Interview de M. Clément Beaune, ministre chargé des transports, à France Info le 25 mai 2023, sur les liaisons en avion interdites à travers la France en cas d'alternative en train à moins de 2 heures 30, le développement de l'offre ferroviaire et la voiture électrique.

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Média : France Info

Texte intégral

MARC FAUVELLE
Bonjour Clément BEAUNE.

CLEMENT BEAUNE
Bonjour.

MARC FAUVELLE
Une première mondiale, c’est ainsi que le gouvernement s’est félicité d’une mesure qui vient d’entrer en vigueur, depuis cette semaine les liaisons en avion sont interdites à travers la France s’il existe une alternative en train à moins de 2 heures 30, et pourtant, en ce moment même, des passagers sont en train d’embarquer à Roissy, l’un des deux aéroports franciliens, en direction de Lyon, qui se trouve à moins de 2 heures 30 en train, pourquoi ?

CLEMENT BEAUNE
Parce que le système effectivement a été conçu pour interdire très concrètement trois lignes, c’est le résultat de cette mesure, qui je le confirme est appliquée dans aucun autre pays en Europe et dans le monde, ce sont les liaisons entre Bordeaux, Nantes, Lyon et Orly, l’aéroport d’Orly, et pour Roissy il y a effectivement un système qui est particulier parce que vous avez parfois besoin de prendre une correspondance, quand vous êtes par exemple à Lyon et que vous allez à Roissy, pour ensuite aller voyager au niveau international, c’est aussi important pour développer les relations économiques, pour une clientèle notamment d’affaires. Mais je veux être très clair, le dispositif, parce que j’entends une petite musique qui dit en fait tout ça pour ça, bon ! d’abord, c’est parce que cette mesure était prévue que les lignes ont été fermées par les compagnies depuis parfois quelques mois…

MARC FAUVELLE
Oui, parce que les trois lignes dont vous venez de parler, Orly-Nantes, Orly…

SALHIA BRAKHLIA
Bordeaux.

MARC FAUVELLE
Bordeaux, et Orly-Lyon, elles sont déjà fermées depuis trois ans.

CLEMENT BEAUNE
Pardon, mais elles n’ont pas été fermées par l’opération du Saint-Esprit, elles ont été fermées parce que cette mesure elle a été décidée et qu’elle a mis quelques semaines à se mettre en place juridiquement…

MARC FAUVELLE
Ça fait trois ans.

CLEMENT BEAUNE
Oui, d’abord parce que, il faut expliquer les choses, il fallait négocier avec l’Europe, parce qu’il y a un marché intérieur avec des règles communes, c’est une dérogation, on est le seul pays en Europe, le seul pays en Europe, à avoir appliqué cette mesure.

SALHIA BRAKHLIA
Non, mais pardon Clément BEAUNE, ce n’est pas une arnaque…

CLEMENT BEAUNE
Non, non.

SALHIA BRAKHLIA
Parce qu’en fait là, ce que vous faites, vous interdisez les vols entre Orly et Lyon mais pas entre Roissy et Lyon, pardon pour les Franciliens qui nous écoutent, mais ça reste des aéroports parisiens, donc finalement c’est que de la com.

CLEMENT BEAUNE
C’est quand il y a une liaison, quand il y a une alter… non, alors non. Est-ce qu’on peut dire, de temps en temps dans notre pays, qu’on fait quelque chose collectivement de bien ? on est les seuls à faire ça. Ça commence par trois lignes. On assume que pour les correspondances, c’est ça le sujet, à l’aéroport international français, principal, qui est celui de Roissy, on ne casse pas, aujourd’hui, ces liaisons aériennes-là, parce que sinon des villes comme Lyon, des villes comme Bordeaux, elles ont des besoins pour leur développement économique, sinon vous n’avez pas des grandes entreprises qui s’implantent à Lyon et à Bordeaux si vous n’êtes pas connecté à Roissy, parce que là il n’y a pas d’alternative ferroviaire en moins de 2 heures 30, c’est ça la règle.

MARC FAUVELLE
Un autre exemple…

CLEMENT BEAUNE
Et pardon, on ira plus loin, je le dis, on ira plus loin, on ira plus loin.

MARC FAUVELLE
C’est-à-dire ?

CLEMENT BEAUNE
Cette liste elle va être revue deux fois par an pour regarder si l’offre ferroviaire s’améliore, ma responsabilité de ministre des Transports c’est justement d’améliorer les connexions ferroviaires pour que de plus en plus cette règle des 2 heures 30 aboutisse à fermer des lignes aériennes et peut-être qu’on durcira progressivement, peut-être qu’on durcira progressivement aussi cette règle des 2 heures 30 pour l’amener vers par exemple 3 heures, mais je le dis…

MARC FAUVELLE
Ou 4 heures, comme l’avaient demandé les conventionnaires des citoyens…

CLEMENT BEAUNE
Oui, c’est possible, mais il faut développer le ferroviaire en parallèle…

MARC FAUVELLE
Justement, prenons un autre exemple Clément BEAUNE, si vous permettez…

CLEMENT BEAUNE
On pose un cadre, on ferme trois lignes, et on va continuer, et je le confirme, on est les seuls à faire ça, ce n’est pas du tout un gadget, j’espère que plusieurs pays européens suivront cette mesure, et nous on l’améliorera et on la fera grandir.

MARC FAUVELLE
Vous parliez de Lyon, autre exemple, justement il y a toujours des vols entre Lyon et Marseille, alors que la distance entre les deux villes en train est inférieure à 2 heures 30, cette fois c’est parce qu’il n’y a pas assez de trains disponibles entre ces deux villes, est-ce que vous allez demander au patron de la SNCF d’en ajouter ?

CLEMENT BEAUNE
Et oui, on va développer les offres ferroviaires, entre les grandes métropoles françaises de manière générale, je vais vous dire Marc FAUVELLE, je ne vais pas faire de la démagogie, les TGV on n’en n’a pas dans le hangar, il y a 800 TGV en France, ils roulent tous, et d’ailleurs on l’a vu, l’été parfois il y a une demande qui n’est pas complètement satisfaite, donc c’est un investissement, dans des rames de trains, dans des nouvelles de liaisons. Je prends un exemple, la ville de Toulouse, l’immense majorité des trajets avec la capitale, Paris, se fait en avion, pourquoi ? parce que c’est à 4 heures, on va créer une ligne à grande vitesse entre Bordeaux et Toulouse pour raccourcir les distances entre ces deux villes et avec Paris.

MARC FAUVELLE
Mais il y aura donc bien d’autres interdictions dans les mois ou les années qui viennent ?

CLEMENT BEAUNE
D’abord cette règle de 2 heures 30 elle va de facto aboutir progressivement à d’autres fermetures de lignes puisqu’il y aura de plus en plus de lignes ferroviaires qui respecteront cette règle, et puis on peut la faire évoluer.

SALHIA BRAKHLIA
Ça c’est à quelle échéance, parce que c’est une intention, mais à quelle échéance ?

CLEMENT BEAUNE
D’abord, le cadre qu’on a négocié avec l’Union européenne, qui a été validé par le juge, parce qu’il y a des principes constitutionnels aussi, de liberté de mouvement, de liberté d’entreprendre, c’est pour trois ans, et donc ce cadre-là il pourra être revu et durci dans trois ans, et je le dis, parce que ça n’a pas été connu, tous les six mois il y aura une revue des offres ferroviaires et de l’impact sur les lignes. Moi je dis simplement, est-ce qu’on peut vraiment saluer, c’est une mesure qui vient des citoyens, donc…

SALHIA BRAKHLIA
Ce n’est pas la même, ce n’est pas la même proposition de la Convention citoyenne sur le climat.

CLEMENT BEAUNE
Ok, mais je pense que sans la Convention citoyenne cette mesure ne serait pas là, c’est nous qui l’avons votée, c’était courageux, je peux vous dire, pour avoir fait des discussions avec des compagnies aériennes, ça ne les réjouissait pas beaucoup, et je souhaite qu’on la fasse évoluer et que d’autres pays européens, puisqu’on se compare toujours, s’inspirent aussi de ce modèle français qui commence à se déployer.

SALHIA BRAKHLIA
Clément BEAUNE, 58 % des Français disent qu’ils sont prêts à favoriser le train, c’est votre volonté, mais qu’ils trouvent les billets de train trop chers, est-ce qu’ils ont raison ?

CLEMENT BEAUNE
Oui. Alors, il faut un peu différencier, pardon je ne veux pas être trop technique, quand on regarde les trains, dit du quotidien, nos Transilien en Ile-de-France, les Trains Express Régionaux, les TER partout en France, quand je les compare, je ne dis pas qu’il n’y a rien à faire, mais quand je les compare aux coûts européens moyens, on est plutôt assez bas, et notamment le coût réel du train est beaucoup plus élevé que ce que payent les usagers parce qu’il y a des subventions publiques, de l’Etat ou des régions. Ce qui est souvent vu comme cher c’est en effet le train à grande vitesse, parce qu’en France on ne subventionne pas le TGV, et c’est plutôt d’ailleurs le TGV qui finance le reste des lignes. Donc moi deux choses là-dessus. Oui, il faut réfléchir à des initiatives sur les tarifs, j’ai demandé à la SNCF de le faire, notamment sur le TGV, de développer les offres commerciales, pour les jeunes notamment, dans les prochains mois, il y en a un certain nombre, TGV MAX, Carte Avantage, etc., on peut faire mieux, ou développer par exemple le Ouigo. Et puis moi je veux qu’on regarde, il faut faire ce travail Etat et régions, parce que les TER c’est les régions, pour avoir les offres plus lisibles et parfois les offres moins chères, c’est pour ça que j’ai lancé l’idée du " billet unique ", parce qu’il y a le coût, et puis il y a parfois le fait qu’on ne comprend rien, pourquoi un TER dans un sens, de Bordeaux à Toulouse, c’est un certain prix, et de Toulouse à Bordeaux c’est un autre prix, donc on va simplifier ça, ça s’appelle le " billet unique ", et on va avancer là-dessus. Et puis il y a aussi, je le dis, parce que la gratuité on en parle parfois, mais il faut surtout des moyens pour investir dans le ferroviaire, on parlait de toutes les lignes aériennes et ferroviaires, si je veux investir dans le réseau, si je veux investir dans le Paris-Limoges, dans le Paris-Clermont, qui sont sinistrés, il faut des moyens, et donc ma propriété c’est d’utiliser cet argent public pour investir plus dans le réseau et dans nos nouveaux trains.

MARC FAUVELLE
Toujours avec le ministre des Transports Clément BEAUNE. Le gouvernement prépare la France à un scénario de réchauffement de 4 degrés en 2100. Est-ce que d’ici-là tous les trains par exemple, toutes les gares seront climatisées ?

CLEMENT BEAUNE
Oui, alors vous voyez le paradoxe : la climatisation, c'est un des sujets qui créent…

MARC FAUVELLE
Qui réchauffe l’atmosphère.

CLEMENT BEAUNE
Donc il faut être prudent et raisonnable là-dessus. Maintenant, il faut là aussi être juste. Qu’est-ce qui est climatisé aujourd'hui dans les trains français ? Les TGV. Sauf des problèmes techniques mais enfin les TGV sont tous ouverts techniquement à la climatisation. C'est le cas aussi des trains Intercités, les grandes lignes hors TGV. Ce n'est pas le cas de tous les TER même si on est proche de 90% aujourd'hui, les régions investissent beaucoup. Donc oui, il faut que, c'est le programme d'ailleurs de la plupart des régions, tous nos TER deviennent climatisés, qu'on ait ensuite des techniques qui fassent que ça ne consomme pas beaucoup et puis surtout qu'on ne mette pas la climatisation systématiquement. Mais quand vous avez des trains qui sont bondés parfois - c'est le quotidien - et qui ne sont pas climatisés, on ne va pas expliquer aux gens qu'on ne va pas faire cet effort.

MARC FAUVELLE
Et les gares ?

CLEMENT BEAUNE
Et les gares, là aussi les trains, parce que c'est là qu'en général il y a le plus d'accumulation et on reste le plus longtemps, les gares c'est souvent des espaces ouverts donc ça dépend des configurations. Ça ne sera pas systématique. Les trains, il faut que ce soit systématique : TGV, Intercités et TER, et puis en Ile-de-France parce que c'est quand même l'essentiel de nos transports publics en France, les Transilien sont aujourd'hui climatisés pour à peu près les deux tiers d'entre eux. Les nouvelles rames, je sais qu'il y a des discussions avec la région Ile-de-France sur le RER B en ce moment, mais les nouvelles rames seront progressivement en effet toutes climatisées.

SALHIA BRAKHLIA
Avec un scénario à plus 4 degrés en 2100, les rails et les caténaires peuvent se dilater sous l'effet de la chaleur, ça on le sait. Lorsqu’il fait 30 degrés, on estime que le rail monte jusqu'à 58 degrés et ça, c'est problématique. Est-ce qu'on est sûr que le réseau va tenir ?

CLEMENT BEAUNE
Oui, mais c'est aussi pour ça que moi j'en ai fait la priorité. Vous parliez des prix, il faut des moyens pour investir sur le réseau et le réseau ferroviaire français, c'est ce qu'on ne voit jamais. Quand vous êtes dans un train, vous ne faites pas trop attention aux rails ou aux caténaires qu’il y a au-dessus, c'est normal. Ça n'intéresse souvent pas beaucoup de politiques. Moi j'en fais une priorité parce que ce qui fait que vous avez des retards sur des lignes qui créent un sentiment de déclassement chez beaucoup de Français - je parlais du Paris-Clermont, du Paris Le Havre où les temps de trajet se sont allongés, où le réchauffement climatique peut encore aggraver les difficultés ou les intempéries plus nombreuses - eh bien c'est le réseau et c'est le fait qu'on ait aujourd'hui le réseau le ferroviaire le plus ancien, le plus vieux d'Europe. Deux fois l'âge moyen du réseau allemand.

SALHIA BRAKHLIA
Il faut le moderniser mais pour ça, il faut de l'argent. Un plan à 100 milliards, vous allez le financer comment ?

CLEMENT BEAUNE
On a un plan à 100 milliards d'euros sur le ferroviaire, c'est totalement historique, entre maintenant et 2040 parce qu'il faut investir dans la durée. L'une des principales mesures de ce plan, c'est d'investir sur ce réseau ferroviaire. D'ici 2027 on va augmenter de 50%, c'est un milliard et demi d'euros par an pour donner un grand chiffre, c'est le vrai chiffre, d'ici 2027 pour que le réseau soit l'objet d’investissements.

SALHIA BRAKHLIA
Et l’argent, vous allez le chercher où ? C'est les concessions d'autoroutes, c’est l’aérien aussi ?

CLEMENT BEAUNE
D’abord il y a un certain nombre de moyens dans le budget de l'Etat évidemment. On va travailler avec les régions. A partir de la semaine prochaine, on va négocier des contrats entre l'Etat et les régions pour investir ensemble. Et puis vous avez raison, il n’y a pas de tabous là-dessus. La Première ministre l'a annoncé, je le défends : par exemple l’aérien contribuera davantage au financement du train.

SALHIA BRAKHLIA
Ce n’est pas ce que nous a dit Augustin de ROMANET, le PDG d'ADP, Aéroports de Paris. Il a dit : certainement pas. C’était sa réponse.

CLEMENT BEAUNE
Ecoutez, je crois que c'est le Parlement qui vote les lois et les taxes en particulier. Donc on aura ce débat dans le budget qui vient et dans les budgets suivants, mais oui je pense qu'il serait juste d'avoir une contribution sur les billets d'avion en particulier, sur ces billets notamment les billets de classe affaires, les billets de 1ère classe. Franchement, on peut payer un peu plus cher, ça ne sera pas un drame social je pense, pour financer la transition écologique. Quand j'ai défendu la taxation des jets qu'on a mise en place en 2023, qu’on va renforcer en 2024, c'est aussi pour dégager quelques centaines de millions d'euros supplémentaires pour la transition écologique. Il faut qu'on soit cohérent. On ne peut pas dire quand on réserve ses vacances, le train est parfois plus cher que l'avion et ne pas prendre des mesures pour favoriser le train, investir et le rendre plus compétitif.

MARC FAUVELLE
Sur la voiture, Emmanuel MACRON veut revoir les règles du bonus écologique pour l'achat d'une voiture électrique. Est-ce qu'il faut continuer à le verser aux constructeurs américains et chinois ce bonus, pour l’achat d'une voiture américaine ou chinoise ?

CLEMENT BEAUNE
La réponse est non. Le but c'est évidemment d'avoir non seulement un parc de voitures électriques qui se développe mais de le faire aussi de manière souveraine, c'est-à-dire avec des véhicules qui soient produits en France et en Europe.

MARC FAUVELLE
Je prends un exemple : TESLA fabrique une partie de ses voitures en Allemagne aujourd'hui. Donc TESLA - c'est une voiture plutôt très chère - pourra continuer à toucher la subvention.

CLEMENT BEAUNE
Alors dans le bonus écologique, il y a deux types de règles. Il y en a qui existent aujourd'hui, évidemment, c'est des choses qui sont sous conditions de ressources. Vous avez un bonus écologique, c'est normal, qui est plus élevé quand vous êtes un ménage modeste et on ne finance pas toutes les voitures, notamment pas les voitures de luxe. Donc il y a un plafond…

MARC FAUVELLE
Aujourd'hui TESLA a baissé le prix de ses voitures.

CLEMENT BEAUNE
Il y a un modèle de TESLA, je crois, qui est éligible au bonus écologique.

MARC FAUVELLE
Ça vous choque que TESLA, qui est quand même une voiture pour gens très aisés, puisse bénéficier d'une aide à l’achat ?

CLEMENT BEAUNE
C’est un des débats qu'on aura d’ici le budget pour savoir si le plafond du bonus doit être un peu abaissé ou pas. C'est un vrai débat. Mais le sujet de fond, c'est qu'on ait des véhicules abordables qui soient produits en France et en Europe. Ce n'est pas le cas aujourd'hui.

SALHIA BRAKHLIA
Pardon Clément BEAUNE, je n’ai peut-être pas la bonne information mais le plafond pour les véhicules éligibles au bonus, c'est 47 000 euros.

CLEMENT BEAUNE
Oui.

SALHIA BRAKHLIA
Ce n’est pas des petites voitures, c'est des voitures onéreuses quand même.

CLEMENT BEAUNE
Bien sûr. Alors 47 000 euros, c’est ce que je viens de répondre, ça peut baisser dans le temps, mais surtout aujourd'hui quelle est la réalité ? C'est que la voiture électrique même avec des aides, c'est un produit de luxe et qu’il n’y a pas, très peu de modèles de voitures qui sont dans des prix beaucoup plus abordables, par exemple autour de 15 000 euros qui est une aide devient un prix beaucoup plus modeste. Pourquoi ? Parce qu'on ne les produit pas en France et en Europe, et les seuls véhicules électriques à peu près abordables pour des familles modestes, pour des classes moyennes, ce sont les modèles chinois. Et aujourd'hui, presque la moitié des bonus, il faut le savoir, qui est l'argent des contribuables, il va à des modèles non-européens et notamment chinois. Et donc on va mettre en place, c'est ce qu'a annoncé le président de la République, une règle qui fait qu'on tient compte du critère environnemental. Quand vous produisez une voiture en France et en Europe, c'est beaucoup moins polluant qu’un véhicule chinois, donc ça va recentrer le bonus sur ces modèles, et puis il faut aussi que ces modèles ils soient produits. Aujourd'hui il y a peu de modèles abordables produits par RENAULT ou STELLANTIS. Ça va commencer à partir de 2024.

MARC FAUVELLE
Il y a un autre critère pour pouvoir bénéficier du bonus écologique, c'est le poids de la voiture. Aujourd'hui, il faut qu'elle pèse moins de 2,4 tonnes, ce qui paraît énorme. Tous les spécialistes disent que c'est une aberration car plus la voiture est lourde, plus elle pollue pour sa fabrication et une fois qu'elle est sur la route. Est-ce que vous allez revoir ce plafond ?

CLEMENT BEAUNE
Alors oui, je pense qu'il faudra le revoir progressivement. Il a déjà été revu dans le temps. Mais là aussi, moi je vais être très transparent, ce plafond il fait qu’il y a un certain nombre de modèles français et européens qui peuvent être éligibles et qui permettent d'investir pour développer des modèles abordables dans les années qui viennent. Donc moi, je ne veux pas qu'on sacrifie une filière automobile française et européenne dont on a besoin pour avoir des véhicules abordables. Donc ça se fera, c'est le sens de l'histoire, progressivement d'avoir un critère de poids qui peut-être pas tout de suite mais dans les années qui viennent, changera.

SALHIA BRAKHLIA
Clément BEAUNE, la France est soupçonnée par Bruxelles d'avoir soutenu illégalement, c'est-à-dire sans respecter les règles de bonne concurrence, la filiale de la SNCF chargée du transport de marchandises. En jeu, plus de 5 milliards d'euros. Est-ce que la SNCF va devoir les rembourser ?

CLEMENT BEAUNE
Non. Je me bats pour que la SNCF, FRET SNCF, l'entreprise de la SNCF qui fait du transport ferroviaire de marchandises, du fret, n'ait pas à rembourser ces 5 milliards d'euros. Il faut le dire très clairement. C'est la survie de FRET SNCF, du fret ferroviaire public en France, qui est en jeu et donc il y a deux solutions. Soit je pourrais faire ce choix démagogique, il y aurait : je passe le ballon au suivant, on verra bien. Les procédures européennes, on le sait, c’est assez long et puis peut-être que dans un an, deux ans, trois ans d'autres auront à constater que FRET SNCF doit rembourser 5,3 milliards d'euros et donc licencie 4 800 personnes et arrête. Je ne veux pas de ça et donc je prends dès maintenant les décisions, et j'assume d'avoir une discussion avec les autorités européennes, pour qu'on ait une solution qui préserve les emplois, le fret ferroviaire public et qui ne fait pas de report du rail vers la route.

SALHIA BRAKHLIA
Votre solution, c’est de démanteler le fret SNCF pour la remplacer par une autre structure ?

CLEMENT BEAUNE
Il y aura une autre structure.

SALHIA BRAKHLIA
Oui. Pourquoi ne pas avoir contesté la procédure ? En fait vous vous êtes dit : c'est perdu d'avance, autant agir tout de suite ?

CLEMENT BEAUNE
Non, il y a eu un dur combat, plusieurs mois de discussions pour éviter une procédure, et cette procédure elle est là, c'est la réalité. Donc moi, je ne veux pas jouer à la roulette russe ou, pardon, à la roulette belge parce qu'en fait, oui, il y a six balles dans le barillet et la chance de perdre, ou malheureusement le risque de perdre, est malheureusement extrêmement élevé. Et donc je ne sais pas dire les yeux dans les yeux aux salariés du fret SNCF : écoutez, moi je joue votre avenir comme ça sur un jeu de dés dans une négociation avec Bruxelles. Je fais la négociation maintenant parce que si on trouve un accord maintenant, on donne un avenir au fret ferroviaire, on enlève l'incertitude. Il y aura des clients, il y aura du fret ferroviaire qui va se développer et il est en train de se redévelopper, parce qu'à côté de ça on réinvestit dans le fret ferroviaire là aussi de manière massive dans le plan des 100 milliards.

MARC FAUVELLE
La nouvelle filiale va devoir renoncer à une partie de son activité et notamment à un train qui est devenu un peu symbolique ces dernières années, c'est le train des primeurs qui relie Perpignan à la région parisienne et à Rungis, au marché international. Est-ce que ce train va continuer à rouler, sachant qu'il a déjà eu quelques difficultés pendant l'épisode des retraites ?

CLEMENT BEAUNE
Je vais être très clair, ce train, oui, il continuera à rouler. C’est le combat que je mène.

MARC FAUVELLE
Mais sous pavillon privé désormais, c’est ça ?

CLEMENT BEAUNE
Alors deux choses. D'abord c'est nous qui l'avons relancé ce train. C'est en 2021 Jean CASTEX qui a relancé ce train Perpignan-Rungis. Pour ceux qui nous disent : vous sacrifiez le train, on l’a rouvert. 2/ Il a connu des difficultés ces dernières semaines et ces derniers mois, principalement, soyons honnêtes, à cause des mouvements sociaux. On l’a, là aussi, relancé dès le mois de mai, dès la fin de l'essentiel des mouvements de grève. Oui, il va continuer et on verra quel opérateur le fait mais il y aura un train des primeurs qui assurera la liaison entre Rungis et Perpignan.

MARC FAUVELLE
Avec un opérateur privé ?

CLEMENT BEAUNE
Avec un opérateur pas forcément privé mais qui ne sera pas forcément, qui ne sera probablement plus pour être très clair, FRET SNCF. Ça peut être un autre opérateur public ou privé. Je vais dire, tous ceux qui disent aujourd'hui : le train des primeurs est sacrifié, 1/ c'est faux et 2/ de toute façon, il y avait un contrat qui s'arrêtait dans quelques mois donc il fallait de toute façon trouver un nouvel opérateur pour ce train des primeurs. Et moi la garantie que je prends…

SALHIA BRAKHLIA
Si c’est privé, comment vous pouvez le garantir ?

CLEMENT BEAUNE
Vous savez que ce train, il est en fait assez largement subventionné. Et donc si l'Etat investit dans ce train, ce train continuera à rouler et c'est l'engagement que je prends parce que, vous l'avez dit, ce train c'est un symbole, mais en plus il entraîne un certain nombre d'autres trains de fret. On va continuer.

MARC FAUVELLE
Clément BEAUNE, ministre des Transports. Dans un instant, on va parler d'une promesse du candidat Macron : la voiture en location, la voiture électrique en location à 100 euros par mois. Vous nous direz où on est aujourd'hui et si elle verra bientôt le jour en France.

(…)

MARC FAUVELLE
Toujours avec le ministre des Transports, Clément BEAUNE, une voiture électrique en location à 100 euros par mois, c'est le système de leasing social, que le gouvernement promis de mettre en place, c'est pour quand ?

CLEMENT BEAUNE
C’est pour la fin de l'année, le président de la République l'avait confirmé au moment du Mondial de l'auto, l'idée, c'est que l'automne prochain, sans doute au mois de novembre, on pourra commencer à faire des réservations, et que les véhicules qui seront éligibles à ce leasing social, 100 euros pour les ménages les plus modestes, seront disponibles à partir à partir de l'an prochain physiquement.

MARC FAUVELLE
Combien de voitures ?

CLEMENT BEAUNE
Et ça montera en charge progressivement, parce que là aussi, on a mis en place le même critère, c'est-à-dire que c'est une production française et européenne qu'on veut encourager, et donc ce sera sans doute en 2024, d'abord, quelques milliers de véhicules…

MARC FAUVELLE
Donc ce sera peut-être la petite Zoé.

CLEMENT BEAUNE
Oui, ça peut être la petite Zoé, je ne vais pas faire de la publicité, mais enfin, ce sont des constructeurs français, donc allons-y, la R5 électrique par exemple, eh bien, c’est des productions qui montent en puissance, donc il faut qu'il y ait le dispositif d'un côté et la production française et européenne de l'autre, qu'on encourage aussi par tous les investissements qu'on faits, notamment sur les batteries électriques.

MARC FAUVELLE
Est-ce qu'il faudra verser une somme au départ, comme c'est le cas aujourd'hui, pour le leasing ?

CLEMENT BEAUNE
Alors, il y a des paramètres qui sont encore en discussion, le but c'est que ça soit très simple, sur une plateforme qui soit en ligne, on recourt aux sociétés de leasing qui seront sans doute aidées par l'Etat pour aboutir à ce tarif social très favorable, et qu’il y ait le moins de frais possibles à décaisser, on verra exactement le mécanisme…

MARC FAUVELLE
Mais l’idée, c’est d’éviter ce frein, qu’il n’y ait pas besoin d’engager plusieurs milliers d’euros…

CLEMENT BEAUNE
Exactement, l’idée, c’est que ça soit rapidement, facilement accessible aux ménages les plus modestes, parce que le but, c'est quoi, c'est qu’on produise électrique, qu'on mette des aides pour l'achat de véhicules électriques, mais on l'a dit, ça reste encore parfois assez cher, et donc il y a des gens qui sont exclus du marché de l’électrique, et c'est pour eux qu'on fait le leasing social…

MARC FAUVELLE
Mais il y a un objectif qui a été fixé, on sait combien de personnes ça pourrait concerner ou pas ?

CLEMENT BEAUNE
Alors sur le quinquennat, on sera sans doute autour de 100.000 personnes qui seront concernées, si on peut faire mieux, c'est encore mieux, mais c'est un objectif minimum qu'on s'est fixé progressivement sur le quinquennat.

SALHIA BRAKHLIA
Clément BEAUNE, auditionnée hier par la Commission d'enquête relative aux ingérences étrangères de l'Assemblée nationale, Marine LE PEN s'est défendue d'être sous influence russe, malgré le prêt qu'elle a contracté et qu'elle continue de rembourser à une banque russe, elle assure qu'elle n'aurait jamais signé un prêt si cela l'avait engagée à quoi que ce soit avec Vladimir POUTINE. Est-ce que vous la croyez ?

CLEMENT BEAUNE
Pas vraiment, parce que, ce que je constate en tout cas, c'est que Marine LE PEN reste le meilleur perroquet de Vladimir POUTINE en France, on a fermé Russia Today, on a fermé Sputnik, parce que c'était devenu les organes de propagande purs et simples du Kremlin, maintenant, on a télé Marine, qui est un peu télé Poutine, en réalité, puisque Marine LE PEN, c'est quand même extraordinaire, et extraordinairement grave, a répété, on pensait qu'elle avait changé, on pensait qu'elle se repentait d'avoir cru autre monsieur POUTINE était un grand démocrate et qu'il avait envahi l'Ukraine quasiment à la demande des Ukrainiens, elle a répété qu'elle pensait que l'invasion de la Crimée, c'était un choix démocratique des Ukrainiens…

MARC FAUVELLE
Le référendum…

SALHIA BRAKHLIA
Elle dit, voilà, il y a eu référendum, les Ukrainiens se sont prononcés en 2014, et donc, eh bien, il n’y a aucune raison que la Crimée ne soit pas russe…

CLEMENT BEAUNE
Je crois qu’elle est la seule à croire en France que c'était un vrai référendum dans des conditions démocratiques, bon, et donc Marine LE PEN, en fait, à chaque fois qu'on gratte, et on n'a pas besoin de gratter beaucoup, un tout petit peu de vernis, elle répète la position et la propagande du Kremlin, elle répète des mensonges, et je pense que c'est extrêmement grave, parce que la France, depuis l'après-guerre, tous présidents confondus, 4ème et 5ème République, a défendu le droit international, les principes des Nations-Unies, personne ne reconnaît cette annexion, et Marine LE PEN, tranquillement, devant l'Assemblée nationale, nous redit qu’en fait, elle croit à tout ce que raconte Vladimir POUTINE, c'est gravissime.

MARC FAUVELLE
Mais, est-ce que vous le croyez quand elle dit qu’elle n’a pas eu d’autre choix que de se tourner vers une banque russe parce que les banques françaises et européennes refusaient de lui prêter ?

CLEMENT BEAUNE
Mais, j’allais dire, moi je ne suis pas dans la commission d’enquête, ça ce n’est pas mon problème, ce que je constate c’est qu’en tout cas elle défend systématiquement la position russe, donc je ne sais pas quel est le lien de cause à effet, et peut-être qu’il n’y en n’a pas, à la limite ce qui m’importe c’est de savoir que quelqu’un qui a été trois fois candidat à la présidence de la République, qui semble-t-il pourrait y aspirer de nouveau, dise devant le Parlement français, comme député de la République, que toute la propagande russe est vraie et que l’invasion de la Crimée, le " référendum ", c’est un vrai choix démocratique qui respecte le droit international, ça ne l’est pas et c’est grave de dire le contraire.

MARC FAUVELLE
Un dernier mot sur un sujet dont on a beaucoup parlé, y compris ici même ces derniers jours, finalement l’obligation d’avoir une activité de 15 à 20 heures par semaine pour les allocataires du RSA ne figurera pas dans la loi travail, est-ce que c’est, très clairement, un recul de votre part ?

CLEMENT BEAUNE
Ecoutez non, je ne le crois pas. Il y a une réforme, dont on a beaucoup parlé, je ne suis pas en charge de cette réforme, mais on a dit il y aura du travail forcé, etc., ce n’est rien de tout ça, c’est l’idée d’avoir un accompagnement, de 15 à 20 heures par semaine, formation, réinsertion, c’est ça dont il s’agit…

MARC FAUVELLE
Mais ce n’est pas un enterrement le fait que ça ne soit pas dans la loi du coup, quitte à le faire ?

CLEMENT BEAUNE
Ecoutez, je ne sais pas quel sera le supporter de cette réforme, je sais que cette réforme elle figure dans le programme du président de la République, dans le programme qu’on a porté aux élections législatives, il y a eu beaucoup de fantasmes, mais on a eu raison, Olivier DUSSOPT l’a fait, Elisabeth BORNE l’a fait, de corriger ces mauvaises perceptions et ces fantasmes, et ensuite je ne sais pas dans quel véhicule et à quel moment cette réforme sera pleinement effective.

MARC FAUVELLE
Pardon, Salhia…

SALHIA BRAKHLIA
Non, c’est bon.

MARC FAUVELLE
Pardon. Clément BEAUNE, ministre des Transports, était ce matin l’invité de France Info, merci, bonne journée à vous.

CLEMENT BEAUNE
Merci.


Source : Service d’information du Gouvernement, le 26 mai 2023