crise depuis l’été dernier, et dans lesquelles il y a eu des continuités de restrictions. Quand on est en crise, c’est simple, rien n’est autorisé à part l’eau potable. Vous avez des bouts de choses qui sont permises, par exemple, pour faire en sorte d’irriguer des arbres qui viennent d’être plantés, pour permettre, dans des cas très particuliers, pour des raisons sanitaires, de pouvoir continuer à avoir un peu d’eau, mais la règle, à la fin, il y a trois niveaux, plus exactement, il y a quatre niveaux dans notre pays, la vigilance, aujourd’hui, on a plus de trente départements qui sont déjà en vigilance sècheresse, et on a une vingtaine de départements qui, à un titre ou à un autre, sont entrés dans des champs de restrictions : alerte, alerte renforcée et crise.
YVES CALVI
Christophe BECHU, pour nos auditeurs qui viennent de voir… enfin, de la pluie pendant trois semaines, vous comprenez qu’il y a un décalage entre la réalité physiologique que vous nous décrivez, qui, bien entendu, n’est pas remise en cause, et ce qu’ils vont vécu, qu’est-ce qu’on leur dit ce matin alors que vous annoncez des restrictions et qu’on va les détailler ?
CHRISTOPHE BECHU
Je leur dis qu’on est dans des situations qui sont variées, et qu'il faut bien comprendre que ce n'est pas un découpage administratif qui décide des restrictions, c'est la réalité des nappes phréatiques et de l’eau disponible. Et il y a 1.100 sous-bassins, et donc, on est dans 1.100 situations différentes dans le pays, mais nous avons aujourd'hui partout, à l'exception du Grand Ouest et d'un peu du Nord, des situations qui ne sont pas favorables, et il faut comprendre qu'une pluie qui arrive en avril, avec des températures plus chaudes, il y a davantage d'évapotranspiration, il y a davantage d'eau qui est absorbée par la végétation, et donc, il y en a moins qui va dans les cours d'eau, qui nous sert de réserve pour les autres usages dont on a besoin.
YVES CALVI
Alors, on est bien d'accord qu’en ce qui concerne les Bouches-du-Rhône, le Gard, le Var, et donc les Pyrénées-Orientales, ce que vous venez de nous confirmer, en ce moment, il y a des mesures de restrictions très claires ; on ne peut plus arroser son jardin, les lavages de voitures sont fermés, et il est interdit de remplir les piscines ?
CHRISTOPHE BECHU
C'est tout à fait exact. Et pour être précis, dans quelques jours, j'aurai l'occasion de présenter le nouveau guide sécheresse, qui est la mise à jour, et qui permet de détailler les règles minimales qui doivent être mises en place par les préfets en fonction des niveaux de restrictions ; un préfet peut aller plus loin, dans le cas des Pyrénées-Orientales par exemple, c'est la vente des piscines hors-sol qui va être interdite de manière à éviter d'avoir des gens qui achètent des piscines qui ensuite auraient la tentation de les remplir, alors même qu'on interdit ce remplissage.
YVES CALVI
Mais justement, que dites-vous ce matin à ces Français qui ont économisé peut-être parfois toute leur vie pour avoir une piscine ?
CHRISTOPHE BECHU
Je leur dis qu'il faut bien comprendre que ce n'est pas une décision du gouvernement, c'est la réalité de la nature et de la situation dans laquelle nous sommes, aujourd'hui, il faut s'habituer à l'idée que le dérèglement climatique, c'est maintenant, les conséquences de ce moins d'eau, c'est maintenant, et qu'il faut qu'on sorte d'une culture de l'abondance pour rentrer dans une logique de lutte contre les gaspillages, 20% de l’eau potable part dans des fuites. On a aujourd’hui des communes, des centaines de communes où le taux de fuite, il est supérieur à 50%, on a 150 litres d'eau par Français et par jour d'eau potable que nous utilisons, on ne réutilise pas nos eaux usées, alors que, pourtant, nos voisins le font. Bref, il faut de la sobriété, et il faut optimiser les usages.
YVES CALVI
Vous dites quoi aux Français ce matin, le temps des piscines, c'est fini, c ’est terminé ?
CHRISTOPHE BECHU
Non, je dis : le temps de la sobriété, y compris en matière de l'eau, il est arrivé, sortir de cette culture de l'abondance, en fonction de l'endroit où on vit, des latitudes dans lesquelles nous sommes.
YVES CALVI
Je me souviens très bien de ma première leçon de géographie au CP à l'école élémentaire, c'était la France est un pays tempéré, est-ce que ça veut dire que ce n'est plus vrai ?
CHRISTOPHE BECHU
Ça veut dire que c'est toujours vrai, mais dans un contexte le dérèglement climatique qui fait que notre pays, le Nord, va être gagné par une partie des températures du Sud qui, elles-mêmes, vont être gagnées par des températures qui sont plus chaudes. Hier matin, dans un autre contexte, le Conseil national de la transition écologique, qui regroupe des syndicats, des spécialistes, et avec un observatoire qui est présidé par un sénateur écologiste, a adopté, à l'unanimité, la trajectoire de réchauffement climatique, dont j'avais parlé, il y a quelques semaines, en disant : attention, il faut qu'on prépare notre pays à vivre avec 4 degrés de plus à la fin de ce siècle s'il n'y a pas une inversion forte sur le plan mondial de ce qui se passe. Derrière tout ça, c’est très concrètement ces changements, moins de neige, plus de jours de canicule, plus de sécheresse, auxquels on est en train de se préparer et de s'adapter.
YVES CALVI
Parlons du Plan Vélo, les Français ont l'air d'être disponibles dans les enquêtes d'opinion quant au fait de faire un effort et de remonter sur leur bicyclette, mais il y a beaucoup de problèmes, qu'allez-vous nous proposer ?
CHRISTOPHE BECHU
Le premier Plan Vélo, il date de 2018, avant, ce n'était pas un sujet national, ce n'était pas un sujet qui était présenté par un gouvernement et par des ministres, et c'est à Angers qu’Edouard PHILIPPE avait présenté ce premier Plan Vélo.
YVES CALVI
Dans votre ville.
CHRISTOPHE BECHU
Exactement, dans la ville dans laquelle j'étais le maire à l'époque. On a, au cours de ce premier quinquennat, globalement, consacré un demi-milliard d'euros au vélo. Là, c'est 2 milliards, dans ce quinquennat, qui vont être consacrés, pour plein de raisons, d'abord, avec l'essor des vélos à assistance électrique, c'est moins d'efforts, parfois pour une partie de nos concitoyens de pouvoir faire du vélo. Ensuite, il y a cette culture de comprendre que c'est à la fois bon pour la planète et bon pour le pouvoir d'achat. Mais, il faut des infrastructures, et il faut des appuis, il y a donc trois grands axes, le premier, c'est d'aider à apprendre à faire du vélo aux plus jeunes, aujourd'hui, on est à 200.000 jeunes formés en 12 mois, l'idée demain, c'est qu’une classe d'âge, tous les ans, puisse acquérir les bases du savoir rouler, 800.000 enfants par an, c'est ce qui sera annoncé cet après-midi…
YVES CALVI
C’est nécessaire ? Parce que je suis sûr qu'un certain nombre de ceux qui nous écoutent se disent, mais tous les enfants savent faire du vélo, non ?
CHRISTOPHE BECHU
Non, c’est nécessaire, de la même manière que ce savoir rouler, c'est parfois aussi permettre à des adultes de s'y remettre, le deuxième…
YVES CALVI
On ne va pas passer, pardonnez-moi, un permis vélo à l'école ?
CHRISTOPHE BECHU
Non, je vous rassure, ce n'est pas du tout l’objectif, l’objectif, c’est de…
YVES CALVI
Rassurez-moi, oui…
CHRISTOPHE BECHU
C’est de faire en sorte de donner les bases en termes de sécurité, en termes de suivi, et de donner les bons réflexes en termes de sécurité. Le deuxième grand axe, c’est d’aider sur les infrastructures, globalement, l'objectif, c'est d'avoir 100.000 kilomètres de pistes cyclables, on est environ à 50.000 à la fin de cette décennie.
YVES CALVI
Dans quel délai ?
CHRISTOPHE BECHU
2030, ce qui veut dire, en gros, c'est plus 17.000 kilomètres de pistes cyclables au cours de ces 5 dernières années, et l'enjeu, c'est de tripler cet effort dans les années qui viennent, ce qui explique les sommes qui vont être consacrées pour appuyer les collectivités locales, et puis, enfin, c'est continuer à aider les Français, il y a eu 17 millions de vélos achetés au cours de ces 5 dernières années, 33 % d'augmentation de la pratique, et là, on a deux axes, d'abord, faire en sorte qu'on ait des vélos qui soient fabriqués en France, pour que ça puisse profiter à une partie de notre activité, c'est un des éléments aussi de la réflexion sur une industrie verte et sur : ce qui est bon pour la planète soit bon pour le pouvoir d'achat.
YVES CALVI
Il y en a, ils sont magnifiques, généralement, on les trouve chers…
CHRISTOPHE BECHU
C'est vrai parce qu'aujourd'hui, ce sont plutôt des vélos de haut de gamme qui sont fabriqués chez nous, là où des vélos moins haut de gamme le sont au Portugal. Et il y a aujourd'hui un enjeu pour faire en sorte d'internaliser une partie de tout ça, et puis, d'aider les plus modestes à pouvoir aussi continuer à acheter des vélos.
YVES CALVI
Vous allez augmenter les aides ?
CHRISTOPHE BECHU
Nous allons en particulier faire en sorte que les aides soient éligibles pour les vélos d'occasion, et pour faire passer le message qu’il n’y a pas que le vélo neuf qui peut aussi permettre de faire du vélo, que ça permet d'avoir un reste à charge moins élevé, c'est aussi une façon de valoriser l'économie circulaire, dont on parle beaucoup, et pour laquelle, parfois, il est nécessaire qu'on ait des preuves d'amour qui soient plus importantes.
YVES CALVI
Un tout dernier mot, puisqu'on entend que vous êtes volontariste, notamment sur le vélo ce matin, votre confrère, Clément BEAUNE, ministre des Transports, reconnaît qu'il y a un problème, un véritable obstacle, qui est celui des stationnements sécurisés. Moi, tous mes amis parisiens se sont fait voler au moins une fois leur vélo.
CHRISTOPHE BECHU
Alors, il y a deux axes, d'abord, c'est le marquage obligatoire des vélos, 4 millions de vélos ont été marqués au cours de ces dernières années, mais je vous ai dit que dans le même temps, on en avait vendu 17 millions, donc on mesure la marge, parce que ça, ça permet ensuite d'éviter au moins en France qu'on se retrouve avec des reventes, et ensuite, ce sont les stationnements sécurisé, et là, il y a un enjeu d'intermodalité, parce qu'on sait qu'en particulier, quand on prend le train, quand on prend les transports en commun, et qu'on veut laisser son vélo pendant une période de temps relativement longue, et compte tenu du prix de ces vélos à assistance électrique, il faut des box de stationnement sécurisés, c'est à la fois une des mesures du Plan Vélo, très forte, avec des dizaines de milliers de places qui vont être financées, et c'est aussi une mesure dont on va discuter avec les régions, dans le cadre des pôles d'échanges multimodaux, et demain, après-demain, de ces RER métropolitains dont on a parlé, parce que ça s'insérera dans un schéma de mobilité décarbonée.
YVES CALVI
Nous sommes tout simplement en train de changer de société, c'est ce que je retiens de l'ensemble des mesures que vous nous avez annoncées, Christophe BECHU, ministre de la Transition écologique. Merci d'avoir pris la parole ce matin.
CHRISTOPHE BECHU
Merci à vous pour votre invitation.
Source : Service d’information du Gouvernement, le 5 mai 2023