Interview de Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques, à France 2 le 31 mai 2023, sur l'ouverture de la Coupe du monde de rugby, la préparation des Jeux Olympiques 2024 et la Coupe du monde de foot féminin.

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Texte intégral

THOMAS SOTTO
Bonjour et bienvenue dans "Les 4V" Amélie OUDEA-CASTERA.

AMÉLIE OUDEA-CASTERA
Bonjour.

THOMAS SOTTO
Dans cent jours pile, on sera le 8 septembre, et on ne parlera que de rugby avec l’ouverture de la Coupe du monde en France et un match entre la France et la Nouvelle-Zélande. Vous savez qu’on parle beaucoup des JO mais est-ce qu’on est prêt pour cette Coupe du monde de rugby qui approche ?

AMELIE OUDEA-CASTERA
On est prêt. Ça va être un magnifique spectacle. Les vingt plus belles équipes de rugby au monde, pendant 51 jours de compétition dans dix villes hôtes, vont être au rendez-vous. Sur la sécurité, avec plus de 3 000 policiers et gendarmes qui vont être mobilisés quotidiennement, on aura près de 10 000 agents de sécurité privés sur l’ensemble de la durée du tournoi. On va être près sur le plan des transports grâce au travail mené avec toutes les régions dans toute la France.

THOMAS SOTTO
Donc, tout est géré, tout est OK pour la Coupe du monde ?

AMELIE OUDEA-CASTERA
On va être au rendez-vous de la billetterie. C’est aussi, je voudrais le souligner, un événement qui est très engagé. Il y aura une Coupe de rugby fauteuil, il y aura un tournoi des quartiers avec des enfants, il y aura une mêlée des choeurs, il y a beaucoup d'initiatives solidaires et il y a cet embarquement de l'ensemble des territoires qui est d’ailleurs très en ligne avec les valeurs du rugby et que je voudrais souligner aussi.

THOMAS SOTTO
Vous avez parlé des billets. Il reste des places ou pas ? On peut encore acheter des billets pour la Coupe du monde ?

AMELIE OUDEA-CASTERA
Alors, il ne reste plus de billets individuels pour le grand public ; il reste encore quelques places d'hospitalité, à peu près 75% est déjà parti, mais il y a une plateforme de revente agréée, dédiée, qui a déjà permis à 85 000 personnes de rééchanger des billets donc de regagner une chance pour pouvoir y assister.

THOMAS SOTTO
Donc, il y a un marché parallèle officiel, on va dire.

AMELIE OUDEA-CASTERA
Officiel, nickel, sur le site tickets.rugbyworldcup.

THOMAS SOTTO
Et c'est abordable au niveau prix ou pas ?

AMELIE OUDEA-CASTERA
Et qui est tout à fait sécurisé qui permet de faire encore quelques heureux élus.

THOMAS SOTTO
Et niveau prix, c’est abordable les billets ?

AMELIE OUDEA-CASTERA
Oui, alors il y a une très grande variété. Ça va de 10 euros, le prix d'entrée, jusqu'à 950 pour les prix les plus élevés dans les moments les plus clé de la finale et les demi-finales. Mais il y a eu un tel engouement ; c‘est des places qui se sont vraiment arrachées extraordinairement rapidement et je suis certaine qu'on va avoir en plus un XV de France qui va nous apporter énormément de bonheur. Je pense que tous les ingrédients sont là.

THOMAS SOTTO
Peut-être un premier titre, on verra bien.
Cette Coupe du monde, elle se fait en tout cas pour un joueur qui s'appelle Mohamed HAOUAS, le pilier du XV de France, qui a été condamné hier à un an de prison pour violences conjugales. Un comportement qualifié d'inadmissible et d’incompatible avec la représentation de notre nation au niveau national et international sur la Fédération française. Selon vous, cette condamnation à un an de prison pour violences conjugales doit-il lui fermer définitivement les portes de l'équipe de France et des terrains de rugby en général ?

AMELIE OUDEA-CASTERA
Alors définitivement, non. Il va purger sa peine et il y a un moment où il faudra aussi pouvoir penser à la suite. Moi, ce que je veux d'abord dire c'est que c'est évidemment un drame pour sa famille est un énorme gâchis. C'est un drame pour cette famille. Moi, je vais avoir une pensée pour sa femme, j'aurai une pensée pour leurs enfants.

THOMAS SOTTO
C’est la victime dans cette affaire.

AMELIE OUDEA-CASTERA
Qui est victime. Une pensée aussi pour les victimes de violences conjugales. Après je voudrais saluer la fermeté du communiqué qui a été fait par la Fédération française de rugby avec les bons mots. Je pense que ce sont des actes de violence qui sont absolument, en effet, inacceptables et inadmissibles.

THOMAS SOTTO
Donc il ne sera pas en bleu pendant la Coupe du monde, on est d'accord ?

AMELIE OUDEA-CASTERA
Et incompatibles avec les valeurs de l'équipe de France, avec les valeurs du rugby d'ailleurs, et avec ce qu'on attend en termes de représentation au niveau national. Donc je suis absolument amenée. Il reviendra à Fabien GALTHIE - le sélectionneur - de s'exprimer définitivement sur ce sujet-là. Mais, oui, je veux saluer à la fois les mots de fermeté de la Fédération française de rugby et aussi ceux de Clermont en termes de valeur. Je pense qu’on en est tous là.

THOMAS SOTTO
Son club qu’il devait rejoindre et qui dit qu’il n’ira pas non plus.

AMELIE OUDEA-CASTERA
C'est un énorme gâchis parce que c'est un joueur qui est talentueux. Il aurait eu certainement sa place dans cette sélection. Mais dans ces circonstances, c'est impossible qu'il porte le drapeau, oui.

THOMAS SOTTO
Donc à cent jours de la Coupe du monde de rugby ; il reste un peu plus de temps avant les jeux de Paris 2024. Qu'est-ce qui vous inquiète et qu'est-ce qui vous rassure en envoyant ces Jeux arrivés ?

AMELIE OUDEA-CASTERA
Qu'est-ce qui m‘inquiète ? On a un compte à rebours qui est extrêmement exigeant, qui est implacable donc chaque journée commence. Mais je pense qu’on est vraiment dans nos temps de passage. On a un collectif qui est au travail ; l'Etat, le comité d'organisation, l'ensemble des collectivités hôtes, le mouvement sportif. Nos athlètes se préparent, performent plutôt bien. Et puis après, ce qui m'inquiète, non ; il faut que…

THOMAS SOTTO
La cérémonie d’ouverture, ça vous inquiète ou pas ? On se dit les choses.

AMELIE OUDEA-CASTERA
C’est un défi très important. On a beaucoup avancé. Je pense que ce sera très beau sur le plan artistique et la sécurité. On a, avec Gérald DARMANIN et Laurent NUÑEZ, une équipe qui est très au travail. Le préfet de la région Ile-de-France qui fait, lui aussi, un travail énorme sur toute la dimension fluviale, on sera au rendez-vous.

THOMAS SOTTO
Il y aura combien de personnes ? Combien de places ? Parce qu'on n'arrive pas à le savoir ; c’est quand même bizarre ça.

AMELIE OUDEA-CASTERA
100 000, pour sûr, sur les quais bas.

THOMAS SOTTO
Ça, c'est payant.

AMELIE OUDEA-CASTERA
La partie payante. Et puis, il y aura plusieurs centaines de milliers sur les quais hauts.

THOMAS SOTTO
Mais combien ? 400 000, 500 000, 600 000 ?

AMELIE OUDEA-CASTERA
En fait, ça dépend de quoi... Oui, on est dans cet étiage-là. On a besoin de bien répartir les choses entre des animations qui seront dans la ville de Paris et ceux qui vraiment verront le spectacle sur la scène. C’est ces ajustements-là. Il y a un travail qui est fait, il y a un travail qui est mené avec la ville de Paris sur la sectorisation de tout ça.

THOMAS SOTTO
Mais on aura quand le chiffre définitif ? Tout ça ne s'improvise pas ; 100 000 personnes de plus ou de moins. C'est le 26 juillet 2024.

AMELIE OUDEA-CASTERA
Je pense qu'on aura, à partir de l'été et de la rentrée, le lancement des travaux sur la billetterie gratuite pour ces quais hauts qui va être piloté par la direction numérique du ministère de l'Intérieur qui permettra d'affiner les choses.

THOMAS SOTTO
Donc là on saura.

AMELIE OUDEA-CASTERA
Mais au global, dans Paris tout compris, c'est probablement près d'un million de personnes qui vont profiter et bénéficier de ce moment extraordinaire.

THOMAS SOTTO
Certains et notamment la Fondation Abbé Pierre s'étonnent d'un projet visant à déplacer en régions les sans-abri le temps des Jeux pour faire place nette en quelque sorte. Est-ce que c'est vrai ? Et qu'est-ce que vous leur répondez ?

AMELIE OUDEA-CASTERA
Alors, vous me posez la question de ce qui m'inquiète ; ce genre de choses m'inquiète parce que je ne voudrais surtout pas qu'on mélange tout. On a des enjeux qui sont majeurs sur l'hébergement d’urgence mais ça n'est pas la faute des JO, c’est des enjeux hyper-importants

THOMAS SOTTO
On ne va pas déplacer des sans-abris en région à cause des JO ?

AMELIE OUDEA-CASTERA
Aujourd'hui, on a un hébergement d'urgence qui permet d'avoir à peu près 200 000 places. C'est un record depuis 2017. On sait qu'il y a une concentration qui est trop forte aujourd'hui en Ile-de-France. Il y a donc une approche qui est faite avec les acteurs de la solidarité - les préfets, les maires, les élus localement, les associations - pour arriver à déconcentrer l’effort et de manière à ce qu’il y ait une meilleure qualité d’accueil.

THOMAS SOTTO
Vous nous garantissez que ça n'a rien à voir avec les JO ?

AMELIE OUDEA-CASTERA
Non, c'est quelque chose qui a été engagé en avril. Il ne faut pas faire des JO le bouc émissaire de toutes nos frustrations etc.

THOMAS SOTTO
Oui, mais on a aussi les étudiant qui doivent quitter leur logement du Crous pour que des équipes puissent…

AMELIE OUDEA-CASTERA
Oui, mais là aussi, pardon, je pense que c’est important de ne pas travestir les faits ni d'accabler les JO de tous les maux ou de toutes les difficultés de la société. Le logement étudiant, c'est la même chose. Qu'est-ce qu'on a entendu ? on a entendu qu'on allait virer de leur logement les étudiants. Ce n'est absolument pas le cas. On va avoir besoin de libérer 3 200 places dans le Crous, le logement étudiant ; mais il y a un flux naturel d'à peu près 14 – 15 000 places qui se libèrent de manière naturelle.

THOMAS SOTTO
En juillet et en août chaque année.

AMELIE OUDEA-CASTERA
Voilà. Donc je veux dire un petit peu moins haut autour de 7 000 places qui se libèrent naturellement. On a 23 000 places dans le Crous en Ile-de-France, 7 000 qui se libèrent naturellement et 3 000 – 3 200 qui vont être nécessaires. Donc, c'est la moitié du flux naturel dont on va avoir besoin. Et surtout, on a rendu très clair le fait qu’aucun étudiant ne sera pénalisé. Ceux qui veulent rester en région parisienne cet été-là, il y a des solutions de relogement. Et ceux qui vont libérer leur logement, ils seront automatiquement garantis de retrouver une place au 1er septembre 2024. Donc là encore, je crois qu'il ne faut pas se faire peur.

THOMAS SOTTO
Ne faisons pas des JO le bouc émissaire de tous les problèmes.

AMELIE OUDEA-CASTERA
Les JO ne peuvent pas solutionner tous les problèmes du monde mais ils ne doivent pas non plus être le bouc émissaire. Et surtout c’est important de ne pas travestir les faits.

THOMAS SOTTO
On a parlé des Jeux olympiques, on a parlé de la Coupe du monde de rugby, mais il y a aussi une Coupe du monde de Foot qui arrive cet été pour les filles, sauf qu’aujourd'hui aucune chaîne française n'a acheté les droits. Est-ce que ça veut dire qu'en France, on ne pourra pas voir les matchs de l'équipe de France et des autres équipes engagées dans ce Mondial cet été ?

AMELIE OUDEA-CASTERA
Alors, je pense qu'on pourra les voir. Il y a encore quelques semaines pour arriver à un accord.

THOMAS SOTTO
Est-ce que c’est un l'impératif qu’on puisse les voir ?

AMELIE OUDEA-CASTERA
C’est, de mon point de vue, un impératif. Et c’est d'ailleurs le sens de la déclaration qu’avec mes quatre homologues dit du Big Five.

THOMAS SOTTO
Les autres pays européens.

AMELIE OUDEA-CASTERA
Angleterre, Italie, Espagne et puis le dernier l'Allemagne. On a une déclaration des ministres des Sports qu'on sort ce matin et qui veut affirmer ce message qu'on a besoin de cette retransmission parce qu'il faut promouvoir le sport féminin qui est aujourd'hui très sous-représenté à l'écran. Ce n'est que 5% des retransmissions en France, dans notre pays.

THOMAS SOTTO
Et qui va payer alors si personne n’en veut ?

AMELIE OUDEA-CASTERA
Et il faut que chacun fasse un bout de l'effort. La FIFA doit probablement être moins gourmande, se rappeler qu'il y a aussi des obstacles liés au à la temporalité, liés aux heures de diffusion ; et de l'autre côté, que les diffuseurs fassent un effort supplémentaire, se sont engagés auprès de moi à ce qu'on promeuve davantage le sport féminin. Moi, j'ai besoin de leur engagement. C'est le sens des échanges que j'ai commencé à engager avec eux et je le poursuivrai cette semaine.

THOMAS SOTTO
Et donc, vous nous dites, les yeux dans les yeux, on pourra voir les matchs du Mondial en France ?

AMELIE OUDEA-CASTERA
Oui.

THOMAS SOTTO
Gratuitement.

AMELIE OUDEA-CASTERA
Les Bleues d'Hervé RENARD, il va annoncer le 6 juin prochain, un début de configuration pour sa sélection. Oui, on aura la capacité à les admirer. Il y a des records d'audience, match après match, qui sont faits. On a besoin de voir du sport féminin et notamment du foot.

THOMAS SOTTO
Ça, c’est une bonne nouvelle. Amélie OUDEA-CASTERA, avant d'être ministre des Sports, vous étiez directrice générale de la Fédération Française de Tennis. Vous avez donc encore un oeil sur Roland Garros. On a vu la politique s'inviter dans le tournoi ces derniers jours avec Novak DJOKOVIC qui a écrit un message politique sur la caméra où, en général, on met juste un petit remerciement et un petit coeur. On a vu aussi une joueuse ukrainienne refuser de serrer la main d'une joueuse biélorusse. Est-ce qu'il faut accepter ces positions politiques ou est-ce qu'il faut les sanctionner ?

AMELIE OUDEA-CASTERA
Je mets d'abord les deux sujets pas sur le même plan. Je pense que ce qui se passe aujourd'hui pour les Ukrainiennes et les Ukrainiens sur le circuit est tellement douloureux, tellement difficile, qu'on peut comprendre même si on aimerait toujours qu'il y ait du fair-play jusqu'au bout, bien sûr de serrer la main. Il y a une douleur qui est là et que je respecte. Nous, c'est le sens de l'accompagnement qu'on veut absolument assurer de ces athlètes ukrainiennes, ukrainiens ; c’est difficile.

THOMAS SOTTO
Et DJOKOVIC ?

AMELIE OUDEA-CASTERA
DJOKOVIC, je pense que ce n’est pas approprié, clairement. Donc, la directrice du tournoi a pu échanger avec lui, avec son entourage. Il ne faut pas que ça recommence parce qu'il y a un principe de neutralité ce que les Anglo-saxons appellent du « Field of Play », du terrain de jeu. Quand on porte des messages qui sont de la défense des droits de l'homme, des messages qui rapprochent les peuples autour de valeurs universelles ; on peut exprimer. Un sportif est libre de le faire. En l'occurrence, c'est un message qui est militants, qui est très politique et je pense qu'il ne faut surtout pas, a fortiori, dans les circonstances actuelles, se lancer là-dedans et qu’il ne faut pas que ça se reproduise.

THOMAS SOTTO
Merci beaucoup Amélie OUDEA-CASTERA d’être venue dans « Les 4V ». Merci et bonne journée à vous.

AMELIE OUDEA-CASTERA
Merci à vous.


Source : Service d’information du Gouvernement, le 1er juin 2023