Interview de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, à BFMTV le 15 mai 2023, sur les prix dans la grande distribution, la politique industrielle, les salaires, l'inflation, les impôts des classes moyennes et un plan d'épargne vert pour les jeunes.

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Média : BFM TV

Texte intégral

APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour Bruno LE MAIRE.

BRUNO LE MAIRE
Bonjour Apolline de MALHERBE.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous êtes le ministre de l’Economie, des Finances, de la Souveraineté industrielle et numérique, et on va parler de tout ça, ce matin, sur RMC et BFM TV. Vous allez déjeuner avec Elon MUSK aujourd’hui à Versailles, on va parler de Choose France, de tout cet argent qui va être déversé par les industries étrangères en France. Mais je voudrais d’abord qu’on parle des prix parce que ça fait quand même un bout de temps que vous jouez le bras de fer avec un coup, les industriels, un coup, la grande distribution. Et voilà que le nouveau patron de la FNSEA, le syndicat agricole, vous demande de faire du name and shame, en gros, il dit : s’il y a des profiteurs de crise, eh bien, que Bruno LE MAIRE le dise, qu’il donne les noms voilà ce que dit Arnaud ROUSSEAU, le nouveau patron de la FNSEA. Est-ce que vous le ferez, est-ce que vous donnerez les noms ?

BRUNO LE MAIRE
Oui, nous ferons la transparence sur le niveau de marges d’un certain nombre de multinationales industrielles, on le fera dans les prochains jours, pas tout de suite. Ce que je peux dire déjà, c’est que, 1°) : les industriels de l’agroalimentaire ont récupéré en 2022 leur niveau de marges, grâce à la renégociation que nous avons faite sur les prix, quand les prix de gros explosaient, ils ont demandé qu’on rouvre les négociations commerciales pour qu’ils puissent répercuter sur les prix de vente, nous l’avons fait, ils ont redressé leurs marges, tant mieux, mais il ne s’agirait pas maintenant que certains fassent des marges excessives. Aujourd’hui, vous avez des prix qui baissent, prix du blé qui baisse, prix du fret qui baisse, la seule chose que nous demandons aux grandes multinationales, notamment de l’agroalimentaire, c’est de répercuter ces baisses de prix de gros sur la facture du consommateur. C'est tout, c'est une question de justice, et par ailleurs, je rejoins aussi totalement ce que dit Arnaud ROUSSEAU, il ne s'agit pas de faire payer les agriculteurs, j'ai entendu ses inquiétudes, il me dit : attention, les agriculteurs, il ne faut pas répercuter sur le prix du lait ou sur le prix du blé, il a raison…

APOLLINE DE MALHERBE
On va y revenir, mais moi, je voudrais qu’on reste sur cette question du name and shame, Bruno LE MAIRE. Vous me répondez, on le fera, mais on ne le fera pas tout de suite, on le fera dans quelques jours, est-ce que ça n'aurait pas quelque chose à voir avec le fait que vous allez à Versailles tout à l'heure ?

BRUNO LE MAIRE
Non, absolument pas.

APOLLINE DE MALHERBE
Ah non, rien du tout, parce que MARS, par exemple, je vais vous donner cet exemple, MARS, MARS, qui est une des très grosses entreprises internationales, un des gros industriels, comme on dit, eh bien, MARS sera là tout à l'heure, et MARS va investir 130 millions d'euros. Alors, ça, je comprends bien que le ministre de l'Economie, qui veut que l'industrie remonte en France, se réjouit de ces 130 millions, sauf que MARS, de l'autre côté, est aussi responsable par exemple pour la nourriture pour chiens d'une hausse de 49 %, tout à fait injustifiée. Alors, peut-être pas aujourd'hui, mais peut-être demain, aujourd'hui, vous n’allez pas dire : MARS, c'est le gros méchant, parce que vous attendez les 130 millions, et puis, dans quelques jours, peut-être vous pourrez dire que MARS, c’est le grand méchant ?

BRUNO LE MAIRE
En tout cas, nous avons des discussions avec ces grandes multinationales, MARS et d'autres, depuis des semaines, ils connaissent parfaitement ma position, ils savent très bien que la seule chose qui m'importe, c'est de protéger le consommateur contre l'inflation, c'est tout, ce n’est pas une question de Choose France, tout ça, ce sont des sujets qui sont séparés, c'est protéger les consommateurs contre l'inflation, c'est que les prix puissent baisser et qu'on puisse casser la spirale des prix alimentaires à l'automne prochain, et on y arrivera que si nous décidons maintenant, parce que ça va mettre du temps avant qu'on arrive à casser cette spirale, donc, soit, distributeurs, industriels grandes multinationales de l'agroalimentaire, pouvoirs publics, se mettent tous ensemble, comme je le propose, depuis plusieurs semaines maintenant, pour engager des négociations commerciales, faire baisser les prix, et nous verrons dans ce cas-là les prix baisser rapidement dans les semaines et les mois qui viennent, soit, chacun veut garder ses marges pour lui, on n'y arrivera pas. Qu'est-ce que je demande, un effort aux grands industriels pour prendre sur leurs marges et répercuter sur les prix, pour que le consommateur soit protégé, c'est tout, ni plus ni moins.

APOLLINE DE MALHERBE
On va revenir sur ces prix et sur l'efficacité ou non de votre demande. Mais pardon, vous dites, ce sont deux sujets séparés, je ne vous jette pas la pierre, j'imagine bien que quand on est ministre de l'Economie de la France, on a plusieurs impératifs qui parfois sont contradictoires, parce qu'effectivement, une même entreprise, vous avez peut-être besoin qu’elle vienne investir en France, et en même temps, vous aimeriez bien qu’elle baisse ses prix.

BRUNO LE MAIRE
Mais Apolline de MALHERBE, c’est ce qui fait tout le charme de mon métier, il faut trouver un équilibre, je laisse aux extrêmes les positions simplistes, quand vous parlez de prix, il faut trouver un bon équilibre entre l'agriculteur, j'étais 3 ans ministre de l’Agriculture, je défendrai toujours le revenu des paysans français, la distribution, il faut bien que la distribution vivent aussi, on y va tous, on y fait nos courses, il faut que la distribution puisse vivre, et les industriels, quand on veut réindustrialiser, bien entendu qu'il faut que les industriels puissent dégager des profits et puissent vivre correctement, je dis simplement, je pose simplement cette question, est-il juste, Apolline de MALHERBE, que lorsque les prix de gros explosent, que les industriels demandent une renégociation pour répercuter à la hausse, on leur dise : oui, et tout le monde les suit. Et lorsque les prix de gros baissent, et qu'on leur demande de venir rouvrir des négociations commerciales, ils répondent : non…

APOLLINE DE MALHERBE
Oui, vous dites : on a été sympa, on a…

BRUNO LE MAIRE
Est-ce que vous trouvez ça juste ?

APOLLINE DE MALHERBE
On a accepté pour que vous puissiez répercuter les prix à la hausse…

BRUNO LE MAIRE
Je suis là pour défendre ce qu’on appelle l’ordre public économique, ce qu'on peut traduire de manière plus simple, la justice. Je veux de la justice pour le consommateur…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais j’imagine ce qui est complexe, Bruno LE MAIRE, quand vous dites… il y a quand même deux menaces que vous brandissez sur les industriels qui gonflent les prix…

BRUNO LE MAIRE
Apolline de MALHERBE, ce ne sont pas des menaces, ce sont des décisions que je prendrais si elles sont nécessaires, nommer les industriels qui ne jouent pas le jeu, les grandes multinationales…

APOLLINE DE MALHERBE
Quand on dit nommer, c’est ce qu’on appelle name and shame, c’est-à-dire, c’est pointer du doigt, c'est dire : voilà, ils ne jouent pas le jeu…

BRUNO LE MAIRE
Non, c’est faire la transparence…

APOLLINE DE MALHERBE
Et ensuite, c’est aux consommateurs de décider…

BRUNO LE MAIRE
Je peux déjà vous dire, pour être tout à fait précis, je peux déjà vous dire que par exemple, sur l’industrie agroalimentaire du lait, comme le prix du lait reste très élevé, aujourd'hui, des entreprises comme DANONE, comme LACTALIS ne font pas des bénéfices considérables, c'est documenté, c'est transparent, et je rendrai tout cela transparent, je ne pointe pas du doigt, je fais la transparence, c'est le premier instrument. Nous réfléchissons aussi…

APOLLINE DE MALHERBE
Enfin, pour l’instant, vous dites les vertueux…

BRUNO LE MAIRE
Nous réfléchissons aussi à des dispositifs réglementaires pour que, on oblige à cette réouverture des négociations commerciales, si les industriels ne veulent pas rouvrir, eh bien, nous regardons comment est-ce que d'un point de vue légal et réglementaire, nous pouvons obliger à la réouverture de ces négociations commerciales, ce n'est pas une question de menace, c'est une question d’efficacité…

APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que vous en avez les moyens ?

BRUNO LE MAIRE
Moi, je ne suis pas là pour menacer qui que ce soit, en revanche, mon rôle, ma fonction c'est de protéger le consommateur qui aujourd'hui a du mal à faire ses courses, voit que les prix explosent, c'est compliqué pour sa vie courante, c'est compliqué pour les familles qui ont des enfants, les familles nombreuses, eh bien, je suis là pour les protéger. Je joue mon rôle, et croyez-moi, je le prends très à coeur.

APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que vous en avez les moyens ? Je le vois bien, ce n’est pas du tout de ça que je vous accuse…

BRUNO LE MAIRE
Mais l’Etat a les moyens, bien entendu…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais honnêtement, j'imagine assez mal que, aujourd'hui, à Versailles, quand vous allez croiser le patron de MARS : eh bien, merci pour les 130 millions, mais par contre, si tu pouvais baisser les prix, là, sur tous tes produits MARS, que tu as fait exploser, MARS UNILEVER ; j'ai un peu du mal à ce que vous lui disiez ça…

BRUNO LE MAIRE
Mais on est entre gens qui sont suffisamment responsables pour comprendre la différence entre un investissement de long terme décidé par une entreprise, qui est une grande multinationale, qui investit sur 10, 15 ou 20 ans en France…

APOLLINE DE MALHERBE
Oui, mais lui, il va vous répondre ça…

BRUNO LE MAIRE
Il y a une décision conjoncturelle…

APOLLINE DE MALHERBE
Alors, si même vous ne lui posiez pas la question…

BRUNO LE MAIRE
Une décision conjoncturelle qui regarde les représentants nationaux cette multinationale, nous arrivons à séparer les choses, et je pense que c'est sage.

APOLLINE DE MALHERBE
La taxation sur des superprofits de ces industriels, est-ce que c'est uniquement, là, une menace ou est-ce que c'est quelque chose que vous pourriez effectivement mettre à exécution ?

BRUNO LE MAIRE
C'est toujours l'arme de dernier recours, c’est l’arme qu'on veut toujours éviter, nous ne sommes pas là pour taxer plus les entreprises, mais en revanche, je le dis avec beaucoup de fermeté, tout ce qui est nécessaire pour protéger le consommateur, je le ferai.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous les recevez mercredi matin, vous aviez reçu mercredi dernier la grande distribution, donc là, c'est les industriels de la transformation alimentaire, vous leur donnez jusqu'à quand pour se remettre à la table des négociations ?

BRUNO LE MAIRE
Jusqu’à fin mai, pas plus…

APOLLINE DE MALHERBE
C’est ça la deadline ?

BRUNO LE MAIRE
Pourquoi, parce que mon objectif…

APOLLINE DE MALHERBE
Ils ont 15 jours…

BRUNO LE MAIRE
Mon objectif n'est pas de faire de l'agitation médiatique, mon objectif, c'est que dans les rayons, le consommateur voit les prix baisser, et que si les décisions ne sont pas prises maintenant, le temps que ça se répercute dans les rayons, eh bien, nous aurons manqué notre objectif qui est de casser la spirale inflationniste.

APOLLINE DE MALHERBE
Il y a la question de l'inflation, il y a la question des salaires, on va y revenir, et entre les deux, il y a la question effectivement de l'investissement, je le disais, c’est donc à Versailles que ça se passe aujourd'hui avec cette fameuse manifestation qui s'appelle Choose France, Choisissez la France, 13 milliards d'euros vont être investis en France.

BRUNO LE MAIRE
13 milliards d'euros, 8.000 emplois, c'est le plus important à mes yeux, et surtout, la preuve que la stratégie industrielle que nous avons mise en place avec le président de la République, avec méthode, avec détermination et avec constance, depuis 2017, sans jamais varier, donne des résultats spectaculaires. C'est un des grands succès du quinquennat d'Emmanuel MACRON et de ce nouveau quinquennat qui commence, la réindustrialisation est possible, parce que nous avons une stratégie, et que nous n'en avons jamais dévié, cette stratégie, c'est quoi, c'est d'abord une fiscalité attractive, moi, j'adore les gens qui vous disent : il faut réindustrialiser, mais il faut augmenter la fiscalité sur le capital, comme l'industrie demande beaucoup de capital, ça ne risque pas de donner des résultats. Nous, nous avons baissé la fiscalité sur le capital avec beaucoup de critiques, mais c’est ces décisions fiscales qui nous permettent aujourd'hui d'attirer les investisseurs, et notamment, les industriels. Deuxième volet de cette stratégie, la relance du nucléaire, parce qu'il n’y a pas d'industrie possible si vous n'avez pas d'électricité à bas coût, vous savez qu'à chaque fois qu'un industriel décide d'investir en France quand c’est des négociations qui durent plusieurs mois, la première question qu’il ne me pose, c'est : est-ce que vous me garantissez, sur les 20 années qui viennent, de l'énergie décarbonée à bas coût, c’est l'élément décisif d'un investissement. Troisième levier que nous utilisons, une logique de filières, on ne s'éparpille plus, on arrête d'aller chercher absolument partout n’importe quel investissement…

APOLLINE DE MALHERBE
C’est la logique des vallées, comme la vallée de la batterie dont on a parlé la semaine dernière…

BRUNO LE MAIRE
C’est la logique des vallées, c’est la logique de filières, les batteries électriques, la santé, l'agroalimentaire, l'hydrogène vert, toutes ces filières très structurées…

APOLLINE DE MALHERBE
C’est ça désormais la France…

BRUNO LE MAIRE
Qui vont nous permettre de passer de la France des années 60, la France industrielle Pompidolienne à la France du 21ème siècle, une France industrielle et décarbonée. Enfin, le dernier levier, c'est peut-être celui qui va demander le plus d’énergie, le plus de constance dans les années qui viennent, c'est la formation et la qualification, on a besoin de plus de techniciens de maintenance, de plus de chaudronniers, de plus de soudeurs, de plus d'ingénieurs, de plus d'ingénieures femmes, un des grands combats que je veux livrer, c'est qu’on ait plus de femmes ingénieures, que les femmes aillent dans les métiers de l'industrie, que les femmes se tournent vers cette industrie du 21ème siècle, qui est créative, qui est dynamique, qui est porteuse d'emplois, et on revient à notre premier sujet porteur, le pouvoir d'achat, car, un emploi dans l'industrie, c'est un emploi bien rémunéré.

APOLLINE DE MALHERBE
Elon MUSK, vous déjeunez donc avec lui tout à l'heure, il sera présent à Versailles, vous en espérez quoi ?

BRUNO LE MAIRE
Il y a des négociations qui sont en cours, il n’est pas là uniquement pour profiter de Versailles…

APOLLINE DE MALHERBE
Eh bien, j’imagine, oui, qu’il ne veut pas juste visiter, même si c'est magnifique.

BRUNO LE MAIRE
Donc, il y a des activités dans des domaines que chacun connaît, c’est l'industrie automobile, c‘est d'autres industries. Donc, je pense que c'est aussi un signal très fort d'avoir aujourd’hui une figure importante présente à Versailles…

APOLLINE DE MALHERBE
Je le dis pour ceux qui nous écouteraient à la radio et qui n’auraient pas l’image, vous avez un petit sourire en coin, vous espérez quelque chose, vous avez quelque chose sur le feu avec Elon MUSK ?

BRUNO LE MAIRE
Tous les investissements qui sont faits aujourd'hui sont le fruit de mois, voire d’années de négociations ; des investissements de plusieurs milliards d'euros, ce n'est pas un patron qui passe, qui arrive à Versailles qui dit : c'est bien beau ici, j’investis 2 milliards, ce n'est pas comme ça que ça se passe, il y a des mois de travail, de négociations, de discussions derrière.

APOLLINE DE MALHERBE
On va revenir aussi sur les conséquences des négociations que vous avez aussi avec notamment la distribution, la question du trimestre anti-inflation, mais il y a aussi la question des salaires, quand vous entendez Sophie BINET, de la CGT, qui, d'ailleurs, sera reçue cette semaine, il y aura enfin une rencontre avec Elisabeth BORNE, ça, ce sera aussi mercredi, elle va lui demander de mettre en place des contreparties aux aides de l'Etat aux entreprises, pour augmenter les salaires, s'ils n'augmentent pas les salaires, elle demandera à ce que l'Etat reprenne peut-être une partie des aides, est-ce que ce ne serait pas assez juste finalement ?

BRUNO LE MAIRE
J’ai peur que ce ne soit pas efficace, ce sont les entreprises qui déterminent les salaires, elles ont augmenté les salaires en 2022, de l'ordre de 5%, je souhaite qu'elles augmentent du même montant, à peu près 5 % en 2023, pour protéger contre l'inflation, je les invite une nouvelle fois, toutes celles qui peuvent, à augmenter la rémunération de leurs salariés, je les invite à utiliser tous les instruments à leur disposition, intéressement, participation, prime défiscalisée, et je pense que les syndicats sont plus efficaces quand ils parviennent à cet accord historique, qu’ils ont conclu, qui va obliger, y compris des PME…

APOLLINE DE MALHERBE
Que la CGT n’a pas signé d’ailleurs…

BRUNO LE MAIRE
Oui, mais, voilà, je pense que c'est plus efficace de rentrer dans une logique de négociation qui aboutit à un accord, qui est un accord historique, signé par les partenaires sociaux, qui va obliger les PME, pas simplement les grandes entreprises, à offrir, 1°) : des dispositifs de partage de la valeur, intéressement ou participation ou prime défiscalisée à tous leurs salariés. Cet accord-là, la CGT ne l'a pas signé, mais il va bénéficier à des millions de salariés, et il va augmenter le pouvoir d'achat de millions de salariés, il va augmenter la rémunération de millions de salariés, donc plutôt que des déclarations très péremptoires, je préfère des négociations qui aboutissent, où chacun accepte le compromis. C'est le compromis qui donne des résultats.

APOLLINE DE MALHERBE
Sauf que le compromis, la demande, vous invitez, vous demandez, pendant ce temps-là, on voit le patron d'AIR FRANCE par exemple qui triple son salaire, il n’a pas en même temps triplé le salaire des employés d’AIR FRANCE…

BRUNO LE MAIRE
Mais on demande et on obtient, enfin, quand je regarde la prime défiscalisée, il y a 7 millions de salariés qui l'ont touchée pour un montant moyen de 730 euros. Enfin, ce n'est pas des mots, c'est des chiffres que les gens voient en bas de leur feuille de paie…

APOLLINE DE MALHERBE
Ça ne vous choque pas le fait que le patron d’AIR FRANCE triple son salaire ?

BRUNO LE MAIRE
Moi, ce qui m'intéresse surtout, c'est que les salariés soient bien payés, c'est ça le combat juste et nécessaire.

APOLLINE DE MALHERBE
Et je précise que les salariés d'Air France, ils ont reçu une hausse l'an dernier de 5 %, à peu près la moyenne que vous donniez, et une prime de 1.000 euros. Enfin, on est quand même loin du fait de faire fois 3.

BRUNO LE MAIRE
Oui, mais on a des salariés qui voient leur rémunération augmenter, et face à la crise de l'inflation, l'augmentation des salaires, des rémunérations ou des dispositifs de partage de valeurs, c’est ça la priorité.

APOLLINE DE MALHERBE
Face à l’inflation, il y a deux solutions en effet : soit augmenter les salaires, soit faire baisser les prix ou contenir l’inflation. Vous l’avez tenté avec le Trimestre anti-inflation, mais on ne sait plus très bien si ça a été efficace ou pas. C’est-à-dire, le gouvernement par la voix d'Olivia GREGOIRE, qui est chargée de la Consommation, dit que le Trimestre anti-inflation a fait baisser les prix des produits de ce panier de 13 %, alors que l'UFC Que Choisir dit ce matin que ça n'aurait baissé que de 0,3, 0,5, 1 à 1,05. Qui croire ?

BRUNO LE MAIRE
Eh bien il faut croire Olivia GREGOIRE.

APOLLINE DE MALHERBE
Ah…

BRUNO LE MAIRE
Et l'étude d’UFC Que Choisir est malhonnête. Elle est malhonnête parce que le Trimestre anti-inflation il commence le 15. Je n’aime pas qu'on trompe le consommateur. Elle a commencé le 15 mars cette opération, donc il faut comparer les prix avant le 15 mars et les prix après le 15 mars. Vous êtes d'accord je pense avec cette méthodologie.

APOLLINE DE MALHERBE
Ça me paraît en effet, vu comme ça, assez logique.

BRUNO LE MAIRE
Si vous prenez ces dates-là, les prix des produits qui sont dans ce Trimestre anti-inflation, ont effectivement baissé de 13% en moyenne, certains un peu plus, certains un peu moins. L'UFC Que Choisir compare à partir du 23 mars, après le début de l'opération. Vous trouvez ça honnête ?

APOLLINE DE MALHERBE
Donc vous voulez dire qu'ils n’ont commencé que, après, et ils ont vu la baisse depuis…

BRUNO LE MAIRE
Bien sûr.

APOLLINE DE MALHERBE
…mais c'est-à-dire qu’ils n’ont pas comparé avec avant la mise en place du panier anti-inflation.

BRUNO LE MAIRE
Voilà, donc effectivement, quand on ne prend pas les bonnes dates et qu’on ne prend pas le début de l'opération, mais le milieu de l'opération, on n'a pas les mêmes résultats. Mais je trouve que c'est une méthodologie, je le dis très simplement, qui est malhonnête, trompeuse du consommateur. Le Trimestre anti-inflation a été un vrai succès, il a permis de faire baisser les prix avant et après le 15 mars, de 13 % en moyenne, sur des milliers de produits…

APOLLINE DE MALHERBE
Donc vous nous confirmez, vous confirmez ce matin…

BRUNO LE MAIRE
… et je vous confirme que les distributeurs ont pris sur leurs marges, très largement, pour financer ce Trimestre anti-inflation. Donc quand ce n'est pas bien, je le dis, mais quand les acteurs économiques jouent le jeu, que les consommateurs en voient le résultat, je ne trouve pas honnête de prendre une mauvaise méthodologie, je tiens à dire à quel point ce Trimestre anti-inflation a donné les résultats attendus, c'est bien pour ça d'ailleurs qu'on souhaite ça prolongation au-delà du 15 juin.

APOLLINE DE MALHERBE
Sa prolongation, ça devait s’arrêter le 15 juin, vous avez annoncé que ça serait prolongé. Emmanuel MACRON qui dit : « Il faut – je cite – continuer de baisser les impôts pour les classes moyennes ». Il va faire comment ?

BRUNO LE MAIRE
Vous verrez. Je ne vais pas tout vous dire ce matin, il faut garder un petit peu de surprise…

APOLLINE DE MALHERBE
Oh ben si, ce serait bien quand même.

BRUNO LE MAIRE
Simplement, ce que rappelle le président de la République, c'est que quand on a une politique économique qui marche, qui donne des résultats, sur la réindustrialisation du pays, sur le niveau de croissance, sur la rémunération, même s’il reste du travail à faire, il faut garder cette politique. Nous avons baissé les impôts de 52 milliards d'euros au cours du quinquennat passé. A moitié pour les entreprises, à moitié pour les ménages, et chacun a bien vu la taxe d'habitation supprimée, la contribution à l'audiovisuel public supprimée, la baisse de l'impôt sur le revenu notamment sur les catégories moyennes qui travaillent…

APOLLINE DE MALHERBE
Ça c’est ce que vous avez fait.

BRUNO LE MAIRE
Il faut poursuivre. Pourquoi, parce que…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais quand il dit : il faut continuer de baisser de baisser les impôts pour les classes moyennes, moi je voudrais savoir quelles baisses d’impôts. Qu’est-ce qu’il vous reste ?

BRUNO LE MAIRE
Il la mille fois raison. Tous les gens qui travaillent, avec des salaires modestes, et qui paient l'impôt sur le revenu, disent : c'est encore trop mes impôts.

APOLLINE DE MALHERBE
Non mais, tout le monde est d’accord, quand vous leur dites " on va baisser vos impôts " …

BRUNO LE MAIRE
Donc pour tous ceux qui travaillent, je pense qu'il faut continuer la baisse des impôts, nous travaillons sur des propositions avec Gabriel ATTAL, je ferai des propositions au président de la République dans les semaines qui viennent, et il tranchera entre ces propositions.

APOLLINE DE MALHERBE
Lesquelles ? Non mais est-ce que vous pouvez donner une piste ?

BRUNO LE MAIRE
Vous me permettrez de garder pour le président de la République, même si j'aime beaucoup vos auditeurs, les propositions crise que je dois lui remettre.

APOLLINE DE MALHERBE
En tout cas vous nous confirmez ce matin qu'il y aura des baisses…

BRUNO LE MAIRE
Je vous confirme qu’il y aura bien…

APOLLINE DE MALHERBE
… qui seront des baisses significatives, qui ne seront pas des baisses anecdotiques.

BRUNO LE MAIRE
Il y aura une poursuite de la baisse des impôts, notamment pour ceux qui travaillent et qui ont les salaires les plus modestes.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous parlez de ce qui entre 1 500 et 2 500 € par mois ?

BRUNO LE MAIRE
C’est les chiffres qu’a donné le président de la République, ça dépend aussi du nombre d'enfants, donc tout ça on va l'affiner, mais ça prouve tout simplement que nous sommes très constants dans la politique économique que nous menons. Soutenir les entreprises, améliorer l'offre française, baisser des impôts sur tous ceux qui travaillent, tout ça est une politique à la fois juste et efficace.

APOLLINE DE MALHERBE
Bruno LE MAIRE, encore un mot sur l'épargne et sur l'emprunt. Sur l'épargne, vous aviez dit vouloir lancer un plan d'épargne vert pour les jeunes. Vous devez faire cette annonce cette semaine sur l'industrie verte, est-ce qu'effectivement ça va voir le jour, cette espèce de, je ne sais pas ce que c'est, c'est quoi, c'est un Livret A Vert ?

BRUNO LE MAIRE
Ça verra le jour, là aussi pour une raison qui est simple, je le disais tout à l'heure, l'industrie demande beaucoup de capital, donc il y a du capital public, il y a beaucoup d'investissements publics dans ses grands investissements annoncés aujourd’hui à " Choose France ", mais il faut aussi que l'épargne privée soit mobilisée pour cela. Et nous souhaitons que l’épargne des jeunes puisse être mobilisée pour cela. Donc nous créerons un Plan d'épargne climat, qui pourra être ouvert par les parents, c’est les parents qui décident, dès la naissance de leur enfant. Quel est l’intérêt de ce Plan d'épargne climat ? C'est de l'épargne bloquée, de l'investissement de long terme, donc avec une rémunération qui sera sans doute plus attractive que celle du Livret A, avec un capital garanti, et surtout des conditions fiscales exceptionnelle : zéro impôt, zéro cotisation, sur ce Plan d'épargne climat. Donc tous les parents qui veulent préparer un capital à leur enfant…

APOLLINE DE MALHERBE
Ils pourront mettre des sous.

BRUNO LE MAIRE
… dès les meilleures conditions possibles, ils pourront mettre des sous…

APOLLINE DE MALHERBE
Et ça sera bloqué quoi, jusqu'aux 18 ans ?

BRUNO LE MAIRE
Il sera bloqué jusqu’aux 18 ans, sauf évidemment événement exceptionnel, s’il y a un décès, une maladie ou un événement exceptionnel, ça pourrait être débloqué, mais c'est de l'épargne bloquée pour leur enfant, avec des garanties de rémunération supérieures à celles du Livret A, parce que c’est un investissement à long terme…

APOLLINE DE MALHERBE
Et zéro impôt quand l’enfant le débloque, enfin, quand l’enfant devenu majeur le débloque.

BRUNO LE MAIRE
Et surtout zéro impôt, zéro cotisation au moment du déblocage de ce plan, ce qui est un avantage fiscal exceptionnel et qui devrait inciter les parents à ouvrir, pour ceux qui le peuvent, ce type de plan d'épargne. Je précise, parce que c'est très important, que l'affectation de ces fonds sera contrôlée par la Caisse des dépôts et consignations, pour s'assurer que l'argent va bien vers une PME…

APOLLINE DE MALHERBE
Que quand on dit que c’est vert, c’est vraiment vert.

BRUNO LE MAIRE
C’est vraiment vert, une PME qui fait des batteries électriques, qui fait de l'hydrogène vert, ou d'autres financements qui sont strictement et rigoureusement verts.

APOLLINE DE MALHERBE
Je voudrais un tout dernier mot sur le logement, Bruno LE MAIRE, tous les professionnels du secteur disent que c'est une catastrophe, ils ont d'ailleurs écrit aujourd'hui en disant que c'est une alerte rouge au président de la République, il y a un point notamment de macroéconomie, comme on dit, c'est que, aujourd'hui, on ne peut pas s'endetter à plus de 35%, c'est un taux fixe désormais, c'est un plafond qui bloque un certain nombre de personnes pour pouvoir emprunter, et ça a des conséquences sur le logement et sur la création d'immobilier, est-ce qu'il faut permettre aux Français de s'endetter davantage ?

BRUNO LE MAIRE
D’abord, oui, il faut traiter le sujet immobilier, ça, bien entendu, je vois les acteurs de l'immobilier avec le ministre du Logement, on va continuer ces discussions, essayer de voir quelles sont les meilleures solutions possibles, on a parfaitement conscience de la gravité de la situation sur le logement, et nous apporterons des solutions, les 35% de niveau d'endettement maximal ne bougeront pas, parce que je ne veux pas régler la crise du logement en endettant massivement les Français, et de manière déraisonnable, ça créerait de l'instabilité et des risques financiers, là, c'est une mauvaise option. En revanche, il y a les possibilités de dérogations qui sont offertes aux banques, un fameux 20%, sur lesquelles des souplesses peuvent être envisagées, nous y travaillons avec le Gouverneur de la BANQUE DE FRANCE.

APOLLINE DE MALHERBE
Bruno LE MAIRE, ministre de l'Economie, merci d'avoir répondu à mes questions.

BRUNO LE MAIRE
Merci Apolline de MALHERBE.


Source : Service d’information du Gouvernement, le 16 mai 2023