Extraits d'une interview de M. Olivier Becht, ministre chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger, à BFMTV le 11 mai 2023, sur l'investissement étranger en France et la réindustrialisation.

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Intervenant(s) : 
  • Olivier Becht - Ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger

Média : BFM TV

Texte intégral

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Q - Olivier Becht, qui sont les étrangers que nous séduisons particulièrement ? D'où viennent-ils ?

R - Ils viennent d'un peu partout dans le monde, et c'est une très bonne nouvelle. D'abord, c'est le fruit des réformes que nous avons faites au cours des six dernières années. Rappelez-vous, quand on a fait les ordonnances Pénicaud en 2017 pour encadrer notamment les indemnités de licenciement, fixer un barème et rassurer les employeurs, lorsqu'on a baissé l'impôt des sociétés de 33,5 à 25%, d'ailleurs en ayant plus de recettes après qu'avant, en faisant de la simplification administrative, on a attiré des investisseurs qui viennent essentiellement d'Europe - il y a beaucoup d'investisseurs allemands - mais qui viennent aussi des Etats-Unis, qui viennent du Canada, qui viennent également d'Asie, du Japon, de Thaïlande, des pays de l'ASEAN et des Emirats arabes unis ou encore d'autres pays du Moyen-Orient.

Q - Comment vous leur vendez la France ? Qu'est-ce que vous leur dites, en quelques mots ? Hors technique.

R - En quelques mots, c'est le pays aujourd'hui dans lequel vous avez à la fois la garantie d'avoir une fiscalité modérée et un droit du travail qui aujourd'hui est dans la moyenne de ce qu'on fait au niveau de l'OCDE, en termes notamment de flexibilité et de sécurité, et vous avez également une prévisibilité ; c'est-à-dire qu'on s'est engagé à ne pas changer les règles du jeu en cours de jeu. Parce que c'est ce qui faisait souvent un peu le défaut de notre pays, c'est-à-dire que les gens investissaient, et deux ans après on changeait la règle, avec de nouvelles lois etc. Là, on a une prévisibilité. Nous avons aujourd'hui deux atouts, qui ne sont pas d'ailleurs des atouts simplement conjoncturels, mais qui sont structurels : le premier atout, et il est important, c'est le prix de l'énergie. Nous avons, malgré la conjoncture ; grâce à notre parc nucléaire, un prix de l'énergie qui pour la décennie qui vient restera certainement plus compétitif...

Q - Le nucléaire rassure les entreprises qui veulent venir s'installer dans un pays ?

R - Oui, bien sûr, parce que quand on compare par exemple la France à l'Allemagne, on sait aujourd'hui que la France, grâce au nucléaire, aura dans les dix prochaines années, et certainement au-delà par ce qu'on réinvestit dans le parc nucléaire, un prix de l'énergie qui sera plus faible que ce que l'on peut avoir chez nos voisins. Nous avons encore aujourd'hui un réservoir de talents, avec de la formation professionnelle, avec des personnes qui veulent entrer sur le marché du travail, et un système de formation, que ce soit pour les ingénieurs, - on va former 50.000 ingénieurs, d'ici à 2030- on fait la réforme du lycée professionnel, pour faire en sorte d'avoir des métiers qui permettront demain, aux entreprises, d'avoir des salariés bien formés, dans tous les domaines, y compris dans l'industrie.

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L'engagement du Président de la République, c'est de dire on va passer de 18 mois à 9 mois, et pas 10 ans, lorsqu'on implante une usine, c'est vrai qu'on a beaucoup de procédures...on va y arriver ! Il y a une obligation de résultats, c'est l'engagement qu'on prend. On va le faire de manière très claire : d'abord, en maniant des procédures parallèles, c'est-à-dire qu'aujourd'hui, lorsque vous allez prospecter sur un terrain, il faut faire des études de dépollution des sols, des études environnementales, des études archéologiques etc. et ensuite seulement, le permis de construire. Là, on va dire : on va tout instruire en parallèle, on va tout faire en parallèle, et au bout de 9 mois, entre le début du dépôt du dossier, et le début de la construction d'usine, il faut qu'il y ait un maximum de 9 mois qui se soit écoulé.

Q - Olivier Becht, on a une double ambition, exprimée par Emmanuel Macron : la France reste attractive mais aussi il faut qu'elle se réindustrialise... Pardon, mais comment on remplace les Chinois ? Vous comprenez ce que je veux dire ? Puisqu'on est allé fabriquer chez eux, ou en tout cas on leur a demandé de fabriquer pour nous pendant des années, comment on les remplace aujourd'hui ?

R - Cela va de pair, c'est-à-dire que la réindustrialisation passe en partie par l'attractivité. La réindustrialisation, qu'est-ce que c'est ? C'est rouvrir des usines. Ça tombe bien, depuis 2017, on a rouvert plus de 300 usines. On a inversé le mouvement. On a passé 30 ans à supprimer davantage d'usines et d'emplois industriels qu'on n'en créait. Là, le mouvement est inversé. On recrée plus d'usines et d'emplois industriels qu'on n'en détruit.

Q - Sauf qu'on a un problème, c'est que quand on fait des implantations, en France, visiblement, on crée moins d'emplois, et je n'ai toujours pas compris pourquoi.

R - Ça, c'est une autre chose... En réalité, la plupart des projets sont des projets d'extension d'usines, en attractivité, ce sont des projets d'extension d'usines existantes, où on rajoute un peu de foncier, ...ce n'est pas ce qu'on appelle du greenfield, c'est-à-dire du champ vert, où vous partez de zéro et vous réimplantez une usine. C'est ce qu'on fait également en matière de relocalisation : là, on implante de nouvelles usines. Simplement, il faut le foncier. Comme vous le savez, en France, on a voté le " zéro artificialisation des sols ", ce qui est un frein, puisque c'est plus difficile de faire quelque chose à partir de zéro. C'est la raison pour laquelle le Président de la République a annoncé, cet après-midi, que nous allons réhabiliter à peu près 100.000 hectares de friches qui permettront, justement, en les dépolluant, d'installer directement des usines sur du foncier directement disponible.

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La réalité, c'est que quand on investit, on investit pour dix ans, quinze ans. On n'investit pas parce qu'il y a un mouvement social pendant quinze jours... De plus, les gens savent qu'en France on a une culture de la démocratie sociale qui, parfois, s'exprime dans la rue, de temps à autres... La réalité, c'est que les investissements se font sur le temps long. Et à partir du moment où les fondamentaux, comme on l'a dit, sur la fiscalité, le droit du travail, le prix de l'énergie, les talents, la formation des gens, tout cela est au rendez-vous, il n'y a pas de raison que les investissements ne se fassent pas. J'avais encore ce matin un investisseur qui envisage un investissement de 3 à 4 milliards d'euros dans notre pays... voilà, et cela se fait au sortir du mouvement social...

Q - Avec de la création d'emplois ?

R - Avec de la création d'emplois. Alors là, pour le coup, c'est du greenfield, comme on dit, c'est-à-dire que c'est un investissement et non l'extension d'un investissement existant. C'est une implantation d'usine nouvelle. Ce sont des choses extrêmement positives. Ils n'ont pas été découragés par le mouvement social.

Q - Le Président a choisi d'aller demain à Dunkerque pour confirmer l'arrivée d'un géant de la batterie électrique, taïwanais.

R - Tout à fait.

Q - Entrée en service prévue pour 2026. On a la main d'oeuvre pour ça, en France ?

R - Oui, on a la main d'oeuvre. Particulièrement dans la région du Nord, où on a un taux de chômage qui est encore entre 10 et 12%, largement supérieur à la moyenne nationale. On a de la main d'oeuvre, il faut la former, il faut bien la former ; nous allons le faire, nous avons les dispositifs nécessaires, et ça permet justement d'avoir des emplois. Ce n'est pas la seule gigafactory de batteries qu'on va avoir... il y a Verkor, qui, lui, est français, il n'a pas que des Taïwanais... Il y aura quatre gigafactories de batteries dans le Nord. On a la main d'oeuvre, et on fera en sorte, même si c'est 3000 emplois par gigafactory, que la ressource soit là. C'est, encore une fois, une très bonne nouvelle, pas simplement pour la France, mais pour les territoires. La moitié des projets, vous le disiez tout à l'heure en disant c'est l'Île-de-France, mais la moitié des projets vont dans les territoires ruraux, dans les sous-préfectures, dans les villes moyennes, là, où l'on dénonçait, il y a quelques années, la fameuse fracture territoriale. Donc, c'est très bon également pour l'emploi, c'est très bon pour les territoires (...).


source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 mai 2023