Texte intégral
Mesdames, Messieurs les élus,
Officiers, sous-officiers, caporaux-chefs, caporaux, clairons et légionnaires, personnels civils piroguiers du 3e régiment étranger d'infanterie,
Camopiennes, Camopiens,
L'adjudant-chef Guy Barcarel était profondément Guyanais. Il était l'enfant d'une civilisation multiséculaire qui foule cette terre amazonienne depuis aussi longtemps que la mémoire des Hommes puisse se souvenir. Il voguait sur un fleuve qui a bercé tant de ses ancêtres avant lui et dont il connaissait chaque méandre. Chef coutumier des Tekos de Camopi, il avait reçu la mission de faire vivre le rite millénaire de sa coutume, et plus encore, des cultures amérindiennes et bushinenge au sein du grand conseil coutumier, dont il était un membre éminent et respecté.
Et parce qu'il était profondément Guyanais, l'adjudant-chef Guy Barcarel s'était engagé au service de la Patrie.
Pour défendre sa terre, donc son pays.
Car ici, dans ces forêts qui virent naître les cultures amérindiennes et donne son souffle à l'Humanité : ceux qui défendent la terre et le fleuve contre les dévastations de l'orpaillage sont des soldats de la France.
Ici en Guyane, les forces françaises défendent notre territoire contre les assauts d'orpailleurs sans morale qui pillent cette terre, la détruisent, la polluent, et tuent nos soldats pour quelques grammes d’or.
Onze Français sont morts depuis 2008 pour défendre l'intégrité de l'Amazonie française contre les garimpeiros. L'adjudant-chef Guy Barcarel est le dernier d'entre eux.
Engagé comme sous-officier commissionné au titre du 3e régiment étranger d'infanterie le 1er janvier 2016, Guy Barcarel était un homme qui ne faisait qu'un avec la terre sur laquelle il vivait. Ici à Camopi, à la lisière de la forêt et sur les rives de l'Oyapock, il avait appris depuis son plus jeune âge à vivre et à aimer cette Amazonie qui l'avait vu naitre, grandir, et dans laquelle il s'était accompli en tant qu'homme. Lui qui, comme nul autre, connaissait chaque plante, chaque animal, chaque crique, où, sur les bords du fleuve dialogue un monde amphibie tantôt jaillit de l'eau, tantôt apparu derrière l'ombre d'un arbre.
Ici la vie s'apprend.
Guy Barcarel en était le plus illustre professeur.
Il avait fait le choix de mettre ses connaissances au service du succès des armes de la France. En s'engageant sous nos couleurs, il était devenu indispensable à la bonne exécution des missions conduites par les légionnaires du 3e régiment étranger d'infanterie, pour aller – comme le dit la devise – "là où les autres ne vont pas".
L'adjudant-chef Guy Barcarel ne ménageait ni sa peine, ni ses conseils pour remplir sa mission.
Parce qu'il avait le sens du devoir. Et parce que les missions de lutte contre l'orpaillage illégal le mobilisaient plus que nul autre. Car sa mission de soldat rejoignait sa responsabilité de chef coutumier : celle de protéger les populations amérindiennes qui subissent en premier lieu les outrages de l'orpaillage.
Son engagement, sa discipline et son sérieux l'ont rapidement conduit à devenir chef des piroguiers de la base opérationnelle avancée de Camopi.
Le 7 mai dernier, l'adjudant-chef Guy Barcarel s'est engagé dans une ultime mission de
reconnaissance sur la rivière, avec la gendarmerie de Guyane.
Alerté de l'activité suspecte d'une pirogue, il s’est immédiatement lancé dans son embarcation, exécutant quelques manœuvres pour s'engager sur l'eau : il maîtrisait mieux que personne ces gestes qu'il avait faits tant de fois. La navigation était pour lui un art. En l'observant commander sa pirogue, un inconnu aurait pu croire à une savante chorégraphie, où chaque mouvement avait un sens et un effet de rapidité et de vélocité, qui donnait l'impression que cet homme volait sur l'eau.
Mais l'adjudant-chef Guy Barcarel savait aussi que le fleuve et la rivière recelaient mille pièges, que nul ne peut déjouer. Chaque ombre, chaque méandre peut emporter un homme dans un naufrage.
Ce dimanche 7 mai 2023, la rivière fit jaillir un obstacle devant sa pirogue. Il fut emporté dans la rivière Camopi.
Ce dimanche 7 mai 2023, l'adjudant-chef Guy Barcarel est mort en accomplissant sa mission.
Légionnaires,
Votre frère d'armes, a rejoint ceux de vos camarades, qui, fidèles au serment de Camerone ont exécuté leur mission jusqu'au bout, au péril de leur vie. Il rejoint les héros de la Patrie dont on dit qu'ils sont tombés mais qui, chaque fois, ont élevé la France.
Il rejoint dans la gloire les dix soldats et gendarmes morts avant lui dans l'opération Harpie. Ces Français qui se sont sacrifiés pour défendre le sol de Guyane des outrages que des orpailleurs sanguinaires mènent ici : détruisant à coup de pioche ce que la Nature a mis des millénaires à nous offrir, répandant le mercure qui annihile la vie partout où il se diffuse.
L'adjudant-chef Guy Barcarel rejoint la cohorte de ces soldats français qui se sont battus pour d'autres Français. Ici en Guyane, cela signifie défendre la forêt et les fleuves.
Camopiennes, Camopiens,
Je sais que vous pleurez votre chef coutumier avec la fierté triste qui accompagne le souvenir de celui dont le destin fut le sacrifice suprême en défendant cette terre qui renferme le trésor de votre culture.
Entourez sa compagne et ses enfants. Dites-leur combien son courage était grand. La Nation tout entière qui, en ce jour, lui rend hommage, se joint à vous, pour ne jamais oublier son sacrifice.
Et depuis ce village de Camopi, je veux faire résonner ces mots dont l'écho se diffusera dans le coeur de tous les Français qui, comme lui, servent et aiment leur pays :
Honneurs à l'adjudant-chef Guy Barcarel,
mort pour le service de la République !
Vive la République !
Et vive la France !
Source https://www.defense.gouv.fr, le 23 mai 2023