Déclaration de Mme Dominique Faure, ministre chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, sur la France rurale face à la disparition des services au public, au Sénat le 30 mai 2023.

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  • Dominique Faure - Ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Circonstance : Débat organisé au Sénat à la demande du groupe Les Républicains

Texte intégral

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Les Républicains, sur la France rurale face à la disparition des services au public.

(…)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de m'avoir invitée à participer à ce débat organisé à la demande du groupe Les Républicains.

L'accessibilité aux services au public est au cœur de la promesse républicaine et doit être égale pour tous, dans les banlieues des villes comme dans les campagnes, en métropole comme dans les outre-mer. C'est cependant une question cruciale en zone rurale qui appelle notre attention comme la vôtre.

Ce débat revêt une grande importance. Au sein du Gouvernement, nous espérons pouvoir le renouveler à de nombreuses occasions dans les semaines et les mois à venir. Nous sommes convaincus que c'est ainsi que nous trouverons les solutions les plus adaptées aux difficultés rencontrées par nos concitoyens, tout en faisant régulièrement le point sur les mesures mises en place par les pouvoirs publics dans ce domaine.

Ce débat est également l'occasion pour moi de rappeler certains éléments de l'action du Gouvernement en faveur des zones rurales.

Face aux évolutions sociétales, notre pays a dû s'adapter, faire évoluer ses services publics et changer sa manière d'accompagner nos concitoyens et de répondre à leurs attentes, en tenant compte des évolutions démographiques, économiques et sociologiques de notre territoire.

Il est vrai que ces évolutions peuvent parfois entraîner la fermeture ou la transformation de certains services publics. Cependant, les mesures que nous avons prises et que nous continuerons de prendre permettent de veiller à faire en sorte que les services publics restent à proximité de tous nos compatriotes, en cherchant un juste équilibre entre la présence des services publics et la couverture par des services numériques.

La dématérialisation des démarches administratives est importante pour maintenir un accès aux services publics, mais elle doit être accompagnée d'une couverture numérique de qualité sur tous nos territoires. C'est l'objectif même de la politique d'aménagement numérique du territoire, dont l'ambition est d'aboutir à une couverture totale du territoire d'ici à 2025.

Comme le rappelle régulièrement mon collègue Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques, nous agissons résolument de concert pour que numérisation de nos services publics ne rime jamais avec déshumanisation.

C'est pourquoi, grâce au plan de relance, nous avons consacré 250 millions d'euros à l'inclusion numérique, notamment avec le recrutement de 4 000 conseillers numériques installés dans les maisons France Services, la création de postes d'Aidants Connect ou encore le soutien au déploiement de nombreux kits d'inclusion numérique.

Par ailleurs, pour garantir un maillage territorial minimal des services publics, nous avons ouvert, en à peine trois ans, 2 600 maisons France Services. Grâce à elles, tous les Français sont désormais à moins de trente minutes des services publics.

La poursuite du déploiement de ce dispositif permettra d'atteindre l'objectif de 2 750 maisons France Services d'ici à la fin de cette année. C'est l'ambition du Gouvernement. Nous gardons ce cap.

Car France Services fonctionne. En effet, 14 millions de demandes ont été accompagnées depuis le lancement du programme, 600 000 accompagnements sont apportés chaque mois par le réseau des France Services et quatre citoyens sur cinq repartent avec une solution à leur demande dès la première visite. Le taux de satisfaction des usagers est de 94 %.

Nous parlons là de donner plus facilement accès à des services du quotidien, notamment pour les personnes les plus fragiles ; je pense aux personnes âgées, mais aussi aux jeunes, qui sont parfois isolés.

Les dossiers traités dans ces structures concernent directement le quotidien des Français grâce à l'appui de neuf services publics d'État : centre des finances publiques, assurance maladie, caisse d'allocations familiales, caisse d'assurance retraite et de santé au travail, Agence nationale des titres sécurisés, La Poste, Pôle emploi, Mutualité sociale agricole, points justice. Mon collègue Stanislas Guerini travaille actuellement pour y adjoindre les services de la Banque de France.

Ces espaces France Services, ce sont aussi des solutions innovantes ; je pense par exemple aux 145 bus labellisés qui sillonnent nos campagnes dans une logique d'"aller vers".

C'est une nouvelle manière de faire. Le changement est en cours et nos concitoyens se familiarisent avec ces nouvelles structures. Sept Français sur dix disent les connaître. Nous allons poursuivre l'information au plus près des territoires.

Pour finir sur France Services, je tiens à rappeler que les collectivités territoriales sont, dans la plupart des cas, mobilisées pour l'installation de ces structures. Afin d'accélérer leur déploiement et assurer leur pérennisation, l'État a relevé la subvention aux collectivités territoriales à 35 000 euros en 2023 ; cet effort se poursuivra. Cela va dans le sens des recommandations formulées par votre collègue Bernard Delcros dans son rapport d'information Les maisons France Services, levier de cohésion sociale de juillet 2022.

Le dispositif participe donc à un véritable retour de l'État dans les territoires, notamment ruraux, après que les fermetures successives des trente dernières années ont donné le sentiment d'un abandon de ces territoires.

En résumé, la présence de ces 2 600 maisons France Services labellisées, la réouverture de cinq sous-préfectures, la création d'une nouvelle sous-préfecture à Saint-Georges-de-l'Oyapock en Guyane ou encore les mesures inscrites dans la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi), notamment le déploiement de plus de 200 brigades de gendarmerie dans les territoires ruraux et périurbains, démontrent notre volonté de réimplanter l'État dans nos territoires.

La création de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), voilà maintenant trois ans, marque également cette volonté forte du Gouvernement de rapprocher les moyens de l'État et ceux des collectivités territoriales. Le lancement des forums de l'ingénierie ou encore la nouvelle impulsion donnée à la plateforme Aides-Territoires, qui centralise toutes les aides disponibles au service d'un territoire, tiennent de la même dynamique visant à rapprocher nos élus des aides existantes.

J'en viens plus précisément aux ruralités. Depuis 2019, l'ANCT pilote la mise en œuvre de l'agenda rural, notre schéma d'ensemble pour ces territoires en matière de politiques publiques : 181 mesures et 10 milliards d'euros ont ainsi été débloqués pour accompagner dans ces territoires l'éducation, les campus numériques, les commerces, la transition écologique, etc.

Cet agenda rural a contribué à des avancées notables pour les zones rurales en matière d'ingénierie, notamment grâce au programme Petites Villes de demain, de soutien à l'innovation, d'accompagnement au numérique ou encore de lien social pour les habitants de nos villages.

Nous devons poursuivre ensemble ces travaux ; c'est ce que nous allons faire avec le lancement dans quelques semaines du plan France Ruralités, qui prendra la suite de l'agenda rural. Cela permettra notamment de déployer un nouveau programme d'ingénierie à destination des petites communes rurales, mais aussi d'engager une série de mesures nationales à destination des ruralités et de pérenniser les zones de revitalisation rurale (ZRR) sur la base d'un projet que le Gouvernement vous présentera à l'automne. Dans ce texte, nous souhaitons reconnaître et valoriser les ruralités, définir les critères de ces zones, protéger et valoriser le patrimoine naturel de nos campagnes, ce que l'on appelle les aménités rurales.

La nomination de sous-préfets en charge des services publics, annoncée lors du Comité interministériel de la transformation publique du 9 mai dernier, et le recrutement de 100 chefs de projet dédiés à la ruralité contribuent à cette dynamique.

Pour conclure, je souhaite que ce débat soit l'occasion de vous convaincre que l'État ne laissera pas les territoires ruraux au bord du chemin. Le devoir de la République est d'embarquer tous les territoires, urbains comme ruraux, dans un destin collectif et national.

Vous l'aurez compris, les politiques de soutien à la ruralité et l'accessibilité aux services publics pour nos concitoyens sont au cœur de nos préoccupations et font l'objet d'un chantier interministériel, afin de répondre aux nombreuses attentes des habitants, qui perçoivent dans leurs difficultés quotidiennes un sentiment d'abandon. Nous mesurons l'importance du chemin qui reste à parcourir et des leviers qui restent à mobiliser. Mais je souhaite par ce débat vous rappeler le travail que nous avons accompli et que nous entendons poursuivre avec vous.

Je vous redis la conviction et la détermination des membres du Gouvernement, sous l'autorité de la Première ministre, pour que l'accessibilité de tous aux services publics soit une réalité. C'est une priorité pour renforcer la relation de confiance qui nous unit à nos concitoyens et pour garantir à chacun l'accès aux droits. Nous devons ensemble, État et collectivités territoriales, permettre cette accessibilité. Ces débats parlementaires contribuent à la mobilisation de tous. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et UC.)


- Débat interactif -

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.

Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes, y compris l'éventuelle réplique. Le Gouvernement dispose pour répondre d'une durée équivalente, ainsi que d'une minute pour répondre à une éventuelle réplique ; l'auteur de la question disposera alors à son tour du droit de répondre pendant une minute.

Dans le débat interactif, la parole est à Mme Michelle Gréaume.

Mme Michelle Gréaume. L'accès aux services publics en zone rurale reste insuffisant. Il ne s'est pas amélioré depuis 2019 et la crise des "gilets jaunes". Les habitants de ces territoires se sentent toujours plus abandonnés par l'État.

Malgré les belles promesses, le Gouvernement continue la casse des services publics : hôpitaux, bureaux de poste, écoles, tribunaux, mobilité, etc. La présence des services publics se réduit comme une peau de chagrin, laissant une France à deux vitesses s'installer durablement. Cette désertification crée un sentiment d'abandon dans les territoires ruraux, alors que la demande sociale ne cesse d'augmenter du fait de la convergence des modes de vie urbains et ruraux.

Pis encore, le mouvement de désertification massive touche aussi les services au public. Non seulement les collectivités locales, les établissements publics, les associations, les prestataires de services de tout genre sont confrontés à une vraie difficulté pour financer le développement des services, mais, en plus, les modalités de mise en œuvre de la solidarité nationale font appel à des dispositifs de plus en plus complexes, rendant encore plus difficile la réponse aux besoins, qui ne cessent par ailleurs d'augmenter.

Bien plus, selon l'Insee, plus de 21 000 communes ne disposent d'aucun commerce. Cela représente 62 % des communes françaises, contre 25 % en 1980. Ce déclin aggrave les fragilités structurelles de certaines communes rurales et réduit leur attractivité.

Une telle difficulté d'accès à des paniers de services de la vie courante pousse les habitants à un choix entre qualité et proximité, si tant est qu'un service de proximité existe encore… Un service proche et de moindre qualité sera utilisé par ceux qui n'ont ni les moyens financiers ni les possibilités de transport pour se rendre plus loin auprès d'un service plus performant. En matière de santé notamment, la ségrégation par le revenu est accentuée et la distance est non seulement physique, mais également sociale et culturelle.

Ainsi, pour les habitants de nombreuses zones rurales, c'est la double peine : ni services publics ni services au public ! Et cela sape les fondements de notre démocratie, tant cette relégation nourrit un sentiment d'abandon…

Mme la présidente. Veuillez conclure, madame Gréaume !

Mme Michelle Gréaume. … et de déclassement territorial et social.

L'agenda rural laisse la place à France Ruralités sans qu'une évaluation des dispositifs précédents ait été faite. En quoi votre nouveau plan dans un cadre budgétaire contraint pourrait-il changer la donne ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Gréaume, je souscris à l'objectif que vous évoquez : offrir aux habitants des ruralités des services plus performants. J'y ai fait référence dans mon propos liminaire. Travaillons ensemble en ce sens.

En revanche, nous ne serons pas d'accord s'agissant de l'évaluation. Je respecte votre analyse, mais je ne la partage pas. En effet, nous sommes très mobilisés sur le sujet. Le dispositif France Services a maintenant trois ans et nous avons mis en place un plan pour le contrôler ; la chambre régionale des comptes de Bourgogne-France-Comté a commencé des travaux à cet égard. L'évaluation qui sera effectuée sera objective et complète.

D'une manière générale, depuis le lancement de France Services, la direction du programme est particulièrement attentive au pilotage par la donnée ; mon collègue Stanislas Guerini y est très attaché. D'ailleurs, l'ensemble des dispositifs de l'État portés par l'ANCT font l'objet d'une évaluation ; c'est par exemple le cas pour le programme Petites Villes de demain ou encore pour l'agenda rural.

Mme la présidente. La parole est à Mme Daphné Ract-Madoux.

Mme Daphné Ract-Madoux. On ne peut pas dire que l'État soit resté inactif face à la disparition des services au public dans les territoires ruraux. Avec la mise en place des schémas départementaux d'amélioration de l'accessibilité des services au public, puis de plus de 2 000 maisons France Services pour répondre concrètement aux besoins locaux, une véritable action s'est enfin fait jour. Nous ne pouvons que la saluer.

Les maisons France Services constituent de réelles réponses à la disparition des services au public dans le monde rural. Nous en avons vingt-quatre dans l'Essonne, et une nouvelle maison mobile sous forme de bus sera bientôt déployée dans le sud du département, rural, encore malheureusement sous-doté.

Si nous voulons que les maisons France Services soient pleinement efficaces et apportent aux populations tout ce qu'elles sont en droit d'en attendre, nous devons répondre à un certain nombre d'interrogations que le présent débat nous permet de vous soumettre, madame la ministre.

Tout d'abord, une première évaluation du maillage du dispositif fait apparaître que moins d'un quart de ces maisons sont accessibles par transport en commun. Confirmez-vous cet ordre de grandeur ? Dans l'affirmative, à l'heure où la décarbonation est, à juste titre, érigée au rang de priorité nationale, quel est le plan du Gouvernement pour remédier à cette difficulté ? Les bus itinérants ne doivent-ils pas se multiplier pour réellement aller vers les citoyens ?

Ensuite se pose la question de l'élargissement des services que l'on peut y trouver ; je pense notamment à l'aide au dossier MaPrimeRénov'. Madame la ministre, y aura-t-il un nouveau panier de services offert par les maisons France Services ? Et quel en serait le périmètre ? Vous avez commencé à répondre à cette question tout à l'heure.

Enfin, il faut soulever le problème du financement des personnels qui y sont employés et du reste à charge qui demeure élevé pour les collectivités – vous avez indiqué que la subvention de l'État avait été relevée –, ainsi que le problème du nombre des agents et de leur formation. Envisagez-vous un nouveau plan de financement entre l'État et les collectivités ? (M. André Guiol applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Ract-Madoux, vous indiquez que moins d'un quart des maisons France Services sont accessibles par transport en commun ; je vous avoue que je n'ai pas connaissance de cette statistique. Le prochain rapport de la députée Marie-Agnès Poussier-Winsback et du sénateur Bernard Delcros nous éclairera peut-être à cet égard.

C'est en tout cas une dimension extrêmement intéressante, qui viendrait compléter les éléments déjà à notre disposition : 99,4 % des Français sont désormais à moins de trente minutes d'une maison France Services et 95 % sont à moins de vingt minutes. Le maillage des maisons France Services est donc dense. Toutefois, il est certain que l'accessibilité demeure un sujet primordial en zone rurale.

Allons-nous promouvoir les bus itinérants ? La réponse est oui. Il nous reste plus d'une centaine de maisons France Services à déployer. Stanislas Guerini et moi-même souhaitons utiliser au maximum cet outil, lorsque c'est possible et en accord avec les collectivités locales ou l'intercommunalité. Un bus arrive à couvrir trente villages – j'ai un exemple en tête dans le Pas-de-Calais –, ce qui montre bien l'intérêt du dispositif.

Le panier de services va-t-il être développé ? Là encore, la réponse est oui ; j'en ai déjà dit quelques mots.

Enfin, nous travaillons sur d'autres sujets dans le cadre du plan France Ruralités et de l'extension des maisons France Services.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Gold. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Éric Gold. Madame la ministre, ma question porte sur ceux que votre collègue Stanislas Guerini a nommés "le cœur battant des communes". Véritables couteaux suisses, parfois seuls collaborateurs du maire, ils sont aujourd'hui 14 000 à exercer dans 29 000 communes de moins de 3 500 habitants. Je dis "ils", mais je pourrais dire "elles", car il s'agit à 94 % de femmes. Je parle bien entendu des secrétaires de mairie.

La mairie est le seul service public qui existe dans l'intégralité des communes et la secrétaire de mairie est celle qui la fait vivre au quotidien, jouant son rôle de service public, mais aussi de service au public. C'est un service connu, reconnu et lisible pour tous, contrairement aux maisons France Services, qui sont certes une avancée, mais qui demeurent trop éloignées des populations les plus fragiles.

Du fait du manque de reconnaissance, du temps de travail souvent partiel, de la multiplicité des employeurs, mais aussi d'une perte de sens liée aux transferts de compétences vers les intercommunalités, il s'agit de l'un des métiers les plus en tension en termes de recrutement dans la fonction publique territoriale : 1 900 postes sont aujourd'hui vacants. Cette tendance va s'aggraver avec le départ à la retraite d'un tiers des agents d'ici à 2030.

Une telle situation inquiète les maires, qui sont de plus en plus confrontés à la frustration, voire à la colère de leurs administrés.

Le vote sanction des territoires ruraux vers l'extrême droite, lié à un sentiment d'abandon, à l'éloignement des services publics, à leur numérisation à outrance, doit être analysé avec gravité et responsabilité.

Il faut créer les conditions pour réinvestir les territoires ruraux et faire attention aux signaux négatifs qui renforcent ce sentiment d'abandon ; je pense notamment au ZAN.

Le Sénat s'est saisi du sujet des secrétaires de mairie, en adoptant une proposition de loi le 6 avril dernier, tandis qu'une seconde, soutenue par mon groupe, le RDSE, est inscrite à notre ordre du jour pour le 14 juin prochain. J'ajoute qu'une collègue de mon groupe préside une mission d'information sur l'avenir de la commune et du maire.

Plusieurs options sont envisagées pour revaloriser ce métier et le Gouvernement a assuré travailler sur le sujet. J'aimerais donc savoir quels sont, pour vous, le rôle et l'avenir des secrétaires de mairie. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Gold, je partage votre diagnostic. Le Gouvernement a pris à bras-le-corps la question de la revalorisation du métier de secrétaire de mairie. Stanislas Guerini et moi-même y travaillons, que ce soit dans le cadre du plan France Ruralités ou en parallèle du chantier transversal sur l'accès, les parcours et les rémunérations.

Quelles mesures envisageons-nous à ce stade ? Faire en sorte que les fonctions de secrétaire de mairie soient exercées à un niveau d'emploi correspondant davantage aux responsabilités exercées, à savoir a minima celui de la catégorie B. Aujourd'hui, cette fonction peut être exercée par des personnes appartenant à divers cadres d'emploi, y compris la catégorie C.

Pour remplir cet objectif, une proposition de loi d'origine sénatoriale, déposée par le groupe RDPI et soutenue par le Gouvernement, prévoit à la fois d'ouvrir de nouvelles voies de promotion interne en catégorie B pour les fonctionnaires de catégorie C exerçant d'ores et déjà des fonctions de secrétaire de mairie ou pour les autres fonctionnaires souhaitant exercer cette mission à la suite d'une formation qualifiante et de reconnaître les exigences de ce métier, en considérant un tel poste comme un accélérateur de carrière.

Ensuite – cela peut vous paraître secondaire –, nous travaillons sur un changement de dénomination pour tendre vers un terme rendant davantage justice au niveau effectif des responsabilités exercées. Ce changement est demandé par les agents comme par les employeurs territoriaux ; le Gouvernement y est ouvert et a engagé une réflexion en ce sens.

Continuons de travailler ensemble pour l'attractivité de ce métier et pour la mise en place de formations adaptées. Beaucoup de postes sont vacants ; nous en sommes conscients.

Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Gruny. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Pascale Gruny. Si la crise sanitaire a renforcé l'engouement des Français pour la vie en milieu rural, elle n'en a pas pour autant fait disparaître les difficultés du quotidien. Après des années de réduction des guichets de services publics, le sentiment d'abandon persiste. Il est même accentué par les dépenses de carburant ; l'acuité de cette question y est bien plus forte que dans les zones urbaines.

Face à une telle situation, les solutions mobiles sont particulièrement adaptées aux territoires ruraux. Le principe est simple : "Si tu ne peux pas accéder au service public, alors c'est le service public qui viendra à toi".

Dans l'Aisne, où il faut parfois quarante-cinq minutes pour accéder à la piscine la plus proche, un camion-piscine itinérant fait le tour des communes rurales pour y proposer aux élèves de maternelle des séances d'aisance aquatique, afin de les familiariser avec l'eau et les sensibiliser aux risques de noyade.

Plusieurs rapports parlementaires récents proposent d'accentuer ce type d'offres itinérantes, comme le déploiement de sous-préfets mobiles ou encore la mise en place d'une aide de 30 % pour les investissements des commerces ambulants.

Si les initiatives locales en la matière sont nombreuses et ingénieuses, elles peinent encore à couvrir les besoins des habitants et peuvent souvent se révéler fort coûteuses. Madame la ministre, comment comptez-vous en encourager le développement ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Gruny, depuis son lancement, la politique de soutien aux tiers-lieux est l'exemple d'une politique coconstruite entre l'État et les acteurs de la filière. Les tiers-lieux se positionnent comme des acteurs clés des transitions territoriales, en proposant par exemple une alimentation locale, des activités artistiques, une fabrication relocalisée ou encore un meilleur accès aux droits.

Cette politique s'est incarnée en 2022 par la création du groupement d'intérêt public (GIP) France Tiers-Lieux, dont les membres fondateurs sont l'État et l'Association de préfiguration nationale des tiers-lieux. Le budget 2022 a été fixé à 1,498 million d'euros.

Le programme Nouveaux Lieux, nouveaux liens, porté par l'ANCT depuis sa création en 2020, a également permis de révéler le potentiel créatif et adaptatif des tiers-lieux au moment de la crise sanitaire comme face aux enjeux des transitions, qu'elles soient numériques, écologiques, énergétiques, sanitaires ou liées aux questions de mobilité ou d'organisation du travail.

Ce sont 45 millions d'euros qui ont été mobilisés pour identifier et soutenir 300 fabriques de territoires, financées à hauteur de 150 000 euros par an sur trois ans pour leur capacité à servir d'exemple, à partager des solutions techniques, pédagogiques, logistiques ou juridiques. Dans la plupart des cas, ces structures ont servi de socle à un développement territorial plus équilibré des tiers-lieux. Au total, ce sont près de 140 millions d'euros qui ont été déployés pour les soutenir.

Je veux aussi souligner le rôle du fonds de soutien aux associations, qui est doté de 2 millions d'euros. Ce montant a été doublé pour l'année 2023 : il sert à financer, via l'ANCT, des projets innovants. Vous appelez de vos vœux de l'innovation dans les territoires ruraux et nous partageons cet objectif. Ce financement s'adresse essentiellement aux petites et moyennes associations, tous secteurs confondus.

Enfin, l'ingénierie proposée par l'État au travers de l'ANCT depuis sa création en 2020 participe également du soutien aux initiatives innovantes pour les territoires ruraux. Elle permet notamment la prise en charge complète des prestations d'ingénierie pour les collectivités de moins de 3 500 habitants et pour les établissements publics de coopération intercommunale de moins de 15 000 habitants. Ce sont ainsi 94 % des communes qui peuvent bénéficier d'une aide supérieure ou égale à 80 %.

Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour la réplique.

Mme Pascale Gruny. Madame la ministre, je vous remercie de vos précisions, mais quand je parlais d'innovation, je parlais de l'itinérance, pas des tiers-lieux. Certes, c'est une expérience intéressante ; j'en connais dans mon département. Mais ils sont souvent situés dans les centres-bourgs, et il faut une voiture pour s'y rendre…

Ma question était plus précise : comment financer un camion-piscine qui coûte 500 000 euros ? Il y a peu de moyens. Le Gouvernement dit souvent que les dotations ne baissent pas. Mais, pour de tels montants, une attribution au titre de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) est dans les mains du préfet, et les décisions ne correspondent pas toujours aux attentes des gens sur le terrain. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Je vous prie de m'excuser, je n'ai en effet pas répondu sur ce volet de votre question. Pour autant, je vous ai indiqué tout à l'heure que l'itinérance était au cœur de nos préoccupations dans le cadre de France Services. J'espère que nous pourrons déployer environ 150 bus itinérants d'ici à la fin de l'année.

J'ai oublié de signaler l'existence d'un fonds de 12 millions d'euros pour amener des commerçants en ruralité. Cela concerne aussi les commerces ambulants.

Vous le voyez, nous travaillons déjà résolument dans le sens de "l'aller vers", mais nous pouvons trouver ensemble les moyens d'aller encore plus loin, afin de rendre tout cela bien réel dans les ruralités.

Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Gruny.

Mme Pascale Gruny. Je vous remercie de nouveau – j'avais en effet soulevé la question des commerces ambulants –, mais vous n'avez pas répondu sur l'idée des camions-piscines, alors que cela concerne directement nos enfants et le risque de noyade.

Nous devons regarder toutes les bonnes idées, toutes les bonnes pratiques qui se mettent en place sur le territoire et essayer de les accompagner, à la fois sur l'investissement et sur le fonctionnement.

Or si les dotations restent au même niveau – soyons gentils… –, malheureusement, les charges, elles, augmentent !

J'ajoute que plusieurs maires m'ont récemment alertée sur leurs difficultés actuelles à trouver des financements auprès des banques.

Comment, dans ces conditions, répondre aux attentes de la population, alors que les gens sont déjà, souvent, en colère ? Faisons attention à ne pas créer deux France, une France des métropoles et une France de la ruralité, et essayons de trouver des solutions pour stopper cette colère ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Franck Menonville.

M. Franck Menonville. Notre niveau de prélèvements obligatoires est parmi les plus élevés d'Europe. Les Français ont aujourd'hui le sentiment de ne plus en avoir pour leur argent. Force est de constater que nos services publics se dégradent ; ils se sont affaiblis, tant en effectifs qu'en compétences présentes sur les territoires.

Le phénomène est particulièrement exacerbé dans les territoires ruraux. La création du réseau France Services, qui avait vocation à rapprocher le service public des usagers, a, certes, constitué une avancée, mais cela ne résout pas tout.

Nous constatons que la dématérialisation croissante des démarches administratives renforce encore plus l'isolement de certaines populations.

Il nous faut réarmer nos services publics de proximité, notamment les services déconcentrés de l'État, pour qu'ils répondent aux attentes des administrés. Cela doit passer par un engagement plus fort de l'État et par un renforcement de la présence humaine et des compétences dans les maisons France Services.

Les 34 000 communes de France et leurs secrétaires de mairie forment un réseau unique de maillage territorial. Il serait nécessaire que l'État s'appuie sur cela pour en faire la première porte d'entrée des services publics de proximité. Les secrétaires de mairie pourraient ainsi contribuer à lutter contre l'isolement numérique. Cela passera nécessairement par une formation adaptée et par un accompagnement financier par l'État et l'ANCT.

Madame la ministre, comment créer les conditions d'une complémentarité entre le réseau France Services et les secrétariats de mairie pour que ces derniers deviennent le premier guichet de proximité ? Cela revaloriserait l'institution municipale à l'heure où les maires sont dans le doute.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Menonville, au-delà de ce que j'ai déjà indiqué sur le sujet, je souscris à vos propos.

Nous devons avancer sur le numérique sans déshumaniser nos services publics et abandonner tout accompagnement humain ; c'est une ligne de crête délicate. Les maisons France Services ont deux agents et sont situées à moins de trente minutes de nos concitoyens. En outre, il y a souvent un conseiller numérique présent pour accompagner ces deux agents, ainsi que les personnes dans leurs démarches.

Ce dispositif de conseiller numérique est dans une phase de structuration. Après le temps de la relance, marqué par une mobilisation rapide et massive de financements, 250 millions d'euros sur deux ans, qui a permis de déployer rapidement ce dispositif et donner un souffle nouveau à la médiation numérique, l'objectif est de pérenniser ces emplois dans la durée, en maintenant une part de financement de l'État qui sera dégressive. Les paramètres de ce scénario de pérennisation sont les suivants : 44 millions d'euros sont prévus dans la loi de finances pour 2023 sur le programme 349, dont 9 millions d'euros concernent directement les zones de revitalisation rurale.

Le sujet de la complémentarité entre les maisons France Services et les secrétaires de mairie nous tient particulièrement à cœur.

Nos secrétaires de mairie doivent être formées pour exercer ce rôle de sentinelle et être capables de diriger vers les maisons France Services tous nos concitoyens ne connaissant pas les neuf services qui y sont représentés. Cette formation nous paraît essentielle. Elle doit comprendre l'apprentissage de connaissances de base sur ces services.

Je vous confirme donc bien que la complémentarité entre les maisons France Services et les secrétaires de mairie est un axe de travail important pour nous.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Buis.

M. Bernard Buis. Pierres angulaires de la proximité entre les citoyens et l'État, les services au public sont de précieux thermomètres en matière de cohésion sociale, a fortiori dans les territoires ruraux.

Selon l'Agence nationale de la cohésion des territoires, les espaces ruraux représentent 88 % des communes françaises, 92 % du territoire et 33 % de la population, avec quasiment 22 millions d'habitants. Avec de tels chiffres, l'Hexagone se place au deuxième rang des pays les plus ruraux d'Europe derrière la Pologne.

Dans la France rurale, la présence des services au public représente un enjeu considérable. Madame la ministre, vous connaissez mon intérêt pour les maisons France Services, qui symbolisent à mes yeux une proximité retrouvée dans nos territoires ruraux entre l'État et nos concitoyens.

L'intérêt du programme France Services est désormais indéniable, comme l'a souligné le récent rapport d'information de notre collègue Bernard Delcros. Il réside essentiellement dans la proximité et la dimension humaine de l'accompagnement apporté aux usagers, essentiellement grâce au déploiement des conseillers numériques, à l'heure où le recours au numérique exclut encore une partie de la population de l'accès aux services publics.

Le réseau France Services, qui compte désormais 2 538 structures labellisées réparties sur l'ensemble du territoire, est aujourd'hui salué par une majorité d'usagers et d'élus locaux. Pas moins de 93 % des usagers sont satisfaits de leurs démarches dans ces espaces.

Si le bilan est plutôt positif, je crois néanmoins que nous devons réfléchir ensemble dans l'objectif d'améliorer le dispositif, en nous concentrant notamment sur la question des moyens, mais également sur l'organisation de ces espaces.

Il faut désormais aller vers nos concitoyens : le modèle itinérant peut être une solution, mais l'idée de maisons France Services multisites peut également être intéressante, car tous nos concitoyens ne disposent pas d'un moyen de transport. Je pense ainsi à la maison France Services du Diois, déployée sur 50 communes, celle de Die étant saturée avec plus de 5 000 passages par an. La prise de compétence de la communauté de communes du Diois permet de ramener du service public là où il n'y en avait plus. Le rôle des secrétaires de mairie, qui prennent les rendez-vous dans les communes, est primordial ; ils servent de premier intermédiaire.

Madame la ministre, afin de poursuivre nos efforts en matière de services au public dans les territoires ruraux de notre pays, dans quelle mesure pourrions-nous développer davantage de maisons France Services multisites ou itinérantes ? Quels moyens financiers l'État envisage-t-il d'allouer à ce réseau dont l'efficacité n'est plus à démontrer ?

Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Bernard Buis. Une pérennisation de ces structures est-elle à l'ordre du jour ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Buis, vous évoquez tout d'abord l'élargissement du bouquet de services offert dans ces structures.

J'ai déjà évoqué l'enrichissement de l'offre de services auquel nous procédons avec de nouveaux partenaires, tels que le Centre national des œuvres universitaires et scolaires (Cnous) ou la Banque de France, mais je pourrais également mentionner quelques expérimentations en cours. Des réflexions sont actuellement menées avec des partenaires comme l'Agence nationale de l'habitat (Anah).

Un point de vigilance demeure toutefois : il faut conserver un bon équilibre entre l'enrichissement du bouquet de services et la soutenabilité de la charge de travail pour les agents. On monte déjà en compétences sur neuf services d'État ; si l'on en ajoutait deux, voire trois, cela deviendrait très compliqué. Nous essayons donc plutôt d'améliorer la qualité de service par un lien renforcé avec chacun de ces neuf services d'État. Si beaucoup de ceux-ci sont accessibles directement par des agents de maisons France Services, on manque en revanche pour d'autres de ce lien particulier et dédié.

Pour renforcer la qualité de service, ce qui reste un objectif fondamental – vous avez raison –, il faut enrichir la formation que nous avons déjà mise en place pour les agents des maisons France Services et la rendre annuelle. Nous engageons aussi un plan triennal de contrôle des labellisations : 900 maisons France Services seront ainsi auditées en 2023, l'opération démarre ce mois-ci. La mesure de la satisfaction des usagers, qui approche bien 94 %, s'est améliorée, mais nous voulons désormais y procéder de façon régulière. C'est pourquoi, à compter de septembre 2023, nous redéploierons 500 bornes de satisfaction et nous renforcerons leur exploitation en direct. Nous voulons enfin approfondir l'engagement de France Services dans Services publics +, avec une expérimentation de comités d'usagers, locaux ou départementaux, et une publication immédiate des résultats des enquêtes de satisfaction.

En conclusion, vous avez évoqué l'organisation de ces espaces et la possibilité d'ouvrir des maisons France Services multisites. Pourquoi pas ? À l'évidence, la présence d'un conseiller numérique représente un apport important. Nous travaillons donc à ce que celui-ci soit situé sur le même lieu que la maison France Services, afin d'en renforcer grandement l'efficacité. On peut raccrocher un guichet ambulant à une maison monosite. J'approfondirai volontiers la question des multisites avec mon collègue Stanislas Guerini.

Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Artigalas.

Mme Viviane Artigalas. La disparition des services publics de proximité est l'une des principales causes de découragement d'une partie des maires de territoires ruraux. Leur engagement est en effet principalement motivé par le service à leurs concitoyens et l'amélioration des conditions de vie de ceux-ci.

Mon département des Hautes-Pyrénées est particulièrement affecté par cette rupture. Je voudrais évoquer spécifiquement les trésoreries, qui font l'objet de fermetures régulières.

Ces projets sont dénoncés tant par les élus locaux que par les usagers comme contraires au maintien du service public de proximité. La fermeture d'une trésorerie accroît en effet les déplacements pour la population, ce qui est particulièrement difficile sur des routes de montagnes.

De nombreuses communautés de communes se sont engagées, en concertation avec l'État et le conseil départemental, dans un schéma d'amélioration de l'accessibilité des services au public. Au regard de ces projets et des conventions signées pour leur mise en œuvre, ces fermetures sont en décalage complet. En effet, qu'il s'agisse d'un paiement ou d'une demande de conseils, la présence physique d'un agent est indispensable à l'écoute et à la compréhension mutuelle.

Les élus comme les habitants des territoires ruraux ne peuvent donc pas se contenter d'annexes installées provisoirement. Celles-ci ne peuvent pas compenser la perte de qualité du service.

Madame la ministre, faire des économies en supprimant des services aussi essentiels contribue au sentiment d'abandon des territoires ruraux. Comptez-vous revenir sur ces fermetures ? Comptez-vous enfin fournir les moyens humains et financiers permettant aux élus et usagers de bénéficier d'un réel service public de proximité ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Artigalas, vous abordez un sujet que vous et moi connaissons bien : la fermeture d'une trésorerie dans les Hautes-Pyrénées.

Tout d'abord, je ne partage pas votre point de vue quant au caractère indispensable de cette dernière. Celle-ci rend deux services : l'un au public, l'autre aux élus. Comme vous le savez, j'ai rencontré des élus locaux et des délégués syndicaux de la trésorerie quand je me suis rendue dans les Hautes-Pyrénées et j'ai pris date pour revenir vers eux. Le rendez-vous doit être pris dans les deux ou trois semaines qui viennent, après avoir travaillé le sujet. Je m'y suis déjà employée et j'ai constaté, d'une part, que le nombre de citoyens ayant recours à ce service décroissait de manière vertigineuse, d'autre part, que s'il y a ne serait-ce que cinq ou six maires pour s'y rendre, c'est bien le bout du monde…

Aujourd'hui, partout en France, quand un directeur financier, une secrétaire de mairie ou un maire a besoin d'un service, il téléphone et il l'obtient. En l'occurrence, l'engagement pris est qu'un conseiller des finances publiques se rendra dans les mairies qui le souhaitent. Ce ne sont plus les maires qui se déplaceront à la trésorerie, comme c'était le cas ; c'est un conseiller financier qui se rendra dans les mairies.

Cela dit, je respecte tout à fait la volonté des quelques maires et des quelques citoyens qui s'y rendent d'empêcher la fermeture de la trésorerie. Je ne vous donne pas ma position définitive aujourd'hui, car je me suis engagée à échanger avec les directeurs régionaux et départementaux des finances publiques, les représentants syndicaux de la trésorerie et les maires. Le débat va se poursuivre. Reste que, à l'heure qu'il est, je ne partage malheureusement pas votre diagnostic quant au caractère indispensable de cette trésorerie. Nous sommes habitués à un tel registre de services, mais nous pouvons être plus efficaces, pour nos maires comme pour nos concitoyens.

Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour la réplique.

Mme Viviane Artigalas. Ces fermetures impliquent que les élus aient recours, d'une part, à un comptable pour l'exécution du budget de la commune, d'autre part, à un cadre conseiller. Ce qui est embêtant, c'est que, quand ils vont téléphoner à la trésorerie principale, ce n'est pas toujours la même personne qui va leur répondre. Il serait plus efficace de pouvoir avoir le même interlocuteur à chaque appel.

Plus largement, ce qui pose problème, c'est cette séparation des deux fonctions, auparavant remplies par une seule et même personne, ce qui était bien plus efficace pour les élus.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Je le précise, c'est bien le même conseiller financier qui viendra voir les maires qui le solliciteront. C'est ainsi que le projet est conçu.

Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Artigalas.

Mme Viviane Artigalas. Non ! Dans les communes où une telle réorganisation des trésoreries a déjà eu lieu, les maires n'ont pas toujours le même interlocuteur – cela m'a été confirmé.

Je voudrais tout de même le rappeler, tout cela est dû à une baisse globale des services dans les centres des finances publiques, alors même que les besoins des communes en matière de conseil augmentent avec leurs difficultés budgétaires. Je vous parle non pas de grandes communes, qui disposent évidemment des services adéquats, mais de petites communes rurales. Les secrétaires de mairie, dont il a déjà été question depuis le début de ce débat, doivent gérer cinq, six ou sept budgets pour être à temps complet, ce qui rend leur travail extrêmement difficile. Pour ces communes, l'éloignement croissant de ces services publics est un véritable problème.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet. (Mme Daphné Ract-Madoux et M. Franck Menonville applaudissent.)

Mme Sylvie Vermeillet. Dans nos territoires ruraux, la première préoccupation exprimée par nos concitoyens en matière de services au public concerne la santé.

Durant la pandémie de covid-19, on a beaucoup parlé de la "première ligne", ces soignants qui ont été en permanence au front dans la lutte contre le virus. Malheureusement, dans nombre de départements, notamment le Jura, cette ligne est de plus en plus fragile : parmi ces soignants de dernier recours, on trouve de moins en moins de médecins.

Chaque fois que l'on supprime une ligne de service mobile d'urgence et de réanimation (Smur) faute de médecins, que se passe-t-il ? Comme le dit l'agence régionale de santé (ARS), on fait avec ceux qui restent… Dans le Jura, que ce soit à Champagnole, à Lons-le-Saunier ou à Saint-Claude, ceux qui restent, ce sont des infirmiers, des aides-soignantes, des pharmaciens, des sages-femmes. Alors, on constitue des équipes de paramédicaux. Dans les territoires ruraux, la première ligne, désormais, ce sont eux.

Ils se retrouvent seuls dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), seuls à pouvoir vacciner en officine, seuls à pratiquer des accouchements au bord de la route. Ils se voient confier des missions et des tâches qui, auparavant, incombaient aux seuls médecins.

Ils le font sans statut, de façon informelle, parce qu'ils ont l'intérêt général chevillé au corps. Mais ils ont peur, car leur responsabilité peut être engagée.

La réalité de la santé au quotidien dans nos territoires, c'est ce bricolage, qui n'est pas assez accompagné par l'État, pas assez structuré. Par-delà même la revalorisation de leur rémunération, il faut protéger ces personnels. Sinon, ils arrêteront leur mission et nous n'aurons plus personne. C'est encore le problème des délégations d'actes qui est posé.

Madame la ministre, comment articulez-vous fermeture des Smur et mise en place de ces équipes de secours ? Quelles garanties juridiques, quelle reconnaissance comptez-vous offrir à ces personnels ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Vermeillet, vous posez là une question très pertinente, sur l'articulation des services de santé. Face au manque de médecins, comment s'organise-t-on ? Comment sécurise-t-on les infirmières, les sages-femmes et les autres professionnels qui acceptent de pallier le manque de médecins, pour lutter contre les déserts médicaux ?

Je veux d'abord fournir quelques chiffres : 657 maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) ont été ouvertes en zone rurale ; plus de 5 000 communes rurales sont couvertes par un contrat local de santé. Cela suffit-il ? Non : c'est un premier maillon. Nous y travaillons avec mon collègue François Braun, car nous savons à quel point nous sommes attendus sur le sujet.

Une solution réside dans la mise en œuvre d'un pacte santé avec les professionnels de santé, les élus et les citoyens. Voici les leviers possibles : la rémunération supplémentaire des médecins qui assurent des missions supplémentaires ; la garantie d'accès à un médecin traitant pour les 600 000 patients en affection de longue durée ; l'encouragement de l'innovation dans les pratiques médicales ; enfin, la télémédecine, qui a été citée par l'un d'entre vous : comme elle est extrêmement efficace, nous en encourageons le déploiement toujours plus rapide.

Nous voyons aussi des tiers-lieux émerger dans le domaine de la santé, en trois catégories : des tiers-lieux du secteur médico-social assurant des activités de santé, avec un ADN fort autour de l'inclusion, du mieux-vivre, de l'aidance ou de l'accompagnement ; des tiers-lieux de santé communautaire, qui mettent en œuvre une vision globale et de proximité de la santé, en permettant aux soignants de devenir acteurs de leur parcours de soins ; enfin, des tiers-lieux qui n'ont pas de lien direct avec le soin, mais qui permettent aux soignants ou à d'autres acteurs en lien avec eux d'expérimenter et d'innover dans le secteur de la santé.

Vous m'interrogez sur la garantie juridique offerte à ces infirmières qui ont l'intérêt général chevillé au corps : je ne peux que souscrire à votre demande. Nous y travaillons à l'heure actuelle, pour faire en sorte qu'elles bénéficient d'une garantie juridique et que l'on puisse les protéger dans l'exercice de leurs missions.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet, pour la réplique.

Mme Sylvie Vermeillet. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Je comprends que vous embrassez bien la totalité du problème, mais je veux appeler votre attention sur l'urgence de certaines situations en médecine.

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Sido.

M. Bruno Sido. Madame la ministre, dans la France rurale, les Français ont de plus en plus de difficultés à se faire soigner, soit parce qu'il n'y a pas assez de médecins, soit parce qu'il n'y en a plus. Dans les hôpitaux, certains services ferment par manque de personnel.

Dans la France rurale, les Français ne peuvent plus se rendre dans les trésoreries, qui ont fermé leurs portes dans une logique d'économie budgétaire, afin de privilégier la dématérialisation. Mais cette réponse ne peut pas être satisfaisante, alors même que 20 % des Français ne peuvent se servir du numérique.

Dans la France rurale, en matière d'éducation, la diminution du nombre d'élèves dans les écoles provoque la fermeture de nombreuses classes, voire d'écoles entières.

Pourtant, depuis la rentrée de 2019, conformément à l'engagement du Président de la République, aucune fermeture d'école ne peut intervenir sans l'accord du maire.

De fait, nous sommes aujourd'hui face à une véritable contradiction. En effet, les maires souhaitent ardemment conserver leurs écoles, ce qui est bien compréhensible, mais ils n'ont plus toujours cette compétence. En effet, c'est bien souvent l'intercommunalité qui gère les affaires scolaires.

Les maires veulent avoir leur école ; les intercommunalités, elles, souhaitent diminuer les coûts de fonctionnement, en frais de personnel et en chauffage. Aussi, face à la baisse du nombre d'élèves dans les écoles rurales, leurs élus sont en train de créer une fausse solution, celle de créer ce que j'appelle des écoles de Parténia, sans professeurs ni élèves.

Ainsi, madame la ministre, que valent les promesses de l'État d'assurer l'égalité des services au public entre tous les Français ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Sido, vous déplorez la fermeture des services publics, en particulier le risque d'un maintien d'écoles sans professeurs et sans élèves, dû au regroupement d'écoles, sans l'accord des maires, par les communautés de communes, qui disposent la plupart du temps de la compétence scolaire.

Avec 63 000 implantations, l'école constitue le premier service public de France et offre un maillage territorial extrêmement dense. Dans un contexte de baisse importante et durable des effectifs d'élèves, la question des fermetures de classes et, le cas échéant, d'écoles est au cœur des préoccupations des familles.

Comme vous le savez, la Première ministre a annoncé le 31 mars dernier la volonté du Gouvernement de bâtir un nouveau plan pour l'école en milieu rural, afin de donner à chaque enfant, où qu'il soit, la même qualité d'éducation.

Ce dispositif, qui vise à anticiper les évolutions, à donner de la visibilité sur les trois ans qui viennent, à répondre aux besoins des territoires et à permettre une meilleure cohérence des politiques publiques en associant pleinement et systématiquement, en amont, les élus locaux aux décisions d'ouverture ou de fermeture de classes, a donc été annoncé à la fin du mois de mars. L'école pourra ainsi, en association avec les collectivités territoriales, renforcer sa contribution à la dynamisation et à l'attractivité des territoires.

Une analyse d'impact de l'application d'une telle mesure à l'ensemble des écoles situées dans des communes relevant des zones de revitalisation rurale, tant les ZRR actuelles que celles qui seront créées à partir de janvier 2024, est en cours. Cette analyse d'impact est au cœur des réflexions que nous menons.

Les écoles sans enseignant, auxquelles vous faites allusion, ne sont évidemment pas ce que nous voulons pour nos enfants dans la ruralité.

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Sido, pour la réplique.

M. Bruno Sido. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, mais vous comprenez bien que la situation est intenable !

La parole du Président de la République doit tout de même peser dans la vie démocratique française. Or, aujourd'hui, l'essentiel des compétences scolaires est passé aux intercommunalités. Alors, est-ce l'intercommunalité qui doit consentir à la fermeture d'une école, ou bien le maire ? Il faudrait clarifier cette situation, parce que ce qu'on voit sur le terrain, ce sont des maires qui refusent ces fermetures et des intercommunalités qui les veulent, pour des raisons d'économies que l'on comprend d'ailleurs bien : le résultat, ce sont des écoles vides !

Le clergé avait bien compris cette méthode ; c'était celle du diocèse de Parténia. On y nommait des évêques qui gênaient. Les papes ont dû y avoir recours trois ou quatre fois. Bien entendu, les évêques en question n'y allaient jamais. Les écoles en milieu rural profond sont en train de se changer en écoles de Parténia. C'est bien dommage.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Je voudrais prendre un engagement devant vous. J'entends que, quand la compétence scolaire est transférée à l'intercommunalité, le président d'intercommunalité est informé d'une éventuelle fermeture, mais il n'en informe pas toujours le maire. Je pense que cela nécessite une clarification, car l'engagement du Président de la République doit être tenu. Je vais donc de ce pas écrire à mon collègue ministre de l'éducation nationale pour lui demander cette clarification, qui pourrait passer par une circulaire aux directeurs académiques des services de l'éducation nationale (Dasen) ou aux recteurs. En tout cas, je m'engage à lui communiquer votre demande.

M. Bruno Sido. Merci !

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Kerrouche. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Éric Kerrouche. Parce qu'elles sont moins densément peuplées, les zones blanches téléphoniques, voire les zones grises, deviennent des zones de relégation numérique qui pénalisent leurs habitants en matière sociale et économique.

À l'heure où de plus en plus de services publics sont dématérialisés, la numérisation des zones blanches constitue l'une des réponses à la disparition des services au public en zone rurale, eu égard surtout à l'utilisation croissante des smartphones. C'est une question d'égalité dans l'accès au numérique, et un levier majeur de l'attractivité économique territoriale.

Pour répondre à cette question, l'État et les opérateurs ont conclu en 2018 un accord dit New Deal mobile. Si le bilan qui en a été dressé par la Cour des comptes au mois de septembre 2021 était globalement positif, l'accord n'a pas permis de répondre à toutes les attentes : des écarts importants persistent entre les territoires, alors que le terme du dispositif de couverture ciblé approche.

Ce dispositif prévoyait le déploiement de 5 000 sites par les opérateurs, dont 2 000 en zones blanches, d'ici à 2027. Au 13 avril 2023, près de 2 200 sites ont été déployés. Beaucoup manquent donc à l'appel, et nombre d'élus soulignent un manque de dialogue sur le terrain.

Si la crise sanitaire peut justifier une partie du décalage, elle n'est pas l'unique facteur explicatif. Des voix appellent donc à un nouveau plan avec les opérateurs, probablement dans la perspective du renouvellement des fréquences. D'autres y sont réticents.

Madame la ministre, qu'entend faire l'État pour que les engagements des opérateurs soient tenus et que la fracture numérique qui condamne les territoires ruraux se résorbe ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Kerrouche, vous avez raison : aujourd'hui, la couverture ne répond pas à toutes les attentes. Oui, la numérisation de beaucoup de services emporte l'absolue nécessité de beaucoup mieux couvrir nos territoires en téléphonie mobile.

Comme vous l'avez rappelé, le New Deal mobile prévoyait un échelonnement annuel des 5 000 sites que chaque opérateur devait prendre à sa charge dans le dispositif de couverture ciblée. Quant aux réalisations, les chiffres dont je dispose ne sont pas tout à fait ceux que vous avez cités, mais je conviens avec vous qu'il faut accélérer. Les territoires ciblés ont connu ces dernières années une amélioration incontestable de leur couverture mobile. Il reste désormais 4 217 zones à couvrir prioritairement, identifiées par les collectivités et par l'État et inscrites dans un arrêté ; déjà 2 344 pylônes ont été mis en service, qui sortent au moins autant de communes des zones blanches.

Cette réussite ne doit pas nous empêcher de porter un regard objectif sur la couverture des territoires. Nous avons tous conscience que le problème des zones blanches pourrait persister à l'issue du New Deal mobile tel que nous le connaissons.

C'est pourquoi mon collègue Jean-Noël Barrot pilote ce sujet du déploiement d'antennes, en collaboration extrêmement étroite avec l'ANCT, et exerce une pression sérieuse et régulière sur les opérateurs pour que leurs engagements soient tenus.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour la réplique.

M. Éric Kerrouche. Personne ne conteste les progrès accomplis au fil du temps. Néanmoins, madame la ministre, vous n'ignorez pas les enjeux qui demeurent, dans certaines zones en particulier : il ne faudrait pas qu'il y ait des relégués de la relégation… Le problème est bien là : les zones qui ne sont toujours pas couvertes sont justement celles qui cumulent le plus de handicaps. Si elles ne sont toujours pas traitées, cela laissera encore une fois prospérer l'idée que certains peuvent recevoir des avantages tandis que d'autres non, et que des territoires peuvent malheureusement rester durablement à l'écart du progrès, oubliés. Or je suis certain que personne ne souhaite cela ici.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Absolument !

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Sautarel. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Sautarel. Aux yeux des citoyens, mais aussi des maires, l'État s'incarne essentiellement dans les administrations avec lesquelles ils sont en relation.

Si l'État n'a pas le monopole des services publics, c'est cependant lui qui fixe le cadre juridique dans lequel les autres personnes publiques en créent, en organisent, en gèrent ou en font gérer.

Aujourd'hui, les services publics, c'est l'école, la santé, la sécurité et la justice, les transports, La Poste, les impôts, le numérique, la téléphonie. Ils n'ont cessé de disparaître de nos territoires, de notre quotidien. Ils sont bien moins présents, en tout cas bien moins visibles, aujourd'hui qu'hier. Le numérique y est pour beaucoup ; l'évolution démographique aussi. Pourtant, en face de cela, le poids de la contribution publique n'a cessé de croître. Bref, nul n'en a pour son argent !

Ma question porte donc sur l'approche territoriale de l'organisation des services publics dont l'État a la responsabilité. Les réponses apportées par les maisons France Services, pour utiles qu'elles soient, même si elles constituent de fait un transfert de compétence vers les collectivités – à ce propos, leur lien avec les secrétaires de mairie devrait être renforcé –, ne sauraient cacher toutes les autres fermetures, tous les autres déménagements.

Combien de déserts médicaux pour l'ouverture d'une maison de santé pluriprofessionnelle (MSP) ? Combien de fermetures de classes ou de trésoreries ? Combien de fractures numériques ?

Si des engagements nouveaux ont été pris par l'État concernant les gendarmeries, le maillage du territoire en matière d'éducation et de santé a, lui aussi, une dimension d'aménagement du territoire, trop ignorée, qui doit s'affranchir des seuls ratios de population.

Comment, madame la ministre, entendez-vous réintroduire cette dimension pour renouer avec un égal accès de tous aux services publics, qui revêt désormais un véritable caractère démocratique ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Sautarel, je veux vous redire à quel point je suis convaincue que l'État doit jouer un rôle dans la délivrance de ces services publics. Mais ceux que vous citez sont de deux natures. Quand vous évoquez les trésoreries, je vous réponds que de tels services peuvent et doivent être assurés par nos maisons France Services ; ce n'est pas le cas des écoles.

Il y a en somme deux familles de services publics : ceux pour lesquels nous sommes persuadés – même si je respecte votre opinion en la matière – que les maisons France Services répondent véritablement à la demande, et les autres.

En matière de téléphonie, on a énormément avancé, mais il reste encore beaucoup à faire.

Concernant la santé, vous trouverez un certain nombre d'actions dans France Ruralités, plan qui devrait être annoncé par la Première ministre dans le mois qui vient. Nous avons encore quatre ans difficiles à passer, en attendant l'arrivée des internes en quatrième année. Je peux simplement vous dire que toutes les initiatives qui marchent dans le domaine de la santé, émanent des territoires, avec le soutien de l'État. Je vous invite sur ce point à consulter le site internet Solutions d'élus. L'État, pour sa part, abonde le financement de ces initiatives, en dépenses tant d'investissement que de fonctionnement. Oui, nous avons fort à faire, mais je voulais profiter de ce que vous m'interrogiez sur ce sujet pour vous dévoiler un pan de France Ruralités.

Sur l'école, je viens de répondre à M. Sido. Nous avons encore du travail à faire avec mon collègue. Nous voulons évaluer les annonces que la Première ministre a faites dans l'objectif de donner de la visibilité sur trois ans aux écoles rurales. On peut encore, peut-être, améliorer l'approche. En tout cas, le sujet de l'école reste prioritaire pour les maires que je rencontre à ce jour. Je me suis engagée à leur apporter une réponse sur leur meilleure information en cas de transfert de la compétence scolaire à l'intercommunalité. Plus largement, nous devons encore travailler avec les élus locaux sur le sujet de l'école dans la ruralité.

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour la réplique.

M. Stéphane Sautarel. Madame la ministre, je vous remercie de ces réponses. Ma question est, en fait, celle de la confiance. Aujourd'hui, elle n'existe plus ou a été distendue. Il importe donc qu'il y ait de vraies réponses, notamment sur les questions de santé et d'éducation : avec la sécurité, ce sont les trois services publics prioritaires. Je vous remercie de l'écoute dont vous faites preuve, et j'espère que nous trouverons dans France Ruralités des réponses aux besoins de nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Christian Redon-Sarrazy. La disparition des divers services publics de proximité, que ce soit par leur fermeture ou par leur dématérialisation, ou encore sous l'effet des mutualisations, n'a fait qu'accroître le sentiment d'abandon des territoires ruraux.

La rupture du maillage territorial, occasionnée par la fermeture de trésoreries, d'antennes de Pôle emploi, de la caisse d'allocations familiales (CAF) ou de l'assurance maladie, pour ne prendre que quelques exemples, accentue les difficultés des habitants et des élus, en les obligeant à rallonger leurs déplacements ou à recourir aux maisons France Services, qui rassemblent souvent services publics, collectivités locales et opérateurs de l'État, sans toutefois avoir le niveau d'expertise de chacun d'entre eux.

Or vous savez comme moi que, pour certains publics, l'isolement géographique peut se doubler d'une exclusion numérique. L'illectronisme est encore très répandu, faute d'une maîtrise suffisante des usages numérique ou en raison d'un défaut d'équipement technique. Les retraités, mais aussi parfois les plus jeunes, ne savent pas toujours surfer correctement sur internet, y remplir une déclaration d'impôts ou consulter leurs remboursements de sécurité sociale en ligne, pas plus qu'ils ne sont systématiquement équipés d'ordinateurs, tablettes ou smartphones dernier cri permettant d'accéder à un certain nombre de sites.

Pour faire face à ce problème, l'État a mis en place en 2020 un dispositif afin de proposer aux 13 millions de Français concernés un accompagnement individuel et une initiation au numérique : je veux parler des conseillers numériques. L'intention était très louable, mais était-elle suffisante ? On a recruté 4 000 conseillers. Très vite s'est posée la question de la pérennité de ce dispositif et, surtout, celle de son financement par les collectivités locales et les associations, qui en sont les principaux employeurs. Étant entendu que l'utilité de ces postes n'est pas à démontrer, la charge supplémentaire que leur maintien va représenter à long terme pour les collectivités, dans un contexte budgétaire contraint, inquiète les élus.

Par ailleurs, le nombre de conseillers numériques étant encore insuffisant pour faire face aux besoins, un déploiement qualitatif, quantitatif et géographique plus ambitieux est attendu. Qui le financera ?

Madame la ministre, nous attendons de votre part un plan ambitieux et, surtout, des projections financières soutenables pour nos collectivités et nos associations, à même de rassurer les acteurs locaux. Pouvez-vous nous les détailler ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Redon-Sarrazy, je vais tenter de vous détailler en deux minutes les éléments dont je dispose.

Sur l'exclusion numérique, vous indiquez que nos concitoyens ne sont pas tous équipés d'un smartphone ou d'une tablette… Certes ! Mais un PC suffit pour échanger, envoyer des mails, consulter des sites internet et accéder à divers services publics.

Dans cette optique, les 4 000 conseillers numériques ont été déployés pour former tous nos concitoyens, comme je l'ai expliqué dans mon propos liminaire.

En matière de téléphonie, fixe comme mobile, nous avons franchi des étapes très importantes : 33 millions de locaux sont désormais raccordables à la fibre, dont plus de 10 millions dans les seules zones d'initiative publique. La dynamique est installée ; nous avions fixé des objectifs ambitieux, et nous y répondons.

Toutefois, il faut faire preuve de prudence. Nous constatons actuellement un fort ralentissement du déploiement de la fibre dans les zones d'initiative privée. Peut-être avez-vous assisté à l'une des étapes du tour de France des régions de l'ANCT. Dans ce cadre, nous avons débattu du sujet, que nous avons saisi à bras-le-corps. Dans ces zones, quelque 10 % des locaux doivent encore être rendus raccordables.

En parallèle, l'appropriation de la fibre par nos concitoyens se poursuit : 17 millions de foyers ont souscrit un abonnement Fiber to the Home (FttH). D'après les dernières données de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), au troisième trimestre 2022, 77 % de foyers et d'entreprises étaient raccordés à la fibre optique, dont près de 6 % par des réseaux filaires en câble coaxial, c'est-à-dire en cuivre. Or il nous reste trois ans avant qu'Orange démantèle le réseau cuivré.

En attendant l'arrivée de la fibre partout, l'État a mis en place, afin de faciliter l'accès à des technologies alternatives, le dispositif "cohésion numérique des territoires", qui est piloté par l'ANCT. Concrètement, le dispositif, pensé comme un levier de cohésion des territoires, doit permettre aux foyers et aux entreprises sans solution de bénéficier d'un accès internet de qualité, grâce à une aide à l'installation et l'équipement pour une solution hertzienne pouvant aller jusqu'à 300 euros.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sylviane Noël. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sylviane Noël. Madame la ministre, comme vous le savez, la présence de services publics de qualité est un facteur majeur d'attractivité des territoires.

En l'espèce, deux catégories de services publics me semblent revêtir une importance toute particulière : les structures d'accueil de jeunes enfants et la couverture médicale. Mais, dans les territoires ruraux, les acteurs éprouvent de réelles difficultés à assurer et à maintenir ces services.

Les structures d'accueil des jeunes enfants fonctionnent bien souvent, en milieu rural, sous forme associative. Or la lourdeur de fonctionnement et le coût du service poussent, tôt ou tard, les associations à en confier la gestion aux communes, ce qui, notamment pour certains petits villages, peut constituer une charge insurmontable.

Alors que les budgets des communes rurales sont déjà sous tension, comment l'État envisage-t-il d'accompagner ces dernières pour reprendre l'activité de telles associations et maintenir ainsi ces services publics de proximité essentiels pour les familles ?

En ce qui concerne le maintien d'une bonne couverture médicale dans les zones rurales, là encore, les exemples de difficultés ne manquent pas. J'appelle particulièrement votre attention sur la modification du calcul des indemnités kilométriques des infirmières libérales qui exercent en zone rurale et de montagne, dans des secteurs éloignés ou difficiles d'accès.

Cette décision, prise par plusieurs caisses primaires d'assurance maladie (CPAM), a des conséquences désastreuses pour les infirmiers libéraux, qui accusent des pertes financières allant jusqu'à 30 %. Dans ces conditions, bon nombre de ces praticiens, découragés, décident de cesser leur activité ou d'aller exercer dans des zones plus densément peuplées.

Il s'agit là d'un coup extrêmement dur en direction des patients vivant en zone rurale ou de montagne et d'une rupture d'égalité criante devant le service public le plus élémentaire : la santé. Comment le Gouvernement envisage-t-il d'y remédier ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Noël, vous évoquez deux axes qui vous paraissent fondamentaux pour l'attractivité de nos territoires ruraux : les structures pour accueillir nos jeunes enfants et l'accès à la santé.

Sur la santé, comme je l'ai déjà indiqué, nous allons connaître trois ou quatre années difficiles, mais France Ruralités devrait – François Braun et moi-même avons travaillé sur la question – rassurer les élus locaux qui souhaitent développer des projets visant à attirer dans leurs territoires des médecins, des internes, des infirmiers ou d'autres professionnels paramédicaux.

Nous agissons au travers des agences régionales de santé (ARS) en investissant et en autorisant des déficits de fonctionnement.

J'ai déjà été interpellée sur le calcul des indemnités. Je m'engage à faire remonter le sujet au ministre de la santé et de la prévention. En effet, nos infirmiers libéraux sont précieux et un remboursement insuffisant de leurs indemnités kilométriques les empêche de travailler dans des conditions satisfaisantes.

En ce qui concerne l'accueil des jeunes enfants, il s'agit, sauf transfert, d'une compétence municipale. Pour que les élus locaux puissent l'exercer, nous investissons également dans ce domaine, par la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), ou encore le fonds vert.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sylviane Noël, pour la réplique.

Mme Sylviane Noël. Pardonnez-moi, madame la ministre, mais votre réponse ne me satisfait absolument pas. Je vous parle d'un problème immédiat, sur lequel je vous alerte depuis la fin de la l'année dernière. En effet, la décision de modifier le mode de calcul des indemnités kilométriques a été prise, notamment dans mon territoire, le département de la Haute-Savoie, au mois de novembre 2022.

Si nous ne faisons rien, nous allons au-devant d'une catastrophe sanitaire. Je vous donne un exemple : un infirmier touche désormais 14 euros pour vingt-quatre visites chez des particuliers, soit 60 centimes en moyenne d'indemnité horokilométrique de montagne. Qui peut se déplacer pour seulement 60 centimes ? (M. Jean-Claude Anglars applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Guillaume Chevrollier. La disparition des services au public, constatée ces dernières années par la plupart des maires des communes rurales, a pour corollaire la dématérialisation croissante des démarches administratives.

Actuellement, près de 99 % des Français vivraient à moins de trente minutes d'une maison France Services et 90 % à moins de vingt minutes. C'est une bonne chose, car cela permet de retrouver, petit à petit, une proximité du service public. Je le constate dans mon département de la Mayenne, avec nos dix-sept espaces France Services, en lien avec les secrétaires de mairie, comme l'ont souligné plusieurs orateurs.

Néanmoins, n'oublions pas que quelque 13 millions de Français sont touchés par l'illectronisme et peinent à faire valoir leurs droits. Dès lors, comment est-il possible d'envisager un accès par voie exclusivement numérique à certains dispositifs, comme le service France Rénov' ?

Nous courrons le risque de rompre l'égalité d'accès des citoyens devant leurs droits. Autrement dit, la formation au numérique est devenue un véritable enjeu si nous voulons respecter notre pacte social en garantissant l'accès de tous aux services publics.

Pour tenter d'y répondre, le Gouvernement a développé la plateforme Aidants Connect, et les maisons France Services proposent un accompagnement numérique pour la réalisation des démarches en ligne. Plusieurs milliers de conseillers ont d'ailleurs été déployés à cet effet ; il faut s'en réjouir.

Toutefois, gardons à l'esprit que l'illectronisme renvoie à des situations d'isolement, de précarité et de mobilité difficile. Ainsi les personnes âgées sont souvent très affectées par la dématérialisation des services au public, car elles n'ont pas les moyens de s'équiper en matériel informatique ou la capacité de se déplacer pour suivre des ateliers de formation. Ces populations se concentrent souvent dans des zones de revitalisation rurale.

Dans ces conditions, plusieurs questions se posent pour que la proximité des services au public soit réellement assurée : des dispositifs ciblés pour les ZRR sont-ils prévus, par exemple avec un déploiement plus important de conseillers numériques ? Quels moyens donner à ces derniers pour répondre à la demande d'assistance d'une population qui ne se déplace pas ? Une aide au financement de matériel informatique est-elle envisagée pour les populations précaires ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Chevrollier, vous avez évoqué l'absolue nécessité de former au numérique dans nos territoires ruraux ; je ne peux qu'approuver vos propos. Vous avez salué l'action du Gouvernement pour ce qui est de la mise en ligne de la plateforme Aidants Connect et du déploiement de conseillers numériques, et vous nous demandez comment aller plus loin, notamment pour ceux de nos concitoyens qui ne peuvent pas se déplacer.

Je suis en mesure de vous dire que le projet de loi sur lequel je travaille comporte des mesures consacrées aux ZRR, notamment une bonification, à partir de janvier 2024, des aides que l'État accorde aux collectivités pour maintenir ou augmenter le nombre de conseillers numériques dans ces territoires ruraux.

J'estime que nous avons, avec Aidants Connect et les conseillers numériques, trouvé le bon outil. Seulement, il doit être associé à la mise en place de navettes, à l'échelle intercommunale ou communale, pour transporter les séniors dans les maisons France Services, où ils trouveront des conseillers numériques.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Belrhiti. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Belrhiti. Lorsque l'on parle de la disparition des services publics dans nos territoires, on oublie trop régulièrement de mentionner une réalité : la fermeture massive de nos trésoreries.

Véritable interlocuteur local de nos concitoyens et de nos collectivités, les trésoreries souffrent des conséquences importantes des réformes intervenues ces dernières années. En Moselle, quasiment la moitié des trésoreries du département ont fermé en dix ans, ce qui s'est accompagné d'une diminution de 50 % des agents des finances publiques.

La disparition brutale de ces interlocuteurs de proximité dans des territoires majoritairement ruraux, comme le mien, a conduit à une situation ubuesque. Nos concitoyens sont contraints à payer leurs impôts, leurs amendes et jusqu'à la cantine de leurs enfants chez le buraliste le plus proche, qui est lui-même en voie d'extinction.

À l'heure où le Gouvernement entend renforcer la lutte contre la fraude fiscale et sociale et annonce à cet effet le recrutement de près de 1 500 agents spécialisés dans l'investigation fiscale, le manque d'agents des finances publiques n'a jamais été aussi criant.

Madame la ministre, la fraude, de quelque nature qu'elle soit, doit être combattue. L'engagement du Gouvernement en la matière, bien que tardif, est louable. Toutefois, il ne doit pas conduire, par les investissements qu'il requiert, à toujours plus abandonner les services fiscaux dans nos territoires.

Les mesures que vous annoncerez dans le prochain projet de loi de finances pour 2024 permettront-elles de remédier à ce problème ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Belrhiti, vous parlez de fermetures "massives" de nos trésoreries. Comme vous avez pu le constater, je connais bien le sujet pour ce qui concerne les Hautes-Pyrénées, mais c'est un peu un peu moins le cas s'agissant de la Moselle. Aussi, je vous suggère que nous échangions sur la question.

J'ai réalisé soixante-six déplacements, dont 80 % dans des territoires ruraux, et je ne constate pas de fermeture "massive" des trésoreries ces dernières années ; cela a peut-être été le cas au cours des quarante dernières années, mais moins aujourd'hui.

J'ai travaillé sur deux ou trois fermetures de trésoreries, pas seulement celle des Hautes-Pyrénées. Il faut que vous ayez conscience, compte tenu de la forte décroissance de la population, liée à la déprise démographique et à la perte d'attractivité des villes moyennes plutôt que de la ruralité profonde, le nombre de citoyens qui se rendent dans les trésoreries diminue très fortement.

Pour peu qu'une maison France Services, qui offre le même service, se trouve plus près de chez eux que la trésorerie, les habitants s'y rendent.

Pour nos maires et nos élus locaux, chaque fermeture de trésorerie est compensée par la mise à la disposition d'un conseiller financier qui se rend dans les communes à leur demande. Si ce n'est pas le cas dans votre département, je vous invite à me le signaler, et j'appellerai le directeur régional des finances publiques (DRFiP) et le directeur départemental des finances publiques (DDFiP).

J'ai bien compris que nous divergions avec votre collègue s'agissant des Hautes-Pyrénées ; peut-être divergerons-nous également s'agissant de la Moselle.

Quoi qu'il en soit, la baisse du nombre d'agents est liée à la déprise démographique et au fait que de plus en plus de gens payent leurs impôts par la voie numérique. Oui, il reste des personnes qui souhaitent payer physiquement, mais nous ne les abandonnons pas au bord du chemin.

Je vous propose donc d'échanger à propos de la Moselle quand vous le souhaitez.


Source https://www.senat.fr, le 8 juin 2023